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Mystery Jets

Interview publiée par Fab le 13 septembre 2006

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Pas si mystérieux que ça les Mystery Jets ! C'est en effet dans un français quasi-parfait que Blaine Harrison et Kai Fish se sont présentés à nous lors de leur récent passage au Furia Sound Festival... en attendant leur premier concert en tête d'affiche à la Maroquinerie de Paris la semaine prochaine.

Malgré votre jeune âge, l'histoire du groupe semble assez ancienne. Vous pouvez m'en dire un peu plus sur Mystery Jets ?

Kai : A la base, tout a commencé il y a environ dix ou onze ans. Blaine était à l'école primaire avec Will et ils ont commencé à jouer de la musique avec Henry. Je les ai rencontrés à l'âge de douze ans et on a fini par trouver notre batteur définitif, Kapil, il y a quatre ou cinq années.
Blaine : A nos débuts je chantais et j'étais à la batterie, mais ce n'était pas facile pour moi... Avec l'arrivée de Kapil on a commencé à jouer de manière plus électrique, comme un vrai groupe. Et dès la fin de nos études on est partis en tournée !
Kai : C'était vraiment une petite tournée. On jouait un peu partout, dans des pubs ou des salles peu connues, juste pour donner des concerts.
Blaine : Et personne ne venait nous voir ! On a continué à jouer dans ce genre de lieux durant une année, en donnant deux ou trois concerts chaque mois. Ce n’était pas facile parce que personne ne semblait nous remarquer ou s'intéresser à nous. Les premiers à nous avoir vraiment fait confiance, c'est Bloc Party. Ils aimaient notre musique et ils nous ont pris pour leur tournée, c'était vraiment génial.
Blaine : Après avoir passé deux ans à se produire dans des salles miteuses, c'était un sacré changement ! Par la suite on a aussi joué avec British Sea Power, les Secret Machines, les Futureheads...

Ce n'était pas trop stressant d'assurer les premières parties de groupes comme Bloc Party en Angleterre ?

Blaine : Ce n'est pas toujours très facile parce que tu joues devant dans une salle presque vide. Les gens discutent, boivent des bières, mais personne ou presque n'écoute ta musique. Il faut souvent jouer cinq ou six chansons avant d'obtenir une réaction ou un soutien, sinon les gens se désintéressent vite.
Kai : D'un autre côté, quand tu n'es que la première partie, c'est plus facile car tu n'as pas de pression. Que tu sois bon ou mauvais n'aura pas une grande importance pour le public. Quand on joue en tête d'affiche on ne peut pas se permettre de faire des erreurs ou de jouer n'importe comment. C'est en partie pour ça qu'on a tenté d'impressionner les gens lors des tournées avec Bloc Party et les Futureheads, pour qu'ils se souviennent de nous d'une bonne façon.

Vous avez donc énormément joué en Angleterre, mais assez peu en France alors que c'est un pays un peu particulier pour vous. Je suppose que vous aimeriez rattraper ça dans le futur ?

Kai : Bien sûr qu'on aimerait jouer en France un peu plus ! Ca dépend aussi de notre manager et notre tourneur, mais le choix final nous revient et si on nous propose quelque chose dans ce pays on viendra jouer avec plaisir. Peut-être qu'on partira bientôt en tournée en Europe aussi...

Pour en revenir à votre nom, Mystery Jets... le Mystery est peut-être en rapport avec le peu d'informations que vous laissez filtrer sur vous, mais pourquoi le Jets ?

Henry : L'idée des Mystery Jets est de moi. J'ai vécu durant un bon moment dans une ville près d'un aéroport, et toutes les quatre ou cinq minutes un avion survolait ma maison. Un journaliste a décidé d'écrire un article sur ces nuisances sonores, et il qualifiait les avions qu'on ne pouvait pas voir dans le ciel de « mistery jets ». Personne ne les voyait, il n'y avait que du bruit.
Blaine : J'ai vécu durant plus de trois ans en Dordogne, et quand je suis revenu en Angleterre, mon orthographe anglaise n'était pas très bonne et j'ai fait l'erreur d'écrire Mistery avec deux y... et tout le monde a trouvé l'idée géniale !

Votre grande particularité, et je ne connais pas d'autres artistes connus dans ce cas, c'est d'avoir à la fois le père et le fils comme musiciens au sein du groupe...

Blaine : Complètement, et tout est venu très naturellement. Mon père écoutait beaucoup de rock quand il était jeune, et durant mon enfance il m'a initié à la plupart de ses groupes favoris. J'ai appris la guitare avec lui, comme le font beaucoup d'autres enfants avec leur père, mais je n'ai jamais coupé cette "connexion" avec lui durant mon adolescence. C'est très particulier.

Ce n'est pas un peu frustrant de l'avoir toujours à tes cotés ? Ca ne t'empêche pas de faire la fête ou de boire ?

Blaine : Non pas du tout...
Kai : Henry est le premier à boire le soir ! (rires)

Ca doit être un gros changement dans sa vie de s'investir dans un groupe de rock à son âge...

Kai : Il a déjà joué dans des groupes quand il était jeune je crois, vers 17 ou 18 ans, mais rien d'aussi sérieux que les Mystery Jets. Le fait de partager sa passion avec Blaine puis avec nous lui a donné envie de s'investir à nouveau dans le monde de la musique.

Son apport au groupe doit être très différent du votre ? Je veux dire, ses influences, ses goûts... beaucoup de choses doivent vous différencier ?

Blaine : C'est vrai qu'on a tous des goûts différents, surtout Henry d'ailleurs. Cette diversité est un de nos points forts.

Quels sont les groupes qui vous ont poussé à vous investir dans la musique ?

Blaine : Quand j'étais plus jeune, Pink Floyd. C'est vraiment le groupe qui a marqué mon enfance.
Kai : King Crimson aussi...
Blaine : C'est un des premiers groupes à avoir utilisé le mellotron dans les années 60. C'est un instrument un peu particulier, comme un clavier, mais qui permet de jouer des sons très différents, du violon ou autre chose... comme des samples en quelque sorte. C'est l'instrument typique du rock progressif selon moi. King Crimson a été un des premiers groupes à oser les mélanges, comme le hard rock avec le rock « classique », et c'est cet état d'esprit qu'on a voulu recréer avec Mystery Jets. Ces diverses influences et toutes les variations dans notre musique posent souvent problème aux journalistes pour nous cataloguer, nous n'entrons pas dans les cases habituelles.

Vous me parlez de votre diversité musicale, mais est-ce que vous avez déjà envisagé d'écrire une chanson en français par exemple ?

Blaine : On y a déjà pensé mais... Je ne sais pas, c'est très difficile d'écrire en français d'une manière appropriée.
Kai : On aurait pu le faire, mais je crois que le résultat aurait été un peu trop mielleux et même mauvais. Je n'aime pas trop les chants en français dans le rock...
Blaine : Je suis un grand fan de Serge Gainsbourg, c'est un de mes artistes préférés, un vrai génie. J'aime la manière dont il s'exprime en français, il sait parfaitement comment utiliser la langue. C'est un poète.
Kai : Il ne copie rien, il ne cherche pas à recréer ce qui a été fait dans d'autres pays. Il fait son truc avec un vrai romantisme et c'est tout. C'est typiquement français selon moi... je pense aussi à d'autres artistes comme Tryo ou Manu Chao, mais ils ne lui arrivent pas à la cheville, leur style est vraiment trop simple et basique.

Quels sont les autres artistes français qui vous ont marqué ?

Kai : Yann Tiersen ! Il a un style unique... Tu peux écouter une bande originale de film et le reconnaître immédiatement. Il crée des ambiances, un vrai style propre...
Blaine : Sebastien Tellier est vraiment très bon aussi, j'adore sa chanson La Ritournelle. Il joue sur les séquences avec des boucles de guitare et d'autres instruments. J'aime son coté psychédélique.

Ce psychédélisme, même s'il n'est pas forcément mis en avant, est très présent dans toutes vos chansons. A quel moment savez-vous lorsqu'une chanson est suffisamment travaillée pour être considérée comme terminée ?

Kai : C'est souvent compliqué d'avoir le même avis tous les cinq sur une chanson ! Il y a toujours quelque chose à changer, à améliorer... des hésitations, des discussions, des disputes. Il faut que tout le monde y trouve son compte.
Blaine : C'est très variable, parfois l'enregistrement d'une chanson va prendre quelques jours alors que pour une autre ce sera des mois ! Zoo Time, par exemple, est la première chanson écrite et enregistrée par le groupe au complet, et depuis deux ou trois ans on cherche à composer un titre équivalent sans obtenir de résultat satisfaisant. C'est difficile parce que c'est sans doute notre morceau le plus rock avec un coté tribal. On aimerait pouvoir créer quelque chose de similaire mais c'est compliqué.

Quel est votre rythme de travail ? Vous avez déjà préparé quelques nouvelles chansons depuis la sortie de Making Dens ?

Blaine : Deux ou trois tout au plus. Je ne pense qu'elles seront sur notre prochain album, plutôt sur un EP ou en bsides sur notre prochain single. On écrit tout le temps de nouveaux titres, mais c'est un processus qui nous prend beaucoup de temps si on veut que le résultat soit bon. Chacun prépare ses idées de son coté et quand nous avons le temps d’aller en studio nous travaillons ça tous ensemble.

La chanson Inside Four Walls que vous aviez utilisée en double face-A avec You Can’t Fool Me Dennis est issu de ce genre de sessions ?

Blaine : C'est une chanson que Kai a écrite il y a deux ans. On aurait vraiment aimé pouvoir l'enregistrer plus tôt mais le temps nous a manqué et elle a donc été terminée seulement cette année.
Kai : Le temps, toujours le temps... Son enregistrement a été très rapide car on ne pouvait pas passer plus de trois ou quatre jours en studio pour répéter, et pourtant on a réussi à la répéter et la terminer !

Est-ce qu'on peut voir cette chanson comme un avant-goût de votre future évolution ?

Blaine : C'est un titre différent, je ne saurais pas le décrire. Notre musique est tellement variée qu'on ne sait pas quelle direction on va suivre. C'est vraiment une question de feeling, chaque chanson est unique.

Après cette double face-A vous venez de sortir une nouvelle version de Diamonds In The Dark...

Blaine : C'est notre dernier single de l'album mais la version du disque ne nous convenait pas. On a voulu changer quelques éléments pour l'améliorer, certains passages étaient trop longs. On a eu la chance de pouvoir travailler avec Stephen Street... il a collaboré avec Blur ou les Kaiser Chiefs dans le passé et c'était un peu un héros à nos yeux.

Vos récents singles comprenaient quelques remixes, ça vout plait de collaborer avec d'autres artistes de cette façon ?

Blaine : En fait on a remarqué que beaucoup de groupes se faisaient remixer, et on a voulu essayer également. GoodBooks ont retravaillé une de nos chanson et on a fait de même pour eux... on a aussi remixé des chansons des Futureheads, Bloc Party. On aime beaucoup ce que font Justice aussi, et on devrait aussi bientôt avoir l'occasion de rencontrer Erol Alkan pour ce genre de choses.

Vous semblez très intéressés par la musique électronique, ça vous plairait d'en ajouter une touche supplémentaire sur vos chansons ?

Kai : Oui ! Je suis certain que notre second album en contiendra beaucoup plus que Making Dens. C'est vraiment un domaine qui nous intéresse et je pense que les gens ressentiront vraiment cette influence. Je ne dis pas qu'on fera un album électronique, mais il y aura plus de samples et de claviers.
Blaine : Et on va virer Kapil pour utiliser une boîte à rythmes ! (rires)

Blaine, lorsque tu es sur scène, tu disposes d'une sorte de « bureau » avec de nombreux instruments plus ou moins différents. Comment as-tu constitué cette sorte de collection ?

Blaine : D'une certaine façon, je crois que c'est lié à l'album. On a utilisé beaucoup d'instruments durant son enregistrement et parfois c'est assez compliqué de recréer certains sons en live. La base de notre musique est classique, guitare-basse-batterie, mais parfois il faut ajouter un petit truc en plus aux chansons et c'est là que j'interviens avec mon clavier, des percussions ou autre chose. C'est comme ça que j'ai créé ma collection d'instruments. C'est parfois un peu pénible de devoir transporter tout ça lors des tournées, mais on en a vraiment besoin... et puis notre ingé son nous aide beaucoup. Il travaille aussi avec Primal Scream, c'est quelqu'un de très compétent.

Est-ce que vous avez une préférence entre le fait de jouer vos chansons en studio ou scène devant votre public ? Ce doit être très différent...

Kai : On adore ces deux choses. Après un concert tu discutes de ta performance, des chansons que les gens ont aimé, de ce qui n'était pas très bon, de la réaction du public... En studio ce n'est pas vraiment le fait de jouer qui importe mais le travail au sens propre. Le fait de composer, de s'améliorer, de tester nos nouvelles chansons.

Je crois que durant toute une période vous avez distribué un journal « fait maison » à vos concerts, vous pouvez m'en dire un peu plus ?

Kai : On va en faire un nouveau dans quelques semaines !
Blaine : Au début ce n'était qu'une façon pour nous de se présenter aux gens qui ne nous connaissaient pas. Ce journal rassemble des idées venant de notre petit monde, des histoires, des anecdotes, ce qu'on aime... tous les visuels tirés de nos chansons étaient présentés. On a été plus moins forcés d'arrêter de le produire par manque de temps.

Pour terminer, est-ce que vous pouvez me dire tous les deux ce que la France représente pour vous ? Je sais que vous y avez vécu quelques années durant votre enfance et ce doit être assez particulier d'y revenir pour jouer...

Blaine : C'est un pays différent des autres pour nous. Kai a passé toute son enfance dans des écoles françaises, et moi j'ai vécu durant quelques années en Dordogne. On revient souvent voir de la famille ou nos amis ici à Noël, et je crois que la majorité des chansons de Making Dens ont été écrites en France. On a aussi enregistré toutes nos démos dans le sud. On a beaucoup de bons souvenirs ici !