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James Yorkston

Interview publiée par Valy le 5 octobre 2006

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Avec ou sans des Athletes, James Yorkston demeure l'un des songwriters écossais les plus attachant de sa génération. Ce que son nouvel album, The Year Of The Leopard, ne fait que confirmer...

The Athletes ne sont pas mentionnés dans l'intitulé de ce nouvel album : pourquoi ?

Parce que Domino pensait que ça serait moins vendeur. « James Yorkston and the Athletes », c'était trop complexe à comprendre pour les gens, selon eux. Ils pensaient que se concentrer sur « James Yorkston » serait plus lisible pour le public et les médias. Et puis c'est vrai que je me suis davantage personnellement investi sur ce disque que sur les précédents, même si le groupe participe toujours. Quand la maison de disques leur a expliqué que l’album sortirait sous ce nom, ils ont simplement demandé s'ils seraient toujours crédités (et payés !), ce qui est le cas, ils n'y ont donc vu absolument aucun inconvénient. Ca leur va très bien, après tout je fais le plus gros du travail. Ce n'est que du marketing après tout, ce n’est pas la fin du monde...

Tu as donc cette fois-ci vraiment travaillé davantage en solo que pour le dernier album...

Oui, le précédent album, je l'ai écrit puis nous avons répété avec le groupe pendant environ six mois, nous avons tourné, et enfin nous avons enregistré l'album avant de le jouer en tournée. Et donc nous avons passé énormément de temps ensemble : à la fin je ne voulais plus les voir ! Bon enfin j'ai fini par travailler sur les nouvelles chansons vraiment tout seul, comme ça venait, et tout naturellement quand je leur ai demandé si ils voulaient venir jouer dessus, ils m'ont dit « bien sûr, pas de problème ! ». Ce sont de tellement bons musiciens, c'est un choix évident d'aller vers eux.

Comment les avais-tu recrutés d'ailleurs ?

Je jouais dans un groupe pourri qui portait le nom pourri de Huckleberries, et Reuben y jouait de l'accordéon. Ensuite, notre batteur est parti à Londres pour devenir une star. Mais ce n'est jamais arrivé ! Et quand il est parti, il nous a recommandé un batteur, c'était Faisal. Parfait ! Il est très léger, il n'est pas du genre à « foncer pas dans le tas ». Une bonne chanson peut être rapidement gâchée par un batteur lourdingue ! On a de la chance d'avoir Faisal. Quant à Doogie, nous fréquentions le même pub, tout simplement. Chaque fois que j'allais dans ce pub, il s'y trouvait. Je me suis dit que ce garçon buvait sans doute un peu trop, mais quand je suis allé lui parler, il m'a expliqué qu’il se disait la même chose à mon sujet... enfin voilà comment on forme un très bon groupe !

The Year Of Leopard a été produit par Paul Webb (aka Rustin Man, ex-membre de Talk Talk), de vous deux qui est allé voir l’autre pour travailler avec lui?

Domino m'a demandé si j'avais une idée de qui je voulais avoir comme producteur, et je ne savais pas. Ils m'ont présenté plusieurs personnes, mais ça ne collait pas. C'était horrible... enfin non, pas horrible, mais pas pour moi. Domino m'a ainsi recommandé d'acheter l'album solo de Beth Gibbons avec Rustin Man, ce que j’ai fait, et j'ai trouvé que c'était tout simplement parfait. Ca sonne « vieux », mais sans avoir l'air d'être du réchauffé, c'est frais mais pas trop clinquant, et je tiens beaucoup à ça, que ça sonne naturel. J’ai senti que ce mec avait la même attitude que moi par rapport au son. Domino m'a mis en relation avec lui, je lui ai envoyé les démos et nous avons travaillées ensemble.

Alors : Beth Gibbons ou Talk Talk ?

Hmmm ni l'un ni l'autre à vrai dire. Je connais le premier album de Portishead, mais je ne suis pas grand fan, quant à Talk Talk je n'y connais rien. Donc la seule chose que j’ai vraiment c'est Out of Season qu'ils ont fait ensemble !

Puisqu'on parle de ceux qui t'ont produit, peux-tu revenir sur le travail de Simon Raymonde pour toi ?

Sur le premier album, il a apporté une magie très onirique, il utilise pas mal de reverbs. C'est un mec adorable, j’en garde un très bon souvenir.

Tu as aussi travaillé avec Four Tet...

Oui, il a produit Just Beyond The River.

...c'est plutôt surprenant de vous voir travailler ensemble, il vient de l'electro, un autre univers musical...

Oui mais il fait plein de choses très différentes. C'est un amoureux de musique qui ne veut pas être vu comme « Four Tet, le mec qui fait de l'electro », mais comme un type qui touche à toutes sortes de musiques. Du coup pas mal de gens ont même été surpris de ne pas trouver d'éléments électro dans notre album !

Il semblerait que tu as beaucoup travaillé dans la spontanéité sur le nouvel album, tu peux nous parler du processus d'écriture ?

Je me suis donné une bonne année pour faire ce disque, je ne voulais ressentir aucune pression. J'en ai aussi profité pour donner des concerts, tourner un peu. Je voulais prendre le temps d'écrire les chansons quand elles viendraient à moi de manière spontanée, sans avoir à lutter. Je ne voulais pas entrer dans une approche du genre : « OK, j'ai une semaine pour enregistrer cet album, il me reste trois chansons à écrire », m'asseoir et me prendre la tête dessus pour finir par sortir quelque chose qui n'a pas de sens. Je voulais que tout soit neuf, que ça sorte naturellement, et j'espère que ça se ressent sur l'album, que ça ne sonne pas comme un effort mais quelque chose qui vient facilement. Brussels Rambler par exemple : j'ai écrit la musique et les paroles une après-midi, j'ai enregistré une prise, et c'est celle qui se trouve sur le disque. En fait, quelqu'un avait laissé une boîte à rythme dans le studio, je suis parti de là sans réfléchir à ce que j'étais en train de faire. J'ai ajouté les autres pistes ensuite. J'avais la musique, et pour les paroles, j'ai ouvert mon petit carnet de notes, et elles étaient là, ça collait. Et pour moi cette chanson est vraiment une des meilleures choses que j'ai faites : c'est subtile, ça sonne bien, les paroles bien écrites, j'en suis très content.

Je crois que tu as ainsi gardé les démos originales pour certaines chansons de The Year of the Leopard ?

Oui, pour Summer Song, Orgiva Song, Brussels Rambler et Woozy with Cider. Mais on a ensuite ajouté en studio la double-basse, les cordes. Brussels Rambler, c'est juste la démo remixée. Le travail de la production n'est pas forcément de réenregistrer les morceaux. Si la démo est meilleure, alors il faut la garder.

Ce choix de garder certaines démos était prémédité avec Paul Webb, ou c'est venu naturellement pendant l’enregistrement ?

L'idée était d'enregistrer ces chansons, et, s'il le fallait, on les referait... mais j'étais tellement content des démos, je n'avais pas envie de les entendre autrement, je les aime comme elles sont.

The Year of the Leopard est peut-être celui de tes albums qui sonne le plus optimiste, est-ce que cet esprit est dû aux conditions dans lesquelles il a été fait tu crois ?

Pour moi en tout cas c'est clair que c'est très optimiste oui. Le premier album, c'est plus celui d'un groupe, j'étais jeune quand je l'ai écrit et ma voix est un peu plus douce aujourd'hui. Les chansons étaient plus classiques, aujourd'hui j'expérimente plus. Le deuxième était le plus sombre.

Tu es fan de quelques artistes français parait-il ?

Oui, Jacques Brel, Georges Brassens, Barbara, Léo Ferré. Surtout Jacques Brel et Léo Ferré. J'ai commencé à écouter Brel quand j'avais 17 ans, une fille m'avait donné une cassette, je suis tombé sous le choc. Depuis, sa musique est toujours restée présente dans ma vie. Je collectionne ses vieux vinyles. Léo Ferré, c'est un ami français qui me l'a recommandé. Il m'a dit que si j'aimais Brel, j'aimerais Ferré. Je suis allé chez un disquaire, j'ai cherché Ferré, j'ai écouté un disque et je me suis dit « Mais c'est horrible, c'est pourri ! ». Mon ami m'a expliqué ensuite que j'avais entre les mains un disque de Nino Ferrer. Finalement j'ai acheté un de ses albums des années 70 (à Ferré), je trouvais ça pas mal, mais quand j'ai entendu ses toutes premières chansons au piano, je suis carrément tombé à la renverse. Ca m'a rappelé certains Johnny Cash. De très bonnes et simples chansons populaires. C'est authentique.

Ces auteurs ont-ils une lourde influence sur ta propre musique ?

Dans l'atmosphère, le fait de ne pas faire de compromis, oui. Les premières œuvres de Léo Ferré sont vraiment importantes pour moi, c'est très fort. J'aime son esprit, c'est puissant et en même temps c'est parfois hilarant !

Connaissant votre passion pour certains de nos artistes, en entendant les paroles parlées sur Woozy by Cider, j’ai pensé à Gainsbourg, qui fût l'un des premiers chez nous à s'exprimer ainsi en musique...

Je n'y avais pas pensé non. J'aime bien Gainsbourg, mais je suis moins fan. Je préfère ses premières années, la dernière décennie me plait moins, par exemple. Non, en écrivant cette chanson j'ai en fait pensé à ma mère. J'ai six frères et sœurs et ma mère nous racontait des histoires avant de dormir. J'ai essayé de reproduire sa façon de lire des histoires pour dormir. J'espère quand même ne pas endormir mon public !

Non, non, au contraire... Sinon, j'ai entendu que tu jouais de la clarinette sur ce dernier album ? C'est la première fois que tu t'y mets vraiment ?

Sur le premier album, j'en jouais pour une chanson, et puis Holly s'en est occupé, en plus de l'harmonica. Sur celui-ci comme je jouais d'abord les démos tout seul et que j'avais une clarinette sous la main, j'en ai ajouté comme ça, même si je ne joue pas très bien. En les écoutant, Holly a trouvé qu’il n'y avait pas de place pour de son harmonica, et puis elle venait d'avoir son deuxième enfant, alors ça ne l'a pas angoissée de ne pas apparaître sur le disque. Du coup, il y a beaucoup de clarinette. Et puis j'aborde plusieurs styles sur cet album, Steady as she Goes est une chanson pop... et quelque part la clarinette lie le tout ensemble.

Rappelle-moi les instruments dont tu joues sur cet album ?

Guitare, banjo, violon, harmonica, mandoline, piano, guitare électrique... tout un tas de trucs. Evidemment je ne sais pas jouer de tous ces instruments avec génie, mais ça peut avoir du bon. Quand on n'a que trois à notes à jouer, qu'on n'est pas particulièrement doué pour ça mais qu'on sait exactement l'effet qu’on veut donner, on s'applique à fond pour ces trois petites notes, alors que finalement parfois, en étant sûr de soi et en étant capable de jouer comme une bête, on peut carrément se planter. Mais je suis ravi de jouer du violon, même si je ne sais pas vraiment en jouer ! Quand ces instruments sont bien joués sur cet albums, ils le sont par d'autres, et quand c'est joué de travers : c'est moi, haha ! Ce n'est pas si mal, de pouvoir tout garder...