logo SOV

Just Jack

Interview publiée par Fab le 14 juillet 2009

Bookmark and Share
Après avoir connu un succès retentissant avec Overtones, c'est un All Night Cinemas des plus attendus que Just Jack a publié le mois dernier. Tout aussi ouvert au niveau de ses textes que de sa musique, l'anglais nous présente un album en lequel tous ses espoirs sont placés...

Tu as pris du recul pendant un long moment après le succès rencontré par ton précédent disque. Peux-tu m'en dire plus sur cette période ?

Après que l'album soit sorti, j'ai donc consacré l'intégralité de 2007 à des tournées puis j'ai commencé à écrire tranquillement de nouvelles chansons au début de l'année suivante. Cette période n'a pas été facile à vivre car le processus était très lent et frustrant pour moi au départ. Je n'étais pas sûr de l'orientation que je souhaitais donner à la musique, j'ai donc beaucoup tatonné et ce n'est que douze mois plus tard que l'enregistrement de l'album a vraiment commencé.

Comment expliques-tu que tu aies eu besoin d'autant de temps pour ficeler ce disque ?

Le plus compliqué pour moi était de choisir les sujets dont les textes des chansons devaient traiter, c'était un véritable challenge. La musique vient dans un second temps et s'adapte aux paroles, mais il faut bien évidemment savoir de quoi parler avant toute chose. J'ai beaucoup travaillé sur ce point pour ne pas me répéter mais aussi pour choisir des thèmes vraiment importants pour moi. Je ne suis capable de travailler sur des chansons en lesquelles je ne crois pas réellement.

Avec l'expérience que tu avais acquise pour tes deux premiers albums, est-ce que celui-ci n'aurait pourtant pas dû être plus simple à composer ?

Tous les albums sont indépendants et la manière dont je les écris ne tient pas compte de ce paramètre. Ma maison de disques avait choisi de me laisser travailler librement, la seule pression sur mes épaules était donc celle que je m'imposais pour être meilleur... comme la plupart des artistes selon moi. Je réalise qu'en vieillissant mon approche est peut-être moins passionnée qu'elle ne l'était il y a quelques années. Je ne veux plus simplement parler de ma vie, de mes relations ou des beuveries en soirée, je cherche désormais à être plus réfléchi et à proposer des choses plus profondes. Mon regard sur le monde a changé et il m'a fallu un peu de temps pour accepter le fait que j'avais vieilli.

Après le succès rencontré par Overtones, sentais-tu également de nouvelles attentes de la part du public ou de ton entourage ?

Je n'y pense pas, tout comme je ne me concentre pas sur le fait de vendre ou non beaucoup d'albums. La seule chose qui m'intéresse, c'est de proposer de la bonne musique. Je pense que tout est lié en réalité : si je parviens à enregistrer un album de qualité, je serais forcément heureux et cet état d'esprit va rejaillir sur mon entourage. J'ai la chance de pouvoir vivre de ma musique désormais, ce que je n'avais jamais réellement envisagé lorsque j'étais plus jeune, alors je cherche à profiter de mon statut actuel pour être bien dans ma peau. Qu'un disque soit bon ou non, il est de toute manière de plus en plus compliqué de bien le vendre à l'heure actuelle, alors je préfère ne pas avoir ce genre de considération lorsque je compose. Ma principale récompense est au final d'avoir la possibilité de partir en tournée pour jouer mes chansons face au public.

A-t-il toujours été évident à tes yeux que ta réussite passerait par une carrière en solo plutôt qu'au sein d'un groupe ?

Lorsque j'ai commencé à écrire des chansons, je ne connaissais pas le moindre musicien. Je crois même que personne autour de moi n'avait de réelles connaissances dans ce milieu, j'étais donc bien loin d'imaginer jouer dans un quelconque groupe ! C'est moi qui ait donné l'envie à certains amis de jouer de la musique, ce qui nous a ensuite permis d'apprendre ensemble et de nous prêter des instruments par exemple. Il m'arrive maintenant de jouer en groupe avec des connaissances mais uniquement pour le plaisir. Je préfère conserver l'aspect sérieux des choses sous le nom de Just Jack pour conserver un contrôle total sur mes faits et gestes.

Tu as sorti il y a quelques semaines le premier single extrait de ton nouvel album, Embers. Est-ce selon toi un titre représentatif de ce que tu as cherché à créer durant tes mois de travail ?

Oui... mais l'album ne peut se résumer à une seule chanson. J'ai toujours cherché à construire quelque chose de varié et complexe et je pense qu'aucun des singles que j'ai publiés jusqu'à maintenant ne peut synthétiser à lui seule le disque dont il est tiré. Plus que ma musique, chaque chanson peut représenter mon était d'esprit à un moment donné et comment j'ai voulu faire certaines choses.

La diversité de tes disques est l'une de tes marques de fabrique, peux-tu me dire quelle est ta perception de celle-ci ?

Je cherche avant tout à reproduire les émotions et à les faire ressentir aux personnes qui écoutent ma musique. Je pense que c'est un but commun à beaucoup de musiciens. J'aime déclencher des émotions qui ne sont pas évidentes au premier abord tout en proposant une grande variété de choix. La mélancolie joue un rôle important dans mes chansons, mais c'est plus généralement la vie dans sa globalité qui m'inspire.

De quelle manière penses-tu être parvenu à rendre ce nouvel album différent des précédents ?

Je pense avoir acquis une grande expérience de la scène après la sortie de mon second album et mon approche de l'écriture a beaucoup évolué pour cette raison. Lorsque je suis en studio je tente désormais de prendre en compte le rendu live des nouvelles chansons avant même de les avoir jouées devant un public. Désormais la plupart de mes musiciens m'accompagnent aussi en studio, ce qui n'était pas le cas jusqu'à maintenant. Certaine des chansons d'Overtones me semblaient trop légères avec du recul, j'ai donc évité de faire la même erreur cette fois-ci. Creuser mes idées, exploiter les possibilités jusqu'au bout... réussir à m'ouvrir totalement.

Doit-on en déduire que ce disque est l'oeuvre d'un ensemble de personnes et pas uniquement de toi ?

La moitié des chansons ont été co-écrites, c'est donc à moitié vrai ! Je n'ai pas travaillé avec une seule personne mais avec un ensemble de collaborateurs. Certains de mes musiciens ont été impliqués tout comme des amis. J'ai appris à partager les tâches mais il ne faut pas non plus percevoir All Night Cinemas comme une compilation de duos, j'ai toujours conservé la direction des événements et des idées. Le travail à deux n'était jamais programmé, la spontanéité des envies ou des rencontres dictait mes actes.

Les nouvelles chansons doivent donc te sembler plus simple à jouer dans des conditions live désormais ?

Je ne suis pas certain qu'il existe une vraie règle sur ce point. Certaines anciennes chansons ont toujours été plus dures à jouer en concert que d'autres et je crois que c'est encore le cas avec cet album. Un disque est figé à partir d'un moment donné mais les tournées permettent aux chansons d'être en mouvement perpétuel et d'évoluer en conséquence. L'apport des musiciens est crucial à un moment donné et il existe une différence importante entre un groupe d'amis et un groupe constitué de personnes que tu as recrutées et que tu payes pour jouer avec toi. Je prends plus de plaisir à travailler avec des personnes qui sont devenues des amis au fil du temps.

Ton nouvel album semble plus ouvert que les précédents. Certaines chansons semblent personnelles mais d'autres ont des tempos plus rapides...

Le tempo et les paroles sont souvent liées. La plupart de mes nouvelles chansons traitent de personnages qui m'ont inspirés et autours desquels j'écris des histoires. Ce sont les sujets qui me poussent à la réflexion que je préfère, ils m'occupent l'esprit durant de longues périodes. Un des titres s'articule autour d'une personne qui m'a fait beaucoup de mal mais que je n'ai pas arrêté d'aimer, une autre d'un homme qui fait certains choix dans sa vie. D'une manière générale, la vie ne s'arrête jamais malgré ce que certaines personnes peuvent faire. Je n'ai par exemple jamais réussi à comprendre pourquoi une femme victime de violences domestiques répétées peut décider de rester avec l'homme qui la bat.
Quand j'étais plus jeune, je voyais les choses en noir ou en blanc mais en vieillissant j'ai compris qu'il existe aussi des nuances de gris. Un certain processus de réflexion s'est mis en place dans mon esprit et je sais maintenant qu'il n'est jamais possible de juger quelqu'un sur ses actes, la réalité est beaucoup plus complexe qu'elle n'y paraît en général.

Es-tu d'accord pour dire que tes chansons sont plus simplement inspirées de la vie ?

Je crois oui... Mon père est toujours à la recherche de vérités absolues et il me répète souvent qu'en écrivant une histoire il est aussi possible de faire passer un message plus complexe, il faut être capable de trouver une signification plus profonde à de simples anecdotes. Dans la chanson Goth In The Disco je parle du fait d'être un outsider et de tout ce que cela peut impliquer. C'est une position qui m'a toujours intéressée, peut-être parce que c'est ainsi que je me perçois encore aujourd'hui au milieu des autres groupes et artistes.

Tu as co-produit ce nouvel album, est-ce un aspect de la musique que tu apprécies autant que le fait d'écrire ?

Bien sûr, j'aime l'idée de partir de rien ou presque et de construire les chansons du début à la fin du processus. La direction à suivre ne se dessine que progressivement et cela peut vite devenir horrible sans une certaine maîtrise mais c'est ainsi que j'aime travailler. Une fois que tout est en place, c'est un véritable bonheur...

Tu as une nouvelle fois choisi de t'attacher les services de Jay Reynolds, que t'apporte-il ?

Je ne l'ai pas choisi, je dirais plutôt que je l'ai rencontré. Il était ingénieur du son dans le studio où j'ai enregistré mon premier single en 2001 et j'ai eu l'occasion d'enregistrer quelques chansons de plus avec lui. Ma maison de disques de l'époque a par la suite décider de l'embaucher pour produire mon premier album. Son univers est vraiment très varié, il a travaillé notamment avec Pulp, All Saints ou Garbage, et je crois que sa polyvalence dans le monde de la musique pop m'a beaucoup aidé. Dans les années 90s il avait assisté Steve Lillywhite et Stephen Street, cela donne une idée de ses capacités. Je suis plus attiré par la dance music ou le hip-hop mais nos différences de point de vue sont une richesse selon moi. La confiance que nous avons l'un en l'autre nous fait avancer.

Peux-tu m'en dire plus sur All Night Cinemas, quelle est la signification de son titre pour toi ?

C'est d'abord le titre d'une chanson qui traite des rêves et plus précisément de la manière dont les films que tu regardes à la télévision en t'endormant affectent ton esprit et guident tes pensées. Tous ces rêves qu'aucun film ne pourra jamais réaliser. Après avoir choisi ce titre j'ai eu l'idée de faire une recherche sur Internet et j'ai découvert que l'expression « All Night Cinemas » évoque un lieu d'Afrique du Sud où l'accès à des films est gratuit pour les enfants défavorisés afin qu'ils ne restent pas dans la rue à faire des bêtises. Toutes les armes que ces jeunes possèdent sont collectées à l'entrée et des films sont diffusés toute la nuit pour les occuper. Cette image m'a plu, mais plus généralement je considère que beaucoup de choses insoupçonnées se passent la nuit et ce titre était donc assez cohérent.