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Kid Harpoon

Interview publiée par Anne-Line le 26 janvier 2010

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Découvert avec une série d'EPs prometteurs, Kid Harpoon a confirmé en fin d'année dernière son statut de révélation avec un premier album remarqué et une tournée des petites salles parisiennes à l'occasion de laquelle l'anglais revenait pour nous sur ses premiers pas...

Peux-tu te présenter en quelques mots au public français ?

Je viens d'un endroit qui s'appelle Medway, dans le Kent. C'est à peu près à une heure en train de Londres. C'est sur l'estuaire de la Tamise. Billy Childish aussi vient de là-bas. Mais il n'y a pas grand-chose à faire... Si on veut faire quelque chose, il faut forcément aller sur Londres. Alors un beau jour j'ai pris ma valise. J'ai joué mon premier concert lors de la soirée de Carl Barât, la Dirty Pretty Things. C'était avant qu'il reprenne ce nom pour son groupe. Ce soir-là, j'ai rencontré celui qui allait devenir mon manager. Et il m'a fait jouer dans un autre club qui s'appelle Nambucca. Là, je me suis tellement bien entendu avec l'équipe que j'ai fini par habiter dedans. À partir de là, tout s'est enchaîné, j'ai été signé, et voilà...

Tu as eu beaucoup de chance en fait...

Je me suis trouvé au bon endroit au bon moment, oui. Mais la première année, c'était très dur. Quand je suis arrivé à Londres, j'avais laissé derrière moi tous mes amis. Je ne connaissais vraiment personne. Et puis de fil en aiguille, on te présente quelqu'un, qui te présente quelqu'un... mais la plupart du temps, j'étais tout seul dans ma chambre, à écrire des chansons.

Comment en es-tu venu à la musique ?

Quand j'ai eu neuf ans, mon père m'a acheté un clavier. J'en ai joué pendant quelques semaines, et puis j'ai détesté. Je trouvais ça artificiel et ennuyeux. Alors j'ai arrêté, ce qui a beaucoup énervé mon père ! Je lui ai dit « Papa, moi je voulais jouer de la guitare ! », mais comme il venait de m'acheter un clavier, il ne pouvait pas m'acheter une guitare tout de suite. Alors je me suis inscrit à des cours de guitare à l'école, et ça me plaisait beaucoup ! Mais je n'avais toujours pas de guitare à moi. C'est mon professeur qui a dû insister auprès de mon père pour qu'il m'en achète une. Il a fini par m’offrir la moins chère qu'il ait pu trouver. C'était la pire guitare du monde, c'était comme jouer sur des fils barbelés ! Mais moi, j'adorais ça. Et puis après ça j'ai découvert les filles, la drogue, l'alcool... Donc me voilà musicien (rires) ! J'aurais plutôt dû choisir de devenir avocat, je me ferais sûrement beaucoup plus d'argent (rires).

Tu n'as jamais pensé faire autre chose ?

Quand j'avais six ans, je voulais devenir dresseur de dauphins...

C'est mignon…

(Embarrassé) Oui, je sais... Mais bon, une fois que j'ai découvert la musique, il n'y avait plus que ça. La première fois que j'ai joué en live, j'avais dix ans. C'était pour la fête de mon école. J'ai chanté Wild Thing. Je ne savais pas du tout ce qu'elle voulait dire (rires) ! Tous les professeurs ont dû trouver ça très drôle, qu'un gamin chante une chanson qui parle de drogue. Mais quand on est enfant, on ne se rend pas compte. C'est amusant, parce que tu peux passer toute ton enfance à écouter les disques de tes parents, et chanter les paroles, mais ne réaliser ce qu'elles veulent dire que des années plus tard.

Ta tournée parisienne touche à sa fin, comment s’est-elle passée ?

Très bien ! Je n'avais pas joué souvent en France avant ça, et j'ai beaucoup aimé. J'ai l'impression de tout recommencer à zéro ! J'ai mis plusieurs années à me construire en Angleterre, et je suis arrivé à un point où ça commence à marcher. Alors de venir en France, où il faut tout recommencer, c'est excitant. Tous les musiciens doivent dire ça quand ils viennent en France, mais j'adore Paris ! Paris est vraiment différent. On a l'impression d'arriver non seulement dans un autre pays, mais aussi dans une autre époque. Toutes les façades des immeubles ont tant de caractère. On ne ressent pas ça quand on va à Berlin, par exemple. Quand on est artiste, on est sensible à ce genre de chose. À Paris on ressent vraiment le romantisme, la philosophie, la poésie... Dans une ville comme Los Angeles par exemple, il faut être très impliqué dans la scène pour se sentir à l'aise. Tandis qu'à Paris, on ressent tout de suite l'âme. Sans doute la scène est-elle beaucoup plus petite qu'à Londres ou Los Angeles, ça doit jouer. Les gens qui sont là sont vraiment passionnés de musique, ils ne sont pas là par hasard. Tout marche par bouche-a-oreille, mais du coup ce n’est pas évident de passer en radio ou à la télévision... En France les gens ont gardé le respect de la musique. À Londres on voit passer tellement de groupes qu'il est facile de devenir blasé.

Parlons de ton album. Comment s'est passé l'enregistrement ?

Tout s'est passé sur une période d'à peu près trois ans. J'ai l'impression que ça fait moins longtemps. Tout est un peu mélangé dans ma tête. Il y a des chansons qui sont récentes, d'autres qui datent d'avant ma signature... Il y a beaucoup d'ambiances différentes. J'aimerais être capable de l'écouter avec les oreilles de quelqu'un d'autre, car ce doit être une expérience assez particulière !

Pas tant que ça, je trouve... La production de Trevor Horne donne une cohérence entre tous les morceaux, un son assez marqué…

Ah bon ? En fait, l'enregistrement final s'est déroulé sur une période de dix jours. On a rassemblé tous les meilleurs musiciens qu'on pouvait dans une pièce, et on a tout enregistré en live. Il n'y a que très peu de rajouts. C'est peut-être ça qui donne une unité... En tous cas, ça a été une bonne expérience d'apprentissage, de faire cet album. J'ai pris pas mal de temps pour le réaliser. J'espère que je ne prendrais pas autant de temps la prochaine fois.

Comment se fait-il que tu aies pu travailler avec Trevor Horne? D'habitude, il ne travaille qu'avec des très gros artistes...

Oui, il venait de terminer avec Robbie Williams ! En fait, il travaille pour la même boîte d'édition que la mienne. J'étais allé le voir pour qu'il me donne des conseils, à un moment où je ne savais pas trop quoi faire de mon album. Il m'a dit tout de suite : « La production est nulle, les musiciens sont pas terribles... Laisse-moi le produire pour toi ! ». Je pense vraiment que les deux meilleurs producteurs du monde sont lui et George Martin. Alors qu'il me dise qu'il voulait produire mon album... C'était inespéré. Beaucoup de gens qui aimaient ma musique depuis le début m'ont dit qu'ils trouvaient que l'album n'arrivait pas à capturer l'esprit de mes spectacles live. Le côté un peu brut... Mais pour moi, ce n'était pas la problématique. Je voulais apprendre à faire un disque, et quel meilleur professeur que Trevor Horne ? Maintenant que j'ai fait mon apprentissage, j'espère que j'arriverai à capturer l'esprit de ma musique comme il faut dans mon prochain album ! C'est comme si j'avais voulu faire du cinéma, et que Martin Scorsese était venu me voir pour réaliser mon premier script. Autant apprendre avec les meilleurs ! Les gens sont déroutés quand ils entendent l'album parce qu'ils sont sans doute trop habitués au son très brut de mes deux EPs. J'aurais dû sortir une compilation des deux EPs, comme ça ils auraient été contents!

Tu es donc prêt maintenant à voler de tes propres ailes ?

Pas tout à fait... Je n'ai pas encore réussi à trouver de management permanent. Il faut que j'arrive à trouver quelqu'un qui prenne les décisions pour moi, comme ça je pourrais me concentrer sur ma musique.