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Foals

Interview publiée par Fab le 11 avril 2010

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Découverts il y a maintenant deux ans avec le formidable Antidotes, Foals s'apprêtent à publier le mois prochain leur second album, Total Life Forever. De passage à Paris, Yannis Philippakis, Jimmy Smith et Edwin Congreave reviennent pour nous sur les conditions de la genèse du disque...

L'année qui avait suivi la sortie de votre premier album s'était avérée très intense sur de nombreux points, dans quel état d'esprit vous trouviez-vous au moment d'écrire son successeur ?

Yannis : Lorsque nous avons décidé de composer de nouvelles chansons, nous ressentions une véritable « faim » d'écrire ce second album. Je pense que d'une certaine manière nous avions besoin de nous rassembler et c'est pour cette raison que nous sommes allés dans une maison sans contact avec l'extérieur. L'idée était de couper les ponts et de passer du temps tous les cinq sans aucune autre personne. Ce fut une expérience très personnelle et privée, nous ressentions une vraie liberté à cet instant.

Ressentiez-vous ce même besoin pour l'enregistrement ?

Yannis : L'enregistrement a été un prolongement de l'écriture des nouvelles chansons. Lors de l'écriture nous jouissions alors d'une liberté totale et ce climat était propice à toutes sortes d'expérimentations ou explorations de notre part. Cette liberté s'est reflétée dans notre manière de travailler car nous avons brisé les habitudes du groupe. Il était rare de nous trouver tous les cinq dans la même pièce, nous formions des groupes restreints au gré de nos envies pour travailler sur différentes idées. Certains choisissaient de travailler en journée, d'autres la nuit, parfois de manière très électrique ou plus intimiste. Lors de notre arrivée en Suède dans le studio d'enregistrement, nous avions le sentiment d'atteindre une phase de conclusion de tout le travail fourni. Trouver en quelque sorte le prolongement naturel de l'écriture...

Le support de votre maison de disques, Transgressive Records, a-t-il été un élément important pour le groupe durant cette phase créative ?

Yannis : Tout le monde a aimé le disque à la première écoute, mais peu importe... Ce n'était pas un critère pour nous. Nous avons travaillé à notre manière et sans directives particulières de leur part. Notre exigence était de pouvoir faire les choses à notre façon, et donc de nous isoler le plus possible afin de ne subir aucune influence extérieure. Nous étions en contact avec notre management mais l'accès au studio était interdit à toute personne autre que notre producteur.

Vous vous êtes rendus en Suède pour enregistrer Total Life Forever... pourquoi ce choix surprenant ?

Yannis : A cause des conditions de travail que le studio pouvait nous offrir. C'est un lieu de travail incroyable qui a été bâti et pensé par des musiciens pour d'autres musiciens comme nous. En plus des outils habituels le studio a été enrichi de dizaines d'instruments différents, par exemple des claviers vintage plutôt rares ou des machines diverses.
Jimmy : Ou des guitares et des microphones pour moi (rires) !
Yannis : Nous avons aussi beaucoup apprécié l'espace offert par ce studio immense. Nous avions la possibilité de vivre dans ce lieu sans avoir à nous rendre dans la ville et cette possibilité d'isolement total était formidable pour nous. Ce studio est un véritable laboratoire dans lequel toutes les expérimentations sont possibles. Nous avons alors pu travailler dans différentes salles, en changeant la configuration des instruments pour obtenir de nouvelles sonorités. Tout cela correspondait également à la manière dont Luke Smith souhaitait travailler avec nous sur cet album. Il fallait que nous soyons très conscients de ce que nous tentions de réaliser mais d'une manière moins sauvage qu'avec Dave Sitek pour Antidotes.

Votre expérience avec Dave Sitek s'était avérée plus complexe que prévue à l'époque de votre premier album, comment avez-vous vécu votre collaboration avec Luke Smith ?

Yannis : L'enregistrement de nos deux albums a été très spécial... mais de différentes manières. Nous avons été amenés à rencontrer deux producteurs très sûrs de leurs idées et je pense que ces deux expériences ont renforcé l'identité du groupe. Je suis conscient que nous avons la réputation d'être des personnes difficiles à diriger, ce qui est sans doute vrai, mais cette volonté de bien faire les choses est bénéfique au final. Notre inspiration est souvent fluctuante, nous sommes incapables de nous fixer des impératifs en terme d'évolution du premier au dernier jour passé en studio. La seule vraie différence a été notre volonté de passer plus de temps à travailler les nouvelles chansons dans le studio plutôt que d'apporter les retouches sur ordinateur durant la phase de post-production. Les différentes atmosphères et sonorités que nous avons choisies sont nées dans le studio, pas sur une machine.

Le second album est souvent décrit comme l'étape la plus difficile à franchir pour un groupe...

Yannis : J'espère que c'est le cas (rires) ! Je pense que nous manquons encore d'expérience pour nous exprimer sur ce point. Ce que je peux affirmer, c'est que l'enregistrement d'Antidotes avait été difficile, tout comme celui de Total Life Forever l'a été. Alors j'imagine que ce sera une fois encore le cas pour le prochain album...
Edwin : Je retiens plus de points positifs que négatifs de l'enregistrement de cet album, sans doute parce que le lieu que nous avions choisi s'est révélé un formidable outil de travail.

Au final, le disque ressemble-t-il à votre idée initiale ?

Yannis : Non, il est différent sur de nombreux aspects, et je pense que c'est une bonne chose. De nombreux paramètre ne peuvent être anticipés, à l'image de l'influence que l'environnement peut avoir sur le groupe, des tentions créatives pouvant naître au sein du groupe mais aussi du fait que le disque devient progressivement une entité à part entière.

Votre premier album était constitué d'anciens titres rodés sur scène au fil des mois et de quelques inédits, alors que Total Life Forever est un condensé de votre travail sur une période donnée. Avez-vous ressenti une réelle différence de ce point de vue ?

Jimmy : Pour cet album nous avons cherché à expérimenter avec les différentes atmosphères. Jouer avec la notion de l'espace et les sons que tu peux entendre sur certaines chansons maintenant. C'est un aspect que nous n'avions pas suffisamment abordé sur Antidotes.
Edwin : L'écriture de certaines chansons s'est étirée sur une plus longue période, et de cette manière nous avons eu la possibilité de les tester face au public et de les faire évoluer comme des entités à part entière. Certaines d'entre elles étaient pour ainsi dire achevées avant l'enregistrement alors que d'autres nécessitaient quelques ajustements supplémentaires.

Ce disque semble au final très différent de l'image que vous dégagiez à l'époque de votre premier album. Vous semblez notamment avoir pris vos distances par rapports aux chansons les plus efficaces comme l'étaient Hummer ou Cassius...

Yannis : Pour nous, c'était une décision très naturelle, ce n'est qu'une forme d'évolution. Deux années se sont écoulées mais nous n'avons jamais promis quoique ce soit pour ce nouvel album, notre unique souhait était d'aller de l'avant.
Edwin : Total Life Forever est différent d'Antidotes tout comme Antidotes l'était de nos premiers singles. A l'époque nous étions allés à New York pour suivre un chemin et cette fois-ci nous en avons découvert un autre...
Yannis : Nous jouons de la musique ensemble afin de proposer quelque chose de différent lors de chaque étape. Je sais que ce sera encore le cas quand le temps du troisième album sera venu.

Le format même de vos compositions semble avoir énormément évolué. La plupart des chansons de ce nouvel album flirtent majoritairement avec les cinq voire minutes... Était-ce lié selon vous à votre besoin d'expérimenter ?

Yannis : Nous étions tous très excités par cette nouvelle approche visant à ne pas dévoiler toutes nos idées rapidement mais à les exploiter sur la longueur au sein des chansons. Plutôt que de suivre une ligne directrice nous avons donc cherché à intensifier les contrastes sur la durée de l'album mais aussi durant les chansons en elle-mêmes. Nous n'en aurions pas été capables sur des durées de trois minutes, c'est principalement pour cette raison que nous avons fait évoluer notre écriture. Au départ nous disposions de nombreuses chansons plus courtes et accrocheuses mais nous avons cherché un nouveau challenge une fois arrivés dans le studio. C'était un choix destiné à nous satisfaire dans un premier temps mais je pense que ce sera aussi le cas avec notre public. Notre répertoire s'est élargi avec cet album et notre musique a gagné en diversité.

L'un des aspects les plus surprenants de cet album est certainement la transformation vocale opérée par Yannis. Comment l'expliquez-vous ?

Yannis : Je ne l'ai pas décidé subitement, je pense que ce changement découle de l'orientation prise par les chansons. J'ai amorcé ce changement durant les longues heures passées seul dans le studio avec ma guitare, sans batterie ni aucun autre instrument. L'ambiance était beaucoup plus posée, et lorsque je travaillais sur les textes des chansons j'étais amené à chanter d'une manière plus retenue. Durant l'enregistrement je me sentais très à l'aise avec cette nouvelle manière de chanter, je ressentais vraiment la possibilité de m'appliquer et de mieux utiliser les différentes nuances que je suis capable de produire. Avant d'entrer en studio pour enregistrer Total Life Forever, je n'étais jamais complètement à l'aise. Les instruments me semblaient parfois trop présents et il était nécessaire que je parvienne à me faire entendre en poussant ma voix sur les enregistrements. Je pense simplement être parvenu à trouver l'équilibre qui me manquait.

Avez-vous déjà anticipé la manière dont l'équilibre devra être trouvé lors de vos concerts entre vos anciens titres et ces nouvelles chansons ?

Jimmy : Nous menons une réflexion progressive sur ce point mais je crois que toutes les chansons vont se compléter. Leur union sera bénéfique plus globalement.
Yannis : Une osmose va se créer progressivement...

Vos prochains concerts ne vont-ils pas vous servir de laboratoire afin de jauger la réaction du public face à ces nouvelles compositions ?

Yannis : Je pense que les concerts à venir seront différents. Nous ne souhaitons pas qu'ils soient moins intenses, violents ou chaotiques qu'ils ne l'étaient il y a un ou deux ans, mais ils dégageront probablement des émotions plus diverses.
Edwin : Les concerts des prochaines semaines précéderont la sortie de l'album et je pense que nous chercherons à tirer parti de cette chance. Nous allons sélectionner certaines chansons de notre nouvel album pour les présenter à notre public, et je pense que ce seront dans un premier temps les plus courtes et efficaces de manière à effectuer une transition progressive.
Yannis : Nos anciennes chansons auront toujours leur place dans nos setlists. Ce sont nos enfants, nous ne pouvons pas les abandonner.

Certains titres joués lors des concerts ayant précédé l'enregistrement de l'album semblent avoir disparu. Je pense notamment à Death Surf ou O-Funk. Que sont-elles devenues ?

Yannis : L'album ne représente qu'une portion du travail que nous avons effectué en studio, nous avons laissé de coté de nombreuses autres chansons. Lorsque nous avons voulu définir les contours de l'album nous avons réalisé que sa durée était beaucoup trop longue. Nous avons toujours travaillé de cette manière en produisant plus de titres que nécessaires et en prenant des décisions à posteriori. Ces chutes de studio ne sont pas perdues à jamais mais nous avons estimé qu'elles n'avaient pas leur place sur cet album. Pour d'autres, la nécessité de leur consacrer plus de temps afin de les rendre meilleures était une raison suffisante et nécessaire pour ne pas les publier immédiatement.

A ce jour seules Spanish Sahara et This Orient ont été diffusées par différents médias. Donnent-elles selon vous un bon aperçu de ce disque au public ?

Yannis : J'ai vraiment été enchanté de pouvoir dévoiler Spanish Sahara dans un premier temps. Cette chanson était une déclaration de notre part et je pense que nous avons été entendus... nous avions conscience de proposer quelque chose de différent mais les retours ont été très positifs. This Orient est quant à lui représentatif de l'aspect le plus pop de cet album. Nous n'aurions pas été capables de choisir deux ou trois chansons sur cet album en guise d'introduction alors nous avons décidé de mettre en avant la diversité de Total Life Forever. Je ne veux pas tomber dans un cliché mais nous avons toujours suivi notre instinct quand il était question de gérer notre carrière et prendre certaines décisions et je pense que nous avons cette fois encore fait le bon choix. Je suis conscient des attentes que notre public peut avoir envers nous depuis Antidotes, il y aura sans doute des personnes déçues et d'autres satisfaites, mais au final le plus grand nombre comprendra quelle a été notre approche et respectera cela. Foals n'est pas une entité statique et ne le sera jamais.

Le titre de cet album, Total Life Forever, est quelque peu surprenant. Que signifie-t-il ?

Edwin : C'est l'une de ces expressions qui semblent être faites pour devenir un titre d'album. Lorsque nous avons mené notre réflexion, nous avons progressivement réalisé que cette idée nous accompagnait sans cesse. Pris séparément, les trois mots semblent vides de sens, mais dans une même expression ils prennent une toute autre ampleur.
Yannis : J'aime ce titre car il offre de nombreuses possibilités d'interprétation. A première vue, il se dégage une impression de vide, mais aussi de force d'une certaine manière.
Jimmy : Cette expression me semble toujours très positive. En la prononçant je ressens une forme d'euphorie.

L'édition limitée de Total Life Forever contiendra un second disque bonus. Que doit-on en attendre ?

Yannis : Il contiendra certaines des premières démos ou boucles utilisées lors de l'écriture des chansons de l'album. Nous voulons que ce disque présente et rassemble les spores qui ont donné naissance à ce qu'est l'album dans sa version finale. Je ne suis pas certain que ces enregistrements toucheront un large public, mais les personnes désireuses de mieux comprendre nos méthodes de travail et notre évolution au cours des mois y trouveront beaucoup d'éléments de réponse. Le cœur du disque y sera présenté.
Edwin : Certains des enregistrements auront plus d'intérêt que d'autres. Je ne veux pas trop en dire mais je pense par exemple à la toute première démo de Black Gold qui devrait intéresser beaucoup de personnes.