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Malachai

Interview publiée par Amandine le 23 février 2011

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Encore méconnu en France, ce duo anglais, un temps signé sur le label Invada Records de Geoff Barrow avant de rejoindre Domino Records, sort aujourd'hui un second album, toujours teinté de samples entre 60s et hip-hop. Gee Ealey et Scott Hendy ont accepté de nous en dire un peu plus à leur sujet.

Vous aimez sampler et mixer différents styles de musique, Quelles sont vos influences musicales ? Quels styles de musique écoutez-vous?

Nous avons tous les deux des goûts musicaux assez larges et variés, nous sommes également tous les deux des chercheurs, des découvreurs de musique, donc nous aimons découvrir des choses obscures ou oubliées. Nous sommes aussi fans des Beatles, de Surf Rock, de Sacred Harp Folk (ndlr : une façon de retranscrire les notes de façon assez rudimentaire pour les personnes qui ne savent pas lire, musique exclusivement chantée a capella) et de hip-hop. Nous prenons des influences un peu partout dans la musique, des années 20s à la musique d'aujourd'hui.

Est-ce que ces influences se retrouvent dans votre musique ? Comment transparaissent-elles ?

Je ne pense pas qu'on puisse jouer de la musique sans montrer ses influences, tout est une régurgitation à la fin de la journée. Je pense que notre amour du hip-hop éclate au grand jour dans dans la production et, d'une certaine façon, les mélodies évoquent les années 60s, spécialement dans les jeux d'harmonies vocales. Aussi, grandir avec des groupes comme les Beatles ou les Beach Boys fait que nous incorporons cette philosophie dans une large palette de sons. Nous ne faisons pas confiance aux groupes qui vomissent sans cesse le même vieux style, nous aimons entendre les différentes couches ou le mélange naturel de l'émotion.

Avez-vous une façon particulière de travailler ?

Non, ça peut vraiment dépendre de la nature de chaque titre...

Malachai est un duo, qu'apportez-vous chacun au groupe ?

Scott apporte une grande richesse et une grande expérience au niveau de la culture musicale. Il a aussi une impressionnante éthique de travail. Il est aussi très à cheval sur la ponctualité. Gee est tout l'opposée (rires). Non, je plaisante (un peu) mais l'effet yin et yang est salutaire. Avec deux personnes très différentes sur la même longueur d'ondes, nous trouvons que nos différences ont nourri les besoins de Malachai.

Pensez-vous que votre rencontre avec Geoff Barrow (Portishead) ait été cruciale pour votre carrière ?

Pour commencer, nous avons tous les deux connu Geoff avant Malachai et même avant Portishead. Bien sûr, ça n'a pas été une mauvaise association en ce qui concerne la presse mais la réalité est qu'en premier lieu et avant tout, nous faisons de la musique pour nous faire plaisir à nous-même et c'était le but premier de Malachai. Nous ne l'avons jamais clamé sur tous les toits et la réputation de Geoff était précisément ce que nous essayions d'éviter. La courte-échelle venant du mec très connu de l'industrie était quelque chose que nous tenions à éviter car nous voulions que notre musique se fasse connaître pour son mérite. Scott et Geoff se sont toujours montrés le travail l'un l'autre, comme des amis, et quand ce dernier a entendu Snowflake, il s'est mis en colère et nous a mis la pression pour qu'on le fasse connaître.

Vous venez tous deux de Bristol, qui est une ville très productive musicalement parlant. Avez-vous déjà pensé à collaborer avec des artistes locaux ?

A vrai dire, durant des années, nous avons tous deux collaboré avec beaucoup d'artistes de Bristol et je suis certain que nous le referons mais, pour l'instant, nous nous concentrons pour nous sentir bien dans nos pompes. Bristol est très influente, et il y a une tendance à vouloir faire quelque chose d'unique ici.

Votre premier album est sorti chez Invada en 2009 et vous avez ensuite rejoint Double Six/Domino. Comment avez-vous eu cette occasion ?

Eh bien, comme je l'ai expliqué un peu plus tôt, Geoff a vu beaucoup de potentiel dans ce que nous faisions et nous a demandés de signer sur son propre label. Les retours de notre album étaient très positifs du côté des critiques et ça a éveillé l'intérêt de Domino. Je crois que le boss de Domino aux Etats-Unis est tombé un peu par hasard sur nous sur un site internet et c'est ce qui a déclenché son intérêt. Être sur un label comme Domino est parfait pour nous car nous allons vraiment pouvoir être nous-mêmes et ne pas être modelés.

Pourquoi avoir changé en 2009 votre nom de Malakai en Malachai ?

Il existait déjà un artiste sur Itunes qui s'appelait Malakai avec un K et il était là avant nous... donc nous avons dû changer pour des raisons légales. Comme nous avions déjà sorti quelque chose et que nous commencions à être un peu connus, nous avons pensé que changer complètement notre nom aurait créé la confusion et aurait en quelque sorte tué le travail que nous avions déjà fait. Nous avons donc trouvé un compromis en changeant le K en CH. C'est amusant de voir comment les choses ont décollé pour nous depuis ça donc « Après la pluie vient le beau temps » comme on dit!

Vous qui réussissez si bien à redonner un second souffle à la musique datant d'il y a plusieurs décennies, vous intéressez-vous quand même à quelques groupes actuels ?

Nous aimons beaucoup de jeunes groupes comme The Bees. Twin Sister, qui sont sur le même label que nous, font des choses fraîches et excitantes. Nous aimons aussi beaucoup de hip-hop venant de Machine Muerte.

Parlons maintenant de vos clips : leur production est toujours très soignée. Ils semblent être un mélange d'auto-dérision et de fatalisme sur la nature humaine. C'est une volonté de votre part ? Quel est le véritable message de ces vidéos ?

Oui, je pense que nous sommes assez modestes et effacés. Parfois, quand il y a vraiment une signification forte dans ce qu'on veut montrer, nous préférons y ajouter une dose d'humour et montrer un certain équilibre. Nous venons de Bristol donc nous aimons forcément rire. Je ne pense pas que ça fonctionnerait pour nous si nous étions trop sérieux; il doit y avoir un élément d'humour dans tout ce que nous faisons.

Votre nouvelle vidéo, Let 'Em Fall, premier extrait de votre album à venir, montre encore une fois cet homme avec un masque de singe. Est-ce, comme je le pense, une sorte de métaphore, un peu comme Dr Jekyll et Mr Hyde ? Voulez-vous ainsi montrer la part d'animalité qui est en l'Homme ?

Oui, le masque a plusieurs explications pour nous. Initialement, nous voulions qu'il soit le reflet de la laideur qui nous entoure (c'était aussi pour laisser un peu l'anonymat à Gee) mais dans la vidéo de Let 'Em Fall, Gee se bat avec ce monstre pour prendre le contrôle de sa destinée. La chanson parle de la modération, de traverser les bons comme les mauvais moments que nous vivons, mais quand ils arrivent, ne pas abuser de la bonne fortune et prendre ce dont tu as besoin, à l'opposé de ce que tu veux.

Premier album : Ugly Side Of Love, deuxième: Return Of The Ugly Side. Doit-on y voir comme un diptyque ou n'y a-t-il aucun lien entre les deux albums ?

Le deuxième album est plutôt une réponse au premier. Le premier était très « in your face » avec quelques endroits pour respirer. Le deuxième est moins pur et dur, avec beaucoup plus d'espace. C'est un peu comme le jeu qui consiste à relier les points pour faire un dessin : nous avons fait exprès de faire de la musique très contrastée pour créer quelque chose de complètement différent de ce que nous avions fait précédemment, toujours nous mettre des défis musicalement parlant et parfois, ça va à notre encontre car les gens aiment cataloguer ce que tu fais et trouvent frustrant qu'avec nous, ils aient du mal à le faire. Si tu écoutes les deux albums ensemble en aléatoire, tu leur trouveras peut-être un fil conducteur, donc oui, nous pensons qu'il sont tous les deux liés.

Quelle différence ou quelle évolution noteriez-vous entre ces deux albums ?

Juste un truc du genre « Je me sens bien dans mes pompes ». Je pense que la deuxième fois, tu es beaucoup plus au fait, tu as beaucoup plus d'informations. Nous semblons peut-être plus accomplis dans ce deuxième LP.

Avez-vous travaillé différemment pour ce deuxième album ?

Pas vraiment. Peut-être connaissons-nous plus notre force maintenant. Le point positif avec le fait de ne pas faire quelque chose de trop contemporain est que tu n'adhères à aucune scène ou mouvement existant et tu es donc libre de te dire que Malachai se porte comme une contre-action face à toute cette musique moderne stéréotypée. Il est amusant de voir comme certains journalistes nous rentrent dedans pour ça, pour ne pas être à la mode, mais c'est exactement ce contre quoi nous luttons. Être à la mode, c'est transitoire et nous ne pensons pas que la musique devrait l'être donc nous essayons de ne pas faire de la musique qui soit à la mode justement.

Avez-vous une tournée de prévue ces prochains mois pour jouer ces nouvelles chansons ?

Nous mettons en ce moment en place un live tous les deux donc nous sommes enfin accessibles à ceux qui voudraient nous entendre en live. Nous avions essayé sous différentes formes auparavant mais ça ne nous avait pas semblé honnête car nous étions un groupe essentiellement de studio. Aujourd'hui, je crois que nous avons surmonté ce problème et nous sommes plus enthousiastes à l'idée de jouer en live live et de partager ça. Si quelqu'un a envie de nous entendre, nous sommes prêts !