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Frank Turner

Interview publiée par Amandine le 29 novembre 2011

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C'est à l'occasion de son passage au Trianon pour la première partie de Social Distortion que nous avions rencontré Frank Turner. L'ancien leader de Million Dead, plus bavard et charmant que jamais, était alors revenu sur son parcours couronné de succès de ces dernières années.

Tu tournes actuellement avec Social Distortion : es-tu resté en contact avec beaucoup de groupes de punk ?

Oui... En fait, je remarque que je suis en contact avec beaucoup plus de groupes de punk depuis que, moi-même, techniquement, je ne joue plus ce genre de musique. Je me considère aujourd’hui comme un chanteur folk ou country mais, objectivement, j’ai gardé une touche punk, il faut bien l’avouer. Aux États-Unis, je suis un peu le mec que les groupes punk veulent avoir en première partie, c’est très marrant. Tout ça, c'est sympa, mais c’est aussi assez bizarre parce que j’ai passé des années, avec Million Dead, à jouer dans un groupe de punk et je ne connaissais aucune de ces personnes. Maintenant que je suis plus dans le folk, ils sont autour de moi. En fait, Mike, de Social D., a entendu parler de moi par son fils qui est fan de ma musique et joue mes disques dans sa voiture. Il m’a dit que c’était la première fois qu’il appréciait un artiste que son fils aime aussi. En plus, on est sur le même label, ça a donc facilité les choses quand il a voulu me rencontrer. Nous avions longuement discuté au début de l’année dernière et ça s’était très bien passé donc voilà pourquoi je suis là aujourd’hui !

N'est-ce pas un peu étrange de faire la première partie d’un groupe un soir et le lendemain d'être la tête d’affiche ?

Oui, en un sens, ça a un petit côté schizophrène (rires). Je pense malgré tout que c’est une bonne chose car ça permet de garder les pieds sur terre et de ne pas prendre la grosse tête. En plus, ça permet de ne pas tomber dans la routine car ce n’est pas la même chose de mener tout un set et d’assurer une première partie où tu dois gagner l’attention d’un public qui, majoritairement, ne te connaissent pas. Tout ça te permet de réfléchir un peu sur ton statut et j’aime beaucoup ça, c’est comme une remise en question perpétuelle.

Vous jouez ce soir avec Social D., qui sont des sortes de dinosaures puisqu’ils jouent depuis quelque chose comme trente ans...

Je n’oserais pas les appeler dinosaures devant eux mais… c’est vrai que ça fait longtemps (rires) !

C’est peut-être à cause de déclarations comme celle-là que la plupart des groupes punk d’Angleterre me détestent en fait (rires) !

Que penses-tu de l’évolution de la scène punk et des nouveaux groupes émergents ?

J’ai toujours fait très attention à la signification du mot « scène », si tu vois ce que je veux dire. J’ai l’impression qu’il y a là-dedans une idée d’instantanéité, quelque chose qui ne durerait pas dans le temps. En prenant mon expérience personnelle, je me rends aussi compte que, pendant longtemps, nous avons été associés à une « scène » où nous ne connaissions absolument aucun groupe, aucun membre. Il y a des groupes qui ont toujours beaucoup compté dans ma vie, depuis que je suis gamin, je pense à Jesus Lizard par exemple, un groupe qui venait de nulle part, n’avait rien à prouver aux gens et n’était en aucun cas prêt à faire des compromis. Ils étaient vraiment incroyables. En ce qui concerne la scène punk d’Angleterre, je dois t’avouer que je n’y connais pas grand chose parce que, finalement, je ne passe plus tant de temps que ça là-bas et je suis beaucoup moins au courant. J’ai néanmoins l’impression que la scène underground que je connaissais à l’époque a tendance à ne plus être aussi active qu’avant. C’est peut-être à cause de déclarations comme celle-là que la plupart des groupes punk d’Angleterre me détestent en fait (rires) ! A vrai dire, je ne trouve pas leur attitude très punk justement et ils me dénigrent tous alors que la plupart ne connaissent même pas ce que j’ai fait avant avec Million Dead et croient que je parle de tout ça sans connaître, ce qui est totalement faux. Je pense quand même qu’il y a de nouveaux groupes, plus ou moins punk, qui sont cools. Je pense par exemple à Dangerous, des Australiens, ou un groupe de Chicago, Annihilation Time et ils étaient dingues quand je les ai vus ! Un parfait mélange entre Thin Lizzy et Black Flag... J’ai adoré !

Ton nouvel album est sorti il y a peu mais tu continues à tourner en première partie pour d’autres groupes : cela signifie-t-il que tu te fiches de la promo et que le plus important pour toi c’est d’être sur scène et d’avoir l’opportunité de la partager avec des groupes que tu aimes ?

Je garde toujours en tête que tu prends les choses quand elles viennent et que tu dois saisir les opportunités. Social Distorition ne vont pas tous les jours me proposer de faire une tournée avec eux. Je me dis aussi qu’en un sens, ça fait partie de la promo puisque nous jouons les nouveaux titres chaque soir devant un public. En fait, c’est aussi parce que l’été n’est pas une période propice à faire des tournée, à moins d’être un énorme groupe, donc dès septembre, et ce jusqu’en décembre, nous tournerons en tête d’affiche. En fait, c’est plutôt une bonne chose, les gens ont le temps de s’approprier les nouvelles chansons. Ceci dit, la raison pour laquelle j’accepte de jouer des premières parties est parce que j’adore la scène et je me fiche un peu de où, quand et pourquoi je joue. Si tu me demandes ce qu’est mon job, je te dirais que je suis un « entertainer » professionnel. Je déteste le terme « artiste », je le trouve prétentieux et il me fait penser à des gens qui feraient de la musique sans jamais tourner, enfermés dans leur bulle. Les gens qui m’inspirent sont également ceux à qui j’aimerais ressembler. Chaque jour, tu te lèves, tu voyages, tu montes sur scène, tu joues et tu pars te coucher : c’est un job ! Mais c’est le meilleur job du monde, il ne faut jamais l’oublier ! Plus je vieillis et plus je m’inspire des artistes de cirque, de vaudeville ou de music-hall, des gens qui passent un temps fou sur scène. Le problème avec les médias de masse dans le rock, c’est que ça donne à certains la possibilité d’être des « stars » mais bon... Je préfère l’idée d’amuseur professionnel : tu as une soirée pour convaincre les gens, les faire adhérer à ce que tu fais et chaque soir tu recommences avec de nouvelles personnes. Pour moi, des gens qui passent leur vie entière sur scène, avec tous les désavantages que ça peut comporter dans leur vie personnelle, m’inspirent plus que des groupes comme Joy Division qui ont dû jouer quelque chose comme une centaine de shows à tout casser dans leur carrière et qui sont élevés au rang d’icône. Pour moi, ce sont deux jobs différents et je préfère l’un à l’autre, je le trouve plus authentique.

Tu passes beaucoup de temps sur la route, à quoi ressemble ta vie quand tu es en tournée ?

Il y a des jours où c’est génial et d’autres où c’est plus difficile. J’ai la chance d’être le genre de personnes dont les hobbies, les passions, les amours et le travail se rejoignent en une seule et même chose. C’est plutôt bien mais le problème, c’est que jamais je ne déconnecte de tout ça, de toute cette agitation. J’ai essayé de prendre des vacances cette année et ça a été un vrai désastre car j’avais toujours quelque chose à faire, un mail auquel je devais répondre ou une idée de chanson en tête, mais je ne vais pas trop me plaindre parce que j’adore ça ! J’aime être occupé tout le temps et je m’ennuie très vite. J’ai comme une terreur de ne rien faire et de penser au fait que la mort arrive... pas dans le sens où j’en ai peur mais plutôt dans le sens où ce sera la fin d’une ère et il y a encore tellement de choses que j’aimerais faire avant de mourir ! Par exemple, récemment, je me suis dit que j’avais trop de lacunes en littérature et j’ai acheté tout un tas de bouquins. Pendant cinq jours de suite, presque sans interruption, j’ai lu. J’ai aussi des idées sur un nouvel EP, sur un nouvel album également et j’aimerais mettre en place deux side-projects et écrire mon propre livre. Comme tu le vois, j’aime faire des choses, tout le temps (rires) !

Pour moi, à la fin, l’industrie musicale en ressortira plus forte, nouvelle pour les musiciens mais aussi pour ceux qui achètent la musique.

Tu tiens à jour ton blog presque quotidiennement et d’une manière très assidue. Qu’est-ce que ça t’apporte au juste ? Ta relation avec ton public est-elle importante pour toi ?

Je pense que les blogs et autres médias ou réseaux sociaux sur internet sont très positifs car ils détruisent les barrières entre les personnes qui font de la musique et celles qui l’écoutent. J’ai toujours trouvé cette distance entre les gens vraiment stupide. Je déteste quand on utilise le mot « fan », c’est comme si ces gens ne faisaient pas partie de la même espèce que les « artistes ». Quand je suis en tournée, après les concerts, je suis au stand de merchandising et je parle avec les spectateurs. Je vois qu’ils s’intéressent à moi, à ce que je fais, alors que certains d’entre eux sont médecins ou je ne sais quoi et qu’ils ont des sujets bien plus intéressants dans leur vie. Si je les cantonnais au terme de « fans », ce serait leur manquer de respect à mon sens. D’autre part, il ne faut pas oublier que l’industrie de la musique est en train de se transformer et c’est une période charnière intéressante avec beaucoup de changements et contrairement à certains je ne pense pas que tout ça soit une mauvaise chose, au contraire ; pour moi, à la fin, l’industrie musicale en ressortira plus forte, nouvelle pour les musiciens mais aussi pour ceux qui achètent la musique. Évidemment, pendant ces changements, il y a des personnes qui sont laissées sur la touche et qui font partie des dommages collatéraux : j’ai des amis qui ont des labels indépendants et qui galèrent à rester la tête hors de l’eau, ce qui est une honte. Finalement, le problème dans ce grand débat c’est que les gens ne se parlent pas. D’un côté, on trouve les gamins qui ont une certaine vision de ce que peut être un musicien, une vision de la notoriété, et de l’autre, les « artistes » et moi, je trouve normal d’expliquer à mes auditeurs combien ça me coûte de faire un CD par exemple. Je crois qu’en discutant, tout le monde aura une idée bien plus rationnelle de ce qu’est le monde de la musique. J’ai du mal à comprendre cette idée de combat entre ceux qui font de la musique et ceux qui s’en procurent ; ça ne devrait pas être un combat mais une collaboration pour arriver au même but, qui serait un monde rempli de bonne musique.

Mais tu as tout de même conscience qu'il est parfois difficile de dialoguer avec les artistes ?

Pas avec moi en tout cas (rires) ! Je fais vraiment tout mon possible pour établir un contact. Si d’autres musiciens ne partagent pas ma vision des choses, je désapprouve mais je ne peux pas dire à tous ceux que je connais « Parle aux gens ! C’est important quand même ! ». Je fais donc de mon mieux et je ne me force pas vraiment parce que j’aime ça.

Il y a quelques mois, tu as sorti un EP, Rock’n’Roll, ce qui m’amène à te poser l’ultime question : qu’est-ce que le rock'n'roll à tes yeux ?

C’est une bonne question. Le rock'n'roll est un style de musique débile si on y pense... mais c’est aussi la meilleure chose du monde. La raison pour laquelle je voulais appeler ce disque comme ça et pourquoi je tenais à parler du rock, c’est que partout, on entend « Oh, lui est punk », « Oh, lui est indie » et ce genre de conneries. J’ai envie de leur dire « Vous savez, c’est toujours une question de guitare, de basse, de batterie et de piano » et si on y réfléchit, ce n’est pas si éloigné de Bill Haley & The Comets comparé au jazz par exemple. Si l’on parle de Black Flag ou The Weakerthans, c’est toujours du rock !

J’ai cru comprendre que tu aimais beaucoup les Weakerthans et que tu avais joué avec eux récemment...

Oui, j’ai encore reçu hier un mail de John, le chanteur, qui me disait « The Pamphleter n’est pas pareil sans toi, mec » et j’étais comme un dingue de lire ça tellement j’aime ce groupe. Sinon, pour en revenir à cette histoire de rock, j’aimerais développer cette idée dans un essai sur la musique prochainement mais je dirais que pour certains labels, le rock est la musique folk de l’ère post-industrielle. Le folk avant l’ère industrielle est une chose, mais, depuis, ça n’a plus la même fonction mais il reste quelque chose en commun : si tu prends ta guitare, que tu vas dans un bar et que tu commences à chanter Hey Jude, tous les mecs vont se mettre à chanter « Na na na naaaa ! » (il chante le refrain de Hey Jude). Pour moi, ça, c’est un exemple de chanson folk et même des étrangers peuvent la chanter ensemble donc c’est en ce sens que, pour moi, le rock est le folk moderne. Sinon, à part sur ce point, il y a aussi autre chose : il y a cette vieille salle à Londres, l'Astoria, où pendant des années et des années il y a eu des centaines de concerts incroyables. Tous les bons groupes y passaient et ça a fermé il y a environ deux ans. Ils ont organisé une soirée d’adieu avant la fermeture, où j’ai joué d’ailleurs et, toute la nuit, les journalistes ont essayé de me faire dire « Oh ! C’est la fin d’une ère avec la fermeture de l’Astoria, c’est tellement triste ! », un peu comme quand le CBGB a fermé. Pour moi, ce sont des conneries tout ça ! Le rock ne se résumera jamais à un lieu mais à un instant et si tu n’es jamais allé à l’Astoria, ce n’est pas grave ! Trouve un autre endroit où des groupes jouent ! Le rock ne devrait jamais avoir de monument ou je ne sais quelle connerie de ce genre, c’est un moment, un état d’esprit, et rien d’autre.

Ton succès est de plus en plus important : cela affecte-t-il ton travail ou ton songwriting ?

Comme tout le monde te répondrait, en théorie, je dirais non, comme j’aimerais que ce soit le cas, mais dans la mesure où j’écris des chansons dans le but de faire de la bonne musique, de me distinguer des autres artistes et pour que les gens y prêtent attention, je pense que mon travail est un peu affecté par ce qui se passe dans ma carrière. Soyons honnêtes ! Je suis un être humain ! Ça me fait plaisir de voir qu’au début je jouais devant trois personnes dans un pub et que maintenant ils sont des milliers à venir me voir au Royaume-Uni et ailleurs aussi. Dans mon subconscient, je suis certain que mon travail est en partie guidé par tout ça. Au niveau du songwriting, c’est probablement plus évident puisque mes textes sont comme des confessions de ce que je peux être en tant qu’homme. J’ai revu une vieille amie il y a quelques semaines et elle m’a dit « Je trouve que tu as changé, Frank » et je lui ai dit « Mais heureusement que j’ai changé durant toutes ces années ! J’ai parcouru vingt-sept pays, joué des milliers de concerts ces cinq dernières années et tu pensais que je n’aurais pas changé ? J’aurais été un putain de robot si rien n’avait changé ! ». Tout ça n’a pas tellement à voir avec le nombre de personnes qui viennent me voir mais c’est l’expérience de la vie et j’ai eu la chance de voir beaucoup de choses ces derniers temps. Je suis allée en Pologne, en Israël ou en Chine alors que je n’y étais jamais allé ! C’est grâce à ma musique que j’ai pu visiter ces pays donc oui, ça m’affecte, et c’est normal je pense.

Ces derniers mois, tu as sorti un EP et un album : pourquoi avoir choisi de faire les deux en si peu de temps ?

Il y a deux raisons à cela. La première, c’est que I Still Believe se trouvait déjà sur Youtube et sur le net puisque je la jouais déjà en live l’été dernier. Nous ne savions pas encore quand nous allions sortir l’album donc nous ne voulions pas attendre des mois avant de la sortir. La deuxième raison, c’est que j’ai travaillé avec de nouvelles personnes pour mixer l’album et nous nous sommes dit que pour voir si ça collait entre nous, il fallait que nous travaillions sur de nouvelles chansons et pas des choses qui étaient déjà sorties sur l’EP. Comme j’avais beaucoup de titres de côté, nous avons fait un album et j’ai adoré le résultat, je retravaillerai avec lui pour le prochain !

La chose la plus importante à laquelle je pense, c’est de me renouveler et de ne pas refaire les mêmes titres encore et toujours.

Sur ce dernier album, on retrouve plus d’éléments punk que sur les précédents : cela signifie-t-il que le sujet même t’a mené à cela ou est-ce juste une évolution naturelle de ta musique ?

Ma réponse va te paraître très calibrée et ennuyeuse mais je dirais que j’essaie simplement de ne pas penser à ce genre de choses, ne pas analyser ce que je fais. Quand j’ai commencé à faire de la musique, je me suis assis avec ma guitare et j’ai cherché à faire du mieux que je pouvais. Je crois que si je commençais à philosopher sur quelle direction je devrais prendre, je deviendrais dingue. La chose la plus importante à laquelle je pense, c’est de me renouveler et de ne pas refaire les mêmes titres encore et toujours. C’est amusant parce que parfois des gens me disent « Tu n’as pas du tout écrit de la même façon sur cet album que sur le précédent, c’est bizarre » et je leur réponds « Oui, c’était le but ! Ne pas refaire comme précédemment ! Pourquoi je ferais ça ? ». Je te répondrais donc que ton jugement des choses est bien plus important que le mien puisque moi-même je n’y ai pas réfléchi alors que toi si : « C’est toi l’analyste ! » (en français dans le texte).

Même si tu tournes depuis un petit moment avec tes musiciens de The Sleeping Soul, tu souhaites poursuivre ta carrière en solo et que ce soit ton nom sur les albums. Pourquoi ?

Être en solo et être dans un groupe sont deux choses totalement différentes et plus le temps passe, plus j’ai d’estime pour les artistes solo comme Springsteen par exemple. Concernant The Sleeping Soul, nous sommes un groupe dans un certain sens puisque nous nous connaissons bien et que nous jouons ensemble. Je n’aimerais pas jouer avec quelqu’un d’autre mais, en même temps, je veux garder mes compositions sous mon nom parce que je veux garder le contrôle de ce projet qui m’est très personnel. C’est donc plus une dictature qu’une démocratie pour eux. Mais c’est une dictature consultative, ça pourrait être pire (rires) ! Ce sont tous des musiciens fabuleux qui ont toujours de très bonnes idées dont ils me font part et nous discutons beaucoup, mais à la fin, c’est moi qui prends les décisions. Finalement, peut-être que certains groupes fonctionnent de la même façon. Je repense aux Weakerthans puisque tu m’en as parlé, c’est définitivement le groupe de John K. Samson et pourtant, ce qu’il fait n’est pas produit sous son nom. Peut-être qu’un jour je déciderai de reprendre un projet sous un nom de groupe mais pas pour le moment en tout cas.

Pour England Keep My Bones, d’où t’est venue cette idée de faire un album en hommage à l’Angleterre ?

Encore une fois, je n’y ai pas vraiment réfléchi ; une chanson en amenant une autre, à la fin, je me suis dit « Tiens, tu penses beaucoup à l’Angleterre toi ces temps-ci ! ». Je crois qu’en fait, je passe tellement peu de temps en Angleterre maintenant que ça me donne l’opportunité de plus y penser que quand j’y étais plus souvent. Je me sens souvent comme un expatrié : récemment, j’étais en tournée en Asie et aux États-Unis et chaque soir, j’étais presque le seul Anglais dans la salle et ce genre d’expérience m’a fait penser à mon « identité nationale ». Ceci dit, il est clair que ce disque n’est pas un élan de patriotisme exacerbé ! Il y a beaucoup de choses que j’adore en Angleterre mais il y en a énormément que je déteste aussi, que ce soit clair. Je pense que le folk est une musique très géographique, donc ça explique aussi ce résultat. J’ai toujours aimé ce que Springsteen disait du New Jersey ou de ce qu’on pouvait dire de l’endroit d’où on venait. Mais maintenant que je te dis tout ça, je me dis en même temps que je vais essayer de ne plus trop écrire sur l’Angleterre, je me sentirais un peu bête (rires).

Pour rester dans le songwriting : tu es capable d’écrire sur ton pays, sur la religion, la musique ou l’amour : d’où te vient généralement l’inspiration ?

Juste de choses qui m’arrivent ou que je vois autour de moi. Parfois, d’un seul coup, j’ai une ou deux lignes qui me viennent et quand j’y repense plus tard, elles en appellent d’autres. Pour la petite histoire, le refrain de Glory Hallelujah, au départ, c’était une blague, une vieille blague même, et avant d’enregistrer l’album, je l’ai rejouée à un pote qui m’a dit « Il faut absolument que tu termines cette chanson ! Tu peux en faire un truc génial ! Si tu ne le fais pas, je te maudirai jusqu’à la fin de tes jours ».

Donc j’en déduis que Glory Hallelujah n’est pas vraiment un hymne à l’athéisme ?

En un sens, ça l’est, mais quand je l’ai écrite, j’ai essayé de le faire dans le respect de tous. Ce n’est pas une chanson « Religion, je t’emmerde », l’athéisme est totalement différent. Contrairement à un titre qui serait contre la religion, je ne l’ai écrite avec aucune haine ou rancœur pour quoi que ce soit. Je viens d’une famille religieuse et même si je ne suis pas croyant, je respecte cela. L’autre jour, nous avons joué dans une église et tout le monde, avant le concert, me disait « Il faut la jouer absolument, c’est l’endroit rêvé ! ». Mais non ! Ce n’était pas du tout l’endroit ! Les personnes qui nous accueillaient étaient adorables et je ne voulais pas les froisser. C’est donc une chanson joyeuse, même si je suis sûr que des milliers de croyants américains doivent la détester pour ce qu’elle dit.

Pour toi, quelle est la plus grande différence entre England Keep My Bones et tes albums précédents ?

Déjà, je pense que le fait d’avoir autant joué et expérimenté ma musique m’a fait mûrir et j’espère être meilleur qu’auparavant. Ceci dit, la plus grande différence c’est que nous sonnons beaucoup plus comme un groupe parce que nous nous connaissons mieux et nous connaissons maintenant notre sujet sur le bout des doigts. Sur l’album précédent, c’était plus « pour chaque chanson, chaque musicien doit absolument jouer une partie pour montrer qu’il est là » et maintenant que nous sommes plus à l’aise ensemble, il n'est pas important de ne pas avoir à jouer pendant un morceau. L’album est donc bien plus équilibré que les précédents à mon sens.