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Little Boots

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 3 septembre 2013

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Les petits pieds de Little Boots précèdent toujours la venue de Victoria Christina Hesketh. Et pour cause ! En dehors de son amour pour les chaussures et la mode (française surtout) en général, ils seraient également à l’origine de son nom de scène. En réalité, l’origine de celui-ci serait un peu plus scabreuse : c'est la traduction d'un nom latin, Caligula dont un ami d’enfance l’affublera pour des raisons qu’on ne connaîtra sûrement jamais.

Après de nombreuses années au sein de sa première formation, Dead Disco, à jouer les DJ, mais aussi après avoir concouru dans l’émission TV Pop Idol à l’age de seize ans, Little Boots sort un premier album en 2009, Hands, puis Nocturnes il y a quelques mois, son deuxième opus placé sous le signe de l’électro-pop. Ses lunettes de soleil XXL et son mini-short satiné baignent dans une atmosphère saturée d’eau sous des brumisateurs poussés au maximum au zénith de l’astre solaire dont il convient de se cacher à cette heure de la journée au Sziget Festival. Little Boots assure sa promo de festival avec un air rieur et un professionnalisme déjà affirmé.

Tu viens d’arriver au Sziget Festival où tu te produis pour la première fois de ta carrière. Comment trouves-tu le lieu et l’ambiance ?

Ça à l’air d’un bel endroit et l’organisation nous a très bien accueillis, mais il fait vraiment très chaud !

Pour toi, en quoi est-ce différent de donner un concert en salle ou en festival ?

Ce qui change surtout, c’est le public. Il n’est pas obligatoirement fan de ta musique car il est là pour tout un tas de concerts étalés sur toute la semaine. La foule peut être très impressionnante devant la scène sans être pour autant acquise à ta cause. Mais il y a dans ces festivals un supplément d’âme lié au sentiment de fête, de bonne humeur et de liberté qu’occasionne l’événement dans la tête du public. J’avoue ressentir un peu de pression et de stress quelques heures avant de me confronter au public du Sziget Festival !

Tu allais dans les festivals quand tu étais plus jeune ?

Pas vraiment en fait. J’ai découvert cet univers en tant qu’artiste. On ne me croit généralement pas quand je dis cela, mais c’est vrai ! Il faut dire que je ne suis pas une grande adepte du camping ou de la vie sauvage pendant plusieurs jours... (rires)

Tu as beaucoup travaillé en tant que DJ ces dernières années et tu continues de temps en temps encore à le faire. Est-ce que tu vas mixer sur scène ici aussi ?

Non, ici nous jouons live avec un groupe entier derrière moi. Mais c’est vrai que j’ai encore pas mal mixé l’année dernière sur différentes scènes...

Comment en es-tu venue à jouer les DJ ?

C’est un concept très différent que de jouer en live avec un groupe, évidemment. Au départ, Little Boots était un projet de DJ avant de devenir un projet de groupe à part entière. Faire la DJ est très excitant, mais, quand tu n’es pas connue, tu es généralement payée en boisson pour cinq heures de set ! Impossible de vivre de ce travail, donc. Quand tu chantes et joues tes propres compositions, tu montes d’un cran et rien ne peut remplacer le plaisir de voir et d’entendre le public chanter tes mots et tes notes avec toi. Mon groupe et moi sommes très proches et nous prenons vraiment plaisir à jouer live. Pour un concept plutôt électro ou dance, j’ai la sensation que nous avons réussi l’intégration d’instruments et l’idée du live au sens classique du terme. C’est un bon mélange qui nous rend heureux, et le public aussi apparemment... Être DJ, c’est animer une fête avec différentes compositions, alors que jouer en live c’est prendre le risque d’exposer tes paroles et ta propre musique.

Pour ton premier album, la pression était importante car on attendait beaucoup de la DJ Little Boots et on était curieux de voir ce qu’elle pouvait proposer d’autre. Comment s’est déroulée la création de ton deuxième album, Nocturnes, sorti en mai dernier ? Tu as ressenti une certaine pression également ?

Absolument. Mais cette fois-ci la pression venait de moi plus que de mon entourage. Pour mon premier disque, j’ai eu l’impression que l’on décidait à ma place quelle artiste je devais être ou devenir avant même que je n’ai eu le temps d’y réfléchir. J’étais un peu naïve et je me suis faite trimballer dans des directions qui n’étaient peut-être pas celles que j’envisageais. Pour Nocturnes, j’avais pris confiance en moi et je savais où je voulais aller. Cela m’a pris du temps pour arriver à cet état d’esprit, mais le résultat me plait et je pense qu’il est bien meilleur et plus profond que mon premier. Ce nouveau disque est bien plus représentatif de que je suis, au fond. Mais, c’est normal d’apprendre se ses erreurs et il faut dire qu’à l’époque, je m’exerçais et écrivais mes chansons dans le garage de ma mère ! J’ai donc fait au mieux dans les conditions qu’on me proposait alors. Hier, je tournais un vidéo clip, demain, je vais me réveiller dans un autre pays et j’enchaîne comme cela pendant des mois... j’ai donc un peu de mal à m’isoler pour devenir créative et écrire avec dextérité dans ces conditions. Certains artistes arrivent à décrocher de tout cela et à prendre la plume même en tournée, moi j’ai besoin d’être en mode studio pour me concentrer uniquement sur ce que je fais. Je suis donc une certaine discipline et dès que je me retrouve seule dans ma chambre d’hôtel, je me force à me concentrer sur l’écriture, mais également la composition avec le petit clavier et le laptop que je trimballe toujours avec moi en tournée. Je vais m’améliorer, avec le temps et j’ai d’ailleurs déjà écrit quelques idées pour mon prochain album. Je ne veux pas qu’il se passe encore quatre années avant le prochain !

En France, on t'a découverte sur scène et comme DJ mais également via des applications Iphone que tu as développées avec l’aide d’autres DJs (RjDj), notamment « The Little Boots – Reactive Remixer » qui permet de remixer chez soi tes propres titres et de les partager ensuite. On a également pu entendre plusieurs de tes titres dans les séries TV Skins et Vampire Diaries. Tu es ce qu’on appelle une artiste de la génération Internet. Pour toi, Internet est-il une chance ou une menace pour les artistes qui démarrent ?

La période est difficile et charnière, c’est vrai. Mais je crois qu’à chaque fois qu’un artiste se montre créatif, peu importe le média, quelqu’un trouvera le moyen de faire de l’argent avec ! C’est vrai que la vie est plus difficile pour les artistes maintenant à cause de la chute des ventes de disques, notamment précipitée par Internet. Il nous faut donner plus de concerts et engranger plus de tournées pour pouvoir vivre de notre musique. C’est aussi pour cela que le travail d’écriture et de composition deviennent de plus en plus dur car tu es trop souvent sur scène ou en tournée et tu manques inévitablement de temps pour écrire. Ce qu’Internet a changé, également c’est le rapport de force entre les majors ou les grosses stations de radio et le consommateur. Aujourd’hui, ce dernier peut éteindre sa radio si elle ne passe pas ce qu’il aime et aller sur Internet où cinquante web radios vont lui proposer exactement ce qu’il recherche. C’est assez excitant de voir comment les consommateurs dictent leurs volontés en se détournant des maisons de disques pour aller sur Internet télécharger le titre qui leur plait, et pas plus ; même si nous en souffrons, financièrement parlant.
Tout ceci a également fait renaître les labels indépendants qui avaient été avalés par les majors au fil du temps. Mais ce choix immense peut faire peur sur d’autres aspects. Un titre enregistré au fond de sa chambre avec un ordinateur et quelques logiciels peut atteindre un million de hits sur Internet sans pour autant prouver qu’un groupe ou un talent sont nés. De plus, les labels ont tendance à s’accrocher aux statistiques et te poser des questions comme « Quel est ton niveau de vues sur Internet ? », « Quelles sont tes statistiques Youtube ? », « Combien de followers as-tu sur Facebook ? », etc... Tu peux avoir un million de followers sur Facebook, mais si seulement dix achètent ton album, ça n’a pas de sens ! Les gens, notamment dans l’industrie de la musique, ont tendance à accorder de la valeur à ces choses qui n’en ont pas. Mais, n’est-ce pas là la caractéristique de notre société entière ? En résumé, la période est intéressante car très mouvante et tous les ans, nous devons nous adapter à de nouveaux défis ou inventer de nouveaux modèles qui, au final, éloignent le pouvoir des corporations devenues trop grosses.

Dans tes innombrables tournées, passeras tu à nouveau par la France où on ne t’a pas vue depuis 2009 ?

J’adore Paris ! J’ai souvent joué en tant que DJ à Paris pour différents évènements. Cela s’est toujours terminé par des nuits blanches complètement folles (rires). En France, il y a toujours quelqu’un pour t’offrir un verre ou un truc à manger et avant que tu aies eu le temps de le sentir, tu es complètement saoule ! L’année dernière, nous avons animé la fashion party de Chloé au Palais de Tokyo pendant les défilés. C’était grandiose. Nous avons des concerts de prévus en Europe en décembre prochain et je pense que nous passerons par la France où je n’ai jamais joué dans la configuration que nous avons ici au Sziget Festival.

Tu as cité Chloé ; la mode et les grands couturiers, c’est quelque chose que tu affectionnes et qui se reflète sur toi en scène...

J’essaie de toujours trouver un styliste ou une marque qui va pouvoir me proposer des tenues uniques et en accord avec ma musique. Comme beaucoup, je suis fan de Chanel, Alexander McQueen, etc... Mais ce qui m’intéresse beaucoup, ce sont les méthodes de fabrication des vêtements et comment combiner textile et technologie. Actuellement, nous travaillons sur une nouvelle robe LED qui, une fois sur scène, va se synchroniser avec la musique jouée par le groupe. Des LED qui s’allument avec le son, cela a déjà été fait ; ce que je recherche c’est une technologie pour que les graphismes décrits par les LED soient le reflet des accords joués, mais également de mes mouvements. Et que ces mouvements avec mes vêtements puissent impliquer, en retour, des accords de musique, c’est plus difficile ! Je crois que le futur du textile passera par l’intégration de la technologie.

Je vois bien un homme pour t’aider dans cette tache, je crois que tu aimes particulièrement sa musique d’ailleurs, c’est Jean -Michel Jarre...

Exactement ! Figure toi que je possède une de ses harpes laser ! En fait je l’ai construite moi-même grâce à son travail. Tu ne peux pas acheter ce genre d’instruments, ça n’existe pas. Je l’ai même emmené avec moi en tournée une fois mais mon tour manager était tellement stressé que je ne l’ai jamais fait à nouveau. C’est très difficile de jouer avec cet instrument car ce sont tes mains, habillées de gants de protection, qui font le son avec leurs mouvements. Mais le moindre mouvement change le ton et c’est très dur de tenir une note ! Mais j’adorais mon look avec mes gants blancs et mes lunettes et mon masque – les lasers sont dangereux – oranges sur scène. Cela faisait comme un crâne de cristal sur ma tête avec mes lunettes de soudeuse à l’intérieur ! Tu peux trouver une vidéo de ce concert sur Internet je crois. J’étais tellement excitée, c’était comme jouer un opéra du futur, mais mon manager m’a dit : « Il faut que tu redescendes ; on ne peut pas tourner avec cet instrument et prendre autant de risques pour toi ». J’adore les shows de Jean-Michel Jarre et sa vision du futur. Jean-Michel, si tu lis cette interview, je t’en prie, appelle-moi (rires) !