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Aquilo

Interview publiée par Jean Duffour le 25 décembre 2014

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C'est autour d'une pinte aux Ondes que se déroule la rencontre avec Aquilo, tout juste sortis de leurs balances pour l'émission Alive de France Inter, la radio qui les a découverts un an plus tôt et pour laquelle les deux anglais sont venus présenter leur deuxième EP, Human, auto-produit et sorti une semaine plus tôt.

Tom, le plus âgé, visage émacié, porte une chemise blanche boutonnée jusqu'en haut, et Ben, barbe naissante par endroits, est vêtu d'un t-shirt noir aux manches courtes légèrement retroussées. Particulièrement souriants et chaleureux, ils décrivent leur récent succès naissant avec décontraction, quelques heures avant leur première radio qui sera également leur quatrième concert depuis qu'ils se sont lancés, et le premier en France.

Vous venez tous les deux du Lake District (Lancashire), une région connue pour ses étendues de paysages à perte de vue et son ambiance très romantique. Est-ce que cela a une influence sur votre travail ?

Tom : Je pense qu'inconsciemment oui. Ça en a une sans qu'on le sache, si tu vois ce que je veux dire. C'est ici qu'on a grandi, c'est pratiquement la seule chose qu'on ait connue, donc oui, je pense que cela en a une.
Ben : Je pense aussi. Quand on a commencé à jouer de la musique, ça ne nous a pas du tout traversé l'esprit, mais les gens ont commencé à nous le dire, puis les blogs également, et on s'est dit: « Ok, peut-être que cela a une influence, si on avait vécu à Londres on n'aurait probablement pas produit la même chose ».

Est-ce que c'est aussi cette région qui vous a inspiré dans le choix de votre nom ?

Tom : Non, en fait c'est ma mère qui l'a mentionné une fois : « Et pourquoi pas Aquilo ? ». Au début je lui ai répondu que je ne savais pas. Quelques jours plus tard on en a reparlé avec Ben, c'est vraiment dur de trouver un bon nom de groupe, et comme c'est tout ce qu'on avait on s'est dit qu'on allait le garder (Rires).

Finalement nous sommes tous humains, nous commettons tous des erreurs, peu importe où nous sommes.

Pensez-vous qu'il y a un contraste dans le fait que cette région, qui est peu peuplée, vous inspire ce sentiment d'humanité ? Est-ce que c'est au sein de cette nature que vous vous sentez les plus humains ?

Ben : C'est une question peu évidente... Je ne sais pas. En fait quand on a écrit Human, on n'avait pas notre région en tête parce qu'on était ailleurs, à Londres. Le titre se rapporte à quelqu'un qui réalise que finalement nous sommes tous humains, nous commettons tous des erreurs, peu importe où nous sommes.

Quels ont été vos premiers instruments ?

Ben : La batterie !
Tom : Le saxophone, mais j'étais mauvais, je regrette d'ailleurs, ça pourrait être sympa sur un de nos morceaux. Je vais m'y remettre (Rires).

Quel a été votre premier contact avec la musique ?

Ben : Oh... Nous étions tous les deux dans des groupes locaux, moi je jouais du grunge.

J'avais lu ça et toi, Tom, tu étais dans le groupe de métal ?

Tom : Oui, je jouais du métal (Rires).

Tu n'as plus tellement l'air de quelqu'un qui fait du métal !

Tom : (Rires) Non, en effet, j'ai changé rapidement.

Tu avais les longs cheveux et tout l'attirail ?

Tom : (Rires) Non pas vraiment longs.
Ben : Si, tu les avais assez longs quand même (Rires).

Et c'était toi le chanteur ?

Tom : Oui ! Donc j'ai un peu évolué depuis (Rires).
Ben: En fait, quand on a commencé à travailler ensemble, on donnait tous les deux dans l'acoustique, on chantait avec une guitare et puis on a été influencé par des sons plus électroniques, des groupes comme Active Child, James Blake, Mount Kimbie, The XX, etc... Et c'est devenu ce que c'est maintenant !

Et comment vous en êtes venus à passer de vos groupes précédents à ce type de musique beaucoup plus apaisée ?

Tom : (Rires) En fait je ne connaissais pas Ben, je voyais qui c'était, mais pas très bien avant le projet. Même si on ne vivait pas très loin l'un de l'autre.
Ben : On habite l'un en face de chez l'autre !
Tom : Et pourtant, je l'ai approché par Facebook (Rires). Je lui ai proposé de venir jouer avec moi, il a accepté et voilà comment ça a commencé !

Vos anciens groupes ne vous manquent pas ?

Tom : C'était marrant ! Mais ça n'aurait jamais marché. Et je ne me voyais pas, ni Ben, trouver un boulot à vie. On a tellement de chance de vivre de ce que l'on fait actuellement, et que les gens apprécient aussi, cela nous met dans une situation vraiment géniale.


Donc vous n'avez plus que la musique dans votre vie désormais ?

Ben : Oui, j'ai tout juste fini l'école et Tom a fini l'Université. Quand on a commencé, Tom travaillait dans une usine et moi j'étais à mi-temps dans un café. Et puis on a pu se payer certaine choses, notre manager nous a dit « Allez-vous en loin pendant six mois, écrivez un EP et on se débrouillera pour que ça marche ». C'est ce qu'on a fait, on l'a sorti et puis maintenant nous en sommes là !

Qu'est-ce qui a changé pour vous entre votre premier EP éponyme et le second, Human ? Dans votre manière de composer, de jouer...

Ben : Peu de choses en fait. Pour ce deuxième EP on a écrit une chanson avec SOHN et c'était très intéressant de travailler avec quelqu'un d'autre, un peu extérieur à tout ça. Donc notre EP Human est un peu comme le premier sauf qu'on a passé un cap, on arrive à mieux faire ce que l'on veut.
Tom : Oui, et on expérimente plus de sons différents, comme maintenant on compose à plein temps on travaille beaucoup sur la production.

J'imagine que ce fut donc une très bonne expérience avec SOHN ? Il est connu pour être extrêmement exigeant musicalement d'ailleurs ?

Tom : Oui, il a vraiment été parfait, mais je ne sais pas trop ce qu'on attendait de lui.
Ben : On est de gros fans de SOHN, sa musique est tellement intéressante et excitante... Quand on a appris qu'on allait travailler avec lui on était tellement heureux. On ne savait pas quoi penser, on avait un peu peur, on était nerveux et puis quand on s'y est mis il était tellement gentil, au bout de dix minutes on était déjà en train de composer.

Vous êtes fréquemment comparés à London Grammar, est-ce que cela vous flatte ?

Ben : C'est cool, on adore London Grammar ! Mais notre album sera sûrement un peu plus différent du leur.

Vous parliez de vos influences tout à l'heure, est-ce que Bondax en fait également partie ?

Tom : Oui, on adore Bondax, mais ce sont plus des amis, on est allés à l'école avec eux ! J'étais dans un groupe avec Adam (ndlr : Adam Kaye, claviériste de Bondax). On a clairement évolué tous les deux (Rires).

Une collaboration avec eux, vous y pensez ?

Tom : Je ne sais pas, on arrête pas de dire qu'on va le faire mais jusque là... Ils sont très occupés, ils jouent tous le temps. Mais ça serait cool.
Ben : Ce serait vraiment bien !

Sans les réseaux sociaux, on n'en serait pas là, on a beaucoup de fans grâce à tout ça.

Vous utilisez beaucoup les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, Soundcloud...), vous pensez que c'est important de beaucoup communiquer en tant que groupe aujourd'hui ? D'autant plus que vous ne déléguez pas cette tâche contrairement à d'autres groupes...

Tom : C'est essentiel, surtout pour nous. Sans ça, on n'en serait pas là, on a beaucoup de fans grâce à tout ça. Donc oui, pour nous comme pour pas mal d'autres groupes aussi, c'est vraiment essentiel.
Ben : Nous, on adore ça en plus. C'est important et j'aime bien le fait qu'on le fasse nous mêmes.
Tom : Parler directement aux fans, c'est aussi une question d'humilité. C'est une bonne chose.

Vous êtes sur Spotify également, que pensez-vous de l'opinion de groupes comme Radiohead ou Foals qui se sont récemment retirés de cette plateforme, la jugeant injuste dans sa manière de reverser les bénéfices aux artistes ?

Tom : Je ne comprends vraiment pas ça, ça ne peut pas être un problème que d'autres gens puissent écouter ta musique. Je crois que même nous sommes payés en plus non ?
Ben : Oui, mais vraiment très peu. Mais je pense que c'est surtout un nouvel outil à maîtriser et que ça permet d'avoir encore plus de gens qui t'écoutent, qui te trouvent en ligne, qui peuvent te suivre dans ton projet.
Tom : Moi je ne vois définitivement pas le problème de ces groupes, les gens mettent de la musique gratuitement sur Soundcloud et personne ne s'en offusque.

D'ailleurs grâce à cela vous êtes sur la playlist de personnes connues, c'est une excellente publicité !

Ben : Ah oui, on est sur celle d'Annie Mac, qui travaille à la BBC, elle nous aide beaucoup.

L'été dernier vous étiez justement sur la scène BBC Introducing de Glastonbury pour un de vos premiers concerts. Quel effet cela fait-il d'être à l'affiche de l'un des plus grands festivals au monde ?

Tom : C'était incroyable.
Ben : En plus, on n'étais jamais allés à Glastonbury, même pas dans le public. Et c'était notre premier festival d'ailleurs.
Tom : Je crois que c'était notre troisième concert en tout ! C'était vraiment spécial.

Vous avez une tournée anglaise qui est déjà annoncée, est-ce que vous allez planifier d'autres concerts ?

Ben : Oui certainement, on va se concentrer sur notre album mais on essaiera de trouver quelques concerts. On sera aussi à l'Eurosonic de Groningen en janvier.

Vous allez travailler différemment pour mettre en place votre set ?

Tom : Pas vraiment, on a beaucoup de samples en fait donc on ne modifiera pas ça, mais on jouera avec deux musiciens en plus.

J'ai d'ailleurs lu qu'au départ vous aviez deux musiciens dans votre formation ?

Tom : Oui, mais où as-tu lu ça ? (Rires)
Ben : En fait, quand on a commencé, nous étions deux puis j'avais deux copains qui jouaient de la musique qui nous ont rejoint mais sans vouloir en faire un métier. Ils sont tous les deux partis à l'Université donc quand ça a commencé à décoller j'ai du aller les voir, et ce sont mes meilleurs amis, pour leur dire que s'ils ne voulaient pas le faire sérieusement comme Tom et moi, il fallait arrêter. Ils ont été très compréhensifs.

Vous pensez, comme SOHN, que pour composer il est plus simple d'être un ou deux car on a moins à tenir compte des opinions de chaque musicien ?

Tom : On écrit toujours ensemble donc on n'a jamais intégré les autres musiciens dans le processus d'écriture.
Ben : Oui, c'est mieux je pense, dans nos anciens groupes plus on était et plus il y avait d'opinions, de conflits...


Avez-vous déjà été approchés par des labels ?

Tom : Oui, on a refusé jusque là mais pour l'album on le sortira avec un label.
Ben : Mais on aura un contrôle maximum, ce sera nous deux sur tout le long du projet et eux nous aideront. Je crois que c'est la meilleure solution.

En revanche pour vos vidéo clips vous travaillez avec un de vos amis !

Tom : Oui, depuis le premier (ndlr : You There), son travail est super.
Ben : Il a tout juste dix-huit ans, donc sur la première vidéo il devait en avoir seize, c'est impressionnant.

C'est vous qui avez choisi ce concept de vidéo clip en deux parties, avec pour chaque moitié une chanson différente ?

Tom : C'était une de ses idées, il nous a proposé ce concept et j'ai trouvé que c'était vraiment cool.
Ben : Je pense que ça a bien marché aussi parce que les deux chansons se répondent sans être similaires pour autant.

Et sur le scénario, cette histoire entre les deux garçons amoureux de la même fille ?

Ben : Non, on a discuté ensemble du projet, mélangeant nos idées.
Tom : On n'a pas cherché à trop l'influencer, on aimait bien ses idées donc on contrôlait peu.
Ben : Mais parfois on disait non (Rires).

Comment se passe votre processus créatif ? Pour les paroles ?

Ben : Pour les paroles on s'inspire de nos expériences. Souvent ce que l'on décrit a un sens différent selon ma perception ou celle de Tom. Pour I Gave It All, cela parle de deux personnes différentes qui représentaient quelque chose de distinct pour Tom et moi. On les a rendues jalouses pour qu'elles interagissent.
Tom : J'ai envie que les gens s'identifient autant que possible, que chacun voit ce qu'il a envie d'y voir.

Un site internet Français vous a décrit comme étant « un groupe venu pour nous faire pleurer », est-ce un des buts que vous recherchez en composant ?

Ben & Tom : (Rires) Non !
Ben : Cela dépend juste de la période pendant laquelle on écrit.
Tom : J'adore la musique triste, la musique cinématique, ça ne me rend pas triste, c'est une sorte d'élévation pour moi. C'est l'émotion qu'on recherche en fait, pas nécessairement faire pleureur (Rires). Enfin si les gens pleurent, ils pleurent (Rires). On y peut rien mais ce n'est pas le but.

Avez-vous déjà une idée de ce à quoi votre premier album va ressembler ?

Ben : C'est encore en cours, mais ça dépendra aussi de notre état d'esprit sur le moment. On ne veut pas faire quelque chose de nécessairement triste en tous cas. On a emménagé ensemble pour composer, à Manchester, c'est à une heure des Lacs donc on ne restera pas loin.

Pour finir, quel conseil culturel aimeriez-vous donner (livre, chanson, film, etc...) ?

Ben : Le film Into The Wild, c'est absolument magnifique, et la bande originale tout autant selon moi. Elle est d'Eddy Vedder de Pearl Jam, et j'étais un grand fan de ce groupe. Et puis les images me rendent très... très émotif.

Humain aussi ?

Ben : (Rires) Oui voilà !
Tom : Moi je dirai Interstellar, il très bon... C'est juste du génie ! Et pour la musique je recommande Active Child.