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Villagers

Interview publiée par Sarah Pitet le 13 avril 2015

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Villagers sort en ce début de printemps son troisième album, Darling Arithmetic, dont « émotion » semble être le maître mot. C'est en tout cas ce que revendique Conor J. O'Brien, tête pensante du groupe, avec qui nous avons eu la chance de discuter autour d'un café dans les locaux parisiens de son label Domino Records.

Quand as-tu commencé à t'intéresser à la musique ?

Quand j'étais petit j'avais l'habitude de chanter souvent, des chansons de films par exemple. Mes parents m'ont ensuite inscrit à des leçons de piano quand j'avais neuf ou dix ans. J'ai pris des cours pendant quatre ans mais ça m'ennuyait beaucoup alors j'ai laissé tomber. A l'âge de douze ans, mon frère m'a initié à la guitare et c'est là que j'ai commencé à vraiment m'intéresser à la musique. J'ai directement commencé à écrire des chansons. Je jouais quatre accords et j'écrivais des titres stupides. Je n'aimais pas trop faire de reprises, la première chanson que j'ai jouée était la mienne.

A tes débuts, pourquoi avoir appelé ton projet Villagers ?

Je ne sais pas... (rires) En réalité je cherchais un nom qui ne serait pas spécifique parce que je ne savais pas comment sonneraient nos chansons. J'ai opté pour Villagers car il ne dit pas vraiment de quel genre de musique il s'agit. Ça décrit juste un groupe de personnes, c'est donc assez ouvert et j'aime bien ça.

J'ai assisté à un de vos concerts lors d'une Soirée de Poche pour la Blogothèque il y a près de deux ans à Paris. Qu'est-il arrivé à ton groupe groupe depuis ?

Je me rappelle de ce concert, j'étais très fatigué (rires). Après ça on a beaucoup tourné, pour l'album {Awayland} en particulier. Lorsqu'on a fini tous ces concerts je me suis mis à l'écriture du nouvel album, Darling Arithmetic.

Cet album est beaucoup plus personnel.

En quoi considères-tu que ton nouvel album Darling Arithmetic se démarque des deux précédents ?

Je pense que le langage utilisé est plus direct, plus franc. Cet album est beaucoup plus personnel. J'utilise souvent la première personne, le « je », le « moi ». Les deux autres albums étaient plus une sorte d'étude des caractères, un ensemble de récits et de fictions, alors que celui-ci est plus intime et honnête. Quand j'écrivais cet album, tout ce que je voulais était qu'il soit émotionnel. Je me l'imaginais comme quelque chose de beau et de simple.

C'est en effet ce qu'on ressent à l'écoute de l'album. Il sonne très individuel et profond. Comment as-tu donc travaillé avec le groupe ?

Je n'ai pas travaillé avec le groupe. Je l'ai enregistré tout seul chez moi. Je n'avais rien pour mixer, pas de studio, rien, juste ma maison.


Peut-on alors considérer que Villagers ne soit désormais que toi ?

Je pense que c'est mon projet oui, mais j'aime ramener les musiciens sur la route avec moi, j'aime jouer avec d'autres personnes, c'est comme ça que les chansons prennent vie. Ça sonne mieux lorsque plusieurs personnes interprètent une même chanson. Je pense donc que Villagers peut être moi mais aussi tous ces musiciens avec moi sur scène.

La plupart de tes chansons tournent autour de la mélancolie, de l'amour et de tous les sentiments qui peuvent croiser notre chemin. L'écriture est-elle pour toi une façon de te purger de toutes ces émotions ?

Peut-être, oui. C'est une sorte de thérapie. J'ai toujours aimé ces chansons qui n'ont pas peur d'évoquer les mauvais côtés des sentiments. Je préfère une musique qui s'ouvre à la tristesse pas exemple, qui l'accepte. Je trouve cela assez enthousiasmant en fait. C'est la raison pour laquelle je perçois ce nouvel album comme étrangement heureux, bien que les paroles soient assez obscures. Je suis heureux quand je l'interprète parce que je le ressens comme une pure expression de mes sentiments.

Certaines chansons sont plus simples à écrire que d'autres.

En effet tu as l'air très attaché aux paroles. As-tu une façon spécifique d'écrire ?

Certaines chansons sont plus simples à écrire que d'autres. Je pense qu'à partir du moment où tu utilises toujours une même façon d'écrire ça ne peut pas fonctionner. J'ai essayé de m'appuyer sur un système particulier lorsque j'écris mais je n'ai jamais été inspiré. D'après moi l'inspiration ne vient que de la découverte de la chanson, du fait de ne pas la connaître encore et c'est pour cela que je trouve difficile de se baser sur une façon d'écrire en particulier. A titre personnel, le processus est toujours différent à chaque nouvelle chanson. Pour mon nouvel album, par exemple, je m'asseyais simplement avec ma guitare acoustique, je fermais les yeux et essayais juste de ressentir le moment.

Villagers est le seul groupe irlandais signé sur Domino Records. Comment sont-ils venus vers toi ?

Je crois que nous donnions un concert à Dublin et le label était venu voir celui de Cass McCombs. Lorsque la personne de Domino Records a entendu les dernières chansons de notre set il a contacté notre manager, ils ont échangé leurs noms et puis ils sont revenus nous voir sur plusieurs concerts. On a discuté après un set et c'est simplement parti de là.

Vous avez assuré la première partie d'un concert de Neil Young à Dublin, comment l'avez-vous rencontré ?

Nous ne l'avons jamais vraiment rencontré en fait, je l'ai juste croisé en backstage...

Ce n'est donc pas lui qui vous a contactés pour jouer ?

Non, le promoteur basé à Dublin ce soir là n'avait en fait pas de première partie pour précéder Neil Young. Avec Villagers nous avions déjà fait quelques concerts donc il nous a juste appelés et nous a demandé si on voulait bien ouvrir un concert de Neil Young. On n'y croyait pas. Son équipe et tous les gens avec qui il travaille ont vraiment été très gentils. On n'a pas pu le rencontrer vraiment mais son concert était brillant.

Villagers a été comparé à U2 et Leonard Cohen par le New York Times. Que penses-tu de cette comparaison ?

Ce sont deux artistes bien différents (rires). Je ne trouve pas cette comparaison très intéressante, elle est même assez feignante. Ils nous ont probablement comparés à U2 parce que nous sommes irlandais. J'ai du mal à trouver beaucoup de ressemblance entre U2 et Villagers... Pour ce qui est de Leonard Cohen, il a pu m'inspirer en tant que parolier mais je ne pense pas non plus que nos musiques soient vraiment similaires. Il est bien plus talentueux (rires).


Quelles ont donc été tes principales influences ?

Pour cet album, il me semble que j'ai écouté pas mal de soul. J'ai assisté à Dublin à un concert de Martha Reeves And The Vandellas, un groupe qui officiait dans les années 60/70. Ils jouaient de belles et brillantes chansons d'amour, très simples, et je me suis dit que je pouvais aussi faire ça. Je me suis alors mis à écrire des chansons très simples, le plus possible. Chanter avec John Grant m'a aussi pas mal influencé en raison de toute la force qu'il met dans ses paroles. Il est courageux et stimulant en tant qu'écrivain, j'ai donc pas mal appris de ça. C'est peut-être grâce à lui que j'ai réussi à glisser plus de franchise dans mes paroles.

Y a-t-il un artiste qui t'a toujours inspiré ?

Je ne sais pas. L'inspiration a évolué en même temps que moi, cela dépend de ce à quoi je m'intéresse à tel ou tel moment. Je pense que l'on peut puiser son inspiration dans n'importe quoi, n'importe où, mais on ne peut pas vraiment choisir ce qui va nous inspirer. Ça arrive comme ça. Tout ce que je voulais faire pour cet album était créer quelque chose de purement émotionnel auquel tout le monde pourrait s'attacher de la façon qu'il le souhaite. Par là je veux dire qu'à travers cet album j'espère ne pas uniquement raconter mes propres histoires mais plutôt laisser libre cours à l'imagination de l'auditeur, lui laisser le loisir d'y retrouver ses propres expériences, comme une sorte de modèle émotionnel dont il ferait ce qu'il veut. Pour répondre à ta question je pense que l'amour a été ma principale inspiration.

« Courage » est une des chansons qui m'a particulièrement plu dans ce nouveau disque. Peux-tu m'en dire plus à son sujet ? Pourquoi l'avoir placée en tête de l'album ?

Je trouve qu'elle est un bon début pour l'album car elle annonce d'emblée ce à quoi il va ressembler, l'intimité qui va en émaner. Elle parle du fait de traverser des moments difficiles tout en cherchant la force pour en connaître de meilleurs. Courage aborde également le sujet des relations que l'on entretient avec les autres, du fait de se décentraliser, de faire fi de l'égoïsme et de réaliser que l'on est avant tout un élément du monde. C'est tout ce que je peux en dire, je la chante mieux que je n'en parle (rires).

Un concert à Paris est-il bientôt prévu ?

Oui, nous allons jouer au Café de la Danse en mai. Je suis très impatient, j'ai entendu plein de bonnes choses au sujet de cette salle !