logo SOV

Savages

Interview publiée par Pierre-Arnaud Jonard le 20 janvier 2016

Bookmark and Share
Deux ans après Silence Yourself, album post-punk prometteur, Savages revenaient il y a peu avec un nouveau single corrosif, The Answer, préfigurant l'album Adore Life à venir en ce mois de janvier. Moment idéal pour les rencontrer.

Je trouve votre nouvel album Adore Life dans la continuité de Silence Yourself. Quel était votre état d'esprit lorsque vous l'avez enregistré ?

Il est dans la continuité d'une certaine façon mais c'est une progression. Le premier était un document de ce que nous étions live, plein d'énergie. Pour celui-ci, on a eu plus de temps pour le songwriting. C'est un peu différent. La façon dont nous avons enregistré a été comme une palette de couleurs. Nous avons pu nous concentrer sur chacun de nos instruments afin de voir la façon dont les choses bout à bout se mettaient en place. Nous avons voulu garder l'énergie du premier album mais des choses ont changé : nous avons appris à mieux nous connaître, nous sommes devenues de meilleures musiciennes. En Janvier, nous avons eu une résidence de trois semaines dans trois clubs new-yorkais. Nous avons testé de nouveaux morceaux en live pour voir la réaction du public puis le lendemain nous sommes allées en studio pour les travailler.

Nous savions ce que nous voulions. Nous étions concentrées sur nous mêmes.

Vous avez reçu d'excellentes critiques pour votre premier album. Geoff Barrow de Portishead a dit qu'il adorait le groupe. Cela ne vous a-t-il pas mis trop de pression pour l'enregistrement ?

Pas vraiment. Nous savions ce que nous voulions. Nous étions concentrées sur nous mêmes, avions plus confiance en nous en tant que musiciennes donc nous n'avons pas ressenti de pression particulière « .

Pourquoi avoir choisi The Answer comme premier single ?

Ce disque est encore davantage sur l'émotion que le premier notamment en ce qui concerne les paroles et nous trouvons que The Answer est représentatif de ce sentiment même si tous les morceaux de l'album tournent autour de cette thématique.


Le fait d'être un girl-band vous fait-il sentir proche du mouvement rriot Girl ?

Parce que nous sommes des filles ? Nous faisons de la musique, nous sommes des filles mais who cares. Il y a bien sûr des choses positives dans le mouvement rriot girl, notamment son énergie, mais on est influencées par tellement d'autres choses... et puis cela n'a aucune importance groupe de filles/groupe de mecs. Il y a tant de groupe de mecs masculins très bons.

Votre concert à la Maroquinerie le 1er décembre a été complet en une journée. Ce succès vous étonne ?

Non (rires). La Maroquinerie est une super salle. Nous adorons ce lieu parce que tu y vois tout le monde, tu peux te connecter avec n'importe quelle personne dans la salle. Nous aimons jouer dans les petites salles. Quand on a débuté Savages cela a été un long processus avant d'arriver à où nous en sommes maintenant. Le groupe a quand même cinq ans d'existence. Nous ne venons pas de nulle part, nous avons travaillé dur, beaucoup tourné. Les concerts nous ont beaucoup appris. Nous avons eu de la chance depuis le début. Nous avons donné de bons shows avec un super feedback de la part du public.

C'est dur d'être un groupe londonien ?

Nous ne sommes pas le pur groupe londonien. Seules deux filles du groupe viennent de Londres. Oui, Londres est une ville difficile pour la musique. Il faut vraiment bosser dur pour y arriver et en plus aujourd'hui il devient de plus en plus difficile de trouver des endroits pour y jouer. Nombre de petits clubs ferment. Londres n'est pas du tout une ville relaxante.

Nous avons eu plus de liberté pour créer, faire des choses nouvelles.

Même si nombre de vos morceaux sur le premier album comme sur celui-ci sont très punk, il y a toujours des chansons mélancoliques, comme ici Mechanics qui clôt l'album. Comment s'opère cette balance entre les deux ?

Pour ce disque nous avons d'abord démarré dans un studio où l'on pouvait faire tout le bruit que l'on voulait puis nous avons été sur quelque chose de plus calme. Jehnny écrit dans un carnet lorsque nous sommes en tournée, des choses sur l'amour, les différent aspects de l'amour, pas les clichés habituel mais des émotions profondes. Cela donne ces morceaux plus mélancoliques. Et puis, par rapport au premier album, nous avons eu plus de liberté pour créer, faire des choses nouvelles, expérimenter de nouvelles voies, peut-être plus calmes.

Qu'évoque Evil ?

C'est un morceau sur le changement. Le pouvoir du changement. C'est à propos de gens qui oppressent des personnes qui leur ont donné leur confiance, la façon dont face à cela vous pouvez aller dans telle ou telle direction.

Nombre de vos paroles portent sur l'émotion, la puissance du sentiment émotionnel. Avec une musique assez punk et des paroles aussi profondes vous sentez-vous proche d'un groupe comme Fugazi ?

Nous adorons Fugazi. Nous sommes effectivement dans ce même genre d'état d'esprit. Nos morceaux parlent du fait de ne pas avoir peur, de ne jamais se sentir coupables dans la vie, des sentiments humains comme l'amour, la haine.

Vous considérez-vous comme un arty band ?

Que veux-tu dire par arty ?


<3>Vous citez Cassavetes, êtes-vous intéressées par l'art ou le cinéma ? Il est vrai que nous ne sommes pas que branchées musique même si nous sommes des music-addicts et achetons des disques sans arrêt. Nous aimons le cinéma, l'art, la littérature et cela nous influence. Après, je ne sais pas si cela fait de nous un arty band.

Comment composez–vous ?

Jehnny écrit les paroles, des poésies. Nous venons chacune de notre côté et voyons comment les instruments se mettent en place, fonctionnent avec les mots de Jehnny. Sur cet album, elle a écrit des morceaux au piano, notamment pour les titres les plus mélancoliques. Notre façon de travailler et composer est collective.

Vous vous sentez bien chez Matador, un label qui possède tant de groupes que l'on peut penser proche de vous, comme Sonic Youth, Yo la Tengo ?

Super bien. Le fait qu'on trouve sur ce label tant de groupes que nous aimons a bien sûr été un facteur important qui nous a donné envie de signer avec eux. Et puis nous avons pris notre temps avant de venir chez eux. Lorsque nous avons terminé notre premier album, nous n'avions pas encore fait notre choix de label. Cela est venu après.

Vous semblez adorer tourner ?

Même si c'est crevant, donner des concerts est un immense plaisir. Nous adorons rencontrer des audiences différentes selon les pays où nous jouons. A Paris, le public est super. Aux États-Unis, les gens sont branchés sur le côté le plus punk du groupe, en Amérique du Sud ils sont vraiment fous et au Japon extrêmement concentrés sur la musique. C'est à chaque fois une énergie différente mais totalement positive. Cet été, nous avons joué à la Route du Rock et c'était incroyable, une ambiance démente, une connexion totale avec le public, un super souvenir et sans aucun doute l'un de nos meilleurs concerts.