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The Moonlandingz

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 5 juin 2017

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Accepter une interview avec Lias Saoudi revient à devoir reprendre le boulot un lundi en empruntant la ligne A ou B du RER. On ne se laisse pas trop le choix, même si on sait qu'on va galérer ! Avec Adrian Flanagan, un des fondateurs de The Eccentronic Research Council, ils forment aujourd'hui The Moonlandingz, groupe concept adepte du glam punk et des jeux de piste sonores.

Par un froid jeudi de fin avril, Lias Saoudi et Adrian Flanagan terminent leur soundcheck dans un joyeux bordel (« un soundcheck ? Pour quoi faire ? » énonce Lias Saoudi) avant de remonter à pas pressés finir une des quilles de rouge qui les attend en loge.
Logiquement, nous devrions échanger sur leur premier album, Interplanetary Class Classics, sorti le 24 mars dernier, les collaborations prestigieuses qu'il renferme et la ligne artistique de leur groupe. Sauf qu'avec Lias Saoudi, rien n'est normal, logique ou entendu d'avance. Comme dirait mon dealer, avec Lias Saoudi, l'important c'est de savoir lire entre les lignes.

Comment s'est passée votre rencontre ?

Adrian : J'ai répondu à une interview à propos de mes disques préférés sur The Quietus et le groupe Fat White Family faisait partie de mes artistes contemporains préférés. Ils sont tombés sur ce papier et m'ont invité à venir les voir jouer à Sheffield. C'était il y a trois ans à peu près, et notre rencontre date de ce jour là.

Tu avais déjà fait naître Johnny Rocket et le projet qui va avec à cette date là ?

Adrian : Oui. Le concept part d'un concept album de spoken words réalisé par mon autre groupe, The Eccentronic Research Council. Je voulais donner plus de poids et d'importance à cette idée.

Lias, qu'est-ce qui t'a décidé à rejoindre Adrian dans ce projet ?

Lias : J'avais un peu de temps libre. Je voulais le mettre à profit pour quelque chose de créatif.

L'activité avec Fat White Family n'était plus assez importante ?

Lias : Elle était très importante, et très prenante ! Mais c'était une façon pour moi de garder « le nez propre ».

C'était donc surtout un besoin de te diversifier en tant qu'artiste ?

Lias : Oui. En tant qu'artiste, j'ai une prédisposition à ne rien foutre, dès que je le peux...

Pourquoi ce nom de, The Moonlandingz ? Un nom assez compliqué à prononcer pour nous, Français... Pourquoi ce Z à la fin ?

Adrian : Pourquoi pas ? J'ai toujours aimé les mots qui comportent un Z et je trouvais que cela s'adaptait bien au terme Moonlanding. Et puis, cela créait une interrogation quant aux thèses complotistes tendant à faire croire que les alunissages des missions Apollo n'ont jamais eu lieu. Je trouvais que cela s'accordait bien avec un projet de groupe fiction comme le nôtre.

Tu fais partie de ces complotistes ?

Adrian : Absolument pas.

Les titres de vos chansons (Interplanetary Classics, Sweet Saturn Mine...), votre nom de scène, vos costumes, votre penchant pour le glam rock... Tout cela pourrait faire penser à un David Bowie période Ziggy Stardust...

Lias : Je n'irais pas aussi loin. Mais nous avons voulu jouer avec ces idées là.
Adrian : C'est l'histoire d'un personnage, Johnny Rocket, qui après deux albums à succès avec son groupe s'essaie à une carrière solo avec une musique différente qui englobe de l'électronique et d'autres sonorités à contre courant. Dans ce sens, il y a un parallèle avec David Bowie.

Comment se passe la collaboration entre vous ? Qui écrit les textes ? Qui compose les musiques ?

Lias : Nous nous voyons généralement dans un home studio et après avoir couché quelques pistes d'instruments nous collons des mots dessus.

Avec Fat White Family, c'est souvent bien plus tempétueux et colérique !

C'est un process qui diffère beaucoup de celui dont tu as l'habitude avec les Fat White Family ?

Lias : Avec Fat White Family, c'est souvent bien plus tempétueux et colérique ! Avec The Moonlandingz, je joue un personnage de fiction et j'ai donc un besoin moins impérieux d'imposer ma personnalité. Contrairement aux Fat White Family, je n'ai pas la sensation que c'est mon projet, mon « groupe ». Cela me décharge de certaines responsabilités et rend The Moonlandingz souvent plus fun et plus facile pour moi.

Où avez vous enregistré Interplanetary Class Classics ?

Adrian : Entre Sheffield et New York. Les instruments électroniques, ainsi que certaines guitares, ont été enregistrés à Sheffield. Le reste à New York. Et nous nous sommes auto-produits. C'était une condition de base.

Adrian, est-ce difficile de travailler avec Lias ?

Adrian : Absolument pas (rires) !

Lias, est-ce difficile de travailler avec Adrian ?

Lias : C'est toujours difficile. Tout est difficile. Le simple fait de respirer est difficile pour moi. Je ne ressens aucun plaisir pour rien !
Adrian : Lias déteste deux choses : Les être vivants et les objets inanimés (rires).

Tu n'as pas peur de tomber dans les « clichés » en déclarant cela ?

Lias : Pas du tout. Je te dirais même qu'au plus tu obtiens ce que tu désires, et au plus cela empire. Simplement parce qu'avec le temps, ce succès te retire des raisons de te plaindre. Or, tout ce que tu as comme liberté dans cette société, c'est celle de te plaindre ! Quand je n'étais qu'un petit chanteur de petit groupe inconnu, j'avais toutes les raisons de critiquer le système et de l'emmerder. Maintenant que les gens me voient comme quelqu'un qui a réussi quelque chose dans ce même système, il ont de la peine pour moi...

Tu as vraiment l'impression de vivre un succès au point de ne plus avoir de but ou de motivation nécessaire ?

Lias : Bien sûr que non. Je ne m'en suis même pas encore approché.
Adrian : Pourtant, regarde il fume déjà sa cigarette comme Serge Gainsbourg (rires) !

Parmi les titres les plus fous de cet album, il y a une chanson nommée Neuf du Pape. Impossible de ne pas faire un rapprochement avec Châteauneuf-du-Pape. Le vin bien sûr, pas la ville !

Lias : C'est mon vin préféré ! Je voulais absolument immortaliser mon amour de ce vin et de l'alcoolisme par une chanson populaire... Et si, en plus, le vignoble ou la ville veulent nous soutenir financièrement pour faire leur publicité, qu'ils le fassent.

Adrian a raison, il y des relents de titres à la Serge Gainsbourg dans cet album. Des titres aux sens très cachés...

Lias : Il y a un tas de sens cachés dans nos titres. Mais si je te les confiais, ils ne seraient plus cachés. C'est comme un putain de gratin de pomme de terre. Entre chaque rondelle de pomme de terre, tu ne la vois pas, mais il faut t'attendre à une rondelle d'oignon qui va venir fondre dans ta bouche. Si tu veux en découvrir tous les sens cachés, il faut que tu enfonces ta putain de fourchette dans le plat à gratin !

On peut faire un parallèle de ton explication avec le titre Glory Hole ?

Lias : Pour le coup, là il n'y a aucun sens caché (rires) ! On a essayé de couvrir toute l'Europe et ses vices... (rires) Il n'y a qu'en Espagne que nous n'avons rien trouvé d'intéressant jusque là. Mais nous y travaillons.

Quelle est l'histoire du titre The Strangle of Anna ?

Lias : J'avais commencé à écrire une histoire à propos d'une amie à moi nommée, Anna. Petit à petit, c'est devenu un texte à propos de petits branleurs qui gravitent autour des groupes dont ils sont fans. A la mode, bien sûr eux, gueules d'ange et tenant à se droguer jusqu'aux os pour avoir l'air « rock'n roll », se comparant à Lou Reed parce qu'ils arrivent à aligner trois accords à la guitare... Je me convaincs souvent que je suis Lou Reed, mais c'est uniquement par pure provocation ! Ça ne m'aide toujours pas à écrire de bonnes chansons, mais au moins je suis capable de l'admettre.

Yoko Ono et Sean Lennon ont collaboré à cet album. Comment les avez-vous convaincus ?

Lias : Pitié, pas cette question ! S'il te plait « bro », cela fait quatre ans que je suis obligé de répondre à des questions de merde. On perd du temps si on se paume avec des questions pareilles... Sean Lennon est un mec bien, bla bla bla.

Il paraît que Lias a exigé uniquement des groupes féminins en support de la tournée de The Moonlandingz ?

Lias : Faux. Adrian a fait cette requête.

Son coté féministe engagé peut être ?

Lias : Il utilise le féminisme pour booster la tournée et vendre des disques. Moi, je suis un véritable féministe.

Pourtant le groupe qui ouvre pour vous ce soir est composé uniquement de garçons (ndlr : The Cherry Bones) ?

Lias : Je n'ai malheureusement pas le temps d'écouter toutes les démos qu'on nous fait passer en tournée. Je suis sûr que The Cherry Bones sont très bons. Mais, je ne les ai pas choisis. Pour tout te dire, je n'avais aucune idée de qui ouvrait pour nous ce soir avant que tu n'en parles !

J'ai abandonné Londres. J'ai tiré la chasse et toute la merde de Londres qui va avec.

Lias, j'ai entendu dire que tu avais quitté Londres ?

Lias : J'ai abandonné Londres. J'ai tiré la chasse et toute la merde de Londres qui va avec. Tout ce que j'aimais dans cette ville est mort. Nos politiques ont tué son âme.

Parlons politique. C'est la bonne époque. Dimanche dernier s'est déroulé le vote du premier tour de l'élection présidentielle française avec le bon score de Marine le Pen. Les partis populistes et nationalistes grimpent en flèche en Europe. Vous venez de subir le vote du Brexit... Quels sentiments tout cela vous inspire-t-il ?

Lias : Allons-y mollo avec la montée des extrémistes en Europe. Eux, au moins, ils font des choses ! Ce sont eux les partis de l'action maintenant. Où est passée la gauche ? Disparue ! Rappelle-toi les évènements de Cologne et les agressions sexuelles commises par des migrants (en partie) au jour de l'an 2016. La gauche s'est barricadée derrière la bien-pensance en minimisant l'affaire. Mais, ce qui s'est passé là bas était honteux. Une orgie de violences sexuelles. Dans le même temps, tu vois la gauche aller marcher pour les droits des femmes ! Ce sont deux faits ultra paradoxaux. Je ne suis pas un intello ou un politique, mais je ne marche pas dans ces combines. De ce fait, je ne suis pas du tout surpris de nos classes ouvrières se tournent vers des partis qui promettent des actions directes et immédiates. Débarrassons nous des poubelles plutôt que de les laisser envahir nos rues ! Bien sûr, il y a un fossé entre ce que notre moralité nous dicte et le ressentiment que font naitre de tels faits chez nous. Mais, il faut arrêter de se cacher derrière les bien pensants. Le problème c'est que la démocratie socialiste a disparu et nous subissons de plein fouet les conséquences du libéralisme à outrance.

Tu penses vraiment que ces gens qui votent pour les extrêmes le font en pleine conscience ou, comme le disait Adrian plus tôt, sur des thèses complotistes, sur des fake news et rumeurs de réseaux ?

Lias : Je suis certain qu'ils le font en toute conscience ! Et c'est bien là le problème. C'est aussi la conséquence du fossé qui s'est creusé dans le non dialogue entre riches et pauvres. La montée des ailes droitières en Europe n'est que le reflet du fascisme islamique rampant qu'on essaie de nous vendre. Le pire, c'est que cela n'a rien à voir avec la religion, mais avec l'économie. Je ne crois pas au fascisme islamique. C'est juste du fascisme. Point. Et en tant qu'Algérien, je peux dire tout cela sans trembler.

Revenons à nos moutons. Quels sont vos plans dans le futur proche ?

Lias : Je travaille actuellement sur un nouvel album de Fat White Family.
Adrian : Nous serons en tournée dans toute l'Europe cet été avec The Moonlandingz.

Habituellement une des marottes intervenant à la fin des interviews est : The Beatles ou The Rolling Stones ? Mais, pour vous, cela n'aurait aucun sens. Gary Glitter ou Marc Bolan ?

Lias : Gary Glitter. Marc Bolan aurait pu devenir une légende, s'il ne s'était mangé un arbre trop jeune. Ceci étant dit, c'est aussi comme ça qu'on construit des légendes (rires).
Adrian : Gary Glitter, sans aucun doute. Pour sa section rythmique.