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Mr Jukes

Interview publiée par Albane Chauvac Liao le 23 octobre 2017

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Jack Steadman a commencé les Bombay Bicycle Club quand il avait 15 ans, est devenu manager à 16 et a fondé un label à 18. Il confirme : la musique, c'est toute sa vie. Après le succès pop de son groupe, il se rase le crâne et se lance en solo (avec neuf autres artistes) sous le nom de Mr Jukes, délaissant la guitare pour la basse et la pop pour la bonne humeur du jazz. Rencontre entre cuisine mexicaine, musique dans l'espace et le grand Charles Bradley.

Raconte moi ton premier concert en solo ?

Je ne me suis pas senti si seul que ça en réalité, puisque j'avais neuf personnes pour m'accompagner sur scène. C'était à Londres il y a deux mois, c'était magique ! Je ne savais pas à quoi m'attendre, c'était sold-out : 600 ou 700 personnes qui connaissaient toutes les paroles. Tout le monde était très naturel, heureux de danser simplement, souriant. Le public londonien est parfois peu enthousiaste, pas très dansant, trop cool-froid.

Immobile, en admiration ?

Oui, à prendre des photos.

Tu n'étais pas un peu angoissé lors de cette première ?

Non, moins stressé que souvent parce que je suis très aidé par les musiciens, je ne joue plus que de la basse maintenant. Je ne chante plus autant qu'avant. Le reste du groupe travaille bien plus ! Moi, je m'amuse.

Avec Bombay Bicycle Club, c'était comme une famille ?

Assurément. Pour moi, quand tu pars en tournée, c'est toujours comme la famille. Il y a des jours où tu ne veux voir personne, tu te disputes, mais le lendemain, ça va mieux. C'est pareil avec les frères et soeurs, vous vous aimez profondément donc quand vous vous énervez, ça n'a aucune importance.

As-tu quitté le groupe définitivement, reviendras-tu ? Tu as besoin que l'amour revienne ?

Oui, l'amour pour la musique, pas pour les gens. Je vois les membres du groupe tous les jours, on est super copains. J'ai juste besoin du désir d'écrire cette musique. Je veux du jazz, du funk ou de la soul. Je suis un bassiste, je l'ai toujours été. Je ne sais pas pourquoi je jouais de la guitare.

Tu as collaboré avec Charles Bradley, qui nous a récemment quittés, peux-tu partager un souvenir ?

Le plus important de mes souvenirs est de l'entendre chanter notre chanson pour la première fois. Tu n'es jamais sûr que quelque chose va fonctionner jusqu'à ce que tu y sois. Je vole jusqu'à New York, rien n'est encore fait, je lui apprends un peu la chanson, ça va lentement, puis il fait juste un petit arrangement et là, tout le monde se tait. C'est le moment le plus singulier qu'il m'ait été donné de vivre. Soudain, ça sonnait exactement comme ce que j'avais en tête. J'ai su que ce serait une chanson unique. Il était le plus altruiste et chaleureux de tous. Je n'ai passé qu'une journée avec lui, mais il était si attentif à ce que je sois heureux, que la chanson soit comme il faut. J'ai été très choqué à sa mort, je pensais vraiment qu'il irait mieux parce que j'avais appris qu'il était en voie de rétablissement.

Il était même reparti en tournée…

« Back on the road »… Pour moi c'était évident car il était comme ça, très fort. J'ai du mal à écouter sa musique ces deux derniers jours (ndlr : Charles Bradley nous avait quittés deux jours avant l'interview), ça me provoque beaucoup d'émotions. C'est étrange parce que je n'ai passé qu'un jour avec lui. Mais peut-être que cela suffit. On a joué ce jour-là, à Birmingham, on lui a tout dédié. J'étais heureux d'être en tournée, ça m'a permis d'extérioriser avec le public, avec le groupe.

Comment est constitué ton groupe ?

Il y a trois chanteurs, trois joueurs de cuivres, un bassiste, un claviériste et moi. J'en connaissais certains et d'autres dont je connaissais le talent mais que je n'avais encore jamais rencontrés donc j'étais très impatient de jouer avec eux. Je ressens beaucoup de soutien sur scène, et comme on vient du milieu de l'improvisation, le jazz, si quelque chose foire, ce n'est pas grave, on peut l'arranger en live. C'est d'autant plus relax. C'est différent chaque nuit, chose très importante quand on est en tournée, on laisse de l'espace aux solos, on improvise sans arrêt, on veut se surprendre.

Vous aviez coutume de vous serrer la main avant chaque concert avec Bombay Bicycle Club, qu'est-ce que tu fais maintenant ?

On s'offre un moment, on rassemble nos mains au milieu. Chacun a fait ses affaires de son côté pendant la journée, c'est important de se retrouver, un instant, soixante secondes, avant de monter sur scène.

Tu es un grand « digger », peux-tu partager ta dernière trouvaille ?

C'est le nouveau pressage d'un disque, The Voyager Golden Record, qu'ils passaient à bord du vaisseau spatial Voyager. Il a été envoyé par la Nasa à la fin des années 70 et voyage depuis. Après avoir fait le tour du système solaire, de Saturne à Jupiter, tout simplement la galaxie, c'est le premier objet fabriqué par l'homme à atteindre l'espace interstellaire. C'est incroyablement loin et à bord de ce vaisseau, ils ont un disque d'or. Au cas où quelqu'un le trouverait, il contient le bonjour en plusieurs langues, diverses musiques de la Terre.

Comme par exemple ?

De la pop occidentale, Chuck Berry, des sons de la forêt amazonienne, tous ces différents morceaux de la planète Terre. J'étais fasciné par ce disque et un label en a sorti une copie cette année, il me le fallait !

Dans la vidéo d'introduction de ton album God First, BJ The Chicago Kid dit que pour lui chaque musicien est comme un chef cuisinier. Si ta musique était un plat ?

La cuisine mexicaine. Sa base : le citron vert, la coriandre, les chilis. Pour moi c'est ça la funk et le groove. C'est lumineux, ça te rend joyeux.