logo SOV

Fontaines D.C.

Interview publiée par Pierre-Arnaud Jonard le 12 avril 2019

Bookmark and Share
Avec Dogrel, les irlandais de Fontaines D.C. viennent de sortir l’un des meilleurs albums de ce début d’année 2019. Un disque qui réinvente le punk, le post-punk et la pop dans le même élan. Rencontre à Paris avec Carlos O'Connell, guitariste du groupe.

Vous avez fondé le groupe lorsque vous étiez au lycée...

Oui, tout à fait. On s'est rencontrés au lycée, sommes devenus amis, avons commencé à faire de la musique, à répéter. Certains d'entre nous écrivaient de la poésie à la même période. On a d'ailleurs écrit ensemble des petits livres de poésie. On était inspirés par la beat generation, Ginsberg, Kerouack mais aussi par des auteurs comme Yeats ou Joyce. On continuait de jouer de la musique dans le même temps avant de s'y mettre de manière plus sérieuse.

Vous avez sorti assez rapidement un premier single...

Oui, assez vite, c'est vrai. Un an environ après la formation du groupe. Quelques semaines après, on en sortait un autre.

Je trouve votre album assez post-punk...

Musicalement, je ne trouve pas que nous sommes post-punk. C'est un terme qui a été trop utilisé et est devenu superficiel. Il est devenu comme une étiquette un peu facile. Notre album a plein de sons différents. On ne pourrait pas le cataloguer comme post-punk.

Il y a certains titres du disque, notamment Chequeless Reckless, qui semblent très influencés par The Fall...

The Fall, eux, étaient clairement un groupe post-punk. Ils n'étaient pas une influence du groupe à la base. Un jour, un journaliste nous a comparés à eux. Du coup, nous les avons écoutés et nous nous sommes dit qu'est-ce que c'est bon. Mais avant cela, nous ne les écoutions pas.

Il y a aussi des éléments très pop dans votre musique...

Oui, notre songwriting est assez classique. Tu trouves plein de trucs chez nous, il y a des côtés rock fifties, des influences qui viennent de la musique traditionnelle irlandaise, du punk. Nous sommes de grands fans de musique, nous en écoutons beaucoup et dans plein de styles différents.

Il y a un morceau sur l'album, The Lotts, qui sonne très différemment du reste du disque avec ce côté new wave...

C'est l'un des derniers morceaux que nous ayons écrits pour l'album. Il a un son très organique. Il y a définitivement une atmosphère new wave sur ce titre, c'est vrai.

On y trouve aussi Television Screens, qui est aussi le titre du premier 45 tours punk irlandais jamais publié...

Vraiment ? Je ne savais pas. C'est une totale coïncidence !

Les paroles de l'album parlent de la gentrification de Dublin ?

En partie, oui. Nous habitons le quartier The Liberties, au sud-ouest du centre-ville. C'est un quartier qui n'avait pas été touché par la gentrification. Cela avait la réputation d'un quartier dangereux même si ça ne l'était pas. Aujourd'hui, la gentrification arrive même dans ce quartier. Nous parlons du monde matérialiste, de la superficialité du monde capitaliste qui nous entoure.

Vous avez dit vous sentir comme des gens authentiques. Est-ce que cela vous fait sentir proches de groupes comme Shame ou IDLES ?

On ne connait pas très bien les mecs de Shame mais ils sont très sympas. En revanche, on se connait bien avec IDLES. Nous aimons leur attitude. Elle est inspirante. Ils nous apprennent des choses parce qu'ils sont plus vieux que nous, ont plus d'expérience.

Êtes-vous inspirés par le poète irlandais Patrick Kavanagh ?

Certains membres du groupe, oui, mais moi, non. Je n'ai jamais beaucoup aimé Kavanagh. Je suis moitié espagnol et c'est peut-être pourquoi mon poète préféré est Federico García Lorca. Il y a un livre de lui qu'il a écrit en 1929-1930 lorsqu'il était étudiant à l'université Columbia, « Le poète à New-York », qui a eu une grosse influence sur la beat generation. Tu devrais le lire. C'est un livre incroyable.

Vos morceaux sont soit très courts soit très longs. C'est surprenant...

C'est vrai. Pour les morceaux courts, cela vient de l'influence punk. Pour les morceaux longs, on ne s'en est rendu compte qu'après les avoir enregistrés. On s'est demandé si inconsciemment ce n'était pas une réaction aux titres courts.

Le dernier morceau de l'album, Dublin City Sky, est un hommage à Dublin ?

Oui. Sur la ville de Dublin qui disparait du fait du monde matériel. C'est une métaphore entre un couple qui va ne plus se voir et le monde capitaliste.