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Franz Ferdinand

Interview publiée par Jean-Christophe Gé le 7 janvier 2025

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Je rencontre Franz Ferdinand dans un hôtel parisien du 9ème arrondissement, avec une cheminée a transformé le salon en fournaise qu'Alex Kapranos tente de maîtriser avec une télécommande. Je me permets de glisser « This fire is out of control, we're gonna burn this city », Bob Hardy réinvente les paroles par un « this fire is remote controlled... », c'est le signal d'encouragement qu'il fallait et Alex parvient à éteindre cette fournaise ardente. Les choses sérieuses peuvent commencer.

Sept années se sont écoulées depuis la sortie de Always Ascending, c'est la plus longue pause entre deux albums de Franz Ferdinand. Qu'est-ce qui vous a inspirés pour ce nouveau disque ?

Bob : Tellement de choses... Et comme toujours depuis le début de Franz Ferdinand, nous écrivons sur la condition humaine et ce que ça signifie d'être en vie et à quel point c'est excitant.
Alex : Je pense aussi que sortir Hits To The Head (ndlr : leur Best Of paru en 2022) était très inspirant parce que ça nous a fait toucher l'essence du groupe. Ça m'a vraiment aidé à comprendre ce qu'était le groupe et je voulais que nous fassions encore mieux. C'est presque comme une compétition avec notre passé. Comment faire quelque chose qui nous ressemble mais qui soit différent.

Effectivement la première fois que j'ai écouté The Human Fear, je me suis dit que c'était un retour aux sources du Franz Ferdinand classique. D'autant que votre album précédent, Always Ascending, avait un son radicalement différent. Mais plus je l'écoute, plus je trouve de la diversité dans les chansons entre elles. C'est une réaction au Best Of ?

Alex : Oui, c'était exactement ça. Je pense que ce sont les deux piliers de l'album. Sonner très Franz Ferdinand, ne pas avoir peur de notre identité. Je pense qu'on est là pour le long terme. C'est comme quand j'écoute Nick Cave ou Leonard Cohen, ils sonnent toujours comme eux-mêmes même s'ils essaient de faire de nouvelles choses, à différentes étapes de leur carrière. Nous voulions surprendre tout en restant nous-mêmes. L'idéal serait que les gens se disent « Oh, je n'ai jamais entendu Franz Ferdinand faire quelque chose comme ça avant, mais je peux dire que c'est eux ». C'est la clé.

C'est pour ça que vous avez travaillé à nouveau avec Mark Ralph (ndlr : producteur de Right Thoughts, Right Words, Right Action) ? C'est la première fois que vous travaillez deux fois avec le même producteur...

Alex : C'est vrai, oui. Nous aimons bien Mark, c'est agréable de travailler avec lui. C'est un super producteur, un super ingénieur du son. Il est drôle. Aussi, on voulait travailler à nouveau dans mon studio en Écosse. C'est un endroit assez particulier, un peu bizarre, et il connaissait déjà l'endroit. Nous savions que ça allait être beaucoup plus rapide. Je ne voulais pas passer trop de temps sur des trucs sans importance. Je ne voulais pas passer des heures à régler comment placer le micro pour la grosse caisse. Je voulais que tout cette phase de préparation soit rapide pour nous mettre vraiment à l'enregistrement lui-même. Mark est très doué pour ça.

Un peu comme monter sur scène où tu connais ton son et tu n'as plus qu'à jouer ?

Alex : Oui, c'est très similaire. Notre équipe, quand nous sommes en tournée, connaît notre installation sur le bout des doigts. Elle peut monter notre scène en une heure. C'est dingue, très rapide, voire en trente minutes pour un festival. Et c'est la même chose, je ne veux pas perdre de temps. Je veux juste m'y mettre et le faire rapidement.

Pour revenir à ma question initiale, qu'est-ce qui a déclenché l'envie de faire l'album maintenant ?

Bob : Nous avions toujours prévu de faire un nouvel album. Le Best Of devait sortir en 2020 mais le COVID-19 est arrivé et donc tout a été mis en pause. Nous voulions aussi enregistrer de nouvelles chansons à mettre dessus, et à cause du confinement nous n'avons pas pu nous réunir avant mi-2021, donc c'est sorti en 2022. Puis nous sommes partis en tournée jusqu'à fin 2023. Avant la tournée nous avons enregistré une partie de l'album et nous avons terminé mi 2024. Les choses ont été désynchronisées, ce disque aurait dû sortir en 2021.
Alex : En fait, sans le Best Of et le COVID-19, il aurait même pu sortir en 2020. Mais je suis vraiment content que ça ait pris autant de temps parce que je ne pense pas qu'il aurait eu cette identité s'il n'avait pas eu ce temps et cet espace pour devenir ce qu'il est devenu. Certaines chansons étaient déjà écrites à l'époque mais pas toutes, et elles ont énormément changées. Hooked n'existait que sous forme d'un riff. Certains arrangements n'ont été écrits qu'à la toute fin, très peu de temps avant de commencer l'enregistrement. Bar Lonely, Night Or Day et Build It Up ont été écrites avant Always Ascending. Mais il y a aussi des chansons qui ont été écrites pour cet album qui n'ont pas été retenues et qui seront probablement sur le prochain parce que nous n'avons pas encore tout à fait trouvé comment les jouer correctement. Parfois ça prend du temps, ça a toujours été le cas. Sur le troisième album il y a Can't Stop Feeling qu'on avait écrite pour le premier mais qu'on n'avait pas tout à fait réussi à faire correctement à l'époque. Le premier album contient des chansons que j'avais écrites huit ans plus tôt... Je pense que l'idée d'une période d'écriture n'est peut-être pas la bonne façon de voir les choses. C'est plus un processus continu dans lequel nous sélectionnons.

Alors comment écrivez-vous vos chansons ? Y a-t-il une formule ?

Alex : Elles sont toutes assez différentes. J'aime changer, écrire différemment pour différentes chansons. Parfois j'écris d'abord les paroles. Parfois d'abord la mélodie. Ça garde les choses excitantes. Certaines chansons, je les écris au piano, à la guitare, une au bouzouki... J'ai même essayé d'écrire avec une clarinette une fois.

Un bouzouki ?

Alex : C'est un instrument grec avec trois cordes doubles. Comme une guitare mais plus cool.
Bob : Une clarinette ? Récemment ?
Alex : Pas récemment, il y a genre trente ans. Je n'ai rien fait de très bon. C'est bien d'essayer quelque chose de différent. Tu as cette vibration bizarre sur les dents. Parfois j'écris les paroles en premier, parfois avec Bob, parfois avec Julian. Il n'y a pas de règle.

Comment les nouveaux membres du groupe ont-ils été impliqués dans l'écriture du nouvel album ?

Alex : Je dirais que Julian a été particulièrement impliqué. Surtout dans l'arrangement et pour peaufiner le son. Quand nous sommes entrés en studio pour faire l'album, nous étions déjà allés en tournée pour le Best Of et le groupe fonctionnait bien. Nous savions comment jouer ensemble et nous avions trouvé l'endroit magique où un groupe se trouve, où tu fonctionne de manière instinctive. C'est comme de la télépathie. Tu ne parles pas aux autres, tu communiques juste sur scène. Donc arriver à ce point avant de faire l'album a rendu l'enregistrement très simple.

Combien de temps a pris l'enregistrement ?

Alex : L'enregistrement en lui-même a duré environ trois semaines.
Bob : Puis il y a eu le mixage, etc... Et quelques overdubs.
Alex : Et la post-production.
Bob : Un peu plus longtemps donc.
Alex : Et ça s'est fait sur plusieurs périodes. Nous sommes partis en tournée, puis avons repris le travail, puis nous sommes repartis en tournée un peu plus longtemps avant de finir l'album. C'est super, ça nous a permis de prendre du recul. Tu pars pendant deux semaines puis tu reviens et c'est genre « Ah oui, il faut juste enlever ça ». Une grande partie de la production, c'est juste d'enregistrer tout et de décider ce que nous gardons. Une chanson comme Hooked en est un très bon exemple, son arrangement est très simple. Les meilleures chansons sont comme ça en fait. Pour certaines nous sommes retournés aux démos. Dans Tell Me I Should Stay, il y aussi de la démo. Ou l'intro d'Audacious est carrément prise de la démo. J'ai essayé de le réenregistrer et ça ne sonnait pas aussi bien. Donc le piano qu'on entend, c'est celui de quand j'ai écrit la chanson dans mon appartement pas très loin d'ici.

Tu habites le quartier ?

Alex : Oui, pas très loin de chez Chartier, tu connais ?

Oui, juste à côté il y a un super chocolatier, À la Mère de Famille, ouvert depuis 200 ans !

Alex : Ah oui, je vois très bien. J'adore cet endroit, avec la petite guérite. Bob, tu pourrais y aller, leur chocolat noir est végan.

Tu parles beaucoup de jouer en live. Comment décidez-vous comment une chanson va sonner en live ? Est ce que vous y pensez quand vous enregistrez en studio ?

Alex : Pour certaines chansons, nous commençons par les jouer live en répétition avant même de les enregistrer. C'est juste ce qui se passe quand nous jouons tous les cinq. Pour Always Ascending c'était différent car l'album est très construit et même s'il y a beaucoup de parties live dedans, trouver comment le faire sur scène a été plus compliqué. Pour The Human Fear, je ne sais pas encore comment nous allons jouer Black Eyelashes parce que je n'ai jamais joué de bouzouki sur scène et je ne sais pas comment je vais le brancher sur la sono. Probablement juste avec un petit micro contact ou quelque chose comme ça.

Tu as aussi parlé de Hooked plusieurs fois déjà. Pour moi, elle se démarque sur l'album comme quelque chose de beaucoup plus électronique que le reste. Ça me rappelle les remixes que vous avez faits pour vos albums précédents. Qu'est-ce qui vous a fait franchir le pas de ne pas la garder pour les faces-B ou les remixes mais de la mettre sur l'album ?

Alex : Le truc marrant, c'est que c'est en réalité intégralement joué en live. Même si la batterie sonne très électronique, c'est Audrey qui la joue. Ce n'est même pas un sample. C'est sa caisse claire et sa grosse caisse. On les a juste égalisées, distordues et filtrées pour qu'elles sonnent plus comme une boîte à rythmes. Le son de synthétiseur, c'est moi qui joue une guitare dans un vieux synthé guitare Korg 911. C'est le genre de truc que tu joues à la guitare parce que c'est comme ça que tes doigts tombent mais ça sonne bizarre parce que ça passe par un synthétiseur. Ce n'est pas le genre de chose que tu jouerais naturellement sur un clavier. Pour moi, c'est ce qui le rend cool.

Du rock qui sonne comme de l'électro...

Alex : Oui, exactement.

Les styles des chansons sont très différents. Comment avez-vous réussi à faire de cette collection de chansons un album cohérent ?

Alex : Ça nous semblait attrayant d'avoir des chansons qui étaient très, très différentes. Je pense que c'était facile une fois que nous avions pris cette décision initiale d'embrasser notre identité. Nous étions très à l'aise avec un disque qui sonne comme Franz Ferdinand, nous n'essayons pas de devenir un groupe différent. Et une fois que tu acceptes ça, la cohésion vient naturellement parce que c'est toi qui le fais. Ça a l'air évident, mais c'est vrai. C'est libérateur.

Est-ce que parfois vous allez dans la direction opposée en vous disant « Non, nous avons déjà fait ça... » ?

Alex : Je pense que quelque chose comme Night Or Day pour moi a un groove très Franz Ferdinand. C'est plutôt cool mais ça sonnait naturellement différent parce que c'était porté par un piano plutôt que de la guitare. Mais oui, le côté Franz Ferdinand, si c'est le mot, semblait attrayant plutôt que quelque chose à réprimer.

Sur The Human Fear, j'ai l'impression que beaucoup de chansons parlent de la peur d'une certaine manière. Il me semble que c'est la première fois qu'il y a un thème qui traverse l'un de vos albums...

Alex : Il y a probablement des thèmes qui traversent les autres albums, mais nous n'avons jamais pris la peine de les chercher. Je pense que c'est la première fois que nous avons un titre qui résume l'album comme ça. Ça ne me vient pas à l'esprit spontanément, mais je suis sûr qu'il y a d'autres thèmes que nous n'avons jamais remarqués.

J'ai été surpris qu'il n'y ait pas de faces-B sur les deux singles de Hits To The Head ou sur Audacious...

Bob : Les faces B semblent avoir disparu. Personne ne nous demande, et on ne fait plus de 45 tours.
Alex : Il y a très peu de sorties physiques. À l'époque, quand on a commencé, j'aimais vraiment faire les faces-B parce que moi-même j'adorais tellement les écouter... Certaines de mes chansons préférées sont des faces-B. Particulièrement en tant que fan des Smiths, les leurs étaient toujours géniales. Mais avec le recul, je pense que certaines de nos meilleures chansons ont été gaspillées. Je pense à des chansons comme Love And Destroy, L. Wells ou même Wine In The Afternoon. Ce sont de bonnes chansons, mais personne ne les connaît vraiment. Peut-être qu'on devrait faire une compilation de faces-B un jour. Je pense que mon envie d'en sortir est moindre à l'ère du streaming par rapport à ce qu'elle était à l'époque des supports physiques. D'une certaine manière, il va y avoir un album face-B qui sort avec The Human Fear (ndlr : la version deluxe du vinyle a 16 titres bonus sur un second disque). Ça m'excite parce que j'adore entendre les démos des groupes. Et ça va être une sortie uniquement physique, ça ne sera pas en streaming. Tu sais, le label a ces gens qui sont employés pour retirer les trucs quand les gens les mettent sur YouTube ou autre. Et d'habitude je n'y prête pas vraiment attention. Mais pour celui-ci, je veux m'assurer qu'ils soient retirés tout de suite. Je ne veux pas qu'ils existent au format numérique, parce que j'adore l'idée de quelque chose qui soit purement physique. La seule chose que je déteste des services de streaming c'est que quand tu veux écouter un album au lieu d'avoir dix titres, tu en as une trentaine. Ce n'est pas l'album. C'est tout ce truc en plus. Ça devrait être quelque chose de rare et difficile à trouver. J'aime célébrer ce qui est difficile à trouver. Je ne veux pas que tous mes 45 tours rares soient dévalorisés en étant juste sur Spotify. Donc je le garde délibérément hors de toutes les plateformes numériques.

Que contiendra ce LP supplémentaire ?

Alex : Ce sont surtout les démos des chansons. Certaines sont différentes. Par exemple, il y a un enregistrement de Audacious, qui est peut-être la première version que j'ai enregistrée. C'est juste moi sur mon téléphone, assis au piano. Ce n'était pas pour le groupe. C'était en fait pour ma femme. J'étais en Écosse et elle était ici à Paris. Je lui disais : « J'ai écrit cette chanson. Voici à quoi ça ressemble ». C'était juste pour lui montrer ce que je faisais. Mais ensuite, il y a le démo que j'ai envoyé à Bob, où je lui montrais qu'on avait discuté de transformer cette chanson de piano en une chanson de Franz Ferdinand. Il y a une différence entre écrire une chanson et lui donner le son Franz Ferdinand. Il lui faut un riff, et donc on m'entend essayer plusieurs riffs sur la chanson. Mais curieusement, la version finale de l'album commence avec cette démo « here the riff one ». Mais la démo originale est beaucoup plus longue, elle est sur l'album et on peut voir comment la chanson a évolué. J'adore ça. Pour certaines, les démos sont très similaires, et pour d'autres, très différentes. Par exemple, il y a une chanson intitulée Bar Lonely dont la démo originale a été enregistrée il y a sept ans, et c'est très différent. C'est très lent et méditatif, encore une fois écrit au piano. Pour moi, c'est fascinant de voir comment la création évolue. J'adore les Beatles, et c'est incroyable de pouvoir écouter des choses comme Child Of Nature et d'entendre ce que John Lennon en a fait par la suite (ndlr : une démo de 1968 qui, au lieu de finir sur le White Album, se transformera en Jealous Guy sur l'album solo de Lennon trois ans plus tard).

Cette idée d'album compagnon me rappelle un autre album compagnon que vous avez fait : Blood, la version dub de Tonight. Comment cela s'était-il fait ?

Alex : Nous travaillions avec Dan Carey, qui est un excellent mixeur dub. Parfois, en mixant l'album, nous nous amusions à faire des trucs comme ça, puis nous arrivions au mix final. Et j'ai demandé de faire un album avec ces mixes. Un mix dub, c'est très irrespectueux de la performance originale, tu coupes tout sauf les parties que tu aimes, et tu les déformes avec autant de distorsion, d'écho et de réverbération que possible. C'est génial. Cet album, c'est autant notre performance en tant que groupe que celle de Dan Carey en tant que mixeur. Je préfère parfois les versions de cet album à celles de Tonight, notamment celles de Lucid Dream et de What She Came For. Ah, et aussi Backwards On My Face qui reprend Twilight Omens, elle est super. Dan est un type génial, j'aimerais bien travailler à nouveau avec lui.

Parmi les "disques difficiles à trouver" que tu possèdes, lequel est ton préféré ?

Alex : Je vais dire un single. C'est une chanson appelée Afrique Demain de Patrick Bebey. C'était un chanteur Camerounais. Il a vécu en France pendant longtemps et a étudié à Paris. C'était comme un musicologue et un auteur-compositeur. Cette chanson est incroyable, je l'ai trouvée dans une brocante à Paris.
Bob : Quand j'étais ado, j'étais vraiment fan d'un groupe appelé The West Coast Pop Art Experimental Band. De la pop psychédélique de la côte Ouest des Etats-Unis des années 60s. Ils avaient un album appelé A Child's Guide to Good and Evil, c'était leur troisième disque. Je l'ai trouvé dans un magasin de disques à Halifax dans le West Yorkshire, il coûtait 25 Livres. Maintenant tous les disques sont à 25 livres, mais en 1997 c'était beaucoup d'argent. Je l'ai quand même acheté, j'étais très excité. Et je l'ai toujours.

Je vais écouter ça sur Spotify, merci pour le tuyau.

Alex: Tu vois c'est devenu tellement facile...

Oui, avant il fallait connaître quelqu'un qui avait l'album pour pouvoir l'écoter. Mais aujourd'hui, il y a tellement de choses que ce n'est pas évident de choisir par quoi commencer...

Alex : Parfois, c'est difficile de trouver ce que que cherches. Je trouve que les playlists générées par l'IA ou autre ne te proposent que très rarement quelque chose de nouveau. Elles te donnent plus de ce que tu aimes déjà. C'est comme si on me suggérait Heart Of Glass pour la millionième fois. Je sais que c'est une super chanson, je n'ai pas besoin qu'on me la propose encore. Ce qu'il faut, c'est une curation humaine. j'ai besoin que des humains me disent quelles sont les nouvelles choses que je devrais écouter. Alors, on a une playlist.

Justement Sound of Violence en fait une chaque mois !

Alex : Et ce sont des humains qui la font ?

Rien que des humains. Nous discutons beaucoup sur notre groupe WhatsApp parce parce que nous ne voulons pas mettre 90 chansons...

Bob : Sinon, personne ne l'écouterait. Combien de chansons mettez-vous ?

L'objectif, c'est 33. La plupart du temps, nous dépassons un peu...

Bob : Ah, c'est cool. Quels sont vos critères, juste de l'enthousiasme ? De la nouveauté musicale ?

Oui, ce sont des morceaux censés être sortis au cours des trente derniers jours. Donc, le premier de chaque mois, nous regardons les sorties du mois précédent. Nous ne nous disons jamais que nous allons inclure un titre parce que nous sommes censés le faire, nous fonctionnons au coup de cœur. Ensuite, c'est un peu de démocratie et de politique. Si je mets ça, tu peux mettre ça... Pour en revenir à votre musique, quand je regarde l'artwork de Audacious, il me rappelle beaucoup celui de votre premier album. Pourquoi ce choix ?

Alex : C'est une manière visuelle de dire ce que nous disions plus tôt : nous assumons l'essence du groupe et nous sommes fiers de notre identité. Mais si tu écoutes Audacious, tu entends cette identité tout en percevant quelque chose de très nouveau. Je veux que les gens regardent la pochette et se disent : « Oui, c'est Franz Ferdinand ». Je pense que c'est aussi vrai pour la pochette de l'album. Nous n'avions jamais fait une pochette mettant autant nos visages en avant, même sur Tonight, nos visages ne sont pas aussi visibles. Mais de toute façon, juste avec la palette de couleurs, tu sais que c'est notre album. Nous devrions rééditer tous nos disques avec cette palette, et les gens pourraient retourner la pochette originale pour recevoir la nouvelle gratuitement.

Ce serait marrant, je suis sûr que le label adorerait. Vous parlez beaucoup de cette identité, comment y avez vous intégré les nouveaux membres du groupe ?

Bob : Juste en étant sympa avec eux. C'est comme ça que ça marche. Nous les écoutons, nous nous intéressons à leurs opinions et c'est comme ça qu'ils apportent leur touche.

Quelle chanson aurait été différente avec un autre line-up ?

Bob : J'en ai plusieurs qui me viennent à l'esprit. Sur Audacious par exemple, tu peux vraiment entendre nos influences à Alex et moi, essentiellement les Beatles et Queen. Je ne crois pas que Paul aurait apprécié.
Alex : Oh oui, ses amis n'auraient pas trouvé la chanson assez cool, et il se serait tellement plaint de cette chanson que nous ne l'aurions pas enregistrée !
Bob : Ou ça aurait été une version pourrie pleine de compromis.
Alex : Sur ce titre, Dino a une façon très particulière de jouer qui s'entend sur la lead guitare et le refrain. Dino est un grand amateur de rock, il a grandi en écoutant Jimmy Page. C'est pareil pour Julian, certains éléments n'auraient pu venir que de lui, comme sur Always Ascending. Par exemple dans Night Or Day, le rythme au piano - personne d'autre dans le groupe n'aurait pu faire ça avant. L'album porte aussi la marque d'Audrey. Elle a un groove phénoménal. Avec elle, une démo cool devient géniale quand elle joue dessus. Ça clique parfaitement. Son jeu est toujours cool, c'est plus important que la technique pure. C'est ce je-ne-sais-quoi qui rend un batteur humain supérieur à une boîte à rythmes.

Pour conclure, je suis très content de vous voir en février à la Cigale à Paris, mais c'est la seule date de cette tournée en France. Avez-vous d'autres plans pour l'année (ndlr : depuis, quelques dates ont été ajoutées en festival ou à la Coopérative de Mai à Clermont-Ferrand) ?

Bob : Il n'y a rien de confirmé mais on reviendra sûrement en France. Ce ne sera probablement pas notre seule date française pour cet album.
Alex : Nous verrons. Si les gens aiment l'album, nous reviendrons. Sinon, nous resterons à la maison.
Bob : Peut-être que le concert à la Cigale sera horrible et que tout le monde pensera que ce groupe est nul. Je ne sais pas. J'attends beaucoup du public, si le public est bon, nous reviendrons, s'il nous déçoit, nous resterons en Écosse.

Est-ce déjà arrivé ? Y a-t-il des endroits où vous ne voulez plus jouer ?

Alex : Il y a quelques endroits, je ne dirai pas lesquels, au Royaume-Uni, où je me dis "à quoi bon y retourner ?".
Bob : Nous sommes gâtés, nous jouons partout dans le monde avec des publics incroyables. Nos standards sont élevés.
Alex : Certaines villes sont juste déprimantes. Ça dépend aussi du type de groupe. Nous sommes très énergiques et nous attendons de l'énergie en retour. Sans ça, nous finissons de mauvaise humeur après le concert.

Ok, je dirai aux lecteurs de bien se comporter.

Alex : Non, dis-leur de se mal comporter ! [rires]

Quelle est la meilleure chose qu'un public ait faite ?

Bob : Pour moi, c'est quand il chante. Ça donne des frissons. Tu sais que la chanson compte pour lui, c'est spécial.
Alex : J'adore quand il chante, surtout dans les pays non anglophones avec un accent local. C'est génial. Entendre Walk Away avec un accent suédois, c'est fascinant.

Les Français ne connaissent généralement pas les paroles en général...

Bob : Si, ils connaissent les passages importants.
Alex : Je devrais écrire plus en français !