Presque deux ans qu'on attendait ça. Depuis la sortie des premiers singles et surtout de
MADRA, le premier album de NewDad, ce groupe dont j'ai dit à Rock en Seine 2022 « franchement ça n'ira nulle part ce truc », ce groupe dont la musique semblait hésitante et qui s'est en deux ans et deux albums trouvé un son et une maturité inattendue le plaçant déjà parmi les meilleurs groupes de rock de la belle Irlande, et vu la cuvée actuelle c'est beaucoup plus qu'un compliment. Mais pas de tournée européenne pour le premier album, alors on a attendu, et comme tout vient à point à qui sait attendre, c'est avec un deuxième album
Altar et une date à la Maroquinerie que le groupe nous remercie et nous gâte.
Une date complète depuis un mois, et comme on pouvait s'en douter le sous-sol de la Maroquinerie est rempli de la fosse au plafond. Un modèle réduit d'amphithéâtre urbain qui attend le groupe de ses rêves comme la France attend un gouvernement de gauche, dans un état second mêlant crainte et excitation, appréhension et espoir, et contrairement au gouvernement NewDad auront ce soir été le rêve, la réalité, et l'expression de ses salutations distinguées. Les salutations de Julie Dawson qui rentre seule en scène avec rien d'autre que sa petite robe blanche et son grand sourire, bienvenu de l'autre côté du miroir, il n'y aura plus de retour en arrière possible.
Other Side laisse le groupe rentrer au fur et à mesure derrière sa chanteuse, une guitare, une basse, quelques éclats de cymbale, le ton monte, les décibels aussi, la foule ne demandait pas à être conquise, la foule ne demandait que NewDad et les voilà enfin.
Des outsiders dans la catégorie des poids lourd,
Heavyweight poursuit la trame du nouvel album de son charme absent, de sa lourdeur lunaire, astre d'un milliard de milliard de tonnes flottant sans y penser dans l'espace. Une lourdeur nocturne et nébuleuse qui ne sera que musicale ce soir tant Julie Dawson est une fée de lumière qui volte sur la scène entre Sean O'Dowd à la guitare et Marie Freiss à la basse, Clochette qui a troqué sa baguette contre une six cordes et douze des meilleures chansons de l'année. Julie qui remercie Paris pour cette toute première tête d'affiche et introduit
Pretty en citant que « c'est une chanson qui parle de Galway, et Paris c'est presque aussi mignon que Galway ! ». Presque, on n'aurait pas dit mieux avant de décaler pour deux chansons sur un premier album tellement bon qu'on aurait bien voulu en voir encore plus ce soir.
Nightmares et
Let Go font chavirer une fosse passée par-dessus bord depuis longtemps, le ciel menace à l'horizon, il serait temps de faire une escale.

L'enchaînement de la maturité,
Puzzle et
Everything I Wanted illuminent le chemin qui a été parcouru, le groupe est calé, le groupe est beau, et de la couleur des larmes le bleu est devenu la couleur du ciel.
Blue sera la seule chanson du soir à sortir des premiers EPs, un retour aux sources que le public apprécie, et quand le public apprécie, Julie apprécie. « Vous êtes les meilleurs, et je ne le dis pas à chaque fois, promis ! », l'ange emo décoloré de la miséricorde a parlé,
Misery sera un tourbillon de grésil distordu, une apocalypse dans une maison de poupée soufflée par le grand méchant loup. NewDad, un groupe qui a élargi son registre tant en studio qu'en live et
Sinking Kind Of Feeling en sera la preuve finale : la torpeur initiale s'amoncelle jusqu'à un final surpuissant et grandiloquent dépassant de trois têtes et quinze pommes la version de l'album, les jeux sont faits, le groupe n'a plus qu'à dérouler son rappel.
Angel enchaînée avec
Roobosh, la chanson de l'année 2024 suivie de la chanson de l'année 2025, on en prend plein les oreilles et l'on aimerait que ça ne s'arrête jamais, mais ce sera malheureusement le seul tort de notre nouveau papa ce soir. Cinquante-cinq minutes à la montre et Julie, Sean, Marie et Fiachra sont partis acheter des clopes pour ne jamais revenir. Le public aura beau crier pendant dix minutes, rien n'y fera, même pas les quelques faux espoirs d'un ingénieur lumières lui non plus pas convaincu que tout cela devait s'arrêter si tôt. Deux ans d'attente et deux albums pour moins d'une heure de concert, les calculs ne sont pas bons Julie, reviens mettre des paillettes dans ma vie Julie, reviens mettre du
White Ribbons, du
Mr Cold Embrace ou du
Madra dans ma vie Julie !
Et pourtant, comme
Altar restera pour toujours un des albums de l'année, ce concert restera l'un des concerts de l'année, la grande première de NewDad à Paris, le début de quelque chose que l'on espère immense, et comme ça nous aussi dans vingt ans on pourra les dire ces quelques mots : avec des rides et des étoiles perdues au fond des yeux, nous aussi on pourra dire « j'y étais ».