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Patrick Wolf

Interview publiée par Alice le 6 juillet 2005

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A 21 ans, Patrick Wolf a déjà deux albums à son actif. Le jeune loup commence d'ailleurs sérieusement à attirer l'attention depuis la sortie en début d'année de Wind In The Wires, un disque mature et excitant. Le concert qu'il donnait il y a peu au Centre Beaubourg était donc 'occasion parfaite pour en savoir un peu plus sur le jeune homme...

Quel effet ça te fait de jouer ce soir dans un grand centre culturel comme le Centre Pompidou ?

Ca me fait très plaisir. J'ai déjà joué deux fois en France auparavant dont la première avec mon groupe Maison Crimineaux. A l'époque, on plaisantait à l'idée de jouer un jour ici, au Centre Pompidou... Donc c'est un grand honneur pour moi.

Tu sembles aussi avoir une relation particulière avec Paris...

C'est vrai que j'ai passé beaucoup de temps à Paris, mais ça n'avait pas grand-chose à voir avec la musique... C'était plus une ambiance de fête permanente où on expérimentait plein de choses différentes. Donc c'est vrai que ça fait du bien de revenir ici pour jouer de la musique.

Ta musique n'a rien à voir avec celle des groupes qui sont si populaires en ce moment. Est-ce que tu as quand même le sentiment d'appartenir au même courant musical mais que tu l'exprime juste différemment ou pas du tout ?

Je n'ai jamais eu le sentiment d'appartenir à quoi que ce soit en fait. Je crois même que si j'avais l'impression d'appartenir à un courant musical particulier, j'aurais le sentiment que quelque chose ne va pas.

Wind In The Wires est beaucoup plus sobre que Lycanthropy, et même toi tu sembles avoir changé depuis ton premier album. Tu as coupé tes cheveux, retrouvé ta couleur naturelle, etc... Penses-tu que Wind In The Wires est plus représentatif de qui tu es vraiment que Lycanthropy où tu étais à l'époque encore adolescent ?

Je mets toujours 100% de moi-même dans mes albums donc je crois que les deux représentent autant qui je suis l'un que l'autre. Mais c'est vrai que pour Wind In The Wires je me connaissais mieux et peut-être que la personne que je suis aujourd'hui est plus en adéquation avec qui je devrais être. Quand tu grandis dans une ville comme Londres, tu côtoies certaines personnes qui font que tu n'es pas toujours naturel et que tu as des comportements dont tu te rends compte en vieillissant qu'ils sont inutiles. En tout cas, il est clair que Wind In The Wires est très centré sur l'idée d'apprendre à se connaître et de ne pas avoir peur d'être seul.

Ton père et ta sœur ont participé à l'enregistrement de l'album. Etait-il plus facile pour toi de jouer avec ta famille qu'avec des musiciens professionnels ?

A vrai dire, c'est simplement parce que je ne connaissais pas d'autres musiciens à ce moment-là. Quand je travaillais sur Lycanthropy, je vivais à Londres et j'étais dans une période très sociable de ma vie. Mais quand le disque est sorti, d'un seul coup, tout le monde s'est éloigné de moi et j'ai moi aussi pris mes distances. Je suis retourné vivre chez mes parents pendant quelques mois et je suis parti passer l'hivers en Cornouailles où j'ai vécu complètement reclus, sans même jamais allumer mon portable. Donc les seuls musiciens que je connaissais étaient mon père et ma sœur, c'est aussi simple que ça !

J'ai lu une critique de Wind In The Wires récemment et le journaliste trouvait que le disque était claustrophobique. Alors qu'au contraire, moi ça me donne envie de partir à l'aventure, en laissant tout derrière moi... Comment expliques-tu que ton album puisse exprimer des choses si opposées ?

C'est cool que tu aies ressenti ça en écoutant l'album ! En fait, je crois que sans le vouloir, j’ai créé une sorte de sanctuaire avec Wind In The Wires. Je n'ai jamais cherché à créer un son que l'on puisse reconnaître facilement où qui soit facile à comprendre. Certains ont tendance, lorsqu'ils écoutent quelque chose qu'ils ont du mal à comprendre, à trouver ça claustrophobique et déconcertant. Alors que d'autres au contraire trouvent ça excitant et libérateur. Je fais de la musique pour ceux qui aiment l'aventure et le fait de découvrir de nouvelles choses. Ceux qui sont incapables de gérer ça et à qui ça fait peur vont plutôt écouter les Strokes où quelque chose de facile à comprendre comme ça. Mais ça ne me dérange pas du tout, chacun a ses propres goûts.

Le thème principal de Wind In The Wires est la liberté et le fait de se détacher de tout ce qui nous retient mais j'ai l'impression que l'album parle aussi beaucoup du fait que l'on ne sait pas où tout ça nous mène finalement et ce qui va se passer...

Oui tout à fait. Je pense que l'un des dangers lorsque tu te retrouves seul où que tu pars à l'aventure, c'est l'inconnu. C'est un peu ce que dit Wind In The Wires, que c'est quelque chose d'effrayant mais aussi de très libérateur, et qu'avoir peur n'est pas forcément une mauvaise chose parce que ça te pousse à aller plus loin et à te sentir vivant.

J'ai un peu l'impression qu'il y a aussi beaucoup de cette volonté de se rebeller contre le conformisme dans ton disque... Est-ce que tu as l'impression que c'est un peu ce que tu fais avec ta musique en général... refuser d'adhérer à l'« establishment » ?

Dans la rébellion, il y a cette idée de réaction contre quelque chose qui nous déplait. Mais pour moi, le truc c'est justement de ne pas réagir contre ce qui ne nous plait pas dans la société mais plutôt de le renverser. A l'école, je me faisais brutaliser par les autres et au début, je réagissais contre ça en disant « tu m'as fait mal mais tu vas voir, j'aurais quand même une vie formidable ». Mais maintenant tout ça c’est fini, je ne crois pas réagir soit une bonne chose.

Pourtant à la fin de The Libertine, tu dis « i won't bow down anymore, no more » ...

Je crois que ça veut plutôt dire qu'il ne faut pas succomber à la vie de tous les jours. Mais d'une certaine manière, se rebeller et refuser de se laisser entraîner dans le système est une façon d'y succomber aussi. Regarde ces adolescents qui écoutent du punk où qui sont gothiques simplement parce qu'ils veulent se démarquer. Cette chanson est une façon de leur dire que ce n'est pas la peine de faire ça et de tomber dans le cliché mais qu'il faut simplement rester soi-même.

Wind In The Wires est un disque très hétérogène avec ce mélange de sons et d'influences en permanence. Est-ce une manière d'insister encore plus sur cette idée de voyage et de liberté ?

Je cherche avant tout à faire ce qu'il me plait avec la musique. Je ne sais pas, je peux avoir envie que la première chanson de mon disque dure 30 secondes et soit à 100% punk et puis que celle d'après dure 7 minutes, qu'il n'y ait que des cordes et que ce soit un duo violon/violoncelle. Je suis toujours mon intuition et j'essaye de faire complètement ce qu'il me passe par la tête. Mais en même temps, je n'ai pas envie d'être « irritament » avant-gardiste. Je veux juste communiquer des émotions de la manière la plus simple possible.

Tu parles aussi constamment de l'océan et de du fait de naviguer... Est-ce une grande part de ton inspiration ?

Oui, pour Wind In The Wires, j'ai voulu rassembler toutes les chansons qui avaient trait à la mer, au vent et à l'électricité. Je voulais vraiment que mon second album donne l'impression de quelqu'un qui joue du piano dans une petite cabane au bord de la mer ou en haut d'une falaise en écoutant l'orage et le tonnerre. L'image que j'avais dans la tête était vraiment celle de l'hiver anglais, dur et froid, avec la mer déchaînée et les vagues qui se brisent contre la falaise. Je voulais vraiment donner ce sentiment de liberté un peu comme être sur un bateau au milieu de l'océan.

C'est un peu l'idée contenue dans le titre de l'album non ?

Oui, Wind In The Wires marche à plusieurs niveaux. Pour moi, il s'agit de l’électricité statique d'une radio mais aussi du vent qui s'infiltre dans les fils électriques... ça crée un son de solitude magnifique. Et puis c'est l'électricité créée par l'homme, le fait de s'adresser à l'éclair d'un orage, ce sentiment de liberté. Ca semblait être le titre parfait pour l'album.

Une dernière chose avant de se quitter. Tu as récemment été élu par GQ Magazine comme l'une des personnalités britannique les mieux habillées. Qu'est ce que ça fait d'être reconnu comme une star de la mode de cette façon ?

Je trouve ça très drôle. C'est une bonne anecdote et c'est vraiment la dernière chose que mes amis et ma famille auraient imaginé! Ca prouve simplement que l'on peut s'habiller n'importe comment sans que ça soit une mauvaise chose et qu'il n'y a pas besoin de dépenser beaucoup d'argent pour avoir l'air bien !

C'est plutôt bon à savoir ça !

Oui c'est sûr !