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Laura Marling

Interview publiée par Fab le 24 février 2008

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Sous des airs timides et apeurés, la jeune Laura Marling dissimule une artiste déjà accomplie et remarquée via son premier album, Alas I Cannot Swim. Rencontre avec une anglaise en pleine ascension et dont l'univers très personnel recèle de nombreux secrets...

Ton album vient de sortir au Royaume-Uni mais peu de gens savent vraiment qui tu es... est-ce que tu pourrais m'en dire un peu plus sur ton parcours ?

J'ai vraiment commencé à écrire des chansons quand j'avais quinze ans mais je joue du piano depuis plus de dix années. J'ai découvert de nombreux instruments durant toute ma jeunesse et la musique prenait donc une grande partie de mon temps libre. C'est mon amour pour Bonnie Prince Billy, Bob Dylan et Joni Mitchell qui m'a poussé à m'investir encore plus dans cette passion et à devenir la musicienne que je suis aujourd'hui. J'ai essayé de faire partie d'un groupe punk mais ça n'a pas marché alors je me suis contenté de jouer de la guitare et d'écrire mes chansons.

Vivre de ta musique était-il un objectif lorsque tu étais plus jeune ?

Je dirais plutôt que c'était un rêve de petite fille, mais cette idée a plus ou moins disparu de mon esprit au fil des années. Je m'imaginais plus devenir une musicienne à temps partiel avec un véritable job pour gagner de l'argent.

Tout est vraiment allé très vite pour toi ces derniers mois. Tu as sorti une poignée d'EPs et singles, puis ton album au début du mois de février. Comment vis-tu cette soudaine notoriété ?

C'est terrifiant, vraiment terrifiant... Ce n'est pas simple pour moi d'apprendre à vivre avec toutes ces nouvelles choses, mais cette peur est en même temps très excitante. Depuis que je suis toute petite je rêve de pouvoir sortir un disque, et c'est donc pour cela que je suis aussi fière d'avoir pu enregistrer et distribuer mon album. Je réalise que je suis très chanceuse d'avoir une maison disque qui me permet de sortir des disques et de donner des concerts. La musique me rend vraiment heureuse.

Penses-tu que la célébrité comporte plus de bons ou mauvais côtés ?

Je suis juste un tout petit peu célèbre pour le moment ! [rires] Je pense que tous les mauvais côtés de cette vie peuvent être évités quand on le veut vraiment, il faut simplement savoir faire les bons choix au bon moment. Je ne suis pas très douée pour m'ouvrir aux gens et parler de ma vie en général, les interviews me rendent nerveuses et je n'imagine pas que des gens puissent découvrir ma musique uniquement en lisant un article sur moi... je tente malgré tout de rester positive vis à vis de cela et de donner aux gens ce qu'ils attendent de moi. Faire la promotion de mes disques est une partie de mon travail que je n'apprécie pas vraiment mais je prends sur moi pour le faire du mieux possible.

Même si ta musique est très différente de la leur, la presse te compare souvent à la jeune génération d'artistes anglaises comme Duffy, Lily Allen ou encore Kate Nash. Comment le vis-tu ?

Ca me frustre beaucoup. La presse ressent toujours le besoin de mettre les artistes dans des cases pour mieux les vendre au public, et tout ça m'ennuie vraiment. Je pense que ces autres artistes ressentent la même chose car ce n'est pas justifié.

Selon toi, de quelle manière es-tu différente de ces artistes ?

On ne vient pas du même monde, nos styles musicaux sont totalement différents ! On a chacune des influences très variées pour notre musique, et la seule chose qui nous rapproche vraiment est le fait que l'on soit de jeunes femmes qui débutent. Ce n'est pourtant pas un mouvement musical nouveau, les femmes ont toujours fait de la musique dans des groupes ou en solo et rien ne nous différentie vraiment d'elles. Tout cela pour dire que je ne comprends pas les comparaisons avec Lily Allen ou Kate Nash car nos démarches artistiques ne sont pas les mêmes.

En plus de ta carrière en solo tu es très impliquée dans le groupe Noah And The Whale. Comment as-tu été amenée à travailler avec eux ?

Je les ai rencontrés pour la première fois il y a un an et demi lorsqu'ils m'ont accompagné tout au long de ma tournée au Royaume-Uni. On avait des amis en commun qui ont facilité notre rencontre. Je les regardais jouer tous les soirs, et plus le temps passait plus je réalisais que j'aimais leur musique et que j'aurais voulu faire partie du groupe. Le hasard a voulu qu'ils soient à la recherche d'une voix supplémentaire et j'ai donc tenté ma chance. On vient de terminer l'enregistrement d'un album, c'était vraiment une expérience formidable.

Es-tu un membre à part entière du groupe ou juste une aide extérieure ?

Je suis un membre à part entière, j'ai travaillé trop dur pour les laisser tomber maintenant ! J'ai passé beaucoup de temps en studio avec eux et j'étais présent à tous leurs concerts... et je réponds même à des questions lorsqu'ils font des interviews ! [rires] C'est épuisant, il ne me reste plus de temps libre mais je préfère cette vie à celle que j'aurais si je restais chez moi à Londres.

Prends-tu plus de plaisir à travailler en solo ou à faire partie d'un groupe ?

Je m'éclate vraiment avec Noah And The Whale ! Je ressens moins de pression car je ne suis pas très impliquée dans l'écriture des chansons, je me contente de rester en arrière et de trouver ma place lorsqu'on enregistre en studio ou qu'on donne des concerts. En solo je travaille beaucoup plus au feeling, je suis la seule à prendre toutes les décisions artistiques et c'est un aspect qui me plait aussi. Au final, je m'amuse quand même beaucoup plus quand je suis entourée.

Et sur scène, te sens-tu plus à l'aise seule ou avec des musiciens ?

Dans les deux cas je me sens très stressée sur scène... Ce sont malgré tout deux exercices très différents mais le point le plus positif dans le fait d'être accompagnée est que je n'ai pas à faire la conversation avec le public. C'est pour cela que j'apprécie beaucoup de donner des concerts avec Marcus, mon batteur ! [rires]

Ces deux dernières années tu as aussi collaboré avec les Rakes pour le titre Suspicious Eyes puis plus récemment avec Mystery Jets pour leur single Young Love...

Je connais les Mystery Jets depuis longtemps et ce sont de bons amis. On avait évoqué le fait de pouvoir collaborer un jour et lorsque le groupe m'a proposé d'enregistrer des paroles pour Young Love j'ai immédiatement accepté. Young Love est une très belle chanson pour laquelle ils cherchaient une voix féminine, donc j'ai accepté avec plaisir. C'était très amusant de travailler avec eux pour cette chanson, je les ai d'ailleurs rejoints par la suite pour tourner le vidéo clip. Nos emplois du temps respectifs nous laissent peu de temps libre mais on a fait les efforts nécessaires pour y arriver.

A ce propos, entre ta carrière en solo, ton travail au sein de Noah And The Whale et les différentes collaborations que tu es amenée à effectuer, de quelle manière trouves-tu le juste équilibre ?

Pour le moment je n'ai pas de problème particulier à gérer mes deux carrières parallèles. Ces derniers mois j'ai beaucoup accompagné Noah And The Whale puis j'ai enregistré mon premier album qui vient de sortir, maintenant le leur est aussi prêt... alors pour le moment je me concentre sur la promotion de mon disque et ensuite je prendrais un peu de recul au mois de mai pour la sortie de l'album du groupe et les tournées qui suivront. On va essayer de coordonner les festivals dans lesquels Noah And The Whale et moi allons nous produire pour simplifier les choses durant l'été.

Tu es signée depuis l'année dernière chez Virgin Records, étais-tu plutôt attirée ou effrayée par le fait de travailler avec une major au moment d'effectuer ton choix ?

J'étais très jeune lorsque j'ai signé mon contrat avec Virgin Records, et j'ai choisi cette maison de disque principalement parce qu'elle a accepté l'idée que je veuille prendre mon temps afin de terminer tout d'abord certaines choses comme mes études... je n'ai au final jamais eu mon diplôme mais je l'espérais à l'époque ! [rires] Le choix était plutôt restreint pour moi car les labels indépendants et sérieux sont plutôt rares au Royaume-Uni, il était plus facile de choisir une major à ce moment-là. Les personnes avec qui je travaille ont confiance en moi, et réciproquement, donc je peux travailler dur sur ma musique sans arrière-pensées.

Peux-tu m'en dire un peu plus sur ce fameux premier album ? Pourquoi l'avoir intitulé Alas I Cannot Swim ?

Alas I Cannot Swim est une chanson que j'ai écrite il y a longtemps sur le fait de ne pas être capable de traverser une rivière. Tu as un but qui est situé de l'autre côté de cette rivière mais tu ne parviens pas à l'atteindre car tu n'en n'est pas capable, tu ne sais pas nager pour franchir cet obstacle.

En écoutant ton album j'ai l'impression que tu as tenté de rendre la musique la plus simple possible, comme pour mettre en valeur ta voix...

Le mot d'ordre était la simplicité pour cet album. Si j'ai un jour la chance d'en enregistrer un second j'aimerais pouvoir explorer de nouvelles idées et peut-être chercher à complexifier les chansons. Quand je suis entré en studio pour Alas I Cannot Swim j'ai rapidement terminé quelques titres de manière très basique puis j'ai travaillé de nouvelles compositions en cherchant à m'amuser avant tout. Je pense que j'ai encore beaucoup de progrès à faire dans ma manière de travailler et d'écrire, je suis jeune et j'ai l'avenir devant moi pour y parvenir.

Quelles ont été tes influences au niveau des paroles pour ce disque ?

Beaucoup d'histoires personnelles... mon vécu en quelque sorte. Toutes mes chansons sont très personnelles mais je tente malgré tout de conserver un point de vue détaché dans mon style narratif. Ce disque résume ce que j'ai appris ces dernières années.

Quelle vision as-tu des prochaines années et de ta possible évolution ?

J'aime partir en tournée pour découvrir de nouvelles villes, et j'ai ainsi découvert ces derniers mois que j'étais beaucoup plus inspirée pour composer de nouvelles chansons lorsque je voyage. J'aspire donc à poursuivre cette aventure, à continuer à écrire de nouvelles chansons et à m'améliorer. J'espère le faire en conservant ma nature calme et la liberté que j'ai su acquérir dans mon mode de fonctionnement.