C’est l’interview la plus hallucinante et la plus difficile qu’il m’ait été donné de faire. Deux jumeaux qui finissent les phrases de l’autre mais sur un ton très différent, un bassiste qui s’étrangle dans sa chemise et un synthé qui lit d’abord la notice de son brumisateur, puis un livre de philosophie (blonde mais pas trop). Rencontre avec These New Puritans, groupe trop jeune pour savoir ce qu’a été le post-punk alors ils le réinventent, sans oublier l’esprit punk dans leurs délires intelligents et second degré. Ces Puritans ne respectent aucunes règles de l’interview, les questions ne déclenchent que des monologues ou histoires courtes, impossible de démarrer une conversation. Je suis seul à la barre de cette discussion et je me retrouve à lire mes notes pour enchaîner les questions de la manière la plus laborieuse possible.
Bonjour je m’appelle Jean-Christophe, j’écris pour un webzine qui s’appelle Sound of Violence…
George : Quel est le son de soundofviolence ?
Soundofviolence ne fait aucun son, ce n’est que de l’écrit, nous sommes probablement le meilleur site français sur le rock britannique. Nous avons même chroniqué votre tout premier EP.
George : Ah oui c’est sympa, pas mal, vous devez être les seuls à l’avoir chroniqué.
Jack : Quelqu’un m’a effectivement parlé de Soundofviolence. [silence]
Pour commencer, vous avez l’air très jeunes, mais…
George : Oui, j’ai à peine 16 ans. En fait, non ce n’est pas vrai.
Jack : Oui beaucoup de gens disent ça.
George : Laisse le finir la question.
Quoiqu’il en soit, moi je suis plus vieux et je retrouve dans votre musique des choses que j’écoutais il y a très longtemps comme Bauhaus, The Fall…
George : En fait on n’écoute pas ces groupes, on ne les aime même pas. [silence]
C’est peut être une influence de votre producteur Gareth Jones (NDLR : qui a travaillé avec les plus grands groupes des 80’s Wire, Depeche Mode…) :
Jack : Einstürzende Neubauten
.
George : Oui, Einstürzende Neubauten, leur son nous ressemble. [silence]
Comment avez-vous fait votre éducation musicale ?
George : Nous jouions tous de la batterie et Jack de tous les instruments. Nous jouions toujours de la musique ensemble quand nous étions enfants, nous sommes jumeaux.
Jack : Oui nous avons toujours joué de la musique ensemble depuis notre plus jeune âge. C’est ça notre éducation musicale. Je programme depuis que j’ai 14 ans.
Vous êtes des geeks de la musique ?
Jack : Oui j’enregistre depuis que j'ai 9 ans.
George : Non depuis tu as acheté ton 4 pistes à 7 ans.
Jack : Non ce n’est pas ça.
George : Si.
Jack : Non, ce que je sais c’est que j’enregistre depuis longtemps.
Vers le bassiste : C’est difficile de jouer avec des jumeaux, de vous intégrer au milieu d’eux ?
Thomas : Oui, de s’intégrer et de se désintégrer.
Les deux jumeaux ricanent avec un air sadique.
George : Nous lui jetons des objets, des chaises, des morceaux de batterie, les baguettes. Nous essayons de lui briser le cou.
Comment s’est passé l’enregistrement avec Gareth jones, s'il est déjà difficile pour un membre du groupe de s’intégrer ?
George : Oh Gareth est quelqu’un de très sympa. Il nous a laissé beaucoup de liberté pour nous exprimer et il a vraiment magnifié notre travail. J’aime toute son histoire qui est énorme, même s’il n’en parle pas. C’est un type assez drôle en fait.
De quand datent vos chansons ?
Jack : Elvis a été écrite il y a très longtemps avant que le groupe n’existe, d’autres chansons existent depuis un an et d’autres ont été écrites en quelques jours pour l’album. Les chansons que j’aime le plus comme Costume ou Doppelganger ont été écrites en quelques secondes.
Et quelles sont celles que vous aimez le moins ?
Jack : Elvis
Parce que tout le monde vous la réclame, c’est un tube ?
George : Oui c’est une chanson pop, mais notre nouvel album sera plein de chansons pop et de plages de silences de 10 minutes. Et puis aussi des chansons de dance. En fait nous voudrions faire un album qui est une compilation de plein d’artistes sauf que nous serions tous les artistes [ils disent ça de leur air très sérieux, sans rigoler]. On va faire ça, et de toute façon on peut déjà le voir, Elvis et Doppelganger ne vont pas vraiment sur le même album.
Jack : Je n’arrête pas d’écrire.
George : Le prochain album sonne radicalement différemment de Beat Pyramid avec toutes les idées que nous avons. C’est comme la version magnifiée de l’album. Il est bon, mais pour moi, mais le nouveau vous fera tout oublier du précédent.
Vous avez commencé à l’enregistrer ?
Jack : Oui, nous avons commencé, nous pourrions vivre en studio. [silence]
Vous en avez parlé à votre maison de disque, parce que d’habitude ils n’aiment pas trop enchainer les albums ?
Oui, nous avons même des plans pour l’enregistrer cet été. Nous avons beaucoup d’idées sur les endroits où l’enregistrer. Ca devrait être bien.
Vous utiliserez un producteur ou vous le ferez vous même ?
George : Jack peut très bien le faire, en revanche nous aimerions avoir des producteurs différents invités sur chaque titre. Nous pensons notamment à un DJ Angolais.
J’ai entendu un extrait sur votre site mais c’est assez inaudible...
George : Oui, mais on peut presque entendre la chanson, elle est là.
Et le live ?
George : Oh nous aimons vraiment jouer live, mais nous sommes plus créatifs en studio. Sur scène, c’est comme réaliser une formule magique. [silence]
Vous croyez en ces trucs ésotériques ?
George : Parfois oui, parfois non. Parfois nous sommes sérieux et parfois nous ne faisons que raconter des conneries. [silence]
De quoi parlez vous dans vos paroles ?
George : C’est comme les motifs de cette chemise (une chemise type Californie années 60 avec des voitures et des palmiers). Regarde ces motifs élaborés...
Jack : De quelle chanson parles-tu en particulier ?
Vos chansons en général...
George : Laquelle, quelle est ta préférée sur l’album ?
Elvis, même si vous ne l’aimez pas, ou 4 Pounds, Mikki3…
George : Nous jouerons £4 ce soir, d’habitude nous ne la jouons pas souvent. C’est une chanson que nous passions avant le début de nos concerts pour inciter les gens à acheter notre EP.
Jack : Maintenant notre album ne vaut que £4,99 sur iTunes parce que nous en avons vendu beaucoup. Mais c’est dommage que les gens n’achètent pas le CD, le packaging est très joli, c’est nous qui l’avons fait.
Est ce vous qui avez fait votre site, il est très bizarre !
George : Oui nous l’avons fait aussi, il existait même avant le groupe. Nous aimons construire notre propre monde plutôt que faire un site pour vendre des T-shirts.
Voici le dernier post, c’est très étrange, qu’est ce que c’est ? (1. ATTACK MUSIC / 2. ORCHID / 3. RMK SONG [firepower ?] with ds production etc / 4. [scroll city]… c'est l'extase sempre esqueça-se, nunca lembra-se de, isso é êxtase, acordes de cocaína, cidade de rolo de papel)
Jack : Le tracklist d’un disque imaginaire. Je voudrais qu’il y ait de longues plages de silence sur ce disque ou une centaine de morceaux d’une seconde pour faire exploser les lecteurs CD. C’est une super idée.
Faites-vous vos propres vidéos ?
Jack : Nous avons fait la pub, mais pas les clips. En revanche nous faisons une série de podcasts à mettre sur notre site.
Pour finir « what is you favourite number and what does it mean ? »
Jack : J’aimerais avoir une réponse très intelligente à cela. J’aime 5 7 12 14 17 19 22 23 27 33 44 46 52.
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Jack : Je ne sais pas.
George, remonte des toilettes et fait une référence à la série g que je ne comprends pas. Je lui repose ma question.
George : Moi j’aime le 0, ça définit le néant. C’est extraordinaire. Il est arrivé assez tard avec les chiffres arabes, avec les chiffres romains il n’y avait pas de zéro.
Pour finir cette interview sans queue ni tête je me sens quand même obligé de leur poser une dernière question après la dernière : Quel est le truc le plus dingue que vous ayez dit à un journaliste ?
George : Je ne sais pas j’ai plein de trucs dingues dans ma tête.
Jack : Les gens pensent toujours que nous sommes très sérieux, mais nous le sommes pas. Ils pensent que nous sommes presque militaires. Raconte lui une histoire !
George : C’est l’histoire de Michael Jackson et d’un jeune garçon…
A moi de les couper : Ah, la dernière fois que j’ai entendu cette histoire, c’était ici. Black Rebel Motorcycle Club a eu un problème d’ampli pendant leur black session et ils ont raconté l’histoire pour meubler en attendant que ce soit réparé. Il doit y avoir un truc ici.
Jack : C’est peut-être à voir avec Michael Jackson, il est très malin et c’est un sacré musicien. Avec Quincy jones en producteur quelle équipe.
George : Un jour notre nom sera là en montrant le nom des compositeurs écrit au plafond du café.
Une heure après ils étaient en direct sur France Inter, pour la pièce musicale la plus étrange du service public depuis cet opéra germano-nigérien conceptuel passé à 4 heures du matin sur France Culture. Punk's not dead ! !