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Blood Red Shoes

Interview publiée par Fab le 19 avril 2008

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Avec Box Of Secrets, le duo le plus bruyant de la scène britannique actuelle nous livre un premier album brut et rageur qu'ils ne manqueront pas de présenter sur les scènes de France durant les prochains mois. Rencontre avec Laura-Mary Carter et Steven Ansell, fondateurs de Blood Red Shoes...

Vous venez d'achever une nouvelle tournée dans quelques villes de France, tout s'est bien passé pour vous ?

Laura-Mary : Globalement oui, mais le public n'a pas réagi de la même manière chaque soir et certains concerts ont été plus réussis que d'autres. Les dates de Strasbourg et Besançon se sont vraiment bien passées mais celles de Belfort et Dijon... ont été moins positives. Nos prestations n'étaient pas mauvaises en soi mais l'accueil qu'on a reçu était un peu étrange et pas vraiment enthousiaste. Je suis malgré tout contente d'être allée dans ces villes pour la première fois, je pense qu'il est toujours intéressant de pouvoir découvrir de nouveaux lieux à chaque tournée.
Steven : Ce qui m'a vraiment dérangé dans ces concerts est que je n'étais pas capable de dire au final si le public avait aimé nos chansons ou non, leur réaction ou plutôt leur absence de réaction était très perturbants. Mais globalement, je garde un bon souvenir de cette tournée.

Vous avez donné beaucoup de concerts en France et notamment à Paris depuis environ un an, je suppose que vous vous y sentez de plus en plus à l'aise ?

Steven : Quand le public nous accueille bien oui ! [rires]
Laura-Mary : On n'a jamais vraiment eu de problèmes particuliers en France jusqu'à maintenant, mais lors de cette dernière tournée la plupart des concerts étaient dans le cadre d'un Festival avec plusieurs groupes chaque soir, et lorsqu'on doit ouvrir la soirée devant une faible affluence ou alors que les gens discutent au bar les conditions ne sont pas idéales.
Steven : D'autant plus que les groupes avec lesquels on devait partager l'affiche étaient très différents de nous. Je n'aimais pas particulièrement leur musique et il n'existait donc aucune affinité...

Pour une fois vous n'avez pas fait un détour par Paris, à quand votre prochaine venue ?

Steven : On a beaucoup joué dans la capitale en peu de temps donc cette fois-ci on a décidé de donner des concerts uniquement dans des petites villes en Province. On a prévu de revenir dans le courant du mois de mai et cette fois-ci on jouera bien à Paris et aussi dans d'autres grandes villes comme Bordeaux, Clermont-Ferrand...

Comme la bouche-a-oreille n'est à l'évidence pas encore suffisant pour faire de vous un groupe connu en France, est-ce que vous pouvez présenter brièvement votre parcours à tous les deux ?

Steven : J'ai connu Laura-Mary sur Internet, on communiquait de manière régulière par ce biais et un jour on a décidé de fixer un rendez-vous pour jouer de la musique à Brighton. Le courant est très bien passé, on a joué toute la journée ensemble et on a même trouvé le temps de composer notre première chanson ce jour-là. On n'était même pas encore un groupe mais le soir même un ami nous a proposé de donner un concert la semaine suivante... et on l'a fait ! On a donc écrit trois ou quatre chansons supplémentaires sans même penser à un nom de scène ou recruter d'autres musiciens et on est montés sur scène quelques jours plus tard. A notre grande surprise la réaction du public a été bonne, plusieurs personnes sont même venues nous parler pour nous encourager à poursuivre notre collaboration. On a donc continué et nous voilà à Paris !
Laura-Mary : C'est l'histoire de Blood Red Shoes à deux années près ! [rires]

Il n'était donc pas question de voir les choses sur le long terme à cette époque ?

Steven : Absolument pas ! On avait un bon feeling et on voulait jouer de la musique ensemble, c'est uniquement pour cela qu'on s'est rencontrés. Aucun de nous deux n'avait réfléchi aux conséquences de cette décision. Tout a été une question d'instinct, si l'un de nous deux avait eu des doutes sur le bien fondé de cette association je ne crois pas que Blood Red Shoes existerait encore.

A quel moment avez-vous réalisé que votre duo était fait pour durer ?

Laura-Mary : C'est le comportement de notre entourage qui nous l'a fait comprendre. On a senti que quelque chose se passait lorsque des journalistes ont commencé à écrire des articles sur nous et qu'on a décidé de trouver un manager pour gérer certains aspects qui ne nous intéressaient pas vraiment. On ne pouvait plus satisfaire toutes les sollicitations ou les propositions de concerts, et lorsque le NME a publié quelques mots sur nous tout a été amplifié. Radio 1 nous a invités pour enregistrer une session live avant même la sortie de notre premier single en fin d'année 2006, et je crois que c'est à ce moment-là qu'on a envisagé de vivre l'aventure Blood Red Shoes à fond. On n'avait même pas un appartement pour vivre ni du bon matériel pour les concerts mais les gens parlaient de plus en plus de notre musique, c'était un signe qui ne trompe pas.
Steven : Beaucoup de choses ont changé en très peu de temps. On a commencé par sortir quelques singles en vinyle puis on a reçu beaucoup de propositions de labels ou d'organisateurs de concerts. Je crois que ces personnes avaient compris qu'il était sans doute possible de gagner un peu d'argent sur notre dos, alors on a décidé d'en profiter nous aussi et de ne plus considérer Blood Red Shoes comme un simple hobby.
Laura-Mary : Lorsque les choses deviennent sérieuses il n'est plus possible de tout gérer sans aide extérieure. Il est question de contrats, de tournées... on ne pouvait décemment plus travailler sans un manager. Je n'osais même plus donner mon numéro de portable de peur de devoir gérer trop de demandes.
Steven : A un moment donné il nous a simplement fallu trouver des renforts. On avait pris l'habitude de toute faire à deux mais ce n'était plus possible... et lorsque notre manager nous a parlé de l'intérêt croissant de quelques maisons de disques on a compris que Blood Red Shoes pouvait exister sur le long terme.
Laura-Mary : Et tout est allé de plus en plus vite. On nous envoie même maintenant aux quatre coins de l'Europe pour faire de la promotion pour notre premier album.

Votre musique se caractéristique principalement par l'énergie que vous dégagez lorsque vous jouez ensemble, était-ce présent dès votre rencontre où est-ce quelque chose que vous avez créé sur la durée ?

Steven : Je crois qu'il y a eu une étincelle dès la première fois où on a joué de la musique, et c'est elle qui nous a amenés où on est aujourd'hui.
Laura-Mary : L'énergie qu'on dégage découle de cette étincelle. A partir de là on a voulu aller plus loin, écrire des chansons, les jouer devant un public, progresser en tant que musiciens et bien entendu sortir un album. Je pense que c'est une évolution logique pour un groupe. On a pris beaucoup de temps pour y arriver mais je ne le regrette pas une seule seconde, je connais Steven par coeur maintenant et on se sentait vraiment prêt à enregistrer un disque tous les deux.
Steven : Lors de ma première rencontre avec Laura-Mary j'ai immédiatement su qu'il se passait quelque chose de spécial entre nous deux. J'avais déjà fait partie d'autres groupes avant mais là c'était incomparable, il y avait une alchimie que je n'avais encore jamais ressentie. On avait déjà une connexion « amicale », mais la « connexion musicale » s'est créée à cet instant précis. Nos univers se sont rencontrés pour former un tout.

La formule guitare/batterie est relativement basique, n'avez-vous jamais souhaité recruter d'autres musiciens ?

Steven : Il n'en était pas question !
Laura-Mary : Pour moi un groupe a uniquement besoin des éléments primaires pour pouvoir être créatif. Une guitare et une batterie, en plus des voix, sont suffisantes pour cela. Peut-être que de l'extérieur nos perspectives peuvent sembler limitées mais ce n'est absolument pas le cas. Depuis notre rencontre on cherche constamment à expérimenter de nouvelles idées et à évoluer. Quand tu deviens un meilleur musicien tu apprends à tirer le maximum de ton instrument et tu peux donc écrire de meilleures chansons. C'est un vrai challenge de réussir cela en duo.
Steven : La musique n'est pas une science, il ne suffit pas de choisir les bons ingrédients pour obtenir de bonnes chansons ! Tu ne peux pas disséquer la musique pour comprendre ce qui fait qu'une chanson est de qualité ou non. Bob Dylan n'a besoin que d'une guitare et de sa voix pour réussir des choses fantastiques, il ne lui faut pas un orchestre de vingt musiciens autour de lui pour proposer quelque chose d'intéressant. C'est une question d'art, de passion et d'émotion, si tous ces éléments sont combinés et que la démarche est sincère alors tu peux espérer être bon. Tout le reste... ce sont des conneries.
Laura-Mary : J'ai l'impression que beaucoup de groupes cherchent la recette magique. Ils suivent tous les standards, ils essayent de bien comprendre les mécanismes du succès et comment l'obtenir... Ils ont un bon look, un chanteur doué, de bons musiciens et des influences de qualité mais ça ne suffit pas !
Steven : Le raisonnement est le même pour tous les domaines artistiques. Il n'existe pas de formule miracle pour les peintres par exemple, ils ne peuvent pas choisir un superbe paysage et une liste de couleurs prédéfinies pour obtenir un résultat parfait, ça ne fonctionne pas comme ça. L'art nécessite des qualités humaines qu'on ne peut pas inventer.

Votre formule guitare/batterie est souvent comparée à celle des White Stripes par la presse...

Steven : Ca m'énerve vraiment...
Laura-Mary : Jack White nous a rencontré il y a quelques temps pour nous demander quelle était le secret pour obtenir un son de guitare aussi heavy que le notre, alors ce sont plutôt les White Stripes qui tentent de copier Blood Red Shoes non ? [rires]
Steven : Ils veulent nous voler nos secrets. En fait ces comparaisons sont inutiles mais j'essaye de ne pas trop y penser.
Laura-Mary : Maintenant que certaines radios diffusent certaines de nos chansons je pense que les gens peuvent découvrir notre musique sans effectuer ce genre de parallèle stupide. On peut être deux dans un groupe sans chercher à copier d'autres personnes. Lors de l'enregistrement d'un show télévisé le présentateur a qualifié Blood Red Shoes de White Stripes britanniques, c'était vraiment ridicule. Est-ce qu'il a déjà écouté notre musique au moins ? Puisqu'on est un garçon et une fille qui font la musique ensemble, pourquoi ne pas nous comparer à Sony & Cher ? C'est ridicule. Je me demande si certaines personnes sont stupides ou sourdes.

De quelle manière partagez-vous le travail de compositions et chant au sein de vos chansons ?

Steven : On commence systématiquement par la musique, les paroles ne sont écrites que bien plus tard. On joue ensemble et on voit ce qu'il se passe...
Laura-Mary : Je crois qu'on se refuse à agir comme des adultes lorsqu'il s'agit de composer. Aucun de nous deux ne veut prendre de responsabilités alors on joue encore et encore jusqu'à ce qu'une idée naisse et on improvise à ce moment là.
Steven : On essaye des idées, encore et encore, on expérimente... et dès que l'un de nous deux commence à fredonner quelques mots sur la mélodie il essaye de développer jusqu'à avoir quelque chose de plus concret. Les textes définitifs naissent alors en studio ou lorsqu'on répète les chansons, pas avant. On improvise beaucoup sur ce point, il n'existe pas de règle prédéfinie.

Votre premier album sort en Europe le 14 avril, est-ce que vous pouvez m'en dire plus sur son titre, Box Of Secrets ?

Steven : Ce titre symbolise toutes les choses qui restent cachées durant un certain temps, comme enfermées dans une boîte dans laquelle personne ne peut les voir. Lorsque tu écoutes notre album, toutes les chansons sortent de cette boîte comme des secrets bien gardés que l'on déciderait de dévoiler un jour.
Laura-Mary : Je pense que ce titre résume plutôt bien le thème principal du disque ainsi que notre histoire à tous les deux.
Steven : Certains morceaux de l'album seront sans doute des surprises pour ceux qui prendront le temps de l'écouter. Des éléments dont on n'est pas forcément fiers par exemple mais qui vont rejaillir dès que le disque sera lancé. On a pris toutes ces choses et on les a rassemblées dans cette boîte qu'est l'album.

Ce disque est un mélange de vieux et de nouveaux titres, de quelle manière êtes-vous parvenus à conserver un certain équilibre ?

Laura-Mary : On a travaillé au feeling pour l'album, en essayant de choisir les chansons qui nous semblaient les meilleures mais aussi celles qui nous semblaient correspondre à un certain état d'esprit. Meet Me At Eight ou Stitch Me Back sont très anciennes et désormais mises de côté, mais A.D.H.D. a évolué en même temps que le groupe et le public semble toujours autant l'apprécier qu'à nos débuts.
Steven : On ne pouvait pas délaisser A.D.H.D., certains de nos amis nous auraient tué si on l'avait fait !
Laura-Mary : Le choix n'a pas été aussi difficile qu'il n'y paraît, au fûr et à mesure que le temps passait notre vision de l'album se précisait et on effectuait des choix sans vraiment douter. You Bring Me Down est une de mes chansons préférées et je ne crois pas que je l'aurais laissée de côté, on l'a beaucoup travaillée en studio pour obtenir une nouvelle version de bonne qualité.
Steven : A.D.H.D. est un de nos titres majeurs, c'est la seule chanson qu'on a réussi à enregistrer en une seule prise lorsqu'on est allés en studio. C'était un signe !

Vous avez publié un grand nombre de singles depuis vos débuts, pensez-vous en tirer d'autres de cet album ou plutôt travailler sur de nouvelles choses par la suite ?

Laura-Mary : On a travaillé vraiment très dur pour proposer des nouvelles chansons de qualité sur l'album et je pense qu'on va donc les utiliser. Il y aura encore deux singles, Say Something/Say Anything tout d'abord puis This Is Not For You dans quelques mois. On continue encore d'écrire de nouvelles chansons ces dernières semaines, donc il n'est pas impossible qu'on essaye de publier un nouvel EP par la suite par exemple.
Steven : On ne restera pas les bras croisés le reste de l'année 2008. On veut vraiment pouvoir proposer quelque chose de nouveau rapidement. Box Of Secrets est terminé depuis le mois de septembre, on a donc été contraints d'attendre plus de six mois avant sa sortie et on ne veut plus répéter ce genre d'attente. La plupart des groupes vivent dans un certain confort, ils enregistrent un album, font quelques tournées puis disparaissent pendant deux ou trois ans soi disant pour se ressourcer ou je ne sais quoi... ça ne nous convient pas ! Internet nous donne la possibilité de rester en mouvement perpétuel, de sortir des nouvelles chansons toutes les semaines si on le veut et de garder un lien avec notre public. Certaines maisons de disque n'ont toujours pas compris comment utiliser Internet alors que c'est une solution à beaucoup de problèmes. Rien ne nous force à attendre des mois chez nous si des nouvelles chansons sont prêtes à sortir.

Vous semblez bien décidés à faire parler de vous encore longtemps...

Steven : La prochaine étape est la sortie de notre album, puis on pourra partir en tournée un peu partout et aller dans de nouvelles villes. Je suis convaincu que notre disque est de qualité et j'ai bon espoir que le public l'aime autant que moi. Ce n'est pas une poignée de singles avec beaucoup de remplissage, c'est vraiment un « tout », et si tout se passe bien on devrait pouvoir jouer dans des salles de plus grande envergure et grandir. On va continuer à aller de l'avant !