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Ladytron

Interview publiée par Kris le 15 juin 2008

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A l'occasion de leur attendu quatrième album Velocifero, les anglais de Ladytron étaient de passage à Paris. Toujours aussi électriques et éclectiques, le groupe continue dans la lancée de leur précédent album Witching Hour, à la fois sombre et puissant. Daniel Hunt et Reuben Wu répondent à nos questions...

Comment est-ce d’être de nouveau en tournée ?

Daniel : Ca fait trois jours maintenant, on a fait un concert d’échauffement à Liverpool, ensuite on a joué à Manchester, puis en Belgique hier soir. C’était cool parce qu’on avait de nouveaux musiciens avec nous, et on s’est tous bien entendus rapidement. Cette tournée est une sorte de pré-tournée en Europe avec un show par pays, avant d’enchaîner sur une véritable tournée à l’automne.

Comment avez-vous recruté vos nouveaux musiciens ?

Daniel : Dino, le bassiste, est un vieil ami à nous donc on le connaissait déjà, et Billy, le nouveau batteur, est quelqu’un que l’on nous a présenté. On a voulu faire un grand ménage, vu que les deux prochaines années, on sera surtout sur la route, à faire des concerts un peu partout dans le monde.
Reuben : Billy, le plus jeune d’entre nous, qui n’a que 23 ou 24 ans, vient juste de découvrir tout ce monde, donc est surpris à chaque fois « C’est pour nous les bières ? » « C’est pour moi cet argent ? » (rires)
Daniel : Et c’est bien, parce que ça permet de garder une dynamique fraîche au sein du groupe.

Pourquoi avez-vous produit votre album à Paris ?

Reuben : On a travaillé avec Vicarious Bliss sur certains titres, alors au lieu de travailler à Liverpool ou Londres, on a préféré choisir une autre ville où il y avait une autre vibe. C’est toujours bien de bouger et aller ailleurs. L’album précédent avait été enregistré à Liverpool, alors on a pensé faire celui-ci ailleurs, à Paris, qui n’est pas si loin de chez nous.

Que cela vous a-t-il apporté de travailler dans un autre endroit qu’habituellement ?

Daniel : C’est difficile de définir la valeur ou la quantité de ce genre de chose. C’est comme lorsque l’on a enregistré notre second album à Los Angeles, on se demandait si cela sonnait différent pour nous parce que nous étions à Los Angeles, ou bien était-ce différent pour tout le monde ? Ou bien est-ce que cela sonnait différent pour tout le monde car nous savions que nous enregistrions à Los Angeles ? Il en de même pour cet enregistrement à Paris, on ne sait pas si cela sonne différent ou pas. Ce que l’on sait, c’est que travailler à Paris nous a donné une vibe et une autre perspective… Ca tombait juste sous le sens. On ne sait pas ce que nous a apporté cette délocalisation car on ne sait pas non plus ce que cela aurait donné si l’on avait travaillé chez nous. Mais je pense que ça valait vraiment le coup de partir, de s’éloigner de chez soi. Pour travailler et composer, ça ne pose pas de problème d’être à la maison, mais pour enregistrer, c’est comme une période de développement accéléré, donc c’est mieux de se relocaliser.
Reuben : Avant Paris, on travaillait tous chacun isolé indépendamment, à composer nos propres chansons. Paris fût alors le premier endroit où nous nous sommes tous, pour la première fois, retrouvés dans la même pièce pour travailler sur les chansons de chacun. C’était l’un des moments collaboratifs où on travaille tous ensemble comme un groupe.

Comment avez-vous rencontré Alessandro Cortini ?

Daniel : On faisait une tournée avec Nine Inch Nails l’année dernière, et Alessandro jouait parfois en live avec nous. On s’est bien entendus, on est devenus amis, et il a suggéré l’idée de travailler ensemble. Alors lorsque l’on s’est mis à travailler sur cet album, on lui a demandé s’il voulait collaborer.
Reuben : On lui a demandé s’il voulait remixer Soft Power l’année dernière. Il a fait du bon boulot, et il a demandé à travailler sur notre nouvel album, alors on l’a accueilli.

Que signifie Velocifero ?

Daniel : Littéralement, ça signifie « donneur de vitesse » de la même manière que Lucifero signifie « donneur de lumière ». Ce n’est pas un album concept, c’était juste la meilleure manière de nommer l’album. Et ça correspond à pas mal d’aspects de l’album. Maintenant que l’album est fini, mixé, produit, et que l’on recule un peu pour voir la vision d’ensemble, cela donne du sens.
Reuben : C’est également le titre d’une chanson qui n’est pas sur l’album.

La première chanson que vous avez sortie de votre album, est l’une des deux chansons en Bulgare. Etait-ce pour surprendre votre auditoire ?

Daniel : Pas vraiment, c’est juste que c’est la première chanson de l’album. On est très traditionnel au niveau des albums. Aujourd’hui, les gens téléchargent beaucoup de mp3, et rassemblent les chansons de l’album, et qui ont différents bitrates, sont de différentes qualités, elles sont dans le désordre, ont le mauvais nom… Si on pouvait préserver quelque chose, ce serait que lorsque l’on écoute l’album, ce soit cette première chanson qui soit écoutée en première, et c’est le concept de tout l’album. De plus, on a déjà fait des chansons en bulgare sur chaque album.
Reuben : La première chanson de Light & Magic était déjà en bulgare. C’est juste une de nos manières d’ouvrir nos albums. Comme une formule que l’on aime bien appliquer.
Daniel : On utilise généralement la chanson la plus percutante comme chanson d’ouverture, plutôt que la plus commerciale, c’est ce que l’on fait à chaque fois.

Comment décririez-vous l’évolution de Ladytron au fil de votre carrière ?

Daniel : On grandit forcément en tant que personne, cela fait neuf ans que nous avons enregistré notre premier album, et désormais nous créons de nouvelles choses. Je pense que nous sommes plus forts, nos deux derniers albums étant plus forts conceptuellement que les deux premiers. Le premier a ses bons moments, le second correspondait plus au moment de l’époque. Les derniers travaux, et spécialement celui-ci, font plus parti d’une affirmation du groupe, qui marque son évolution. C’est difficile de dire comment le groupe a évolué, mais au niveau sonore, les chansons sont plus profondes… C’est la même chose pour tout groupe qui joue ensemble depuis autant de temps, excepté ceux qui plongent dans le jazz.
Reuben : Il y a eu beaucoup de tournées entre le second et le troisième album, avoir un nouveau batteur, plus de guitares sur scène ; ce qui fait que jouer en live a beaucoup affecté notre propre musique. C’est pour cela qu’en regardant ces deux albums, l’un semble plus épais et sonne plus live. Mais si on nous écoute jouer sur scène, c’est le genre de son qui nous plaît, et ce nouvel album utilise les fondations du précédent. Witching Hour était une brique de base pour nous, et Velocifero s’inspire de cela.
Daniel : Witching Hour était plus du genre « voilà ce qu’on peut faire » et Velocifero est plutôt ce qu’on a fait avec tout ça. Comme si on disposait d’un modèle et que c’est ce que l’on a réussit à en créer.

Quels sont les thèmes principaux de ce nouvel album ?

Daniel : Si on écoute l’album, il semble y avoir beaucoup d’espace, et prend plus de sens que l’on aurait pu croire. Toutes les chansons sont personnelles, donc je ne sais pas s’il y a vraiment un thème unificateur.
Reuben : La peur et l’amour.

Lorsque vous composez vos chansons, pensez-vous à la manière dont vous pourriez les jouer en public ?

Daniel : On ne se soucie pas tellement de cela. On est conscient pour certains moments que cela pourrait bien passer en live, mais on n’y pense pas a priori. On enregistre les chansons et on se soucie du reste plus tard.
Reuben : La manière dont nous pensons à notre musique désormais n’est pas avec le décor de la scène en fond. Avec Witching Hour, nous étions arrivés à un point où nous savions que nous étions un très bon groupe de scène, et du coup, on se demandait comment incorporer ces nouvelles compositions. Car aujourd’hui, quand nous jouons des vieilles chansons comme Playgirl, c’est plus étendu, plus puissant en live. Nous savons ce qui fonctionne sur scène lorsque nous pensons à la musique, et nous essayons de rajouter ces éléments à nos compositions.

Préféreriez-vous être remémoré comme un groupe talentueux connu par beaucoup, ou bien un groupe important connu de peu ?

Daniel : Il n’y a vraiment qu’un pas entre les deux. Aujourd’hui, les artistes sont prêts à sacrifier leurs vies personnelles pour vivre dans les médias, afin de parvenir à obtenir un succès commercial. Nous ne ferions jamais ça. Les choses ont changé concernant les attentes pour un groupe indie alternatif un peu underground, tout ce qui était cool et tout ce qui ne l’étaient pas, comme la connerie de hype, ont convergé, et tout le monde joue au même jeu, et ce n’est pas un jeu qui nous intéresse. Si on arrivait à évoluer comme nous l’avons toujours fait, j’en serais heureux. Je n’aimerais pas que l’on pense juste à l’aspect commercial, bien sûr on doit vendre des disques, faire quelque chose et ça semble marcher. Nous n’avons pas beaucoup tourné en Europe ces dernières années, nous concentrant plus sur l’Amérique, mais où que nous allions, il semble y avoir un public réceptif, notamment en Amérique du Sud, où l’album n’a jamais été sorti. C’est notre manière de voir les choses, de travailler, et cela n’a pas d’intérêt de changer ça. Tu n’as pas envie d’être le groupe qui n’a jamais eu de reconnaissance. Avoir la reconnaissance pour ce que tu as fais est plus important que ta notoriété, mais j’aime actuellement le niveau auquel nous sommes, spécialement le fait qu’où que l’on aille, les gens continuent à venir aux concerts. C’est bien… même si je ne suis pas sûr d’avoir bien répondu à la question (rires)

A quoi va ressembler le futur du groupe dans les mois qui viennent ?

Reuben : Lorsque nous rassemblions les chansons pour cet album, nous avions plusieurs chansons en stock, ce qui fait que nous disposons d’une quinzaine de chansons en attente en studio. L’idée serait de sortir un nouvel album dans les six prochains mois ou l’année prochaine, ce qui est encore un peu nébuleux en ce moment. Ce serait un peu plus bande-son, surréaliste et parfois plus conventionnel.
Daniel : Ce sont des choses un peu plus abstraites. On mettait ces chansons à part, dans l’idée d’en faire un nouveau projet plus tard, tandis que nous faisions Velocifero. Cela risque d’être assez intéressant, il faut juste que l’on trouve le temps car il y aura beaucoup de concerts entre-temps.

S’il y avait une chanson qui décrirait votre son, laquelle serait-elle ?

Daniel : Juste une seule chanson ? (silence) S’il y en aurait une qui puisse dire « voilà comment le groupe sonne » et serait une synthèse, ce serait peut-être Runaway ou quelque chose comme ça, ce serait plus approprié qu’une chanson comme Seventeen. Peut-être. Cela dépend si l’on considère la chanson comme une synthèse de la carrière du groupe d’un point de vue extérieur, ou bien comme celle que nous aimerions voir nous survivre.
Reuben : Elle décrit totalement la manière dont nous sommes aujourd’hui.
Daniel : Elle est simple, si l’on devait jouer une seule chanson à quelqu’un qui ne connaît pas le groupe, ce serait celle-là.