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The Ting Tings

Interview publiée par Fab le 12 juillet 2008

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Fort du succès des Great DJ, That's Not My Name ou Shut Up And Let Me Go, The Ting Tings est l'une des grandes révélations de l'année en cours. Alors que le duo est en passe de devenir avec We Started Nothing la bande son de l'été, leur récent passage au Festival Solidays nous offrait une occasion de rencontrer Jules De Martino et Katie White...

Tout le monde parle des Ting Tings depuis quelques semaines, comment vivez-vous cette célébrité subite ?

Jules : On ne ressent pas la moindre pression mais plutôt de la surprise ! Depuis quelques semaines on voyage beaucoup aux quatre coins de la planète, mais comme la période des festivals bat son plein on se concentre ces temps-ci sur les concerts en espérant rencontrer de nouvelles personnes. On garde bien en tête que le groupe est jeune car il n'existe que depuis un an, et c'est déjà merveilleux pour nous de jouer devant des salles pleines alors que beaucoup d'autres artistes galèrent durant des années avant de vivre la même chose. C'est vraiment dingue de voir que dans de nombreux pays nos chansons sont déjà diffusées en boucle à la radio, et cela se répercute sur nos concerts en salle ou en festival. On vient de jouer à Glastonbury devant plus de 14000 personnes, c'était phénoménal. Je ne comprends toujours pas comment notre musique a pu faire le tour du monde si rapidement... tout ce qu'on vit actuellement est une surprise totale.

Malgré le succès de vos singles vous ne vos attendiez pas à acquérir une telle popularité ?

Jules : On ne s'attendait à rien...
Katie : ... et personne ne s'attendait à ça ! Lorsque tu montes un groupe tu ne peux pas le faire en pensant que tu vas devenir une star en l'espace d'une année, ce n'est pas concevable. Mais ça ne nous empêche pas d'apprécier !

Selon vous, quel a été le déclencheur de votre succès ?

Katie : Notre histoire est plutôt étrange car la création des Ting Tings n'était pas prévue au départ. Jules et moi jouions dans un autre groupe, Dear Eskiimo, mais l'histoire s'est mal terminée et il s'était juré de plus jamais s'investir dans une autre formation afin de ne plus revivre la même situation. On a quand même continué à travailler tous les deux pour écrire des chansons mais sans vraiment penser qu'elles seraient commercialisées un jour. On a mis deux ou trois titres sur une nouvelle page Myspace avec quelques photos amusantes de nous... et tout a démarré ! On a commencé à recevoir des messages de dizaines de personnes en Europe, aux Etats-Unis ou même au Brésil ! C'est donc venu très naturellement...
Jules : On aimait bien entendu les chansons qu'on écrivait mais on voulait surtout les jouer pour nos amis lors de petites fêtes. Mais tout a changé dès lors que les gens ont pu les écouter sur Myspace, c'est là que j'ai ressenti une vraie effervescence autour de nous. Notre style est immédiat et pop, et je crois que c'est le genre de musique que les gens peuvent apprécier à la première écoute. Le bouche-a-oreille a fait le reste...

Pouvez-vous m'en dire plus sur la manière dont la transition entre Dear Eskiimo et The Ting Tings s'est déroulée ?

Katie : C'est la dure loi de l'industrie musicale... plus rien n'allait pour Dear Eskiimo et notre maison de disques s'est séparée de nous. On a tenté durant quelques mois de relever la tête mais ce n'était plus possible de continuer ainsi car il n'y avait plus la même passion créative au sein du groupe. Je crois que c'est la pire chose qui puisse arriver à des musiciens. La séparation de Dear Eskiimo nous a replongé dans le monde réel car il nous a fallu trouver à nouveau du travail pour vivre...

La formule du duo vous semble donc plus simple à vivre en tant que groupe ?

Jules : Pour moi il n'existe aucune règle pouvant expliquer pourquoi un groupe est bon ou non... certaines personnes font des choses merveilleuses en étant cinq ou six alors que la formule nous réunissant Katie et moi est clairement la meilleure. Notre force est de partager une passion identique pour la musique avec des influences communes et un but identique. Travailler à deux nous a permis de faire précisément ce qu'on souhaitait sans que d'autres personnes essayent d'imposer leurs idées, cette liberté nous a vraiment été bénéfique. Le principe est le même pour nos concerts : Katie a commencé à jouer de la guitare au mois de février l'an dernier alors que de mon côté je n'avais plus touché de batterie depuis cinq ans ! Notre naïveté initiale nous a permis de trouver la bonne formule et de faire exactement ce qui nous plaît. A deux, il nous a fallu apprendre à investir plus d'énergie lors de nos prestations pour compenser l'absence d'autres musiciens, et c'est sans doute pour cela que nos premiers concerts étaient si mauvais. L'alchimie entre nous deux, sans aucun élément extérieur, s'est mise en place toute seule avec de la patience, beaucoup de travail et du courage. Lorsque je monte sur scène avec Katie désormais, je sais que tout ces sacrifices étaient nécessaires à l'époque pour pouvoir vivre ce que l'on vit aujourd'hui.

Pouvez-vous me dire quelles sont vos influences principales ?

Katie : Individuellement nos goûts sont différents, mais en tant que groupe nos influences sont partagées. Je pense par exemple aux Talking Heads, Tom Tom Club, LCD Soundsystem, Yeah Yeah Yeahs... Si je devais choisir une seule chanson, ce serait Once In A Lifetime des Talking Heads car c'est une chanson qu'on a écoutée des centaines de fois tous les deux. Pour écrire de bonnes chansons pop il faut savoir être inspiré et créatif comme certains de ces groupes ont pu l'être chacun à leur manière. En écoutant les Talking Heads, je ressens une vraie connexion avec la manière dont The Ting Tings fonctionnent.
Jules : LCD Soundsystem est un groupe très important pour moi, non pas d'un point de vue strictement musical car leurs chansons sont très différentes des notres, mais plus par rapport à la manière dont les sonorités pop sont mises en valeur.

Pensez-vous être plus un groupe pop ou indie ?

Jules : Je dirais...
Katie : Pop ! [rires]
Jules : On est un vrai groupe pop effectivement ! [rires]

Katie, crois-tu que tes débuts au sein d'un girls band il y a quelques années influencent encore la musique que tu joues aujourd'hui ?

Katie : Ce n'était pas exactement un girls band, plutôt un groupe que j'avais monté avec mes amies lorsque j'avais environ quinze ans. Ce n'était pas un projet très sérieux pour nous mais cela ne nous a pas empêché de donner quelques concerts ! Je crois que cette expérience m'a servie par la suite car j'ai appris à mettre en pratique ce que j'aimais. J'habitais Manchester à cette époque mais je n'écoutais pas Joy Division ou les Smiths, je préférais acheter les disques des Backstreet Boys ou des Spice Girls ! C'était la mode et à mon âge j'écoutais la même musique que mes amies, et c'est malgré tout grâce à ce genre de groupes que j'ai eu pour la première fois envie de jouer de la musique moi aussi.

De quelle manière écrivez-vous vos chansons désormais ?

Jules : Il n'existe pas de régle particulière, c'est un processus collaboratif entre Katie et moi. On écrit des textes, on va en studio pour répéter et on essaye de développer la chanson dans son ensemble. Je me mets derrière la batterie, Katie est au chant et à la guitare avec parfois des boucles électroniques en fond et tout se met en place naturellement. Notre enthousiasme à composer de nouvelles chansons nous guide : lorsque l'on répète un instrument comme le piano dans le studio, on essaye instinctivement de créer une mélodie. On expérimente, on développe notre idée et on écoute le résultat à la fin. Tout l'album a été enregistré de la même manière.

Beaucoup d'observateurs décrivent The Ting Tings comme un groupe à singles, comment prenez-vous ce genre de remarques ?

Jules : Je n'ai pas un avis arrêté sur la question mais je remarque que depuis quelques années un nombre croissant de personnes achètent des iPod pour écouter leurs chansons préférées. Ces personnes ne prennent même pas le temps de télécharger les albums entiers, elles ne sélectionnent que les chansons qu'elles aiment le plus pour pouvoir les écouter partout. Parler des Ting Tings comme un groupe à singles est donc un vrai compliment pour moi car cela signifie que nos chansons sont suffisamment bonnes pour que les gens aient envie de les écouter en boucle et de les mettre sur leurs iPods. Je crois que notre album contient beaucoup de singles potentiels, ce qui me semble plutôt positif au final.

Le titre de votre album, We Started Nothing, semble montrer que vous êtes conscients de n'avoir rien inventé...

Katie : C'est une façon comme une autre de réagir au succès. Je regrette que beaucoup de groupes au succès grandissant répètent constamment de quelle manières ils pensent renouveler la musique et apporter quelque chose d'unique alors que ce n'est jamais le cas. Je comprends que certains journalistes veuillent mettre en avant les innovations de certains artistes, mais il faut bien être conscient qu'ils ne révolutionneront jamais rien ! Même après dix années d'existence il est difficile d'affirmer que l'on a changé les choses...
Jules : Lorsqu'on a monté les Ting Tings, on ne pensait même pas que des gens pourraient aimer notre musique, alors comment aurait-on pu affirmer que nos chansons étaient uniques et incomparables ? Les gens cherchent souvent à comprendre comment naissent les groupes et ce qu'ils cherchent à créer, mais la vérité c'est que ni Katie ni moi n'avons planifié ce qui nous arrive maintenant.

Votre dernier single en date, Shut Up And Let Me Go, est utilisé dans le nouveau spot publicitaire d'Apple pour l'iPod. Est-ce selon vous une bonne solution pour vous faire connaître et vous ouvrir de nouveaux horizons dans le futur ?

Katie : Je pense que oui, il m'arrive même parfois de découvrir de bons groupes grace à des publicités lorsque je regarde la télévision. La musique joue un rôle au moins aussi important que le message que la marque essaye de passer. Au Royaume-Uni le grand public connaît déjà notre musique donc je ne pense pas que l'impact sera important, mais aux Etats-Unis ce peut être un élément très important de notre succès.
Jules : Il n'était absolument pas prévu qu'une de nos chansons puisse être utilisée de cette manière, mais lors d'un concert au Texas lors du dernier Festival SXSW des représentants d'Apple ont aimé notre son et sont venus discuter avec nous durant la soirée en nous parlant de cette publicité. On a pris leurs coordonnées mais sans vraiment les contacter par la suite... ce sont eux qui ont donc relancé l'idée ! L'idée de voir une de mes chansons à la télévision me dérange moins dès lors que tout résulte d'un choix artistique. Apple a voulu utiliser cette chanson pour ses qualité et non pour ce qu'elle peut représenter. Si leur démarche avait été différente, ils auraient choisi un single d'un groupe mondialement connu, mais cette fois-ci leur volonté de travailler avec nous était réelle. C'est une vraie chance pour nous.