logo SOV

Mogwai

Interview publiée par Fab le 7 septembre 2008

Bookmark and Share
Entamé il y a deux années avec Mr Beast, le renouveau de Mogwai se confirme en 2008 avec un nouvel album, The Hawk Is Howling, des plus convaincants. De passage à Paris au début de l'été pour en assurer la promotion, Barry Burns revenait avec nous sur la création de ce disque...

L'actualité de Mogwai est chargée depuis quelques mois, peux-tu m'en dire un peu plus sur vos occupations depuis le début de l'année ?

Eh bien... j'ai commencé par me marier avant de partir en lune de miel avec ma femme ! Du point de vue du groupe, quelques concerts ont été donnés au Mexique et au Canada et nous allons aussi jouer dans certains festivals cet été. Il est notamment prévu que l'on joue l'album Young Team dans son intégralité en Espagne mais pour cela il nous faut encore beaucoup répéter. Je sais jouer Radar Maker et Mogwai Fear Satan correctement mais le reste de l'album... C'est un disque un peu particulier pour moi dans la mesure où je ne faisais pas encore partie du groupe lorsqu'il a été enregistré, je suis donc plutôt détaché par rapport aux chansons. J'aime certaines d'entre elles mais d'autres me semblent vraiment mauvaises, alors je ferais un petit effort pour essayer de les jouer correctement...

Young Team a été réédité il y a quelques mois, peux-tu m'en dire plus sur cette décision ?

L'idée initiale n'était pas la notre mais elle nous a semblée justifiée. Beaucoup de personnes aiment cet album mais la qualité des enregistrements est très moyenne, alors on a retravaillé le son des chansons tout en proposant un second disque avec quelques raretés. C'est une bonne manière de célébrer les dix années d'existence de Mogwai, peu de groupes peuvent se vanter de dépasser se cap...

Comment as-tu vécu le fait de te plonger dans ces chansons pour lesquelles tu n'avais jamais contribué auparavant ?

C'était une expérience plutôt amusante pour moi et je suis impatient de voir quel sera le résultat sur scène au Summercase Festival...

Qu'aurais-tu souhaité changer sur ce disque si tu avais pu le faire ?

Je ne sais pas si mon point de vue compte réellement, le reste du groupe serait sans doute plus à-même de s'exprimer ! Cet album ne reflète plus vraiment ce que Mogwai est devenu au fil du temps car l'apport de Brendan n'était pas comparable au mien. Je pense qu'avec moi le disque aurait été différent mais je ne sais pas exactement à quel point... pour un premier album, le but était principalement de parvenir à satisfaire tout le monde avec la qualité de l'enregistrement, même avec très peu d'argent pour le financer. Je suis même content d'avoir échappé à tout cela ! [rires]

Et si votre maison de disque vous proposait d'offrir une seconde jeunesse à Come On Die Young par exemple ?

On n'accepterait certainement pas ! Rock Action est le seul disque pour lequel j'éprouve encore beaucoup de regrets. Le groupe et PIAS ont gaspillé bien trop d'argent pour ce disque qui n'en vaut pas vraiment la peine au final, c'est presque un gâchis pour moi. Avec cette nouvelle maison de disques et un apport financier supplémentaire, c'est une période que le groupe n'a pas su gérer : on a travaillé sur des chansons pendant au moins six mois, passé plus de cinq semaines à enregistrer le disque et même voyagé jusqu'à New York... pour ce résultat ? John, Stuart et moi, lors de notre voyage aux Etats-Unis, avons passé plus de temps à boire dans les soirées qu'à travailler sur l'album. Ce n'était pas très professionnel et tout cela se ressent à l'écoute de Rock Action même si quelques chansons sortent du lot.

Beaucoup de groupes publient des DVD live ou des documentaires depuis quelques années, avez-vous déjà envisagé cette possibilité ?

On nous en parle souvent et l'idée ne me semble pas mauvaise. J'ai vu le film Control sur Joy Division il y a quelques mois et j'ai beaucoup aimé le ton global de l'histoire, alors s'il fallait un jour éditer un documentaire sur Mogwai j'aimerais qu'il s'en rapproche. Je pense qu'il serait plus simple de proposer un DVD live. Il faut savoir que nos concerts sont enregistrés depuis des années mais qu'aucun ne nous a jamais vraiment convaincu. On aimerait vraiment sortir quelque chose pour nos fans mais il faudra d'abord qu'une de nos prestations soit suffisamment bonne pour ça ! Je ne cherche pas la perfection, mais il faut déjà que les cinq membres du groupes soient d'accord ! [rires]

The Hawk Is Howling sort chez Wall Of Sound, c'est une première...

Ce n'est qu'une façade, cela n'a aucun impact visible pour nous... Wall Of Sound est une filliale de PIAS. Toutefois, lorsque The Hawk Is Howling sera sorti, notre contrat avec cette maison de disques sera terminé et je ne sais pas quelle décision sera la notre. Pourquoi ne pas décider de collaborer avec Rock Action puisque le label nous appartient ? Ce ne serait pas une décision stupide, mais il faudra peser le pour et le contre, ne pas prendre de risque inconsidéré...

Vous avez récemment proposé le titre The Sun Smells Too Loud en téléchargement gratuit, pourquoi avoir choisi cette chanson et non une autre ?

Je ne sais pas, c'est juste un titre qu'on aime bien ! C'est la première chanson de l'album qu'on ait dévoilée et je suis content qu'on l'ait choisie car elle ne ressemble à aucune autre... même pour nous en tant que groupe ! C'est pourtant bien une création de Mogwai mais elle diffère par son côté plus joyeux et un rythme particulier. Notre musique est très rarement qualifiée de joyeuse, alors lorsqu'on a écouté la version définitive du titre pour la première fois on a tous ressenti une certaine surprise. Même mon père l'aime !

En exagérant un peu, on pourrait presque affirmer que c'est une chanson dansante... ne crois-tu pas que votre public pourrait être induit en erreur sur la nature de votre nouvel album ?

Je suis persuadé que The Sun Smells Too Loud est l'une des meilleures chansons jamais écrites par Mogwai et j'espère même que les personnes qui vont découvrir notre nouvel album à travers elle seront surpris par la suite. Ça n'a aucune importance quand on y réfléchit bien, chaque individu va se faire sa propre opinion et je ne crois pas que ce soit gênant si certaines personnes s'attendent à danser sur The Hawk Is Howling ! [rires]
La variété d'un album est pour moi un point positif car il montre l'aptitude des musiciens à se diversifier, alors je souhaite que les gens le perçoivent ainsi lorsqu'ils écoutent ce disque. Il se rapproche à mon avis de Happy Songs For Happy People dans sa globalité, contrairement à Mr Beast que je considère plus comme une collection de chansons que comme un album à proprement parler.

Mr Beast se caractérisait justement, contrairement à vos précédents albums, par une forte présence du piano. C'est un élément que l'on ne perçoit que par instants sur The Hawk Is Howling...

On a continué à utiliser du piano classique sur certaines chansons mais moins que sur l'album précédent. L'explication est simple : avant d'entrer en studio j'ai fait l'acquisition d'un nouveau synthétiseur et j'ai souhaité l'exploiter au maximum sur cet album. J'aime découvrir de nouveaux jouets à intervalle régulier et les incorporer par la suite à notre musique, c'est juste ma manière de fonctionner. On avait acheté un piano avant d'enregistrer Mr Beast, tu peux donc faire ta déduction en suivant la même logique...

Dirais-tu que la différence principale entre Mr Beast et The Hawk Is Howling réside en ce point ?

Pas seulement. Pour cet album on a travaillé avec un nouvel ingénieur du son, Andy Miller, et je pense que sa manière de travailler nous a orienté dans une direction un peu différente. Après avoir collaboré avec Tony Doogan pour trois albums il était temps d'essayer quelque chose de nouveau et tout le groupe est vraiment satisfait d'avoir vécu cette nouvelle expérience. On est allés de l'avant en rencontrant une nouvelle personne, c'était le bon moment pour prendre cette initiative.

Cet album semble posséder des éléments caractéristiques de tous vos albums tout en conservant une identité très marquée. De quelle manière avez-vous tenté de vous renouveler ?

Je vais te raconter une anecdote sur ce disque. Avant The Hawk Is Howling, Dominic, notre bassiste, n'avait pas écrit de chansons pour l'un de nos albums depuis Rock Action ou même Come On Die Young. Sans raison particulière, il est parvenu à en écrire trois pour cet album, ce qui explique pour moi le fait que les lignes de basse soient plus présentes sur nos nouvelles chansons. Dominic est une personne très timide qui n'ose que rarement partager ses créations, mais cette fois-ci il est allé de l'avant et nous a permis d'écouter ses quelques idées. C'était une très bonne surprise pour tout le groupe, et l'album dans sa version actuelle me semble parfait. C'est mon album préféré de Mogwai à l'heure actuelle, mais je changerais sans doute d'avis d'ici quelques semaines ! [rires]

En vieillissant, la plupart des musiciens ont tendance à composer des chansons de plus en plus calmes... N'est-il donc pas paradoxal de découvrir sur ce disque Batcat qui est sans doute l'une de vos chansons les plus heavy depuis Like Herod ?

Ca nous a surpris également ! On a pris beaucoup de plaisir à l'enregistrer car sa structure est différente de celle de la majorité de nos chansons qui comptent généralement deux ou trois accords. Cette fois-ci on a décidé de pousser le concept sans réfléchir et de jouer fort dans un style presque métal. Au départ personne ne pensait sérieusement obtenir une bonne chanson, mais après l'avoir écouté à quelques reprises tous les musiciens étaient fiers du résultat. Au final, Batcat est sur l'album et sort en single... On a suivi le même mode de fonctionnement pour The Precipice, la dernière chanson du disque, qui dégage également beaucoup d'énergie. Je trouve très positif de jouer avec les styles et les dynamiques comme on a pu le faire récemment.

Batcat en tant que premier single tiré de The Hawk Is Howling, c'est un choix surprenant !

Il y aura bien quelques animateurs radio pour diffuser la chanson une ou deux fois, mais ça ne deviendra pas un classique ! Ce n'est de toute manière pas notre objectif, les gens qui connaissent Mogwai savent que notre musique n'est pas adaptée à la production de singles. En y repensant, je ne sais même pas pourquoi on a choisi cette chanson plutôt qu'une autre...

C'est un vrai casse-tête pour vous de devoir sortir une chanson du lot de cette manière ?

C'en est un dans le sens où il est nécessaire de choisir une chanson, mais ce n'est pas un problème à proprement parler. Il fallait sortir un single, on a décidé de choisir Batcat pour certaines raisons mais le choix aurait pu se porter sur une autre chanson... il ne faut pas chercher une quelconque logique dans cette sortie. Il est toujours difficile de faire un choix mais de manière générale on écarte les titres les plus calmes car leur intérêt est moindre une fois sorti du cadre du disque. Batcat est simplement un titre marquant.

Peux-tu m'expliquer de quelle manière des titres aussi étranges que I'm Jim Morrison, I'm Dead ou I Love You, I'm Going To Blow Up Your School sont choisis à partir de chansons instrumentales ?

Il n'existe aucune règle, c'est plutôt un jeu pour nous ! Un jour, alors que le groupe était en studio, Dominic est entré en mimant un zombie et en répétant les mots « I'm Jim Morrison, I'm Dead »... Sa pitrerie nous a fait rire et on a décidé d'en faire le titre d'une chanson. Il faut savoir que les titres des chansons ne sont choisis qu'après avoir achevé les chansons, ils s'inspirent donc du résultat plutôt que l'inverse. Le nom d'une chanson n'a pas d'importance pour nous, notre seul objectif est qu'il puisse être retenu facilement et qu'il nous fasse rire ! [rires]

Vous allez souvent à l'encontre des « règles » du post-rock qui poussent beaucoup de groupes à choisir des titres d'une longueur indécente avec un message bien particulier...

C'est effectivement un point commun à beaucoup de groupes de post-rock. Leurs chansons ne possèdent aucun texte et ne délivrent aucun message mais ces musiciens cherchent à transmettre quelque chose un titre faussement philosophique. Quand je lis des choses comme « Le ciel est bleu et... », ce genre de message me semble vraiment ridicule. Puisqu'il faut que nos chansons ait un titre, aucun effectuer ce genre de recherche tout en s'amusant. Il nous arrive de choisir des titres d'articles dans un journal, de téléphoner à un ami en lui demandant une suggestion... c'est un jeu !

Le titre de l'album, The Hawk Is Howling, est lui aussi plutôt mystérieux à l'image de son artwork...

C'est encore une fois lié aux Doors, alors que c'est un groupe qu'aucun de nous n'aime particulièrement ! Je crois qu'on avait vu un documentaire sur le groupe durant lequel Ray Manzarek répétait la phrase « the hawk is howling »... on s'est tous regardés à ce moment là et on a réalisé qu'un faucon ne hurle pas ! C'est donc juste une discussion idiote à partir de ce film qui nous a poussée à choisir ce titre.

D'où le choix de l'artwork ?

L'artwork de nos albums n'a généralement aucun lien avec le disque en lui-même, mais Aidan John Moffat d'Arab Strap est le fautif pour ce disque ! Il connaissait le titre de l'album et en surfant sur eBay il a découvert qu'une personne avait mis en vente une horrible peinture d'aigle. Il nous a téléphoné et nous a demandé d'aller voir l'image immédiatement... et je crois que cette idée à suffi à nous convaincre de choisir l'image comme la pochette du disque. Après tout, cela n'a pas une grande importance, je ne pense pas que des personnes refuseront d'acheter l'album à cause de sa pochette, du mois je l'espère ! [rires]

Après toutes ces années passées ensemble, quelles sont vos motivations pour encore faire évoluer Mogwai ?

Je ne crois pas qu'on ait un but commun, on se contente juste de jouer de la musique sans se poser de questions. Le principal est de continuer à prendre du plaisir ensemble et tant que cela sera le cas je ne vois pas pourquoi on suivrait des chemins séparés. Les personnes qui m'entourent sont mes meilleurs amis depuis plus de dix ans, pourquoi voudrais-je arrêter de vivre avec eux ? Mon seul objectif précis pour les années à venir serait peut-être de pouvoir enregistrer la Bande Originale d'un film du début à la fin tout en obtenant le pouvoir de décision artistique. En général le producteur et le directeur artistique ont une idée très précise du résultat à obtenir et il n'est pas possible de travailler librement... mais nous sommes pourtant des musiciens reconnus qui enregistrent des albums depuis des années, je crois que c'est une bonne preuve de notre capacité à faire des choix ! En attendant qu'une personne nous fasse assez confiance pour nous faire une offre de ce genre on va donc continuer à jouer nos chansons et à donner des concerts avec le même volume sonore, à moins que de nouvelles lois ne nous poussent à le baisser ! [rires]

Faut-il déduire de tes remarques précédentes que l'enregistrement de la Bande Originale du film Zidane ne s'était pas aussi bien déroulé qu'on pourrait le croire ?

Absolument pas, cette expérience reste vraiment un très bon souvenir pour moi. Douglas Gordon et Philippe Parreno savaient avant même de nous rencontrer ce qu'ils attendaient au niveau sonore, ils ont donc su nous donner des indications sur la voie à suivre. La musique devait coller aux images, il fallait donc composer des chansons d'ambiance, des collages et des titres avec des accélérations dans le tempo. On a pris en compte le cahier des charges mais on a aussi montré ce qu'on avait à offrir en conservant quelques libertés.

Et si quelqu'un vous proposait d'enregistrer de nouvelles chansons pour un documentaire sur le Celtic Glasgow ?

On devrait trouver le temps pour le faire ! Ça pourrait même être un bon disque, on pourrait proposer aux footballeurs d'apporter leur contribution ! [rires]