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Johnny Foreigner

Interview publiée par Fab le 20 octobre 2009

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De passage à Paris le mois dernier pour un concert en première partie de Dinosaur Jr, Johnny Foreigner nous accordaient une heure de leur temps pour un entretien en toute décontraction. Au programme : la naissance du groupe, une progression rapide et la sortie de Grace And The Bigger Picture...

Pour commencer, puisque vous êtes encore très peu connus en France, pouvez-vous présenter le groupe ?

Alexei : J'ai connu Kelly au collège et Junior un peu plus tard. Avant de décider de créer Johnny Foreigner nous avons tous fait partie d'autres groupes. Je me suis beaucoup investi dans mon précédent projet, nous passions beaucoup de temps dans notre studio de répétition sans donner de concerts et de fil en aiguille j'ai donc commencé à travailler de mon côté sur des chansons. Junior et un ami, Daniel Boyle, m'ont rejoint mais Daniel a souhaité partir vivre à Londres et Kelly l'a remplacé. Avec trois personnes sérieuses, il était enfin possible de donner des concerts sans laisser tomber personne.
Junior : Je pense que nous avons donné des concerts pendant environ un an avant qu'une maison de disques ne s'intéresse à nous. Nous n'avions plus beaucoup d'argent à cette époque... et je réalise que c'est encore le cas aujourd'hui (rires) !
Alexei : Je ne peux même pas changer mes vieilles chaussures pour le moment !

A quel moment avez-vous compris que le groupe devenait une affaire sérieuse ?

Kelly : A partir du moment où le contrat avec notre maison de disques a été signé, les gens ont commencé à parler de nous un peu plus...
Junior : Mais je n'ai commencé à réaliser qu'à partir du moment où nous sommes allés en studio pour enregistrer des chansons !
Alexei : Je pense que notre premier album constitue un tournant. Nous sommes partis aux Etats-Unis pour enregistrer les chansons, ce qui nous a amenés à travailler avec un producteur de renom, Machine. C'était un peu de fou de collaborer avec une personne que les groupes américains comme Fall Out Boy ou Gym Class Heroes s'arrachent alors que personne ne connaissait Johnny Foreigner.
Kelly : Dans le studio nous restions assis en attendant que quelqu'un nous dise quoi faire, nous profitions du moment. Nous étions vraiment les personnes les plus chanceuses du monde...
Alexei : C'était une première étape, mais c'est aussi quand tu reviens chez toi après six mois de tournées et que tu n'as pas vu tes amis depuis longtemps que tu comprends que ta vie a vraiment changé.

Votre nom, Johnny Foreigner, sonne comme celui d'un artiste en solo. Pourquoi l'avoir choisi ?

Alexei : Quand les gens ne me connaissaient pas et voulaient m'accoster, ils me disaient « Hey Johnnny ! »... non ce n'est pas vrai (rires) !
Junior : En réalité, notre nom est lié à une vieille insulte xénophobe britannique. L'expression Johnny Foreigner se rapporte à toutes les personnes n'étant pas originaires spécifiquement de l'Angleterre. Le type de cliché qui veut que les étrangers viennent dans le pays pour voler le travail et l'argent aux honnêtes anglais... Ce nom nous plaisait car à cette époque notre musique ne ressemblait à celle d'aucun autre groupe de Birmingham, nous passions pour des étrangers en quelque sorte. Nous savions pourtant parfaitement ce que nous voulions et comment y parvenir, mais personne ne nous comprenait.

Votre maison de disques, Best Before Records, ne signe que très peu d'artistes. Comment l'avoir convaincue de vos capacités ?

Alexei : Grâce à l'un de nos amis ! Il vit à Londres et y organise régulièrement des soirées, mais à cette époque il travaillait aussi pour Best Before Records et nous répétait sans cesse qu'un jour il nous ferait signer avec Dananananaykroyd. Bien entendu, aucun nous ne le croyait sérieusement. En passant du temps avec lui nous avons rencontré ses collègues qui sont tous de vrais passionnés, et même s'il n'a sans doute eu aucune influence sur leur décision, la légende veut que c'est grâce à lui que nous en sommes là aujourd'hui !

Votre premier album avait été extrêmement bien accueilli lors de sa sortie l'année passée. Vous attendiez-vous à de tels débuts ?

Alexei : Pas vraiment non, mais l'album nous plaisait, ce qui était déjà une bonne chose. J'aurais été déçu si les articles avaient été trop négatifs, mais ce fut tout le contraire. Certains des journalistes possédaient certains goûts en commun avec les nôtres et je pense que cela a facilité leur appréciation de notre musique. Durant une brève période, tous les avis semblaient unanimes sur nous. Un jour un groupe d'adolescents m'ont même reconnu à un arrêt de bus et ont commencé à chanter l'une de nos chansons, je ne savais plus où me mettre...
Kelly : Et pourtant je ne pense pas que l'on puisse parler de Johnny Foreigner comme d'un groupe à la mode, d'autant plus que nous ne faisons jamais rien ce sens. Nous jouons juste la musique qui nous plait et si le public le veut, il nous suit.
Alexei : Je crois que ce nous sommes compte autant que notre musique pour une partie du public. Nous sommes de jeunes musiciens sans prétentions simplement désireux de pouvoir partager des choses. Certaines personnes se retrouvent dans ce que nous écoutons ou notre manière d'être.

Quels groupes vous ont amenés à être ce que vous êtes aujourd'hui ?

Kelly : Dinosaur Jr !
Alexei : C'est un peu bizarre mais nous aimons beaucoup plus de groupes américains que britanniques, sans pour autant que ce soit une volonté particulière de notre part. La musique des années 90s reste une influence majeure pour moi, mais en y regardant de plus près je pense que le raisonnement est le même pour la scène londonienne ou écossaise par exemple. Personnellement, je considère Captain Jazz et Owls comme des génies...
Kelly : Il y aussi Pavement, Sonic Youth ou les Pixies...
Junior : Ainsi que les premiers disques des Foo Fighters !
Alexei : Aucun groupe britannique donc... mais nous avons pourtant quelques amis proches de ce que nous faisons. Je pense par exemple à Dananananaykroyd ou Tubelord avec qui nous partageons plus une collection de disques que des références artistiques.

Après un premier album en juin l'année passée, son successeur est annoncé pour ce mois d'octobre. Comment expliquez-vous votre rapidité ?

Alexei : Et pourtant ce n'est pas assez rapide !
Kelly : L'album a été enregistré au mois de février et il ne sort qu'en octobre, c'est une longue attente de notre point de vue...
Junior : D'autant plus que les sessions devaient se déroulées en décembre avant d'être repoussées !
Alexei : Écrire des chansons est ce qui me semble le plus facile au monde. Je pars d'une feuille blanche et quelques secondes plus tard j'ai une ébauche de chanson, il n'y a rien de plus simple ! J'aimerais que mon cerveau fonctionne comme un ordinateur et que je puisse stocker toutes mes idées, mais quand il m'arrive d'avoir sept ou huit solutions dans mon esprit, il faut que je les exploite.

Après Machine pour produire votre premier album, votre choix s'est porté sur Alex Newport pour Grace And The Bigger Picture. Pourquoi ?

Alexei : Nous n'avions pas choisi de travailler avec Machine, c'était une affaire de circonstances, mais c'est Alex Newport qui nous a sollicités pour notre second album. Il avait entendu nos chansons et il nous a proposé ses services. Je sais qu'il est originaire de la même région que nous et il semble avoir plutôt bien réussi dans la musique alors nous avons supposé qu'il devait être doué (rires) ! Le fait est que nous ne le connaissions pas pour son travail, mais après deux jours passés en studio je suis allé faire des recherches sur Internet et j'ai découvert qu'il a travaillé avec At The Drive-In, TheMars Volta ou Death Cab For Cutie... son curriculum vitae est incroyable !
Kelly : Nous nous attendions à rencontrer une personne très sérieuse et professionnelle mais nous avons découvert quelqu'un de très posé... tellement posé qu'il donnait l'impression de travailler en étant allongé dans son fauteuil !
Alexei : Comment aurions-nous pu refuser de travailler avec lui ? Sa manière de fonctionner était malgré tout très différente de celle de Machine qui est une personne très technique et qui utilise énormément d'outils. Il gérait tous les réglages. Avec Alex Newport, nous avions acquis une certaine expérience durant les mois précédents l'enregistrement, nous étions plus sûrs de nous et nous avons moins délégué.
Kelly : Je retiens surtout d'Alex Newport qu'il nous a présenté de nombreuses pédales d'effets vraiment fantastiques. Du matériel ancien et rare dont nous n'aurions jamais imaginé l'existence.

Ce nouveau disque est taillé pour les concerts. De quelle manière pensez-vous avoir progressé grâce à l'expérience de la scène ?

Alexei : L'évolution est pour moi un processus inconscient, ce n'est pas un élément sur lequel il est possible d'influer. Nous donnons des concerts, nous dormons, nous écrivons des chansons... et le cycle se répète sans cesse. C'est un processus naturel et les chansons vont et viennent comme elles le veulent.
Junior : C'est un cliché qui revient sans cesse mais notre musique est peut-être plus mature ! Une personne me disait récemment qu'elle voyait une évolution vers la musique progressive dans nos chansons, mais pour moi la base est toujours aussi punk qu'avant.
Alexei : Désormais, quand on me posera la question, je dirais que nous jouons du prunk (rires) !
Junior : L'album est punk selon moi de par la manière dont tout s'est déroulé en studio. Si une première prise nous semblait bonne, nous passions à une autre chanson sans nous retourner. Il n'y avait pas de calcul, tout était spontané.
Alexei : Au final nous avons choisi seize chansons mais le disque ne dure que trente-neuf minutes ! Deux d'entre elles ont été mixées par Pete Laverne de Kenickie, un groupe britannique des années 90s très doué pour la pop composé de pas moins de trois filles dont Lauren Laverne, la présentatrice du Culture Show sur la BBC. En plus d'Alex Newport, c'est une autre personne avec qui nous avons été fiers de travailler.

La dernière chanson de votre premier album s'intitulait The Hidden Song At The End Of The Record alors que ce n'était pas une chanson cachée. Cette fois-ci, il existe bien une chanson cachée...

Alexei : Tout est parti d'une blague ratée. La dernière chanson de notre premier album devait être cachée et nous l'avions listée avec ce nom pour bien le montrer. Malheureusement les exemplaires promotionnels de l'album ont été pressés en stipulant ce titre pour la chanson et nous étions coincés ! Alors pour notre second album nous allons garder le suspense et dire qu'il y aura peut-être une chanson cachée... ou peut-être pas ! Mais c'est une possibilité (rires) !
Junior : C'est une bonne technique de vente, il faudra que vous achetiez notre album pour le savoir !

Vous avez pris pour habitude de choisir des titres plutôt originaux pour vos chansons, c'est une forme de jeu pour vous ?

Alexei : Le pire étant que la moitié du temps le titre n'est même pas tiré des paroles de la chanson ! Nous choisissons des titres qui se réfèrent à l'environnement qui nous entoure lorsque les chansons sont écrites. D'autres groupes l'ont fait bien avant nous, comme Minus The Bear et leurs expressions très vagues et abstraites. Je l'avoue, nous avons en quelque sorte volé cette idée, mais il me semble que choisir des titres intéressants est important. Si je choisis un extrait du refrain par exemple, cela me semble trop facile et j'ai l'impression de tricher. Alors je préfère creuser un peu plus...

Ce qui ne vous empêche pas d'aller au plus simple pour vos singles !

Alexei : C'est vrai (rires) ! Pour Criminals nous avons d'ailleurs lancé un débat entre nous avant de choisir ce titre définitivement. C'était trop évident... Mais je préfère un titre comme celui-ci à ceux que d'autres groupes proposent pour paraître spirituels. Je ne pense pas qu'une de nos chansons pourrait s'intituler « I Love You, She Loves Me, She Says Something To Me » ou une autre imbécilité du même genre. Il y a déjà des millions de chansons qui ressemblent à cet exemple, pas besoin que nous en fassions de même !

Jusqu'à maintenant vous avez extrait deux singles de cet album, Criminals et Feels Like Summer. Pensez-vous qu'elles représentent ce qu'est cet album ?

Junior : Je ne pense pas que nos fans pourront penser que ce second album s'annonce comme identique au premier en les écoutant...
Alexei : Peu importe ce que nous pouvons dire, je pense qu'au final notre musique ressemblera toujours à celle d'un groupe britannique de rock à guitares. Avec des mélodies plus ou moins heavy, un refrain et des chœurs... la recette classique. Nous n'avons pas cherché à faire comme Radiohead avec Kid A. Nous avons choisi de sortir ces deux chansons en singles car elles sont accessibles et entrainantes, ce qu'un bon single doit être.

Votre image va de paire avec celles de vos artworks plutôt délirants sur lesquels figurent systématiquement des fantômes. D'où vient cette passion ?

Alexei : Au départ je m'étais mis en tête de réaliser nos pochettes mais je suis un artiste vraiment médiocre et ces fantômes étaient la seule chose que je parvenais à dessiner ! J'étais quand même content du résultat, je passais pour un petit enfant, mais mes fantômes avaient quand même un air mignon (rires) ! Heureusement pour nous, nous avons depuis trouvé un artiste bien meilleur que moi.

Pourquoi avoir décidé de conserver ce style au lieu de vous essayer à autre chose ?

Alexei : Les fantômes représentent de bonnes métaphore. Parfois ils sont ce que nous sommes incapables de comprendre, parfois ils représentent ce que nous aurions pu faire ou dû faire de nos vies... La vie est pleine de ces fantômes.

Quelles sont vos attentes pour les mois à venir avec cet album ?

Junior : Dominer le monde (rires) !
Alexei : Je préfère ne pas en avoir, mais j'aimerais pouvoir consacrer plus de temps à la musique et ne plus avoir à passer des journées entières au travail pour gagner ma vie.
Junior : Pouvoir jouer plus souvent en Europe serait aussi une bonne chose. C'est en bonne voie, rien n'est encore signé mais nous sommes très optimistes concernant un contrat de tournée sur le continent pour les prochains moins.
Kelly : Jouer dans de nouveaux pays serait fantastique...
Alexei : Nous irons donner quelques concerts en Afrique du Sud au mois de février prochain, j'ai encore du mal à réaliser. Je suis assez satisfait de notre popularité au Royaume-Uni actuellement, nous allons jouer dans des salles moyennes et la plupart des concerts devraient être complets.