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Madness

Interview publiée par Anne-Line le 6 janvier 2010

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Vétérans de la scène britannique, Madness n'en n'ont pas moins marqué l'année passée avec leur album The Liberty Of Norton Folgate et une double prestation remarquée lors du festival Rock en Seine. Rencontre, non sans humour, avec deux papys rockeurs...

Alors, pouvez-vous nous raconter ce qui s'est passé à Rock En Seine l'été dernier ?

Chris : En général les journalistes gardent cette question pour la fin ! Eh bien, on venait de sortir de scène, et on commençait à peine à se détendre, et tout d'un coup notre manager arrive dans notre loge. Et ils nous annonce : « Oasis ont conclu ! » [Oasis have pulled]. En réalité, il voulait dire « Oasis ont annulé », mais avec le double sens, on a cru qu'ils s'étaient trouvé des jolies nanas (rires) !
Alors on ne voyait pas en quoi ça nous concernait ! On a fini par comprendre. Ce n'était pas comme d'habitude, quand ils n'ont pas envie de jouer ou qu'ils ont trop bu la veille. Sinon ils auraient juste annoncé « Liam a mal à la gorge ». C'était sérieux.

Vous avez pu voir ce qui s'est passé ?

Suggs : Non, mais ma fille était là, elle a tout entendu. Apparemment Liam a cassé une guitare qui était à Noel. Ça a fait un bruit du genre « KKLAANNGG !!! ». Il chante A Hard Day's Night : « It's been a hard day's night... » (rires).
Chris : Après, on nous a demandé si on voulait rejouer. On a répondu « Bien sûr ! ». On a été les héros du jour. On a sauvé la soirée ! Cela dit, ils auraient pu jouer avec un seul guitariste, Gem...
Suggs: Moi je pense à l'organisateur du festival, il a vraiment la poisse ! Après Amy Winehouse deux années de suite... Il devrait arrêter !
Chris : Et toi, tu en penses quoi ?

Je pense que ce n'est pas la première fois qu'ils se disputent, ça va sûrement leur passer...

Chris : Tu penses qu'ils vont se remettre ensemble ?

Ce n'est pas impossible...

Chris : Les fans d'Oasis, ils ont de la constance en tout cas. Je parie que la plupart n'ont pas demandé à être remboursés, pour pouvoir garder leur ticket. Comme les fans de Michael Jackson.

Et vos fans, comment sont-ils ? Qui vient voir un concert de Madness en 2009 ?

Chris: Oh, pas mal de monde! C'est assez surprenant. On voit des gens emmener leurs enfants...
Suggs : Quand les gens viennent nous voir, c'est autant pour la musique que pour le côté « entertainmen t». Les enfants voient les vidéos de leurs parents et ils se disent « Ils sont rigolos ! ».
Chris : Ou bien ils tombent sur les vinyles de leurs parents. Et toi, comment as-tu connu Madness?

Je suis née dans les années 80, il y avait Our House à la radio tous les jours...

Suggs : Chris est très curieux! Il veut toujours tout savoir ! Il connaît toutes les statistiques sur le groupe ! Tu peux même lui demander où j'ai acheté mes chaussures! Il est au courant de tout (rires) ! La plupart du temps, on joue dans des festivals, donc le public est déjà assez varié.

Vous sortez une ré-édition de votre premier album One Step Beyond...

Suggs : Apparemment c'est toujours notre album le plus connu.
Chris : On s'est rendu compte qu'il n'était plus possible de trouver nos albums dans les magasins. Il y avait bien eu cette compilation, Total Madness, mais ça ne suffisait pas. Nous possédons toujours les droits de nos albums, même Mad Not Mad, alors nous avons fait ce qu'il fallait !

À quel point êtes-vous impliqués au niveau des sorties de compilations ?

Suggs : Chris l'est beaucoup, parce que comme je disais tout-à-l'heure, il est toujours au courant de tout ! Moi je n'ai que de très vagues souvenirs de ce que nous faisons !
Chris : Pour la compilation, on a fait appel à un des plus gros fans de Madness du monde. Ce mec possède 10,000 pièces dans sa collection sur nous ! Alors c'est lui qui a dit à la maison de disques ce qu'il fallait mettre sur la compilation. Les b-sides, les raretés...

Vous avez aussi sorti un album de nouvelles chansons cette année. C'est assez inattendu, votre dernier album datait de 1999...

Suggs : Les réactions ont été très bonnes ! Meilleures que ce qu'on espérait ! On se s'attendait pas du tout à ça. On avait toutes ces nouvelles chansons, amassées au cours des répétitions, environ une vingtaine. Elles n'étaient même pas toutes terminées. Et puis on s'est mis à travailler sur autre chose, d'autres projets... Certaines ont été écrites il y a très longtemps. On a commencé à les enregistrer il y a trois ans. Mais comme elles ont été mixées en même temps, ça donne une cohésion.
Suggs : Elles ne sont pas du genre habituel de Madness. Ce n'est pas le genre de morceaux qu'on met avec le volume à fond pour danser, comme tous les gros tubes de Madness. On avait prévu de sortir l'album l'année dernière, mais on s'est rendu compte qu'en attendant un an, ça correspondrait aux vingt ans de Madness ! Alors on a attendu encore un peu.
Chris : On a surtout attendu d'avoir un label ! Quand on a commencé à enregistrer, on n'avait aucun contrat. Notre manager nous a trouvé de l'argent pour l'enregistrement, et si l'album n'avait pas marché, on serait bien embêtés !
Suggs : On a peut-être pris pas mal de temps à le faire, mais ce temps on ne l'a pas passé à lambiner. On avait vraiment beaucoup de chansons, et on a pris le temps de bien les faire.

Le thème principal de l'album est la ville de Londres, et ses personnages truculents. Était-ce une intention consciente de vous placer dans la lignée des groupes attachés au folklore londonien tels que les Small Faces, les Kinks, et plus récemment Blur ou les Libertines ?

Chris : J'aime bien les Libertines. Blur, ils ont fait semblant de venir de Londres alors qu'ils sont de l'Essex (rires) ! Je pense juste que nous venons tous de Londres alors c'était quelque chose qui nous a paru naturel.
Suggs : Maintenant Chris vit dans une grande maison à la campagne (ndlr : Country House, comme la chanson de Blur). On a toujours écrit sur les choses de notre quotidien. Et notre quotidien, c'est Londres. J'aime bien l'idée d'avoir une identité dans notre musique.

Il est vrai que votre son est toujours très marqué. Vous n'avez jamais été tentés de faire autre chose ?

Suggs : On a essayé de faire des choses. Par exemple avec The Madness on a mis des boîtes à rythme. C'était intéressant, mais là où on se sentira toujours le mieux, c'est quand on est tous ensemble et qu'on joue. Chacun joue sa partie, et on n'a besoin de rien d'autre. C'est là que la magie survient. Il n'y a pas beaucoup de groupes comme nous. Ça ne sert à rien de chercher quelque chose d'original puisqu'on l'est déjà ! Sur cet album, on a fait une chanson qui ressemble un peu à de la polka. On aime bien essayer des rythmes différents, mais on reste nous-mêmes. Certains peuvent penser qu'on est des dinosaures, mais on a encore pas mal d'énergie pour des dinosaures. On est des vélociraptors (rires) ! Et puis même si on essayait de faire quelque chose de différent, tout le monde nous tomberait dessus pour nous demander pourquoi on ne fait plus de ska, alors...

Lorsque vous jouez en live, vous ne faites pas beaucoup de nouvelles chansons...

Chris : Il est vrai qu'on fait principalement des festivals. Il faut contenter tout le monde.
Suggs : C'est la discussion que l'on a à chaque fois avant de monter sur scène : combien de nouvelles chansons allons-nous faire ? Après, on a assez de matière pour pouvoir faire des choses un peu inédites de temps en temps. On peut décider cinq minutes avant de monter sur scène de jouer une chanson qu'on n'a pas jouée depuis cinq ou dix ans ! On est sept dans ce groupe, et chacun a une idée différente de la setlist idéale!

Vous ne vous disputez jamais? Sept membres c'est sept fois plus de conflits, non?

Suggs : Je vais te raconter quelque chose. Quand Oasis sont arrivés à Paris le jour du festival, on était dans le même train que Noel. Il était tout seul. Nous, on était tous là avec femmes et enfants, et lui, il était tout seul. Après le festival, il l'a bien dit : « Mon management m'a laissé tomber, le reste du groupe m'a laissé tomber. » Il était abandonné. Dans notre groupe, bien sûr, on se sent tous abandonné par moments, mais justement du fait d'être sept, il y a toujours quelqu'un pour te soutenir. Dans Oasis, il y a les deux frères, et le reste sont des musiciens de sessions. Il faut toujours choisir son camp. Chez nous, ça se passe beaucoup mieux.
Chris : On peut changer de personne sur qui se défouler (rires) ! On a une dynamique différente. Quand on a commencé, on a eu beaucoup de succès d'un coup. On était plus connu en France ou en Allemagne qu'en Angleterre à un moment. Alors on allait dans tous ces endroits inconnus, et on se plaignait tout le temps ! « J'aime pas la météo, j'aime pas la bouffe... » Et notre grand rêve, c'était d'aller percer en Amérique. Et en Amérique, tu ne peux pas percer d'un coup de baguette magique. Il faut que tu y restes au moins six mois. À cette époque, c'était ça nos plus grands sujets de disputes, savoir où nous devrions aller jouer ou pas.
Suggs : Maintenant on se dispute par email ! Et quand on se voit, on se dispute à propos des emails qu'on s'est envoyés ! Ce n'est pas évident les emails, il y a toujours quelqu'un pour mal interpréter ce que tu as écrit, et le lendemain, le ciel te tombe sur la tête ! Nous sommes interrompus par les contraintes du planning promotionnel, et sur le chemin de leur prochaine interview, Suggs lance l'idée que Madness devraient reprendre une chanson d'Oasis dans leur set. Ils s'en vont en chantant Roll With It et Supersonic...