Après des débuts remarqués chez Kitsuné en début d'année 2009, Chew Lips s'émancipent et sortent en ce printemps 2010 leur premier album, Unicorn, teinté d'électro-pop minimaliste. Rencontre à Paris avec le trio mené par la pétillante et charmeuse Tigs...
Deux années seulement se sont écoulées entre la formation du groupe et la sortie de ce premier album, avez-vous conscience d'être allés plus vite que la majorité des groupes ?
James : Je ne sais pas trop ... quelquefois je trouve que ç'a été rapide, quelquefois non. On ne voulait pas se contenter de mettre les dix premières chansons qu'on a enregistrées sur notre premier album, on voulait écrire le plus de chansons possibles pour ensuite garder les dix meilleures.
Tigs : les premiers mois sont passés tellement vite, et après les cinq premiers concerts qu'on a joués il y avait déjà une hype auprès des labels... c'est venu très vite. Puis nous avons décidé de ralentir la cadence et de prendre notre temps avec notre label et notre management, pour réfléchir à ce qu'on voulait vraiment faire. Puis on s'est mis à écrire, on a composé entre soixante et soixante-dix chansons en l'espace de quelques mois. On a sorti notre premier album en Angleterre en janvier, mais on avait déjà terminé de l'enregistrer l'été dernier, donc finalement on n'a pas fait grand chose depuis quatre mois à part attendre la sortie. Ce n'était pas vraiment un choix de notre part, mais il faut du temps pour placer un single en radio et se faire connaître... on a pris le temps qu'il fallait, même si c'était très frustrant, on aurait aimé que les choses se fassent plus vite. Je suis vraiment contente que l'album soit enfin sorti !
Steve Lamacq vous a beaucoup supportés à vos débuts, à quel point pensez-vous avoir bénéficié de cela ?
Tigs : Il nous a considérablement aidés. C'est un vrai découvreur de talents. Et quand il aime un groupe, il a à cœur de tout faire pour l'aider. Il est venu nous voir en concert, puis nous a invité à jouer aux BBC Electric Proms. Il nous a exposé à un public plus large, plus « mainstream » je dirais. Il a dit de nous qu'on était le meilleur groupe non signé d'Angleterre, il continue à passer nos chansons, et à nous soutenir. C'est comme un « oncle indie » pour nous. Il ne vit que pour la musique, et on sent qu'il l'aime vraiment.
James : Il n'est pas comme les autres DJs. Ses collègues de Radio1 sont probablement moins passionnés et certains sont plus intéressés par le glamour du métier et le fait de traîner avec des célébrités, alors que lui est totalement authentique.
Comment écrivez-vous ? Qui fait quoi dans le groupe ?
James : On a peu composé dernièrement à cause des tournées, mais la moitié de l'album a été écrite par nous trois, tous ensemble, quasiment d'une traite, et pour l'autre moitié, j'en ai écrit la musique, tandis que Tigs se concentrait sur les paroles et le chant. On est plutôt flexibles d'une manière générale.
Tigs : J'écris les paroles et les mélodies, mais globalement, la moitié de l'album est le fruit d'un travail de groupe, et l'autre moitié juste James et moi.
James : Comme on voyage beaucoup ces derniers temps, je mets mes idées sur mon laptop et les envoie à Tigs, et quand on se voit, on bosse à partir de ça et on essaie d'en faire quelque chose.
Tigs : On est obligés d'être flexibles, car on tourne beaucoup, on ne peut pas se permettre d'entrer en studio, et s'asseoir tous les trois pour écrire des chansons ces derniers temps...
James : On était à New York très récemment, pour jouer, et on a passé quelques temps dans un studio là-bas. Quand tu es dans un de ces taxis jaunes typiquement New-Yorkais, et que tu remontes la 5ème avenue pour aller écrire et enregistrer en studio là-bas, tu te dis que tu es en train de vivre un truc génial (rires) ! On y a aussi donné quelques concerts...
Tigs : Quelqu'un était intéressé pour nous signer là-bas, un label américain qui nous a vus au festival SXSW nous a fait venir pour jouer à Brooklyn... C'était surréaliste ! Il y avait tellement de monde qui était venu juste pour nous voir. C'est le genre de choses dont tu rêves quand tu as seize ans, quand tu montes un groupe et que tu rêves de jouer à New York (rires) !
Le titre de votre album, Unicorn, est plutôt mystérieux. Que signifie-t-il ?
James : Il n'a pas une signification particulière pour nous...
Tigs : Il faudrait vraiment qu'on trouve une bonne idée pour répondre à cette question, on va nous la poser tellement de fois (rires) !
James : En fait on voulait que le titre de l'album ne soit qu'un un seul mot, et « Unicorn » est un mot avec un fort impact...
Tigs : C'est un mot fort, qui a quelque chose de mystique et mystérieux.
James : On s'est immédiatement mis d'accord sur ce mot.
Vous auriez donc pu choisir n'importe quel autre mot à consonance « mystique » ?
Tigs : On voulait un mot unique et fort. On s'était arrêtés sur Unicron au départ, on trouvait que ce mot sonnait un peu « geek » et était esthétiquement joli et plutôt cool. Mais on a cherché sur Google et on a découvert que Unicron était en fait un obscur personnage de Transformers, alors on s'est dit « non, on va attirer un public un peu trop geek et inapproprié ! », bien que ce soit déjà probablement le cas (rires). On a finalement choisi Unicorn et, dieu merci, on s'est retenus de mettre une licorne ou quelque chose de ce style sur notre pochette (rires) !
Deux de vos singles les plus appréciés, Salt Air et Solo, ne figurent pas sur votre album. Pourquoi les avoir laissés de coté ?
James : Elles seront quand même sur la version française de l'album, dans des versions live...
Tigs : Il y a plusieurs raisons. On a sorti Solo en mars 2009, ce qui fait que plus de neuf mois s'étaient écoulés jusqu'à la sortie de l'album. Si j'achète un disque et que je retrouve dessus des singles sortis il y a neuf mois, je me dis que le groupe n'est pas très inspiré ou pas capable d'écrire assez de bonnes chansons pour remplir un album. C'est un peu comme ne pas en avoir pour son argent quand on achète un disque avec deux singles déjà sortis il y a plusieurs mois...
James : On ne voulait pas mettre de « vieilles » chansons sur l'album.
Tigs : Quand on enregistre un album, c'est comme un tatouage, ça représente un instant T dans la vie d'un groupe. Cet album, c'est un peu un polaroid représentatif de l'été dernier, tandis que ces deux singles sont représentatifs de ce que l'on était l'année d'avant ... et ça ne correspondait plus à l'esprit de l'album. Solo est plus jeune, et teenager, l'image d'un groupe qui débute et qui se cherche. Ce sont aussi des raisons pour lesquelles les gens l'aiment et nous l'assumons, mais nous voulions montrer une image plus contrôlée et posée de nous sur cet album, un son plus travaillé. Mais on joue encore Solo à tous nos concerts...
James : C'est d'ailleurs l'une des préférées du public et les gens disent souvent que c'est très courageux de notre part de ne pas avoir inclus ces deux singles sur l'album, et dommage en même temps. Mais si on les avait incluses, on nous aurait reproché de nous reposer sur deux titres déjà connus, et de faire dans la facilité. Et puis on avait écrit tellement de nouveaux titres entre temps ...
La plupart des chansons semblent plus minimalistes sur disque que dans leurs versions live, était-ce un choix conscient ?
James : Oui, l'album est plus dépouillé, on a essayé de ne pas abuser des arrangements.
Tigs : On a beaucoup appris en écrivant l'album, et on a réalisé que l'important, ce sont les chansons, ce sont elles qui restent. On ne devrait pas avoir à les dénaturer en y incorporant trop d'arrangements et de choses superflues. On doit pouvoir être capable de les jouer en acoustique, en faisant en sorte qu'elles demeurent de bonnes chansons.
James : L'album est minimaliste mais en même temps complexe... un mélange de beaucoup de sons différents qui se marient bien ensemble finalement.
Le lineup du groupe est lui aussi plutôt minimaliste, n’avez-vous jamais envisagé de l’étendre par exemple avec un batteur ?
James : Pas vraiment non, on n'y a jamais pensé.
Tigs : Peut-être un jour... mais pour l'instant, on n'y songe pas.
James : Pour l'instant on est bien tous les trois avec la batterie électronique, et ça me plaît comme ceci...
Vous avez sorti vos singles sur Kitsuné, avez joué à une Skins Party et jouerez bientôt au Topman Control, n'avez-vous pas peur d'être catalogués groupe « hype/trendy » ?
Tigs : Je pense qu'on a dépassé ce stade.
James : Maintenant que notre album est sorti on n'a plus à s'inquiéter de ça...
Tigs : Sortir un premier single sur Kitsuné a probablement poussé des gens à penser cela, mais notre album a reçu des critiques positives à sa sortie, et on en est très fier. Il ne peut pas être réduit à une collection de singles juste pour danser et faire la fête ... Et si tant est que nous avons été « trendy », je dirais que c'était l'année passée, mais plus maintenant.
James : Nous n'avons pas essayé de faire un groupe ou un album « trendy », et si effectivement nous le sommes, c'est dans le sens où l'album est bon, sans toutefois essayer de surfer sur la vague.