Auteurs d’un des albums préférés de la rédaction de Sound Of Violence en 2010, les anglais de Stornoway reviennent en France à l’occasion du concert qu’ils donneront le 14 avril prochain au Café de la Danse. L’occasion d’échanger quelques mots avec Jonathan Ouin, qui nous en dit un peu plus sur ce groupe encore trop confidentiel. Retour sur un entretien où l’absurde n’est jamais bien loin.
Vous n’êtes pas si populaires que ça dans notre pays : histoire de vous connaitre un peu mieux, pourrais-tu nous en dire un peu plus sur les circonstances de votre rencontre ?
En fait, Brian (chant et guitare) et moi nous sommes rencontrés à l’université. C’était à Oxford, et ça doit faire environ cinq and maintenant. A cette époque, Brian étudiait le comportement des canards et moi je traduisais en anglais des morceaux folk russes; dans le même temps, Ollie et Rob nous arrivaient en provenance directe d’Afrique du Sud. Ollie a répondu à une de nos annonces, dans laquelle nous disions chercher un bassiste. Il nous a rejoints et après ça, nous nous sommes lancés dans une quête sans fin pour trouver un batteur. En parallèle, Ollie apprenait à Rob, son jeune frère, à jouer d’un tel instrument. Lorsqu’un jour, Rob est venu répéter avec nous, sa présence dans le groupe est devenue une évidence.
Stornoway est connue pour être une ville située sur l’île de Lewis. Comment ce nom est-il également devenu celui d’un groupe ?
Nous avons passé un temps fou à chercher un nom qui puisse évoquer le milieu marin, sans pour autant se révéler trop ridicule. Ca n’a rien strictement rien donné pendant un temps, jusqu’à cette nuit où, alors que nous cherchions l’inspiration en scrutant un nombre incalculable de cartes diverses et variées, notre attention s’est portée sur le flash météo de la BBC. Nous avons repéré ce nom, « Stornoway », tout en haut de la carte présenté à l’écran. Nous savions que nous tenions là le nom de notre groupe.
J’ai cru comprendre que vous n’étiez jamais allé à Stornoway avant l’enregistrement de votre premier album, et la tournée qui a suivi. Vous n’étiez pas déçus d’avoir choisi ce patronyme après-coup ?
Aucun de nous n’oubliera, je pense, ce premier contact avec la ville. Pour te dire : la dernière fois que nous avons joué au Woodlands Centre, notre ferry a sombré, et nous avons terminé dans une usine fabriquant du tweed ! En fait, il est prévu que nous y retournions une seconde fois, et ce lors du Heb Celt Festival qui se déroule un peu plus tard dans l’année... peut-être que cette fois-ci, la rencontre entre les deux Stornoway provoquera un joli trou noir dans lequel nous serons tous aspirés (rires) !
Vous êtes souvent étiquetés comme groupe « indie-folk ». Cela fait-il sens pour vous ?
C’est marrant de voir à quel point il apparaît nécessaire pour certain de catégoriser les groupes, de leur attribuer un genre. Ceci-dit, « indie-folk », ça restera toujours mieux que « nu-folk »... Nous avons signé sur un label indépendant, nous faisons de la musique à l’aide d’instruments acoustiques, donc oui, cette étiquette, nous comprenons pourquoi on nous la colle. Mais nous, notre musique, nous préférons la décrire comme de la faux-pop-soul, avec une pointe de surf-musique sud-africaine. Nous sommes peut-être les seuls à voir ça comme ça.
Peux-tu nous en dire un peu plus sur le processus d’écriture en vigueur au sein du groupe ? En d’autres termes, éclaire-nous un peu sur qui fait quoi...
La plupart de nos titres sont composés par Brian qui fait le boulot aidé de sa seule voix et de sa guitare. Avec le reste du groupe, nous nous approprions la chose dans un second temps, en y rajoutant nos instruments pour que le morceau devienne celui d’un groupe. Parfois, la composition va un peu plus loin qu’on aurait pu l’imaginer au départ.
Votre premier passage à la radio remonte à 2006, et, pourtant, vous n’avez sorti votre premier disque qu’en 2010. Comment expliquez-vous ce laps de temps ?
En fait, nous n’avons fait que suivre le plan : nous avions accroché, aux murs du bureau que nous occupons dans notre quartier général, une frise sur laquelle nous avons représenté une échelle de temps. Après avoir consulté Nostradamus par l’intermédiaire d’un pot de yaourt, nous en sommes venus à considérer un plan d’une durée de cinq ans (un peu comme Staline avant nous), et nous nous y sommes rigoureusement tenus jusqu’au bout : ce plan était de ne pas sortir d’album avant 2010 (rires) !
D’accord... Autre question : si on se réfère aux paroles de vos chansons, l’écologie apparaît comme une de vos préoccupations premières. Vrai ?
C’est le domaine de Brian, ça. Il a toujours éprouvé un grand intérêt pour ce qui touche à la nature, à la protection de l’environnement... En fait, il a laissé tomber un boulot dans l’écologie pour faire partie de Stornoway ! Sur notre album, il y a une chanson qui s’appelle We Are The Battery Human, dont les paroles s’inspirent du travail d’un mec, défenseur de la nature, et d’un ami à lui, Sasha Norris.
En parlant d’écologie, quel regarde portes-tu sur ce qui se passe dans le monde depuis ce qui est arrivé au Japon ? C’est comme si les gens ne se rendaient compte de certaines choses que maintenant...
A notre niveau, je pense qu’il est difficile d’avoir une idée claire de ce qui se passe sur place en termes de réponse donnée aux évènements. C’est encore le chaos là-bas, et il y a encore trop d’incertitudes quant aux terribles conséquences qui pourraient découler de cette catastrophe. Mais au-delà du tsunami, et des défaillances constatées au niveau des réacteurs nucléaires, il y a peut-être un manque de communication à déplorer du côté du gouvernement, sur les risques de contamination notamment. Et puis, à mon sens, il n’y a pas assez de biens acheminés vers les populations les plus durement touchées...
Vous pensez vraiment que la musique est un média de choix pour faire passer un message ?
Bien sur !
Pourrais-tu imaginer Stornoway s’engager dans une voie, justement, plus engagée ? Le groupe pourrait-il, par exemple, afficher clairement son positionnement politique ?
La plupart des titres présents sur notre premier album ont un caractère très personnel, c’est vrai, mais d’autres, comme We Are The Battery Human ou Here Comes The Blackout... ! portent un vrai regard sur notre société. En un sens, elles sont donc politisées. De manière générale, nous ne sommes pas imperméables aux évènements qui se jouent autour de nous, ce qui veut dire que nous ne sommes pas à l’abri de continuer dans cette voie là, voire d’aller plus loin !
Êtes-vous satisfaits des réactions suscitées par ce premier album ?
Je dois dire que nous avons été réellement bouleversés par l’ensemble des retours positifs qui nous sont parvenus, et même si ceux qui importent le plus, au final, sont ceux qui proviennent des gens qui ont acheté l’album.
Pensez-vous déjà au successeur de Beachcomber's Windowsill ?
Oui. On écrit, on crayonne, on griffonne, on crie, on chuchote... tout ça en gardant le magnétophone allumé !
Votre premier concert en France, vous l’avez donné en Novembre dernier, dans le cadre du Festival des Inrockuptibles. Quel souvenir en gardez-vous ?
Nous en gardons un très bon souvenir ! C’était à la Boule Noire. Nous avons adoré cet endroit. Et puis, il y avait peut-être quelques anglais dans l’assistance, mais la majorité des gens étaient français, et ils étaient à fond dedans ! Nous avons passé une excellente soirée, qui s’est terminée dans un club underground de la ville.
Penses-tu que le fait d’avoir donné beaucoup de concerts ces derniers mois a permis au groupe de devenir meilleur sur scène ?
Je l’espère ! Nous nous sentons vraiment bien quand nous sommes sur scène... c’est assez naturel pour nous finalement. Après, on essaie juste d’en profiter un maximum, en espérant que le public le ressente et que ça ait un impact positif sur lui.
Quels sont vos projets à l’heure actuelle ?
Nous allons participer à de nombreux festivals dans les prochains mois, qu’ils soient situés en Angleterre ou ailleurs. En parallèle, nous allons continuer à travailler sur de nouvelles compositions. A plus long terme, si le groupe doit disparaître, nous envisageons de rebondir en créant un zoo musical, dans lequel on pourrait apprendre aux animaux à chanter nos chansons à notre place. Cela peut sembler cruel, mais ce sera surtout sans précédent, en plus d’être une attraction touristique d’ampleur (rires) !