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Erland And The Carnival

Interview publiée par Amandine le 25 août 2011

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Erland Cooper et le grand Simon Tong nous ont accordés un peu de leur temps parisien avant leur premier concert à la Flèche d'Or. Un moment pour évoquer leurs relations avec Damon Albarn mais aussi pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de ce projet. L'occasion également de nous rendre compte que dans ce groupe atypique, les personnalités sont suffisamment différentes pour créer une alchimie complexe.

Pour commencer, pouvez-vous nous dire comment s'est produite votre rencontre et comment vous est venue l'idée de travailler ensemble ?

Simon : Erland et moi nous sommes rencontrés lors d'une soirée folk à Londres organisée par David. On a beaucoup discuté et on s'est dit que ça pourrait être sympa de faire un truc ensemble. On s'est retrouvés dans le studio de David, qui est maintenant notre batteur, pour enregistrer une chanson tous les deux pour une compilation. On a alors fait ce titre, My Name Is Carnival, de Jackson C. Frank. Tout s'est très bien passé, on s'est en plus bien entendus donc on a décidé d'aller plus loin et de s'inspirer du titre de cette chanson pour nommer notre nouveau groupe. Voilà comment est né Erland & The Carnival, tout simplement.

 

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Quelles sont vos influences ?

Simon : Nous sommes avant tout un groupe pop et nous aimons tous la pop. Erland a une formation folk très traditionnelle, que ce soit pour les paroles ou les instrumentations. Notre but avoué était donc de reprendre les standards folk, les retravailler, y mettre notre empreinte pour en faire des mélodies sonnant modernes, plus pop. C'est donc un mélange de pop et de folk je dirais, ou comment faire de la musique du XXIème siècle avec de vieilles méthodes. Ceci dit, on peut aussi parler de la musique électronique que nous écoutons tous au sein du groupe et qui a sa petite part d'importance dans notre travail.

Comment ces influences se ressentent-elles sur votre musique ?

Simon : Je crois que la noirceur de la folk traditionnelle, cette introspection et l'attrait pour la mort se retrouvent dans notre musique. Finalement, les structures mélodiques d'Erland & The Carnival sont plus modernes que celles de Bert Jansch par exemple, mais dans l'esprit, ça reste assez proche, on peut encore sentir l'essence de toutes nos influences sur nos albums. Il y a des artistes que j'adore et qui m'ont toujours inspiré : Bob Dylan ou Fairport Convention en sont de très bons exemples. A vrai dire, Erland & The Carnival, c'est un peu comme si on voulait simplifier à l'extrême. Reprendre de vieux standards, les accélérer, les retravailler un peu et en faire de nouvelles choses, à la fois très proches et très distinctes des chansons originales.

Qu'apporte chaque membre du groupe à Erland & The Carnival ?

Erland : Simon apporte le rhum, moi c'est le whisky et David se charge des acides (rires).
Simon : David est ingénieur du son donc il apporte son savoir en matière de mixage et fait en sorte que tout ce qu'on crée sonne toujours très bien. Andy, aux claviers, apporte une grande touche de fraîcheur au groupe mais aussi un côté innocent dont lui seul a le secret. Erland, David et moi, on se retrouve à la maison, on se met derrière les claviers et on assemble tout ce qu'on a pu faire chacun de notre côté, c'est notre manière de travailler.

 

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Quand des musiciens comme vous se rassemblent pour former un « supergroupe », les gens se demandent toujours si ce n'est pas un projet de courte durée. Quels sont vos plans avec ce groupe ? Le voyez-vous comme un projet artistique de longue durée ?

Erland : J'espère enregistrer encore plusieurs albums avec Erland & The Carnival et j'aimerais aussi travailler sur d'autres projets, autant que faire se peut. J'ai toujours un peu de mal avec le terme de supergroupe mais quoi qu'il en soit, je ne vois pas ça comme un caprice passager, j'y vois bien plus.
Simon : Mais oui ! Moi aussi je vois ce projet dans le temps ! On a déjà produit deux albums en un peu plus de deux ans, on en ressortira peut-être un autre l'an prochain, on a déjà commencé à travailler dessus.

Quand on écoute Nightingale , on voit que vous piochez des influences un peu partout : le Livre des Morts égyptien pour Wealldie, des poèmes, une œuvre de Grayson Perry pour Map Of An Englishman. Qu'est-ce qui fait qu'à un moment, vous décidez d'écrire sur un sujet en particulier ?

Simon : C'est toujours un peu le fruit du hasard. Pour Map Of An Englishman, je travaillais à New York et, tous les jours, je voyais cette affiche de Grayson Perry quand je passais dans le couloir et je suis allé la voir où elle est exposée. Cette pièce avait été reléguée dans un endroit où personne ne pouvait la contempler, dans un coin sombre et j'ai trouvé ça fort dommage. Quand je suis rentré en Angleterre, j'en ai accroché une copie dans notre studio pour me donner de l'inspiration et c'est en regardant cette carte imaginaire complètement folle que nous sont venues les paroles de la chanson Map Of An Englishman. Reprendre une vieille carte pour en faire un planisphère de la psychologie humaine, c'est tout de même assez formidable.

Vous avez enregistré votre premier album dans le studio de Damon Albarn ; quelles sont vos relations avec lui ?

Simon : Je le connais depuis longtemps et ces dix dernières années, on a souvent eu l'occasion de nous rencontrer, notamment pour travailler ensemble. Mais pour ce premier album, on ne l'a qu'aperçu : on a enregistré dans son studio pendant deux week-ends et quelques jours ensuite mais c'est tout, ça a été très rapide. On a utilisé le matériel à notre disposition et son studio est assez incroyable pour ça : tu as besoin d'un vieux clavier qui sonne de telle manière ? Pas de souci, Damon a ça ! Il a tout ce dont un musicien peut rêver pour enregistrer : les instruments, le lieu, les amplis, tout est parfait.

Pourquoi avoir enregistré Nightingale sur une péniche amarrée en plein centre de Londres ? Était-ce une réelle volonté ou juste le fruit du hasard ?

Simon : On voulait enregistrer ce second album d'une manière un peu différente du premier. Le choix du studio est une chose importante pour un disque car il détermine une ambiance particulière. On voulait un studio qui nous permette de nous plonger dans la noirceur de l'album et on n'a pas trouvé d'endroit qui nous convenait dans une cave, on était un peu déçus. Et puis on a trouvé cette péniche et on a adoré le lieu : le studio était en sous-sol et abritait autrefois une radio pirate. Il y avait déjà une batterie et il nous restait donc à amener le reste de notre équipement. C'était une ambiance un peu surréaliste car chaque jour, on se retrouvait dans la City où est amarrée cette péniche, au milieu des banquiers et des avocats. C'était très particulier comme expérience. Le fait d'enregistrer sous l'eau a un impact certain sur le résultat. Parfois, on était un peu claustrophobes et il fallait aller prendre l'air un moment pour se ressourcer (rires). Il y avait des bruits très spécifiques au fait d'être immergés. Mais c'était bénéfique car rien ne nous distrayait et on pouvait se concentrer de la meilleure des façons.

 

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David Nock et Simon Tong : vous avez tous deux de l'expérience derrière les machines pour la production et le mixage d'albums pour d'autres groupes : cela vous a-t-il aidé pour Erland & The Carnival ?

Simon : Oui, c'est toujours un plus de pouvoir se nourrir de la façon qu'ont les autres groupes de travailler. C'est très intéressant de collaborer avec des personnes qui ont des points de vue parfois différents mais surtout étayés par une multitude d'expériences professionnelles.

Avec ce nouvel album, Nightingale , il semble que vous montriez des titres plus sophistiqués qu'auparavant, moins « classiques » dans leur structure. Comment expliquez-vous cela ?

Erland : Je ne suis pas certain que ce soit le cas. Toutes nos chansons viennent toujours d'une source d'inspiration originale à laquelle on n'essaye pas d'ajouter le plus de choses possibles. Par contre, en ce qui concerne les titres des chansons, j'ai un gros regret pour cet album : j'aurais dû appeler Map Of An Englishman "Map Of An Orcadian", ça sonne tellement mieux !
Simon : On a tenté au maximum de faire sonner Nightingale 60s ou 70s comme les influences qu'il a reçues mais surtout, on voulait qu'il sonne le plus actuel possible. On a donc utilisé des sons électroniques mais aussi du reverse pour créer un effet de vertige. Tous ces détails ont permis de créer une atmosphère très étrange et bizarre, ça confère une part de mystère.

Cet album est très bien accueilli par les critiques et j'ai lu à plusieurs reprises que les journalistes, surtout Outre-Manche, vous voyaient comme le renouveau de la britpop. Comment vivez-vous ce statut ?

Simon : On n'y prête pas une grande attention.On joue la musique qu'on a envie de jouer et on est assez surpris des premières critiques à propos de Nightingale . C'est souvent assez élogieux, c'est agréable à entendre.

Vos vidéos sont toujours très belles, très soignées, de très bon goût, je pense par exemple au teaser de Nightingale que vous aviez mis en ligne sur la page d'accueil de votre site ou à la vidéo de Map Of An Englishman. Y portez-vous une attention particulière ou préférez-vous déléguer ce travail aux experts ?

Erland : Tu penses vraiment que nos vidéos sont réussies ? Quand je les regarde, je n'y vois que les défauts. Je n'y connais rien en matière de réalisation de clip mais j'aime beaucoup travailler avec des gens qui savent de quoi ils parlent, c'est très intéressant.
Simon : Pour ma part, je n'aime pas particulièrement les clips, je n'y connais rien et ça ne m'intéresse pas plus que ça. Je ne veux pas dire qu'on n'est pas tous influencés par des films ou ce qui passe à la télévision mais les clips, ce n'est pas mon truc. Je vois parfois l'engouement de David face à des vidéos mais moi... non, vraiment pas !

 

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On remarque, à la fois dans votre musique et dans les clips, un côté assez sombre. Comment l'expliquez-vous ?

Erland : J'ai toujours été attiré par les chanson folk les plus sombres. Idem pour les histoires ou les paroles. J'aime beaucoup la juxtaposition de paroles sombres sur une petite mélodie douce, voire joyeuse. Ça peut sonner faux mais ça m'intéresse énormément.
Simon : Peut-être devrions-nous faire de la musique un peu plus joyeuse (rires). Je ne sais pas, ça doit en quelque sorte venir de notre état d'esprit lors de l'écriture des morceaux.

Vous avez enregistré deux albums en un peu plus d'un an. Comment expliquez-vous cette productivité ?

Simon : A vrai dire, quand on a enregistré notre premier album, on avait déjà suffisamment de titres pour en écrire un deuxième et on ne pouvait pas tout mettre sur ce premier alors la suite est venue assez rapidement. On s'entend bien, l'inspiration nous vient facilement donc dès qu'on a de la matière à refaire un disque, on ne s'en prive pas. Écrire, c'est comme lire, c'est quelque chose de constant, qu'on fait parce qu'on en a envie et presque besoin. On le fait chaque jour, ça nous fait plaisir. Certains artistes attendent quatre ou cinq ans avant de ressortir un album : peut-être n'ont-ils pas assez d'inspiration pour le faire plus vite mais ce n'est pas du tout notre cas !

Enfin, quels sont vos projets pour 2011 ?

Simon : Nous aimerions revenir en tournée cet automne, en octobre ou novembre.