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Spectrals

Interview publiée par Amandine le 23 décembre 2011

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C'est un samedi soir à la Maroquinerie de Paris, avant un concert en première partie de Girls, que nous avons discuté avec le flamboyant Louis Jones, aka Spectrals, devant une Delirium Tremens, sa nouvelle bière préférée au monde. De la pop de Phil Spector à Blink 182, il nous a compté son parcours musical et son ascension...

Il y a quelque temps, tu étais encore étudiant à l’université de Leeds...

Oui, en effet, j’étudiais les médias.

Tu étudiais les médias parce que les professeurs t’avaient dit que tu ne pouvais pas étudier la musique il me semble...

C’est assez ironique avec tout ce qui m’est arrivé depuis, ça me fait rire aujourd'hui. Les professeurs de musique sont venus me voir en me disant « Nous ne t’avons jamais entendu jouer d’un instrument, jamais entendu chanté et nous ne sommes vraiment pas persuadés que tu es assez bon pour suivre des cours de musique à l’université, ça ne va pas être possible pour toi ». Du coup, il fallait vraiment que je choisisse une matière et j’aimais bien les médias donc je me suis dit « Pourquoi pas ! », mais c’était plus un choix par défaut qu’autre chose. Je rigole bien maintenant parce que je ne suis pas sûr que quiconque qui était en cours avec moi à l’époque ait fait autant de musique que moi.

Tout s’est passé très vite pour toi, depuise Myspace, les contacts avec les labels, les premières parties pour Best Coast ou Real Estate...

Oui, c’est vrai, tout s’est enchaîné.

Comment vis-tu tout cela ?

Ça me rend très heureux parce que je n’aurais jamais cru arriver là où je suis aujourd’hui. Je n’aurais jamais cru enregistrer un disque et pourtant je l’ai fait. Je n’aurais jamais cru faire des premières parties de groupes aussi prestigieux que Girls par exemple et pourtant je suis là ce soir. Même si tout va très vite, c’est venu pas à pas : j’ai d’abord fait un disque, puis un autre, puis j’ai enregistré un album et à chaque fois que j’atteins un niveau encore plus haut, je me dis « Wouah ! Mais c’est la chose la plus fabuleuse qui puisse m’arriver ! » et finalement, quelques mois plus tard, j’arrive à aller encore plus haut. Et aujourd’hui, c’est génial de revenir à Paris. La dernière fois, j’étais en première partie de Best Coast au Nouveau Casino et c’était magique.



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Tes influences musicales sont très variées ; tu aimes beaucoup Phil Spector...

Oui ! Énormément !

Cela peut se deviner assez facilement en écoutant ta musique mais apparemment, mis tu es aussi un grand fan de Blink 182, ce qu'il est déjà plus difficile à comprendre ! C'est beaucoup moins évident...

(rires) Oui, Blink 182, je les ’adore depuis que j’ai diouze ans. Tu sais, il y a de la musique dont tu te lasses et vers laquelle tu ne reviens jamais, mais j'ai toujours aim ce qu'ils font, j’ai grandi avec ce groupe et même si ce n’est pas aussi direct que pour Phil Spector, c’est tout de même une très grosse influence pour moi. C’est l’un de mes groupes favoris, ils sont dans mon Top 5. En fait, leurs chansons, comme les miennes, sont assez pop et parlent de filles... mais nous avons deux façons de traiter les choses radicalement différentes, je te le concède. Le fait d’essayer d'écrire des chansons catchy est peut-être notre plus gros point commun.

Tu étais dans un groupe de hardcore aussi avant il me semble...

Oui, quand j’étais plus jeune.

Comment en es-tu venu à faire de la pop, toi qui aimes ce genre de musique ?

Ma mère et mon père aiment vraiment énormément la pop et quand nous étions enfants, nous étions habitués à entendre des groupes qui, finalement, ressemblent beaucoup plus à Spectrals que mes propres influences. Mais bon, tu sais à quel point on est stupide lorsqu’on arrive dans l’adolescence ! On se dit que l’on n’écoutera pas la musique de nos parents et qu’il faut que l’on trouve notre propre musique mais finalement, je me suis rendu compte, avec un peu de recul, que les choses qui, aujourd’hui, m’influençaient, sont celles que mes parents me faisaient écouter quand j’étais gamin. Mais j’étais trop jeune pour réaliser à quel point cette musique était intéressante et quand j’ai redécouvert tous ces disques que j’avais mis de côté pendant mon adolescence, je me suis rendu compte que c’était vraiment le genre de musique que j’avais envie de composer. 

Tu as vraiment découvert la pop à ce moment-là ?

Eh bien... Oui et non. Je connaissais, je pouvais y faire référence, mais je me la suis appropriée bien plus tard, quand j’avais dix-sept ou dix-huit ans. Et après ça, j’ai décidé que j'écrirais ma propre musique en m’inspirant de tous ces artistes. Avant, tous mes groupes, c’était avec des amis pour s’amuser, mais avec Spectrals, c’est juste moi, ça parle de moi, ça me raconte, c’est bien plus personnel. J’aime encore les autres styles musicaux que j’avais l’habitude d’écouter, comme le hardcore par exemple, mais je n'ai plus envie de jouer ce style de musique.

Les 60’s ont l’air de beaucoup t’inspirer mais qu’aimes-tu tant dans cette époque ?? La production ? Les arrangements ?

C’est très difficile à expliquer, c’est un tout. Déjà, la pop des années 60s est beaucoup plus vraie et plus sincère que la pop actuelle et le son est merveilleux, c’est probablement ce qui m’inspire le plus.

On parles des 60's mais quels sont les artistes actuels que tu aimes et que tu écoutes ?

J’aime beaucoup The Rolling Stones, même si c’est très classique, je sais. Elvis Costello est quelqu’un que j’adore et Diana Ross, elle, est tellement formidable ! Je suis très cheesy dans mes goûts, j’adore la pop.



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On voit souvent dans les chroniques ou les interviews que les journalistes aiment te comparer à Alex Turner. Hormis le fait que vous veniez tous deux du Nord de l’Angleterre et que votre accent est assez proche, votre approche de la musique semble foncièrement différente. Que penses-tu de tout ça ? N'est-ce pas un peu lourd à porter parfois ?

En effet, je trouve ça très bizarre parce que notre seul point commun, c’est notre accent. Et encore, les personnes qui vivent près de chez nous te diraient que nous n’avons pas le même accent ! Mais c’est vrai que pour les étrangers, ça sonne pareil. Ceci dit, je pourrais être comparé à bien pire, je ne me plains pas ! Être comparé à un artiste sans talent, ce serait plus difficile à vivre, même si, selon moi, la comparaison vient juste de notre phrasé, rien de plus. Ce n’est pas une comparaison artistique à proprement parler, ou alors elle ne serait pas du tout justifiée.

A part pour la partie batterie qui est assurée par ton frère, Spectrals est un projet solo. Était-ce un choix ou tu n’as pas trouvé les musiciens appropriés qui auraient pu adhérer au projet comme tu l’entendais ?

Non, c’est vraiment un choix. J’aime jouer de tous les instruments, m’occuper de toutes les parties de mes morceaux. Je pense également que comme ce sont mes chansons, je ne pourrais pas juste les écrire pour ensuite donner les partitions à des musiciens qui les joueraient ensuite. Ce travail est pour moi bien trop personnel pour que je procède de la sorte. Je veux pouvoir tout faire du début à la fin, pour pouvoir dire que ces titres sont vraiment les miens. C’est un plaisir pour moi de construire au fur et à mesure les titres que j’avais en tête. Je commence dans ma chambre, puis je passe au studio et pas à pas, je monte mes propres compositions. C’est un sentiment formidable. Je suis encore plus fier de ce que je fais parce que tout ça, c’est moi. Pour la batterie, c’est en effet mon frère qui s’en occupe et je suis très fier de lui. C’était pour moi une bonne idée de le laisser à ce rôle car il est meilleur que moi.

Tu as sorti tes premiers titres sur différents labels et tu as finalement choisi Wichita Recording pour sortir l’album. Pourquoi eux ?

J’ai toujours suivi de près ce que faisait Wichita, ses sorties, les artistes signés. Ils sont venus me voir pour me parler du fait qu’ils aimeraient sortir mon album et j’ai trouvé que c’était une très bonne opportunité pour moi. Au fur et à mesure de nos rencontres, j’ai de plus en plus aimé leur approche, la façon qu’ils avaient de réaliser un disque et, aujourd’hui, je peux dire que je suis très heureux de cette collaboration.

Tu as travaillé avec Richard Forby pour cet album. Où l’as-tu rencontré et d’où vient cette collaboration ?

Ça, c’est grâce à Dan, mon manager. Nous avons commencé à faire quelques enregistrements studio et Richard était là, il enregistrait avec un autre groupe et nous avons vu comment il travaillait et ça nous a plu. On s’est renseigné sur les projets dans lesquels il avait été impliqué, Spectrum par exemple, que j’adore, et on s’est dit que ce serait une grande chance pour moi s’il acceptait de collaborer pour ce premier disque. Il sait développer un son très spécial et c’est exactement ce que je voulais pour mes compositions. J’ai donc enregistré deux titres avec lui, pour un single, et ça s’est tellement bien passé que nous avons décidé de faire un EP, puis un album entier (rires) !

Et comment s’est passé l’enregistrement, la partie studio ?

C’est bien ! Très fun. Nous avons commencé en janvier, juste après les fêtes de fin d’année, nous avons enregistré pendant environ un mois.

Et ça reste une bonne expérience pour toi ? Parce que pour beaucoup d’artiste, c’est toujours une période difficile qu’ils vivent assez mal à les entendre...

C’est vrai que j’entends beaucoup de gens dire qu’ils n’aiment pas beaucoup la partie enregistrement parce que c’est trop stressant, mais pour moi, ça n’a pas du tout été le cas. Richard est toujours là quand on a besoin d’aide, il n’aime pas pousser à faire quelque chose. Il est toujours en train de donner de très bonnes idées, tout en laissant beaucoup de liberté donc le stress... je n’en ai pas vraiment souffert. Je m’attendais à ce que ce soit difficile et épuisant mais j’ai été agréablement surpris. J’ai eu beaucoup de chance je crois.

Les onze titres de Bad Penny sont des inédits. Pourquoi avoir choisi des titres qui n’étaient jamais sortis et pourquoi ne pas avoir mis un de tes précédents singles ?

Je ne voulais que des nouveautés sur ce disque. Quelques années ont passé depuis le premier single et j’espère que je me suis amélioré dans l’écriture de mes chansons pendant ce temps-là. A posteriori, j’ai l’impression que j’ai désormais un vision plus adulte des choses et que ce que j’ai pu écrire à mes débuts, même si je ne le renie pas, ne correspond plus à ce que je suis aujourd’hui.



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Tu es très productif !

Seulement dans la musique, pas pour le reste (rires) !

Et tu as déjà d’autres chansons ?

J’ai déjà suffisamment de choses pour un autre disque. Il y a quelques semaines, j’ai enregistré une chanson de Noël également qui devrait sortir courant décembre.

Quand tu as sorti Get A Grip, tu as annoncé que tu voulais désormais faire les choses différemment : quelle est la différence entre les singles et EPs que tu avais déjà sortis et Bad Penny ?

J’avais certaines idées de chansons dans la tête et je voulais les réaliser pour que ce soit des morceaux sur lesquels on pouvait danser comme du dubstep mais je n’ai jamais vraiment réussi à y parvenir et j’ai essayé de différentes manières. Maintenant, cette idée m’est passée, je voulais explorer autre chose avec l’album donc je voulais vraiment remettre les compteurs à zéro.

L’amour est vraiment un sujet récurrent dans ton songwriting...

Oui, je trouve que c’est un sujet inépuisable.

Justement, ce soir, le fait que tu joues avec Girls va être assez fabuleux car vous avez tous les deux une vision assez sombre et en même temps très romantique et absolue de l’amour...

Oui, c’est vrai. Je pense que les sentiments sont très présents dans notre musique. Pour moi, tourner avec Girls est un véritable honneur. Faire les premières parties d’un groupe que tu admires, que tu écoutes très souvent, c’est incroyable. Christopher (ndlr : Owens, chanteur de Girls) possède un songwriting fabuleux. Je suis vraimnt très, très heureux.