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Little Barrie

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 2 août 2012

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Après douze années d'existence et seulement trois albums au compteur, Little Barrie, groupe de rock aux multiples influences, a sorti il y a quelques mois King Of The Waves, disque marquant leur retour aux sources du rock. Lorgnant sur la surf musique, ils n'ont aucun problème à avouer leurs influences pêchées au gré de multiples collaborations extérieures, notamment celles de guitariste solo pour Barrie Cadogan aux côtés de Morrissey, Primal Scream et Paul Weller.

En ce jour de promotion pluvieux à Paris, agenda surchargé et retards qui s'enchainent, les Little Barrie arrivent, trempés, d'un shoot photo sur les quais de Grenelle juste avant une session live dans les studios de Radio France. Chocolat chaud pour moi, vin de Bordeaux pour eux !

Vous n'êtes que trois dans Little Barrie, mais vous avez le son d'un groupe bien plus nombreux. Quel est votre secret ?

Barrie : Je pense que quand tu joues à trois seulement, tu travailles plus la dynamique et la spatialisation de la musique. Si tu te mets jouer aussi fort que possible, tu n'as nulle part ou aller. Il faut savoir doser les instruments. Parfois ce sont la basse et la batterie qui sont en sourdine et la guitare qui s'impose et parfois, c'est l'inverse...
Virgil : Dans tous nos titres, nous nous répartissons plus ou moins la dynamique des sons.
Barrie : Parfois, il est plus facile d'avoir un plus gros son avec moins d'instruments. Certains groupes en sont la preuve.

Votre dernier album, King Of The Waves, a nécessité pratiquement deux ans pour être enregistré...

Barrie : C'est plus compliqué que ça en fait...
Lewis : L'enregistrement n'a pas pris autant de temps. Mais c'est vrai qu'il nous a fallu attendre pour obtenir le studio que nous voulions.
Barrie : Nous voulions vraiment travailler dans le studio d'Edwyn Collins mais c'est un studio très demandé. Et, une fois dedans, nous faisions des sessions de quatre jours puis nous devions à nouveau attendre quatre mois pour revenir faire quatre jours de prises ! En tout, nous avons enregistré pendant plus ou moins un mois mais il y avait de grandes périodes d'attentes entre les prises.
Virgil : Cela nous a aussi aidés parce que nous avons pu, pendant ce temps, jouer nos nouveaux titres en live et développer nos arrangements. C'était une façon de répéter avant de finir l'enregistrement.

Votre premier album a été enregistré en 2005, le second en 2007 et celui-ci en 2011. Logiquement le prochain sera pour 2019 ?

Barrie : J'espère que non ! Pour le prochain nous attendrons que la démocratie s'installe en Chine (rires).

Votre style est très affirmé depuis vos débuts, comment décririez-vous votre musique ?

Virgil : Comme une super musique (rires) !
Barrie : Difficile question. En tant que partie prenante, j'ai du mal à mettre un nom sur notre musique mais nos influences sont larges. De la soul à la musique instrumentale avec des Bandes Originales de westerns spaghetti, jusqu'aux classiques du rock... mais, comme beaucoup, nous essayons d'imposer note propre style de rock.

On peut noter beaucoup de sources musicales dans votre musique, du jazz au free jazz jusqu'à la soul en passant par la surf musique et le rock pur et dur... Avez-vous grandi entourés de tous ces styles de musique ?

Barrie : Oui, avec tout ça et plus encore ! Mais, c'est une fois adulte que tu comprends comment remplir les espaces et trouver les relations entre tous ces styles.
Lewis : Mes parents avaient une grande collection de disques des années 60s et 70s. C'est une fois à l'école que tu découvres d'autres univers musicaux, au contact des autres. C'est là que j'ai découvert le punk, la new wave puis le retour de la soul dans le rock avec la britpop.
Virgil : Bien sur, j'ai été beaucoup influencé par mon père, sa musique et sa discothèque (ndlr : Virgil est le fils du fondateur du groupe de rock progressif Yes) de groupes un peu tordus. La musique de Yes était déjà bien barrée parfois mais il écoutait des trucs encore plus psychédéliques des années 60s/70s comme Vanilla Fudge ou The Zombies ! Ensuite, j'ai découvert le heavy métal, la jungle, la drum & bass...

Vous confirmé que votre style a donc évolué depuis le premier album ?

Barrie : « Oui, sans problème !
Lewis : Souvent, tu défriches un peu le terrain sur tes premiers titres sans obligatoirement penser que c'est ce que tu veux faire et que tu feras toujours cela. Tu évolues avec elle et, un jour, tu entends un son excitant et tu te mets à suivre une nouvelle route.
Barrie : Avant Little Barrie, nous avions des influences parfois venues de nos amis et de notre entourage. Avec le temps, tu rencontres de nouvelles personnes et tu découvres de nouvelles influences. La plus grande partie des disques que j'ai écoutés étant jeune venaient de la discothèque de ma grande sœur. Elle était branchée indie rock de la fin des années 80s. Anglais et américain, Dinosaur Jr, Spacemen 3 ou The Stone Roses...

J'ai lu que le fait de travailler avec d'autres groupes ou collaborer à d'autres projets vous avait aidés à être meilleurs avec Little Barrie et à écrire et enregistrer King Of The Waves...

Barrie : C'est très intéressant de regarder les autres groupes travailler. Découvrir quelles sont leurs méthodes et influences respectives. Même pendant leurs sessions de studio parfois. C'est rafraichissant et cela donne de nouvelles idées et un peu d'humilité.

Quelle est l'origine du titre King Of The Waves ? Est-ce parce que vous parvenez, avec succès, à surfer sur les années, les styles et les courants, comme sur les vagues de la mer ?

Lewis : Je pense que nous avons voulu faire référence à quelques guitares de l'époque surf musique... mais, c'est également une référence aux ondes musicales ou des radios. Plus qu'aux vagues de surfers !

Après le concert de cet hiver, à Paris, nous avons pu nous rendre compte de l'apport de Virgil à la batterie. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Lewis : « Lors d'un speed dating (rires) ! Par hasard en fait. Je suis tombé sur la page Myspace de Virgil et son groupe et j'ai voulu en savoir plus sur leurs compositions.
Virgil : Nous avons toujours trainé dans les mêmes endroits et je pense que Lewis avait, inconsciemment, repéré notre nom de groupe. Moi, j'ai toujours été un fan de Little Barrie alors, quand j'ai vu que Lewis demandait à être un « ami » sur Myspace, j'ai été très flatté et ai commencé à échanger avec eux. Je leur ai dit à quel point j'aimais ce qu'ils faisaient et nous avons débuté notre relation comme ça.
Barrie : Virgil était là lors du dernier concert avec notre précédent batteur. Quand nous avons du en rechercher un nouveau, Lewis a immédiatement appelé Virgil. C'était un concert dans une station de ski dans les Alpes Françaises. Sous une tente, à l'extérieur ! Et personne n'avait pensé à nous dire que nous allions jouer dans une station de ski... Nous avons joué habillés comme aujourd'hui, avec des boots de ville alors que tout notre public était en combinaison de ski !

En parlant du public, vous qui avez joué tout autour du monde, comment appréhendez-vous les différentes cultures et la manière de se comporter pendant vos concerts ?

Barrie : Parfois, cela varie d'une ville à l'autre, même avec peu de distance entre elles.
Virgil : Je pense que les épicentres culturels sont basés à New York, Paris, Londres et peut être Tokyo. Mais, tu ne peux jamais deviner les réactions du public en te basant sur ces faits ou ces généralités. Parfois, tu as un public très concentré et parfois, tu as de véritables excités qui se décrochent la tête d'avant en arrière pendant tout le concert !
Lewis : Parfois, c'est agréable et instructif de donner des concerts dans des lieux encore inconnus. L'autre soir, nous avons joué en République Tchèque et nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre. Et, finalement, c'était fou !
Virgil : En février dernier, nous avons joué à Chicago. Tu peux croire que Chicago, berceau de tellement de groupes et de courant musicaux, va peut-être te snober et, au final, pas du tout. Ils ont été si proches et si festifs pendant le concert ! Mais, c'est très bien d'apprendre et de te faire les dents dans une ville comme Londres ou un des épicentres culturels mondiaux, afin de faire tes classes là où c'est le plus difficile. Il y a tellement de concerts dans ces villes là que tu dois te donner à fond pour t'attacher un public.
Lewis : Il y a peut-être cinquante concerts par soir à Londres et la moitié du public qui vient te voir joue déjà dans leur propre formation !
Virgil : Nous nous sommes faits quelque sueurs froides avec cet apprentissage. Quand tu vois la moitié de la salle au bar, en train de discuter pendant que tu joues... cela donne encore plus de valeur au public qui nous épaule dans toutes les villes du monde aujourd'hui. Nous ne pouvons pas nous en lasser.

Edwin Collins est toujours autour de vous, pour ce nouvel album encore. Comment va-t-il ?

Barrie : Il a eu une attaque cardiaque qui l'a presque emporté... Il ne peut toujours pas jouer de guitare à cause de son bras qu'il ne peut pas bouger. Mais il chante toujours et notamment sur un titre de notre dernier album : Money In Paper. Il possède le meilleur studio en Europe, si ce n'est dans le monde, et il travaille toujours autant ou presque. Il nous a aidés pour notre premier album et, après notre deuxième disque avec Dan The Automator et nos petites déceptions, il nous a semblé logique de demander à nouveau le talent d'Edwin pour ce nouvel opus. Nous sommes vraiment heureux de pouvoir compter sur lui en tant que producteur et collaborateur.

Quel est votre processus d'écriture et d'enregistrement ? Vous jouez un rock assez pur, quelques soient ses influences. Utilisez-vous beaucoup le digital ?

Barrie : Parfois. Il nous arrive plus souvent d'être dans un processus traditionnel cela dit. Généralement, nous arrivons d'abord avec des lignes mélodiques ou des riffs et nous écrivons ensuite. Parfois, j'arrive avec des petites démos...

Que faisiez-vous avant de jouer de la musique ?

Barrie : J'étais à l'école. J'ai eu ma première guitare très jeune.
Lewis : « Je faisais le DJ et je travaillais dans les fringues pour vivre.
Virgil : Moi, je voulais être acteur. Mais quand j'ai vu que c'était trop dur, je suis revenu à la musique (rires).
Barrie : Nous avons tous fait des petits boulots. Surtout dans les restaurants ou les bars. La plonge, la cuisine, le ménage...

Quel sont vos premiers souvenirs musicaux ? Avez-vous grandi dans des familles de musiciens ?

Barrie : Ma sœur jouait très bien du violoncelle. Et mon père m'a éduqué avec ses disque d'Hendrix ou de Cream...
Lewis : Mon père était dans le bâtiment et ma mère était secrétaire ! Aucun rapport avec la musique... mais ils étaient fans de bons groupes, heureusement. Mon père a essayé de jouer de la guitare mais c'était terrible ! Je crois que le premier groupe dont je me souviens est un groupe anglais de Teddy Boys appelé Showaddywaddy ! Un groupe des années 70s, habillé à la mode 50s, sautant de partout, mais particulièrement mauvais (rires).
Virgil : Bien sûr, j'ai entendu Yes joué très tôt chez moi... mais je me souviens surtout de la basse, si grave que nous étions obligés de me sortir de la pièce parce que je me mettais à pleurer quand j'entendais cela.

Par quoi avez-vous été poussés à vous lancer dans cette carrière ?

Barrie : Le premier album dont je me souvienne vraiment c'est Prince Charming d'Adam & The Ants. Mais, c'est bien après que ma sœur, avec sa discothèque, m'a inspiré pour cette carrière. Et plus particulièrement, le jeu de guitare de John Squire des Stone Roses ! Ainsi que le vieux clip de Chuck Berry et son incroyable guitare rouge que je rêvais d'acquérir.

Vous avez été l'un des premiers groupes à accepter de retourner jouer au Japon après le drame, toujours en cours, de Fukushima. Quel était l'état d'esprit des Japonais ?

Lewis : En fait, c'était difficile à dire qu'il s'était passé une chose si grave quand nous avons rejoué à Tokyo. Le public était vraiment positif, comme toujours. Mais des gens disaient quand même être encore sous le choc, sans trop le montrer. Ils étaient vraiment heureux que des groupes viennent leur rendre visite. La vie continue pour eux, malgré tout...
Barrie : C'est vrai que là où nous avons joué, si personne ne te dit qu'il y a eu un Tsunami, tu ne peux pas le deviner. Mais, un ami à nous, photographe Anglais qui vit là-bas et a traversé la zone dangereuse, nous a montré ses clichés. On aurait dit un film de science-fiction comme La Route; des voitures abandonnées, des feux sans circulation, des buildings désertés avec parfois un bateau posé sur le toit ! Un soir, une personne du public m'a donné un masque anti-pollution qu'ils utilisent tous les jours pour les émanations des voitures où il avait inscrit : Non au Nucléaire. Je l'ai gardé en souvenir parce que je crois que cet accident signifie la fin du Nucléaire. En tout cas, il faut se battre pour cela.

Qu'écoutez-vous ces jours-ci ?

Barrie : Beaucoup de styles différents. Du blues, du rock, les MC5, Can ou les Spacemen 3... Mais dans les groupes récents, j'apprécie tout particulièrement The Soundcarriers, The Fabulous Penetrators, Pete Molinari...

Qu'amenez-vous avec vous en tournée en tournée ?

Barrie : Quelques médiators de guitare que des gens m'ont donnés. Sans eux, je me sens un peu nu !

Si tu devais être déposé seul sur une ile déserte avec un seul album à emmener avec toi, lequel serait-ce ?

Barrie : Sûrement le disque Electric Ladyland de The Jimi Hendrix Experience.

Si tu pouvais choisir le lieu de ton prochain concert, où voudrais-tu jouer en priorité ?

Barrie : Dure question ! The Grande Ballroom, à Detroit.

Quelles sont les choses que tu apprécies en France et celles que tu n'apprécies pas ?

Barrie : J'aime l'accueil que nous réserve la France à chaque fois que nous venons. Mais, c'est trop difficile de trouver une place pour se garer chez vous !