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Biffy Clyro

Interview publiée par Fab le 21 janvier 2013

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Devenus l'une des formations rock les plus populaires outre-Manche suite à la sortie d'Only Revolutions en 2009, Biffy Clyro s'apprêtent à effectuer leur retour avec un double album des plus ambitieux : i>Opposites. C'est au lendemain du concert privé donné au Divan du Monde à Paris en fin d'année dernière que nous avons rencontré Simon Neil, James Johnstone et Ben Johnstone afin d’évoquer leur nouveau statut ainsi que leurs ambitions.

Voilà maintenant dix ans que votre premier album, Blackened Sky, a vu le jour. Aimeriez-vous faire quelque chose de spécial pour lui rendre hommage ?

Simon : Si nous avions du temps libre, ce qui n'est pas vraiment le cas avec la sortie prochaine de notre nouveau disque, je pense que nous aimerions célébrer sa sortie. Avant la sortie de Puzzle il y a quelques années, nous avions déjà joué nos trois premiers albums, Blackened Sky, The Vertigo Of Bliss et Infinity Land, en intégralité à Glasgow. Nous avions même joué la plupart des bsides et les chansons destinées à voir le jour par la suite sur Puzzle. Lorsque le bon moment sera venu, je pense que nous ferons à nouveau ce genre de choses, mais ce ne sera pas pour tout de suite. Peut-être pour le vingtième anniversaire du groupe ? (rires)

Progressivement, certaines chansons se prédestinaient à devenir le premier volume d'Opposites et les autres le second.

Le 28 janvier prochain sortira donc Opposites, votre nouvel album, lequel est composé de deux disques. A quel moment le choix de ce format s'est-il imposé ?

Simon : Le choix a simplement découlé des démos que nous avions accumulées. Nous avons réalisé que nous avions beaucoup de nouvelles chansons en stock, environ quarante-cinq pour être précis. Nous avons pris le temps nécessaire pour en arriver là. Pour écrire de nouvelles choses, nous avons besoin de nous poser, nous ne composons jamais durant les tournées. Il n'est jamais bon de vouloir faire deux choses à la fois. Nous avons donc commencé à travailler sur deux ou trois chansons, et trois mois plus tard nous en avions donc quarante-cinq en réserve ! En analysant celles-ci, nous avons commencé à percevoir deux états d'esprit différents. Certaines chansons étaient basées sur des aspects négatifs de la vie tandis que d'autres démontraient que cette même vie est une source d'espoir et de possibilités pour ainsi dire infinies. Progressivement, certaines chansons se prédestinaient à devenir le premier volume d'Opposites et les autres le second. Nous sommes devenus les esclaves de notre productivité, nous savions que nous avions composé trop de chansons et le concept du double album s'est donc imposé de lui-même. Ce n'était pas une idée que nous avions à la base et que nous avons mise en œuvre à tout prix.

Les deux moitiés de cet album portent les noms de « the land at the end of our toes » et « The sand at the core of our bones », deux phrases tirées des paroles de Sounds Like Balloons. Que représentent-elles ?

Simon : « The sand at the core of our bones » représente tout ce dont nous sommes faits, le meilleur comme le pire. Ta famille, tes amis, les expériences de ta vie, qu'elles soient bonnes ou mauvaises... Cette phrase se rapporte au fait d'atteindre un point dans ta vie où tu n'es plus satisfait de ce que tu as et de la personne que tu es devenue. « The land at the end of our toes » traduit les possibilités que tu as dans ta vie, tes espoirs et tes rêves pour le futur. Elle se rapporte quant à elle à l'avenir, à ce que tu es capable de créer en tant qu'être humain. Je ne l'entends pas en tant que groupe avec des aspirations artistes, mais vraiment par rapport à un individu et ses objectifs. Je crois que le fait que nous ayons désormais tous les trois atteint la trentaine nous a rendus plus matures et conscients de nos responsabilités. C'est une période où la plupart des gens s'interrogent sur leur existence et se demandent ce qu'elles veulent réellement en faire. C'est à travers Opposites que nous cherchons à exprimer tout cela.

Vous avez joué six ou sept nouvelles chansons tirées du disque au cours de vos récents concerts en Europe, constituent-elles une forme d'introduction au disque ? Diriez-vous qu'elles sont représentatives de ce dernier ?

Simon : Il est vraiment très difficile de présenter cet album à travers une poignée de chansons mais nous avons choisi celles que nous avons récemment jouées dans cette optique, même si certaines de nos chansons préférées, notamment Spanish Radio pour ma part, sont encore inédites. Lorsqu'un titre nous semble plus difficile à appréhender, il est préférable de laisser le public le découvrir dans un premier temps sur le disque avant de le jouer en concert. Les chansons que nous avons jouées jusqu'à maintenant sont parmi les plus évidentes du disque, les fans peuvent immédiatement les apprécier lors de la première écoute.

Le fait d'enregistrer un double album nous offrait plus de liberté pour tester ces nouvelles idées.

Vous avez beaucoup expérimenté avec des sonorités et instruments inhabituels pour vous sur ce disque. Les cuivres sur Spanish Radio, l'électronique sur Fog et Skylight... Ces idées ont-elles traduit des envies de votre part ou sont-elles la conséquence de vos expérimentations ?

Simon : J'ai ressenti dès le départ que Spanish Radio était destinée à comporter des sonorités hispaniques avec une trompette et un groupe de Mariachis. L'importance du clavier pour certaines de nos nouvelles chansons découle quant à elle de mon side-project Marmaduke Duke. Le fait d'écrire une chanson au piano offre de nouvelles perspectives. Il y a quelques années, ces mêmes idées auraient certainement donné naissance à des chansons basées sur la guitare, la basse et la batterie, mais le fait d'avoir utilisé des boîtes à rythmes ou des claviers pour les démos nous a poussés à poursuivre dans la même voie lors de l'enregistrement des versions finales. Le fait d'enregistrer un double album nous offrait plus de liberté pour tester ces nouvelles idées, ce que nous n'aurions peut-être pas eu la possibilité de mettre en œuvre avec un unique disque. Sur Opposites, ces mêmes chansons plus électroniques ou synthétiques trouvent leur place aux côtés des autres. Je comprends l'inquiétude des fans d'un groupe de rock prenant le risque d'utiliser des claviers, mais je pense que les doutes et les craintes disparaîtront quand ils entendront le résultat.

Vous ne vous êtes donc fixé aucunes limites dans les orientations choisies pour ce disque ?

James : Il est préférable de prendre des risques et de tenter des choses nouvelles plutôt que de ne pas le faire et le regretter par la suite. Une des nouvelles chansons nécessitait selon nous l'utilisation d'une chorale gospel mais le résultat n'était pas à la hauteur de nos espérances, cela ne nous correspondait pas vraiment au final. Si quelque chose ne fonctionne pas, il ne faut pas insister, mais il est important de ne fermer aucune porte. Autant essayer de rendre les choses les plus intéressantes possible.
Simon : Parfois tu devines immédiatement que tu es dans la bonne direction, mais ce n'est pas systématique. D'album en album nous emmagasinons de l'expérience et de la confiance, ce qui nous amène à prendre des risques que nous n'aurions sans doute pas pris il y a quelques années. Il faut parfois prendre des décisions difficiles mais ce que nous avons appris sur nous-mêmes avec nos deux derniers albums nous pousse à croire que nous avons fait les bons choix pour Opposites. Lorsque tu choisis d'expérimenter avec un groupe de Mariachis ou une chorale, tu ne peux pas affirmer que tu cherches à enregistrer un album de rock lo-fi ! Opposites découle directement de Puzzle et Only Revolutions, nous avons cherché à pousser notre son le plus loin possible et je pense que nous y sommes parvenus. Il va marquer la fin d'une ère ou d'une trilogie en quelque sorte, pour le prochain nous partirons sur de nouvelles bases.

Une conséquence de la transformation de votre son est la présence de deux musiciens supplémentaires sur scène désormais, Mike Vennart à la guitare et Richard A. Ingram aux claviers. Cette évolution a-t-elle été rendue nécessaire pour vos albums ou l'inverse ?

Simon : Les chansons ont dicté ce changement. Auparavant, pour jouer les chansons de nos trois premiers albums, une guitare, une basse et une batterie étaient suffisantes. Je pense que nous avons compris la nécessité d'évoluer sur scène après la sortie d'Only Revolutons. Avec tous les concerts que nous avons donnés pendant plus d'une année, il est devenu de plus en plus évident que nous ne pouvions continuer à trois seulement. L'arrivée de Mike à la guitare a constitué une première étape, et le fait que de nombreuses chansons d'Opposites intègrent du piano ou du clavier a entrainé l'ajout d'une seconde personne. Je pense que ces arrivées nous ont en quelque sorte donné un coup de fouet à tous les trois, nous sommes devenus un groupe différent de par le fait que nous avons de nouvelles possibilités. Pendant longtemps nous avons craint que notre public ne comprenne pas que nous ne soyons plus un trio sur scène mais je crois que les choses sont claires. Biffy Clyro reste un trio mais nous aimons jouer sur scène avec des amis à nos côtés pour le bien de notre musique. Certaines mélodies sont essentielles dans nos nouvelles chansons, et même si nous n'utilisons pas de violon, il est possible de remplacer les sonorités par d'autres au clavier pour ne pas y perdre en qualité. Compte-tenu des échéances importantes à venir, nous avons confiance en Mike et Gambler pour nous aider.

Il faut beaucoup de temps et de pratique pour avoir une telle confiance en un producteur, pour que les différentes parties apprennent à se connaître.

Pour la troisième fois de rang, vous avez travaillé avec le producteur Garth Richardson. Comment fonctionne cette collaboration avec lui ?

Simon : Nous avons une grande confiance en lui. Il faut beaucoup de temps et de pratique pour avoir une telle confiance en un producteur, pour que les différentes parties apprennent à se connaître, alors il était logique pour nous de poursuivre ce partenariat pour Opposites. Il comprend nos aspirations, comment nous voulons faire sonner nos chansons et les instruments. C'est aussi une habitude que nous avons prise dans notre fonctionnement : nous avions travaillé avec Chris Sheldon pour nos trois premiers disques, puis avec Garth pour les trois suivants. Au jour d'aujourd'hui, nous avons la même impression qu'à l'issue de l'enregistrement d'Infinity Land : cette relation qui aura duré le temps de trois albums arrive à son terme. Il nous faudra pour le prochain disque trouver un nouveau producteur pour nous accompagner. Pour en revenir à Opposites, nous avons tiré de le meilleur de ses qualités, nous n'aurions pas obtenu un meilleur résultat sans lui. Cet enregistrement été aussi un challenge dans le sens où Garth, tout comme nous, n'avait jamais été amené à travailler sur un double album, mais nos expériences passées communes nous ont aidés. Comme je le disais, nous partirons dans une nouvelle direction avec une autre personne pour le prochain album, nous n'avons pas envie de nous répéter encore et encore.

Vous vous êtes rendus aux Etats-Unis, à Los Angeles, pour enregistrer l'album. Le lieu et son environnement vous ont-ils influencés d'une quelconque manière ?

Simon : Nous avions déjà écrit les chansons chez nous en Écosse avant de partir pour l'enregistrement, elles n'ont donc pas été impactées de ce point de vue. Toutefois, le fait de vivre en Californie durant la période de l'enregistrement a fait évoluer nos mentalités à chacun. Nous nous imposons toujours une pression très importante lorsque nous enregistrons un disque, alors le fait d'évoluer à Santa Monica, avec les plages aux alentours, nous permettait de faire de véritables pauses pour nous vider l'esprit. Dans le studio, nous étions pleinement impliqués dans notre travail, alors nous avons beaucoup apprécié cette possibilité de prendre l'air et penser à autre chose. Lorsque nous devions travailler, qui plus est dans un studio où des artistes aussi prestigieux que The Rolling Stones et Dr Dre avaient évolué de par le passé, nous cherchions à être à la hauteur du lieu.
James : Le fait d'avoir enregistré Opposites aux États-Unis a aussi facilité l'évolution de notre son que nous avons évoquée tout à l'heure. En Écosse, proches de nos familles et de nos amis, nous n'aurions sans doute jamais osé évoquer l'idée d'enregistrer une chanson avec un groupe de Mariachis ! Dans un cadre si différent, toutes les fantaisies étaient possibles sans que cela ne semble bizarre à quiconque.

Il nous a fallu tellement de temps pour aller de salles de plus en plus grandes, année après année, que ce que nous vivons aujourd'hui est phénoménal.

Votre dernière sortie en date avant Opposites était l'album live Revolutions // Live At Wembley que vous aviez enregistré à la Wembley Arena à Londres lors de l'un de vos plus importants concerts. Avec ce nouveau disque, jouer dans ce genre de lieu ne va-t-il pas devenir votre quotidien ?

Simon : Nous allons poursuivre progressivement. En mars et avril nous allons partir en tournée au Royaume-Uni dans de très grandes salles, incluant une date à l'O2 de Londres dont la capacité doit être le double de celle de la Wembley Arena ! C'est un peu intimidant. Jusqu'à récemment nous ne pensions pas être le genre de groupe capable de jouer un jour dans de tels lieux. Nous sommes maintenant amenés à jouer des chansons écrites il y a plus de dix ans pour Blackened Sky devant des milliers de personnes qui n'avaient encore jamais entendu parler de nous il y a encore quelques années ! Il nous a fallu tellement de temps pour aller de salles de plus en plus grandes, année après année, que ce que nous vivons aujourd'hui est phénoménal. Nous vivons des expériences incroyables mais nous cherchons à rester ce que nous avons toujours été. Nous avons la capacité de nous produire dans des lieux gigantesques sans pour autant devoir tomber dans les clichés des groupes de rock voulant avant tout proposer un show et non un concert. Nous restons un groupe qui monte sur scène pour jouer des chansons. Nous ne sacrifierons jamais l'aspect artistique de nos concerts pour en faire un simple spectacle. Le fait d'avoir accompagné Muse, Queens Of The Stone Age ou les Foo Fighters ces dernières années nous a permis de juger ce qu'il était bon ou non de faire. Nous apprécions autant d'évoluer dans une petite salle devant quelques centaines de personnes que dans des lieux plus imposants. Nous prenons les choses comme elles viennent, nous n'avons jamais décidé de planifier comment les choses devront être pour le groupe dans cinq ans par exemple. Je crois que ça nous rendrait fou. J'aime le sentiment procuré par la première écoute d'une chanson fraichement enregistrée, la découverte du résultat donné par l'exploitation d'une nouvelle idée.

Que vous reste-il encore à vivre ensemble tous les trois en tant que Biffy Clyro ?

Simon : Donner de bons concerts est une chose importante pour nous mais nous ne nous focalisons pas sur les ventes de nos disques où le fait d'entrer à une bonne place dans les charts. Il nous est difficile de savoir ce que nous attendons encore de cette expérience commune qu'est Biffy Clyro. Le simple fait de continuer notre route tous les trois, de pouvoir partir en tournée et sortir des disques, est un motif de satisfaction suffisant.