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The Maccabees

Interview publiée par Jean Duffour le 4 août 2015

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La veille de leur départ en vacances et au beau milieu de leur tournée de promotion de leur quatrième album Marks To Prove It, nous rencontrons les Maccabees à proximité du Point Éphémère, dans les locaux neufs du label Caroline qui vient de se lancer en France.

Nous croisons brièvement le chanteur Orlando qui nous quitte prématurément pour prendre son Eurostar. Juste le temps pour lui d’apprendre, non son joie, qu’Interpol joueront à Rock En Seine en même temps qu’eux. Il nous laisse donc avec Felix, le guitariste et choriste du groupe. Vêtu d’une chemise en jean et d’un jean foncé, décontracté et souriant, celui-ci nous parle notamment de leur relation avec Jamie T, de Murakami et du difficile enregistrement de ce dernier album qui demeure à ce jour, de son point de vue, le meilleur du quintet londonien.

Vous vous apprêtez à prendre une semaine de vacances au milieu de votre tournée. Lors de vos concerts précédents, comment le public a-t-il accueilli vos nouvelles chansons ?

On s'est beaucoup focalisés sur les petits détails qu'on avait travaillés ensemble auparavant. Il y a beaucoup d'analyse lors des premiers concerts, ce n'est plus juste un truc entre nous cinq. Et ce d'autant plus compte tenu du leitmotiv que l'on s'était fixé en composant cet album, à savoir qu'il devait pouvoir être joué tel quel sur scène, sans modifier les chansons parce qu'il manquait des instruments par exemple. Tout ce qu'on jouait en studio, on devait pouvoir le reproduire de la même manière sur scène : nos morceaux devaient être directement transposables pour le live. Et je pense personnellement que ce sont les meilleures chansons qu'on ait jamais écrites.

Et les autres membres du groupe pensent-ils aussi que Marks To Prove It est votre meilleur album ?

Je le pense oui !

Pendant ces concerts vous assuriez notamment la première partie de Mumford & Sons, ce n'est pas la première fois d'ailleurs, comment est-ce que cela s'est déroulé avec eux ?

En effet, la dernière fois c'était il y a environ six ans. On a même été littéralement sur scène avec eux puisque Marcus (ndlr : Marcus Mumford, le chanteur) est venu jouer Something Like Happiness avec nous. C'était une super expérience, ils ont accompli tellement de choses depuis tout ce temps, c'est incroyable.


Une date incontournable parmi vos premiers lives c'est évidemment Glastonbury. Comment se sont passées vos retrouvailles avec ce festival ?

Oui, c'était la troisième fois qu'on y jouait, mais cela faisait six ans qu'on y était pas allés. En tant que musiciens, du moins. C'était génial, beaucoup de public et puis surtout Jamie T qui nous a rejoint sur scène, une expérience démente.

C'était prévu qu'il vous rejoigne ?

Oui ! On connaît Jamie depuis longtemps, depuis dix ans. On tournait ensemble dans les pubs londoniens, trois ans avant que notre premier album ne sorte. Depuis nos débuts on le fréquente, on l'adore tous et on respecte beaucoup son travail, donc c'était une évidence qu'il nous accompagne.

Son apparition sur le titre Marks To Prove It s'est révélée d'ailleurs exceptionnelle...

Oui, c'est assez incroyable, elle sonne comme une de ses chansons en fait (rires). Je crois qu'il a adoré ce moment, il a ajouté une super touche au morceau. J'aimerais l'avoir partout avec nous en fait (rires).

A propos de Glastonbury, qu'as-tu pensé des gens qui ont fait circuler une pétition destinée à empêcher Kanye West d'y jouer ?

Je pense qu'ils sont idiots. C'est idiot de penser qu'ils peuvent dicter la programmation d'un festival. Glastonbury est unique, c'est le meilleur festival au monde, et refuser que certains artistes y joue ça n'a pas de sens. Ceci étant dit, j'ai trouvé son concert assez décevant. J'aime beaucoup ses disques, mais je pense qu'il a mal jaugé la situation. Pour autant, je reste contre cette pétition stupide.

Je pense surtout que désormais les Maccabees ne sont rien d'autre que les Maccabees.

Marks To Prove It est votre quatrième album, qu'est-ce que cela représente pour toi ? J'ai d'ailleurs lu que l'enregistrement n'avait pas été une partie de plaisir !

En fait cela a pris du temps car on a tout fait seuls dans notre studio, sans aucune influence extérieure, ce qui forcément rend les choses plus complexes. Donc au-delà du fait que c'est un soulagement qu'il soit terminé et enregistré, faire quatre disques me rend fier. Je pense surtout que désormais les Maccabees ne sont rien d'autre que les Maccabees. On a toujours eu des retours en forme de « oh ça ressemble à ce groupe » ou « tiens on dirait tel groupe ». Et je pense que maintenant, comme la plupart des groupes qui sont restés longtemps ensemble, on finit par surpasser toutes ces comparaisons. Que tu aimes ou non, que tu préfères un de nos albums à un autre, c'est maintenant indéniable que nous sommes les Maccabees et rien d'autre.

Vous avez en quelque sorte votre propre son !

Oui, tout à fait : nos sonorités, notre éthique, notre propre direction et notre amitié. C'est ce que j'adore avec les groupes qui restent longtemps ensemble et c'est ce qu'on retrouve en Angleterre avec Primal Scream ou I Am Kloot. C'est la puissance du style britannique.

Comment appréhendez-vous désormais vos premiers morceaux ? Notamment sur scène, est-ce que vous les jouer encore comme à vos premiers concerts ?

(rires) Non, on les joue lentement maintenant ! On les jouait tellement rapidement à l'époque, ce serait impossible aujourd'hui, on serait toujours en train de prendre des pauses. On tente de les intégrer au mieux à nos nouvelles chansons. Pas tant en changeant leurs structures, mais plutôt leurs sonorités.
Mais j'adore les jouer, car pour certains fans elles ont une signification profonde. Comme pour nous. Et par exemple quand Orlando vient de me dire qu'on allait voir Interpol à Rock En Seine, je me dis que je serai déçu de ne pas entendre des chansons de Turn On The Bright Lights (ndlr : le premier album d'Interpol, sorti en 2002) parce que ça représente toute une époque pour moi, des amis, ma copine. On associe tellement de choses à la musique que cela devient plus que des chansons. C'est pourquoi je pense que c'est bien que l'on continue à jouer nos vieux morceaux.


Le vidéo clip de Marks To Prove It est particulièrement fascinant. Comment l'avez-vous réalisé ?

C'est la première fois qu'on s'est réellement investi dans la production d'un clip, d'habitude on ne se penchait pas trop sur cette question. Donc là on voulait vraiment quelque chose de consistant et en adéquation avec le thème de notre album. C'est pourquoi on a choisi de réaliser une trilogie de vidéos avec à chaque fois le même personnage qui apparaît dans cette atmosphère de routine. Sachant tout cela, on voulait représenter la manière dont la population londonienne fonctionne : comment ce flot perpétuel de personnes vit au quotidien. Quand tu prends conscience de tout cela, de ces automatismes que les gens ont en prenant le métro etc. C'est assez flippant. Donc on a voulu faire ce premier clip autour de la manière dont les gens s'organisent dans cette atmosphère. Et les autres vidéos montreront un autre aspect de cette atmosphère. Pour cela on a confié le thème et la tâche à un directeur, Joseph Connor, que l'on apprécie beaucoup.

Sur cet album le thème des paroles a également beaucoup évolué, le thème de l'amour, par exemple, est moins présent, qu'est-ce qui a changé dans l'écriture ?

Je crois qu'Orlando, qui écrit nos paroles, a pris conscience de beaucoup de choses. Il ne voulait plus écrire à la première personne. C'est le thème que j'évoquais pour notre vidéo clip, autour de l'atmosphère londonienne, qui lui a servi de cadre pour ses textes. Il s'est intéressé à l'histoire de tous ces gens, que l'on peut bien sûr recouper avec nos histoires. Je pense qu'il n'était pas très à l'aise avec l'idée d'écrire à propos de son « moi » (rires).

Sur cet album, Spit It Out m'a beaucoup intrigué, comment l'avez-vous composée ?

C'est la première chanson qui a bien fonctionné en fait. Et du coup tout s'est mis en place après ça. Il y a un groove différent sur ce morceau qui le rend si spécial. En fait Orlando avait un riff en tête qu'il voulait absolument introduire dans une composition. Donc on est parti de là. Je pense d'ailleurs que c'est l'une de nos meilleures chansons en live.

Un album est aussi une marque importante pour décrire ce que tu es.

Qu'est-ce que signifie le titre de l'album pour toi ?

Beaucoup de choses. Dans la vie on porte plein de preuves relatives à notre existence, sur notre corps notamment. Par exemple quand tu pars en vacances et que tu reviens bronzé, cette marque prouve ce que tu as fait à un moment de ta vie. C'est pareil pour les tatouages. Mais cela s'interprète à différents niveaux, un album est aussi une marque importante pour décrire ce que tu es.

Certaines de vos chansons m'ont beaucoup fait penser à la musique de Grizzly Bear, est-ce un groupe que vous écoutez ?

Oui, même si je ne me suis jamais vraiment penché dessus. Mais je sais que Sam et Orlando adorent donc ça ne m'étonne pas qu'il puisse y avoir des similitudes, c'est clairement un groupe qui les inspire.

Dans la deuxième partie de votre tournée il y aura beaucoup de festivals, qu'est-ce que cela change pour vous par rapport à des salles ?

Essentiellement qu'il faut que l'on soit plus rapides et efficaces. Les gens qui viennent à nos concerts savent un peu à quoi s'attendre, ils payent leur place spécialement pour ça. Tandis que dans un festival les gens passent un peu au hasard, il faut être capable de les captiver.

C'est quoi ton meilleur souvenir en tant que musicien lors d'un festival ? Et en tant que spectateur ?

Il y en a beaucoup, mais je crois qu'être tête d'affiche d'une scène à Reading reste le meilleur, c'était incroyable. En tant que spectateur je ne sais pas trop. Je crois qu'avoir vu récemment les Strokes est un excellent souvenir, ça m'a énormément ému et fait prendre conscience du fait j'avais vieilli (rires). Voir Jamie T à Glastonbury ne m'a pas laissé indifférent non plus, tout comme Florence And The Machine, avec qui tout est magnifié sur scène.

Elle était d'ailleurs dans la foule en train de danser pendant votre concert à Glastonbury !

Oui (rires), on la connaît bien, donc quand on l'a vue on s'est marrés.

Pour finir, un conseil culturel que tu aimerais partager ?

En ce moment, je suis obsédé par les livres de Murakami, l'auteur japonais. J'ai du mal à lire autre chose maintenant tellement je suis accroc. Donc je recommanderai 1Q84, ça m'a bluffé. Et c'est d'ailleurs ce que je vais faire demain. Je reste à Paris un jour de plus notamment pour lire Murakami le long du canal.