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Benjamin Francis Leftwich

Interview publiée par Pierre-Arnaud Jonard le 31 juillet 2016

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Cinq ans après Last Smoke Before The Snowstorm, Benjamin Francis Leftwich revient avec un nouvel album, After The Rain. Un disque folk splendide, intemporel aux compositions aussi belles qu'un coucher de soleil sur l'Océan, et sur lequel la voix de Benjamin Francis Leftwich fait des merveilles. A trois semaines de la sortie de cet album qui compte déjà parmi les meilleurs de l'année, nous sommes allés à sa rencontre.

Il a fallu attendre cinq ans entre ton premier album et After The Rain. C'est long, non ? Surtout entre un premier et un second disque...

C'est vrai, cinq ans, c'est long. J'ai eu besoin de chercher profondément en moi, d'être le plus honnête possible au moment de l'écriture des morceaux. Après la sortie du premier album, j'ai été trois ans sur les routes, à tourner inlassablement. J'ai eu besoin de respirer, de prendre du recul, d'écrire des chansons dont je puisse être fier. Pour le troisième album, ça prendra un an, dix ans ou une vie mais je veux toujours arriver au meilleur résultat possible quelque soit le temps nécessaire pour cela. Pour moi, c'est passé très vite. J'ai l'impression que mon premier album n'est sorti qu'il y a deux ans car j'ai beaucoup tourné ensuite. Mais je suis content d'avoir attendu aussi longtemps pour sortir ce disque car je suis fier du résultat, des émotions que j'ai ressenties en le créant et qui, je l'espère, seront partagées.

Tu viens de York. Est-ce que cette ville si belle et si proche de la nature influence ta musique, ce côté folk de ta musique ?

Je ne vis plus à York mais à Londres. Néanmoins, York continue effectivement d'influer sur ma musique. Parce que j'y ai mes racines, que j'aime m'y ressourcer et parce que tu y trouves cette magnifique nature dont tu parles. York est une ville géniale pour la musique. Tous les soirs, tu peux aller voir des groupes merveilleux qui ne sont pas même signés sur des labels.

Ce que je cherche aujourd'hui, c'est être dans l'émotion.

Tu étais très jeune à l'époque du premier album (ndlr : 21 ans). As-tu mûri durant ces cinq années et de quelle façon ?

Absolument, j'ai grandi. J'ai commencé à faire de la musique à quinze ou seize ans, ai été signé à dix-huit. J'avais vingt-et-un ans lorsque mon premier album est sorti. Plus jeune, tu te préoccupes trop de l'image. Avec le temps, cela passe. Ce que je cherche aujourd'hui, c'est être dans l'émotion. L'image n'a plus aucune importance pour moi.

Tu te sens comme un folk-writer ?

Non. Je me sens beaucoup plus comme un pop-writer. J'ai commencé il est vrai en jouant dans la scène folk mais mon approche de la musique est plus pop que folk. Ma façon de composer, de penser les morceaux est beaucoup plus pop que folk.

Ton son semble plus influencé par l'Amérique que l'Angleterre ?

C'est vrai. Mes principales influences musicales sont américaines ou nord-américaines : Elliott Smith, Ryan Adams, Neil Young... J'ai grandi avec eux.

La mort de ton père semble avoir imprégné ce disque...

Absolument. Certains morceaux sont directement liés à sa mort. Sa disparition a bouleversé ma vie à tous les niveaux : amitié, sexualité, la façon de voir les choses. J'ai pris d'autres routes, traversé des déserts. Mon père était un "political scientist" renommé. J'ai beaucoup appris de lui, notamment sur la façon d'écrire de la manière la plus concise possible, ce que lui savait faire à la perfection. J'ai essayé de retenir ses leçons lorsque j'ai écrit ce disque.

Immortal, c'est un morceau pour lui ?

En partie bien sûr, mais pas seulement. Immortal, je ne sais pas exactement d'où cela vient. J'ai voulu exprimer à travers ce morceau cette spiritualité que tu trouves dans la nature, chez les animaux qui t'envahit et te fait sentir immortel.

Il y a aussi cette idée dans Breathe. Ce morceau m'a fait pleurer tant il est émotionnel...

Merci beaucoup. Ça me touche que tu dises cela. Oui, Breathe, c'est exactement cela, sentir les choses, sentir la nature, se laisser aller à l'émotion pure et respirer un grand coup.

Même si la mort de ton père imprègne l'album, ce n'est pas pour autant un disque triste. Il est même au contraire très positif...

Tout à fait. Il y a ces morceaux où je célèbre l'été. Je ne voulais pas faire un disque triste, déprimant mais au contraire lumineux. Je suis fier du résultat. J'ai vraiment mis toute mon âme dans ce disque, suis allé au plus profond de mes émotions.

C'est étrange de trouver Cocaine Doll au milieu de morceaux célébrant l' été. C'est un morceau sur la drogue ?

C'est plus une métaphore. Cocaine Doll parle de ce genre de personnes qui, dans un rapport amoureux, veulent t'entrainer, te faire plonger.

J'ai conscience de la valeur de ce que je fais mais je n'ai jamais eu la grosse tête.

A la sortie de ton premier album, tu as reçu beaucoup de critiques positives. Est-ce que cela ne t'a pas mis trop de pression car tu étais très jeune à cette époque ?

Les critiques positives te touchent évidemment. Entendre un de tes morceaux à la radio lorsque tu es jeune, c'est quelque chose de particulier mais je n'ai jamais été prétentieux. J'ai conscience de la valeur de ce que je fais mais je n'ai jamais eu la grosse tête. Après le plus compliqué à gérer c'est le retour de tournée, lorsque tu vas à la boutique du coin après avoir écumé les festivals. Ça, c'est bizarre.

Tu as composé les morceaux de ce disque après les tournées qui ont suivi le premier album ?

La plupart, oui. Mais des morceaux sont plus anciens, comme Cocaine Doll qui date de 2013. J'ai longuement composé pour cet album, la plupart du temps à la guitare mais quelques fois au piano également. J'ai ensuite passé trois mois en studio même si c'était espacé dans le temps bien sûr. Trois mois consécutifs en studio, ce serait de la folie.

Ce disque est plus long que ne le sont les albums actuels. C'est pour se faire pardonner de nous avoir fait attendre si longtemps ?

Il aurait pu être encore plus long. J'ai composé plein d'autres titres qui ne figurent pas sur l'album. Je les sortirai au fil des mois à venir.

Qu'as-tu, en tant qu'anglais, pensé du Brexit ?

J'ai honte. Je suis vraiment dégoûté. J'habite un quartier où juifs, turcs ou blacks vivent ensemble et dans une parfaite harmonie. Je me sens citoyen du monde et je me sens très mal par rapport à ce retour en arrière de mon pays. Je suis allé direct après un de mes concerts de Berlin à Londres pour voter contre la sortie de l'UE. Je suis vraiment déçu et profondément triste. Je ne comprends pas ce vote et il m'afflige.