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Piroshka

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 12 juin 2019

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Après un éphémère retour avec Lush dans le monde de la musique, Miki Berenyi a donné naissance à Piroshka, sorte de supergroupe composé d'anciens membres d'Elastica, Modern English et Moose, excusez du peu. Auteurs de l'excellent Brickbat, les anglais étaient de passage à Paris fin avril à l'occasion d'un concert immanquable. A cette occasion, nous avons eu la chance de rencontrer l'anglaise ainsi que son compère Kevin McKillop alias Moose dans le fumoir du O'Sullivans Backstage By The Mill. Retour sur cette bien belle rencontre.

Miki, après toutes ces années éloignées de la musique, d'où est venue l'envie de redémarrer Lush ?

Miki : En fait, ce sont les anciens membres qui ont vraiment insisté pour ça. Il y avait déjà eu plusieurs tentatives mais à chaque fois ça n'a pu se faire pour différentes raisons. Mais la dernière fois qu'on me l'a proposé, j'ai beaucoup réfléchi et je suis finalement dit "Pourquoi pas ?". Auparavant j'étais plutôt réticente car je n'ai jamais été favorable aux reformations. Je ne voulais pas ruiner quoi que ce soit car j'ai beaucoup aimé Lush et c'était important que les fans y trouvent un réel intérêt. Au final, ce sont mes enfants qui m'ont poussé à redémarrer le groupe. Ils voulaient savoir à quoi ressemblait ma vie auparavant et de ce fait j'ai accepté (Rires). Ce sont donc des raisons sentimentales qui m'ont poussé à reformer Lush. Et je ne le regrette pas du tout. J'ai pris beaucoup de plaisir. Enregistrer de nouveau ensemble fut quelque chose de vraiment génial. Au final, ça m'avait beaucoup manqué !

Donc, même si ce fut un retour éphémère, tu ne regrettes pas d'avoir reformé Lush?

Miki : Non, pas du tout. Je regrette certaines choses qui sont arrivées, mais pas du tout la reformation.

Et si tu n'avais pas redémarré Lush, Piroshka n'aurait jamais existé ?

Miki : Non. Cela aurait été trop difficile de repartir à zéro avec un autre projet. Je me suis retirée de la musique pendant vingt ans. C'est tellement prenant comme travail. Il y a tant de choses à organiser. Tout a tellement évolué depuis. Je ne sais pas comment utiliser les technologies modernes. Les labels ne fonctionnent plus de la même manière. Cela aurait fait vraiment beaucoup pour moi.

Qu'est-ce qui vous a décidé à travailler ensemble ?

Moose : Ce qui est drôle, c'est que j'avais complétement laissé de côté cette idée de refaire un jour de la musique. C'était juste l'idée que Miki et Justin (ndlr : Welsh, batteur d'Elastica) allaient faire quelque chose ensemble. Mick (ndlr : Conroy, bassiste de Modern English) était déjà dans l'aventure, mais il n'y avait pas de responsable derrière tout ça. De ce fait, cela ne pouvait être que moi.
Miki : Oui, cela devait être toi.
Moose Je connais Mick depuis près de trente ans. Il a fait partie de Moose pendant quelques années. Il jouait de la basse et des claviers. C'est un vieil ami et une personne charmante. Je me suis dit que ces trois personnes plus moi, cela ne pouvait être que bien. Ce fut très sympa et exactement comme je pensais que cela serait.
Miki : : Ça ne pouvait pas se passer autrement entre nous. Nous ne sommes pas mariés, donc on ne pouvait pas en avoir ras le bol l'un de l'autre.
Moose : (Rires) Honnêtement les attentes étaient relativement basses au début. On voulait écrire quelques chansons ensemble, peut-être sortir un single et donner quelques concerts. Tout était très modéré. Mais lorsqu'on a commencé à composer et qu'on est finalement arrivé à six ou sept chansons, puis dix, puis douze et qu'un label s'est intéressé à nous, alors tout s'est sérieusement mis en route. Et bien évidemment, on ne pouvait plus faire marche arrière.

Miky, était-ce facile de travailler avec des musiciens qui n'étaient pas dans Lush ?

Miki : Je pense que c'était quand même quelque chose de spécial. Même redémarrer Lush était finalement assez étrange. Chris n'était plus là. C'était donc déjà quelque chose de différent pour moi. Il y a une vingtaine d'années de cela, on était tout le temps tous ensemble. Et lors de la reformation, Les choses ont beaucoup changé. Emma et moi ne restions pas ensemble. Mais, au final, c'est assez naturel. Je suis parti en tournée avec Justin et donc nous avons passé pas mal de temps l'un avec l'autre. Tout cela m'a ramené vers le mode de fonctionnement de Lush auparavant. Et puis Mick était déjà présent également, puisqu'il nous a accompagnés lors du tout dernier concert de Lush. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, car il a dû apprendre vingt-trois chansons juste pour un unique concert (Rires) ! Tu sais, je pense que si cette situation n'était pas survenue, il aurait fallu faire passer des auditions, et je ne sais pas si on serait allé jusque-là. Piroshka n'aurait donc jamais existé.
Moose : C'est un concours de circonstances. Justin était déjà en place, c'est une vraie chance. Il a vraiment une influence sur notre musique. Il a proposé beaucoup d'idées, notamment des boucles de batterie avec des parties de guitares et de claviers. Il sera probablement pour beaucoup dans la genèse du prochain album. Lui et Mick s'y connaissent beaucoup en enregistrement. Pour ma part, je dois relire trente fois la notice avant d'être certain du bon bouton à tourner. Ce n'est pas du tout leur cas.
Miki : Oui, ce sont vraiment des facilitateurs. Et c'est une très grande chance.
Moose : Rien ne semble être problématique pour eux. Alors que d'habitude, et je suis très sérieux lorsque je dis ça, un enregistrement est toujours forcément problématique à un moment. Là, ce fut très simple. C'est important, d'autant que nous financions nous même l'enregistrement du disque. Il nous fallait trouver un studio qui ne coûtait pas très cher.
Miki : Oui, on a eu énormément de chance. Nous avons travaillé avec des personnes très collaboratives, même pour la pochette. On nous a fait des offres qu'il nous était impossible de refuser, car nous ne sommes pas compliqués.
Moose : C'est pareil avec Bunny, qui a réalisé cette animation pour notre seconde vidéo. Toutes les personnes avec qui nous avons travaillé sont des amis et qui ont en plus de très belles idées.

La pochette de votre album semble proche de ceux d'autres artistes de 4AD. C'est quelque chose de volontaire de votre part ?

Miki : Chris Bigg est derrière tout ça. Le fait qu'il ait travaillé pour v23 pendant des années n'y est donc pas étranger. Justin était un peu inquiet au début, par rapport à ça. Nous sommes un nouveau groupe, nous ne devons pas essayer de ressembler à Lush. Tel était son discours. Il y avait donc ce petit risque que cela fasse trop 4AD. Mais, de toute façon, nous n'avons pas eu le choix. Nous avions des moyens limités et c'était tellement incroyable que des personnes telles que Chris puisse collaborer avec nous. Nous étions vraiment contents.
Moose : Nous avons eu tellement de suggestions. C'est fou. Lorsque Chris nous a proposé la vidéo de notre premier single, Everlastingly Yours, nous étions hyper heureux. Et le fait de se trouver sur le label de Simon Raymonde, Bella Union, c'est encore une fois comme si toutes les pièces d'un puzzle s'emboitaient.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les applaudissements à la fin de It Must Be Bedlam ?

Miki : (Rires) En fait, nous étions juste très contents de nous.
Moose : Il y avait une telle atmosphère dans le studio... Nous avons pris beaucoup de plaisir à enregistrer l'album. Nous n'avions pas la possibilité de nous auto congratuler. Il nous fallait travailler, travailler et encore travailler.
Miki : Nous avions seulement douze heures pour enregistrer le disque. Il nous fallait faire très vite. Et lorsqu'on a terminé It Must Be Bedlam, c'était comme un vrai bonheur. De ce fait, nous avons conservé les applaudissements pour qu'ils figurent sur le disque.

Comment décrirais-tu la musique de Piroshka ? Disco-punk ?

Miki : Oui, il y a une touche de disco dans certaines de nos chansons. What's Next par exemple.
Moose : Oui, c'est dû au groove de Justin. Au moment où nous avons travaillé sur ce disque, nous écoutions pas mal de musique du début des années 80 et musicalement nous revisitons le son de ces années. Je pense que ce n'était pas le cas pour Justin quand il faisait partie d'Elastica.
Miki : Nous avons essayé d'accommoder les goûts de chacun d'entre nous. Le côté 4AD, ce n'est pas vraiment le truc de Justin, à l'exception des Pixies. Tout ce qui se rapporte à la partie ambiante, planante, c'est notre influence. Le côté punk-rock, c'est lui par contre. Run For Your Life par exemple. Il apporte beaucoup d'énergie à notre musique.
Moose : Ce serait beaucoup plus simple si Justin composait les chansons, mais ce n'est pas le cas. Cependant il a une incroyable influence sur nos compositions. Notre prochain album sonnera probablement différemment mais bon nombre d'idées émaneront de la même façon.
Miki : Tout le monde est impliqué dans la composition des chansons. Pas dans le sens, c'est MA chanson et c'est TA chanson.
Moose : Lors des répétitions, nous avons parlé de nos implications dans les différents groupes dont nous avons fait partie : les crédits, l'écriture, etc... Pour nous cela n'a pas vraiment d'importance. Nous sommes tous au même pied d'égalité dans le groupe. Il y a un véritable partage. C'est quelque chose d'assez inhabituel pour moi et pour toi aussi d'ailleurs. Le fait d'être démocratique et coopératif est vraiment une super chose. Nous nous écoutons tous, nous discutons des idées de chacun, rien n'est laissé de côté. Mick connait ça depuis très longtemps, depuis la fin des années 70. Je trouve que c'est vraiment génial de travailler avec un batteur.
Moose : Nous avons produit l'album nous-même et cela a également beaucoup compté. Nous avons écrit les démos et ensuite personne n'est venu retoucher complétement nos chansons, puisque nous avons travaillé également à la production. De ce fait, tout le monde a été impliqué du début à la fin.

Tu as parlé d'un second album. J'ai vu que jouez deux titres qui ne figurent pas sur le disque...

Moose : Nous n'avons pas encore parlé de ça. Mais j'aimerai que lorsque nous attaquerons le nouvel album, il ne contienne que des nouvelles chansons. Les deux titres qui figurent sur la setlist et qui ne font pas partie de l'album, ne trouvaient pas leur place sur le disque et nous ne voulions pas d'un album qui dure cinquante ou cinquante-cinq minutes. Nous n'avons rien organisé pour les sortir lors du Record Store Day. Je ne pense pas que ces deux chansons sortiront un jour.
Miki : Oh je pense qu'elles sortiront. Elles sont super. Je le crois vraiment, même si le single n'existe plus vraiment de nos jours. Ce serait super de sortir un EP quatre titres, mais ce n'est pas très facile. Mais on va s'intéresser à ça.

Après la sortie du coffret de Lush en 2017, peut-on espérer celui de Moose ?

Moose : Je ne pense pas. On m'a déjà soumis cette idée, mais, pour moi, Moose c'est terminé. Il n'y aura pas un autre concert de Moose, cette idée n'intéresse personne dans le groupe.
Miki : Vraiment ? Ce serait tellement super ! Oh non, je vais lui parler de ça en privé (Rires).