logo SOV

Working Men's Club

Interview publiée par Laetitia Mavrel le 20 août 2020

Bookmark and Share
La sortie de leur premier album décalée de plusieurs mois, les mancuniens de Working Men's Club ne se font pour autant pas oublier cet été. Proposant deux concerts en conditions réelles mais sans public, dont un ce vendredi 21 août au Brudenell Social Club de Leeds, nous avons interrogé le très impliqué Sydney Minsky-Sargeant sur l'avenir encore incertain des spectacles vivants et sur ce premier album victime collatérale du virus COVID-19.

Sydney, comment se passe ton été ?

Ça va à peu près, au vu des circonstances.

Tu as donné avec Working Men's Club un premier concert le mois dernier en conditions de live (ndlr : depuis le YES Club de Manchester le 3 juillet), ce dernier retransmis en streaming et payant. Comment as-tu vécu cette expérience d'un concert sans le public ?

C'était étrange ! On s'est sentis bien malgré que cela faisait un moment que nous n'avions pas joué ensemble. C'est un avantage de pouvoir se produire pour notre public à nouveau mais je n'arrive pas à me dire que c'est ce qui nous attend pour le futur. Ça ne pourra pas toujours fonctionner comme ça. Pour moi 70% du concert vient de l'ambiance, qu'on a du mal à percevoir dans ces conditions. Et cela dépend aussi du style de musique que tu joues.
C'est une expérience très intéressante mais le live me manque toujours autant. Mais il se passe tellement de choses en ce moment, les questions de santé publique et les problématiques économiques sont des sujets plus importants.

Néanmoins, et en attendant une sortie de crise qui permettra aux concerts de redémarrer, ce type d'initiatives permet aux salles de concerts de continuer à fonctionner. Penses-tu que cela soit une solution temporaire efficace ?

Oui, il faut leur donner de l'écho. Ça permet aux gens de ne pas oublier que ces salles tentent de survivre. Toutes n'ont pas la stabilité financière pour assurer leur futur, c'est vraiment injuste qu'elles aient à mendier des aides. Et cela s'applique de façon générale. Il faut qu'elles restent ouvertes. Les gens ont besoin de ces endroits pour accéder à la culture, à la musique, qu'elles ne se soient pas uniquement réservées aux gamins riches qui peuvent se payer tous les concerts qu'ils veulent.

En tant que groupe, vous tentez des choses, vous ne restez pas inactifs. C'est très important pour les salles, vos fans et vous-mêmes...

J'aimerais en faire plus !

A propos de l'album à venir (ndlr : Working Men's Club qui paraitra le 2 octobre prochain), ce dernier a subi un report de sortie du fait du virus COVID-19. Cela fait donc un moment que vous l'avez achevé mais peux-tu quand même nous parler de sa création ?

Ça fait déjà deux ans en effet ! C'est un disque très personnel, rempli de différentes émotions. Ce serait facile pour moi de citer ce qui m'a influencé mais j'aime découvrir comment les gens perçoivent ma musique, ce que ça leur évoque. Je peux quand même citer de la musique africaine, pas mal de groupes britanniques et américains, des mélanges de dance musique et afro beats, un peu de punk...
Je n'avais pas de ligne directrice pour le résultat, c'est un patchwork. Je pense que c'est un disque facile d'accès, qui va donner de la joie surtout en ce moment ! On aurait adoré le jouer en plein été mais le report est une question de promotion, c'est comme ça que ça fonctionne. Je suis très content du résultat et j'ai hâte de savoir ce que vont en penser les gens. Et de passer à la prochaine étape.

Votre dernier concert à Paris (ndlr : dans le cadre des Inrocks Festival à la Gaîté Lyrique le 6 mars dernier) a été un des derniers avant le confinement. Il y avait une énergie incroyable. Que penses-tu du public français ?

On a adoré jouer en France et à Paris. C'est très différent que de jouer au Royaume-Uni. On sent que le public a vraiment envie d'être là. Sans manquer de respect aux britanniques, les français sont beaucoup plus intéressés par ce qu'il se passe sur scène. Il y a une vraie communication entre le public et le groupe. De plus, on prend vraiment soin de toi !
Il arrive souvent qu'au Royaume Uni on ne se soucie pas vraiment que tu sois bien payé, bien accompagné... En France on a vraiment envie de te parler, le public vient à ta rencontre. C'est comme un all inclusive ! Il y a beaucoup de gens géniaux chez nous mais quand on vient se produire en dehors de son pays, c'est encore plus excitant.

Il y a une autre différence qui tu as souligné précédemment, c'est la disparité entre le nord et le sud de l'Angleterre en termes de capacité à faire de la musique (ndlr : le groupe vient de la région de Manchester, donc du nord). Comment expliquerais-tu cela à l'heure de l'interactivité à tout va ? Est-ce toujours une question de classes sociales ?

Oui, complètement. Je ne suis pas issu de la classe ouvrière, plutôt la petite classe moyenne, je n'ai pas lutté pour pouvoir jouer mais je connais beaucoup de musiciens très brillants qui eux viennent des couches les moins aisées et qui n'arriveront jamais à percer. Et d'un autre côté il y a ces groupes situés à Londres qui jouent un ou deux concerts et qui se font immédiatement signer sur un label. C'est injuste.
L'industrie de la musique au Royaume-Uni est paresseuse, elle ne se donne pas les moyens. Les radios ne jouent pas leur rôle non plus. On se soucie moins de la qualité de la musique que de ce que les autres pensent pour s'intéresser à un groupe. Ce comportement relève de l'arrogance et surtout de l'ignorance ! Il y a du talent partout mais il y a tant de bonne musique du nord en terme d'electro et de punk : Cabaret Voltaire, The Human League, sans parler des groupes des années 90 !

Je trouve le public du nord de l'Angleterre particulièrement génial en concert...

Oui les gens sont plus chaleureux, ils te parlent plus facilement, il y a plus de connections !

Tu es déjà sollicité par d'autres musiciens qui veulent débuter pour leur donner des conseils ?

Ça ne fait que quatre ans mais oui, d'autres groupes viennent vers nous. Mais je ne fréquente pas exclusivement la scène locale, j'ai gardé mon cercle d'amis. Pour être honnête je préfère pratiquer plutôt que de parler de ma musique. Sans être offensant envers les journalistes, je trouve chiant de devoir m'expliquer, ma musique est surtout basée sur la spontanéité et lire des personnes qui tentent d'analyser ce que je fais est bizarre. Mais pour revenir à la question, il est primordial de ne pas oublier d'où l'on vient et de continuer à soutenir les salles de concerts locales, de mieux les faire connaitre.

D'ailleurs, votre second stream qui a lieu vendredi 21 août se déroulera cette fois ci à Leeds, au Brudenell Social Club. Que peux-tu nous révéler sur ce nouveau concert ?

On va essayer de jouer le plus de nouveaux morceaux, tenter une nouvelle setlist, on doit encore répéter demain et après-demain (ndlr : l'interview a lieu le mercredi avant le concert).

C'est en tout cas une belle façon de terminer l'été !

Oui, c'est vrai, j'espère que ça permet aux gens qui participent de garder le goût des concerts en attendant que ça revienne à la normal.

Pour finir, quelle est ta playlist de l'été ?

J'écoute beaucoup de Bill Callahan, avec sa musique pop très douce. Le DJ Luke Vibert qui a sorti un très bon disque dernièrement, beaucoup de cold wave, de musique dance.