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Sleaford Mods

Interview publiée par Laetitia Mavrel le 11 janvier 2021

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Après une année 2020 plutôt chaotique pour tous, Sleaford Mods reviennent dès ce début 2021 avec Spare Ribs, album rageur et drôle qui tente d'exorciser toute cette folie. Privé de tournée comme beaucoup alors qu'elle devait le mener sur d'autres continents, Jason Williamson reste néanmoins très présent pour ses fans et fait le point sur la genèse de ce petit brulot anti-Boris ainsi que sur les perspectives d'après COVID-19.

Jason, tu seras de retour dans les bacs dès le 15 janvier avec Spare Ribs, quelques mois suite à la compilation All That Glue. Tu es très actif ! A quel moment as-tu commencer l'écriture de nouveau disque et à quel niveau ce dernier a-t-il été influencé par la pandémie ?

On a commencé fin 2019 quand on était en Australie, on avait déjà pas mal d'idées. Short Cummings, Elocution, Nudge It et Thick Ear datent de ce moment-là. On est rentrés juste quand la pandémie débutait donc ça a influencé tout le reste. C'est quelque chose que personne n'a vécu depuis cent ans, c'est énorme et on ne pouvait pas l'ignorer. On ne voulait pas simplement gueuler sur nos politiciens dans les chansons mais y distiller la frustration qu'on éprouve.

Le résultat est hyper dynamique, plein d'énergie et de colère évidement. Une chanson est particulièrement éclairante sur la situation politique au Royaume-Uni, c'est Short Cummings. Elle est inspirée de Dominique Cummings, ex-conseiller auprès de Boris Johnson qui l'a aidé à mener le Brexit et qui depuis s'est fait renvoyer. Pour ceux qui ne le connaissent pas, peux-tu nous en dire plus ?

Ce mec voulait refondre complètement notre système politique. Il pense qu'il est lent et dépassé, ce qui d'une certaine façon est vrai, mais en même temps il fait partie de l'élite. Il a voulu réécrire les règles selon sa pensée de privilégié alors que ça fait des années que la société souffre à cause de politiques austères et d'un néo libéralisme dominant. Short Cummings se moque de son égo, de sa vision si réduite de ce qu'est la société anglaise. Au moins il s'est fait virer ! (ndlr : le conseiller a été pris partant en vacances durant le premier confinement) .

Ton gouvernent n'est pas très aidant envers le monde de la musique live, il a même conseillé aux artistes de se reconvertir vers d'autres carrières ! Tu connais des salles qui ne vont pas ré-ouvrir près de chez toi ?

Une partie des salles de spectacles ont reçu des aides mais on ne sait pas si elles vont être maintenues. Chez toi et particulièrement à Paris les personnes concernées manifestent, se révoltent même. On ne souhaite pas non plus que ça devienne violent ici mais les gens perdent espoir et sont résignés. On est impuissants et la seule chose qu'on puisse faire c'est de les soutenir en retournant massivement en concert quand ça ouvrira.

Pour maintenir un semblant d'activité, pas mal de concerts sont organisés soit avec un public restreint quand c'est possible soit sans public et retransmis en stream, et sont bien sûr payants. Cela semble être une solution palliative efficace. Tu es prêt à faire de même ?

On a fait un live en septembre dernier et ça s'est bien passé. Mais à plus grande échelle, financièrement ça ne tient pas le coup, ça revient trop cher à organiser et personne ne réussit à gagner un peu d'argent avec ce système. On n'a réellement pas tous les mêmes moyens pour se lancer là-dedans. Mas quand c'est possible, c'est une bonne chose.

Revenons sur Spare Ribs. Il y a deux invités de marque : Amyl Taylor et Billy Nomates sur les titres Nudge It et Mork N Mindy, c'est vraiment sympa de t'entendre en duo. Raconte-nous comment cela s'est fait.

On a évoqué avec la maison de disques l'idée de faire des collaborations. Mais on n'avait pas de contacts. On est des fans de Billy Nomates et on nous a mis en contact avec elle. Pour Amyl, on l'a rencontrée en Australie avec son groupe Amyl And The Sniffers. On s'est vraiment dit que ça donnerait un plus à l'album.

Y a-t-il quelqu'un avec qui tu rêverais de faire un duo ?

Non, pas vraiment ! Je pense que notre style ne s'accorde pas facilement avec d'autres. J'étais inquiet par rapport au résultat de ces deux duos mais ça a vraiment super bien fonctionné.

Sleaford Mods est un groupe qui est reconnu pour être socialement très impliqué, la majorité de ton répertoire sont des pamphlets contre les politiciens de droite. Y a-t-il quand même d'autres thématiques qui t'inspirent ? Tu pourrais écrire des textes disons, plus légers ?

Être inspirés par l'état de notre société est facile, il y a tellement de personnes aux commandes qui sont fausses... Leur cynisme et leur négativité sont vraiment très intéressants à analyser. Ça vient malheureusement abreuver ma propre méfiance et ma propre amertume, en faire des chansons est très facile.

Tu penses que cette période aura découragé les jeunes artistes et groupes qui débutent ?

Oui, je crains que se lancer dans le métier maintenant soit très difficile, c'est vraiment le pire timing. Mais je pense que ça va changer car on a été obligé de s'adapter et on a beaucoup appris pendant cette période, surtout à s'endurcir et à persévérer.

Tu as une fan base fidèle, et tu lui as donné de quoi patienter pendant la crise. Tu devais te produire aux Etats-Unis en 2020, comment sont les fans là-bas ?

On a une communauté de fans qui continue de grossir. Mais bon, on ne sera jamais U2 (rires). Là-bas, on est un peu hors normes, ça change.

Et la France ? Ton dernier concert était en octobre 2019 à la Cigale à Paris, c'était complet. Bien que les gens ne comprennent pas forcement toutes les allusions de tes chansons, tu te sens proche du public français quand même ?

On adore ton pays! C'est pour cela qu'on vient plutôt régulièrement depuis quelques années, il nous tarde vraiment d'y rejouer.

A propos des concerts, tu envisages de mettre quelques instruments en plus sur la scène pour changer un peu ?

Non pas du tout ! (rires)

Tu as été très présent sur internet depuis le début de la crise, c'est important pour toi de rester connecté avec les fans ?

Oui, très important, et surtout j'avais envie d'être un peu moins sérieux, de faire rigoler les gens et de m'amuser avec eux. On en a bien besoin.