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Arlo Parks

Interview publiée par Jordan Meynard le 12 février 2021

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À tout juste vingt ans, Arlo Parks sort un premier album Collapsed In Sunbeams acclamé de toutes parts. Elle envoûte un large public avec son univers sensible, poétique et lumineux, à mi-chemin entre la neo-soul, le jazz et le R'n'B. Si quête identitaire, désillusions amoureuses, dépression ou encore anxiété composent le patchwork qu’est sa musique, ils lui ont été inspirés par des maux bien réels. Rencontre avec la nouvelle idole de la "super sad generation".

Bonjour Anais ! Comment vas-tu ?

Je vais bien merci ! Il neige ici à Londres, c'est super joli.

Tu as sorti des chansons au compte-goutte depuis un an et chacune d'entre elles a été un succès. Etais-tu stressée avant la sortie de l'album ou plutôt sereine compte-tenu de toutes les choses positives qui t'arrivent ?

C'est un peu un mix des deux... J'ai enfin pu présenter ma musique au monde entier, mais il y avait aussi une forme de stress puisqu'il y avait des attentes autour de ce projet et que j'ai mis beaucoup de moi-même dans cet album. J'y ai consacré beaucoup d'énergie, c'était beaucoup de travail fourni. C'était un mélange d'impatience, d'excitation et de stress.

Il paraît que tu ne doutais pas du tout du fait de faire de la musique toute ta vie, mais tu imaginais faire ça plutôt seule dans ta chambre... Là, ta musique, au-delà d'être publiée sur un label et les plateformes de streaming, traverse les frontières et fait écho chez des millions de gens. Comment le vis-tu ?

C'est une situation intéressante et un peu particulière pour moi en ce moment. Je vis pleinement tout ce succès, je vois ma musique plaire dans le monde, et pourtant ma vie n'a pas changé... (rires) Je vis toujours avec mes parents, je regarde des films, je bouquine... C'est incroyable que ce rêve se réalise mais ma vie n'a pas foncièrement changé, et je pense qu'au fond c'est plutôt une chance.

Au-delà du succès de ta musique, tu es devenue la porte-étendard, une icône de la "super sad generation". Est-ce que cela ne te met pas trop de pression ?

J'ai toujours insisté sur le fait que mon écriture reflète mon opinion et décrit le monde à travers mon regard. Je n'écris pas au nom de cette génération et n'en suis pas la voix. J'écris en mon nom et mes paroles n'engagent que moi, même si elles ont trouvé écho chez d'autres personnes. Mes chansons ont toujours reflété ce que j'ai vécu et traversé, donc je ne ressens pas vraiment cette pression.

Ton album me fait penser à la série anglaise Skins sortie en 2007 : une série de portraits de personnages avec leurs problèmes, qui nous touchent car pas forcément représentés dans l'art en général. Ici, tout sonne juste, y compris le besoin de saisir un moment furtif de la vie des personnages. Le but de cet album était-il de créer une fresque de personnages ?

Oui, tout à fait. J'y parle des personnes dans ma vie qui m'ont façonnée, d'une certaine manière. C'est marrant parce que j'ai grandi en regardant Skins, et j'ai toujours aimé ces portraits très humains des personnages, avec leurs rêves, leurs doutes, leurs dons... Et je voulais créer un album qui soit à la fois doux et amer, dans le même genre, qui a ces notes d'espoir mais dans lequel je parle souvent de sujets difficiles.

Justement, ton album, à l'image du titre, mêle amertume et douceur... Il y a beaucoup d'émotions, de nostalgie, mais aussi d'exaltation avec toujours la lumière au bout du tunnel, cette lueur d'espoir... Était-ce le message que tu voulais faire passer avec cet album ? Que les gens se sentent aidés, écoutés et qu'il y aura toujours une solution à leur problème ?

Oui, complètement. Je pense que j'ai écrit cet album comme un moyen de digérer mon passé et m'aider à traverser des périodes difficiles. Je voulais que cet album soit une force, que les gens se sentent compris en l'écoutant. Je souhaitais aborder des sujets difficiles de manière déterminée, mais toujours avec cette lueur d'espoir pour l'avenir.

Tu abordes des sujets difficiles et plus généralement, tu n'évites aucun « tabou ». On sent que tu es une personne très ouverte sur tous les sujets, mais tu te confies beaucoup sur ta vie personnelle : était-ce difficile d'être aussi transparente, même en musique, sur ta propre vie sachant que tu n'utilises pas de métaphore et est très directe ?

Oui bien sûr, il y a toujours une peur de se mettre à nu, de s'exposer. Mais quand je pense aux chansons des artistes que j'aime, comme Elliott Smith ou Phoebe Bridgers, cela m'évoque toujours une certaine vulnérabilité et sincérité, et je pense que c'est ça qui touche les gens et crée des liens. Donc je dirais que mon désir de créer des liens dépasse ma peur de me mettre à nu.

Soul, Jazz, Rn'b... Tu navigues entre les styles et les cadences des chansons changent également selon les titres... Pourtant ton album reste cohérent et homogène, chaque chanson a une couleur bien particulière. Comment as-tu réussi cet équilibre ?

Je pense que j'ai toujours su que ce qui allait faire ce lien serait mes paroles, ma voix et mes choix d'écriture. Le reste de l'album a donc fonctionné naturellement autour de cela. Pour ce qui est de la musique et de l'orchestration, je considérais chaque chanson individuellement, c'est pour cela que les styles sont éclectiques : tout dépendait de mes envies. Parfois je me réveillais le matin avec une envie de disco, un autre jour de R'n'B... Le fait de m'être concentrée sur la poésie de mes textes et d'avoir plus joué avec les mélodies m'a permis de créer un album qui couvre une plus large palette de sonorités.

Tu as une histoire particulière avec la France. Tu as même appris le français avant l'anglais. Je ne sais pas si tu suis l'actualité en France, mais tout le monde parle de toi ! Des blogueurs, la presse spécialisée, des journaux en région... C'est plutôt rare car nous sommes généralement très chauvins en termes de musique. On parle généralement d'artistes anglais confirmés avec plusieurs années de carrière. Comment le vis-tu ? As-tu un lien particulier avec la France ?

Bien sûr ! C'est drôle car mes cousins et ma famille, qui vivent à Paris et à Compiègne, m'envoient toujours des articles de journaux régionaux sur notre groupe Whatsapp avec des petits messages comme "Oh regarde tu es dans mon journal local !" ou encore "Il y a un article sur toi sur tel blog !". La France a toujours été ma deuxième maison, j'y ai passé beaucoup de temps, tous mes étés, j'y ai de la famille... Cela a donc toujours une saveur particulière d'y être accueillie comme cela par la critique.

Ton premier album est paru dans un contexte très particulier. Il y a beaucoup de chansons qui sont sorties avant même qu'il ne voit le jour, de même que des vidéo clips. Comment vas-tu continuer à faire vivre cet album dans ce contexte où tout est à l'arrêt ?

Ce qui me manque le plus ce sont les concerts. Quand on pourra enfin en refaire, cela ajoutera un lien supplémentaire entre mes fans et moi. Mais en ce moment je fais beaucoup d'appels vidéo avec eux pour avoir leurs retours sur l'album, et leur demander ce qu'ils ont apprécié dedans. Je donne également quelques concerts en ligne... C'est fou de voir le chemin déjà parcouru par l'album. Mais clairement, la prochaine étape sera de le jouer en live, pour lui redonner un nouvel élan plus "réel".

Nous aimons parler des talents d'émergents britanniques sur Sound Of Violence. Aurais-tu des artistes à nous conseiller ?

Oui, je vous recommande un de mes amis Joseph, le titre Dreamboat de Joviale qui vient du nord de Londres et qui est encore inconnue et aussi l'artiste Cleo Sol.