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Hollow Hand

Interview publiée par Yann Guillo le 15 mars 2023

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Alors qu'il vient juste de publier une merveille d'album, Your Own Adventure, Max Kinghorn-Mills reste toujours injustement sous les radars. Avec désormais trois très beaux disques publiés sous le nom d'Hollow Hand, ce passionné créatif, viscéralement attaché à sa liberté artistique, réussit à insuffler de la fraicheur dans un folk-rock hérité des 60s. Rencontre avec un musicien inspiré et grand guitariste qui ne cède rien à la facilité.

Bonjour Max. En quoi ton approche de la musique a-t-elle changé entre Ancestral Lands, ton premier album, et Your Own Adventure ?

Ancestral Lands était le premier album que j'ai jamais enregistré. J'ai vraiment tout fait seul dans mon appartement. J'ai tout appris au fur et à mesure de l'enregistrement, de façon assez naïve. Pour Star Chamber, le second, je me suis enfermé avec des amis dans l'abri de jardin de mon père. Nous avons passé beaucoup de temps à arranger les morceaux, à affiner les moindres détails, le son. Mes amis avaient une approche très différente de la mienne, ce qui était très intéressant. Sur Your Own Adventure, je pense que j'ai trouvé un équilibre entre ces deux approches : l'album est assez produit mais reste plutôt lo-fi, avec des chansons assez pop. J'ai essayé de conserver la mentalité de mes amis, mais avec une approche un peu plus libre, des structures plus souples.

Ton écriture est pop mais aussi très subtile...

Je pense que j'ai ma propre façon d'écrire et de structurer les morceaux. J'essaie toujours d'être le plus simple possible dans mes chansons. Mais quand je les montre à un autre musicien, il les trouve toujours complexes, presque prog ! C'est vrai que tu peux aussi te perdre quand tu es seul. Mais, à vrai dire, j'adore me perdre et explorer ! Il n'y a personne au-dessus de ton épaule à te dire ce qui est bien ou pas bien. En grandissant, dans tes boulots ou autre, il y a toujours quelqu'un qui te dit quoi faire, comment le faire. J'adore cet espace de liberté que la musique est la seule à t'apporter : personne ne peut vraiment te dire ce qu'il faut faire.

Ton album s'appelle Your Own Adventure, un clin d'oeil aux livres dont vous êtes le héros. J'en étais fan en grandissant ! Toi aussi ?

Exactement ! Quand j'étais petit, avec mes frères, nous avions une pile de livres Choose You Adventure. La série Lone Wolf, c'était génial, legend stuff. J'ai toujours adoré ces bouquins et la fantasy en général, Tolkien, Dungeon & Dragons, ce genre de trucs. J'adore toute cette imagerie. J'ai préparé un mini magazine pour la sortie d'une édition limitée de mon album, il y a plein d'articles que j'ai écrits sur ça. J'ai grandi en écoutant pas mal de métal, ça va un peu de pair. Your Own Adventure commence d'ailleurs avec un petit instrumental. C'était une sorte de clin d'œil à Metallica, qui ont toujours ces morceaux quand ils arrivent sur scène, ou dans le black metal, tu as souvent ces intros instrumentales que j'ai toujours trouvées hyper intéressantes. J'ai d'ailleurs un label sur cassettes avec lequel je publie du Dungeon Synth. Même si j'écris des chansons dans la tradition de groupes des 60s et des 70s, le metal et la fantasy font partie de moi. J'aime cette déconnection.

Tu publies ton album sur Curation Records, un label US de Los Angeles. Comment es-tu arrivé là-bas, toi l'anglais de Brighton ?

La connexion s'est faite à travers Spencer Cullum, qui joue du pedal steel sur l'album, et Sean Thompson qui est membre de son groupe et qui a sorti un album sur Curation. Mon ami réalisateur, James Sharp, connaît aussi Mike qui s'occupe du Royaume-Uni pour le label. Mon album est arrivé dans les mains de Brent Rademaker, de Beechwood Sparks, qui a créé Curation Records. Quand je suis allé à Los Angeles, je l'ai rencontré et nous nous sommes très bien entendus. J'ai tout de suite adoré l'idée d'être le type de Brighton sur un label californien. En Angleterre en ce moment, il y a beaucoup de nouvelle musique qui tourne plutôt autour du punk. Aux Etats Unis, il y a peut-être plus de place pour mon type de musique. Plein de mes musiciens préférés actuels sont américains : White Fence, Chris Cohen, Cate Le Bon...

Ta musique est définitivement d'inspiration vintage mais reste fraîche, sans être un exercice de style. Comment évites-tu cet écueil ?

Ca me fait plaisir, merci ! C'est vraiment ce que j'essaie d'éviter. A partir du moment où tu vires cliché, pastiche, ça craint. Je veux vraiment éviter d'être catégorisé rétro. A Los Angeles. justement, je suis sorti au Rainbow. Tu as cette statue de Lemmy, avec tous ces types qui se baladent avec des chapeaux sortis des années 1970. C'est génial, mais en même temps figé dans le passé. C'est un peu comme du cosplay pour les fans de metal ! Si tu commences à faire les choses pour les mauvaises raisons dans la musique, c'est un cauchemar. La liberté, c'est le cœur de ce que tu dois faire quand tu es musicien. J'aime les gens qui sont uniques, qui ne singent personne.

Pourquoi avoir choisi Chris Cohen pour mixer l'album ? Comment s'est faite la connexion avec lui ?

Chris a joué de la guitare dans Deerhoof avant de sortir ses propres disques, dont Overgrown Path en 2012 qui est génial. C'est un de mes compositeurs préférés. Il a aussi mixé le dernier album de Marina Allen, Centrifics, qui est un grand disque. Juste avant de le contacter, j'étais sur le point de mixer l'album moi-même mais je n'avais vraiment pas envie de le faire. Un soir, je regardais une de ses interview en vidéo et il disait : « Si vous voulez mixer votre album, contactez-moi ». Je me suis dit « Let's go ! ». En une nuit, j'avais trouvé une nouvelle perspective excitante pour l'album. Je me suis dit que c'était très en ligne avec le thème : « construis ta propre aventure ! ». J'aime avoir cette autonomie de choix, de pouvoir prendre le virage que j'ai envie de prendre, de saisir les opportunités. Je n'ai pas de type en costume qui me dit « tu vas être mixé par ce mec et tu vas sonner comme ce groupe ». Je ne veux avoir personne qui me dit quoi faire. A quoi bon sinon, autant avoir un boulot normal !

Tu enregistres tout quasiment seul. Pourquoi privilégies-tu cette façon de faire ?

En réalité, j'ai commencé à enregistrer seul parce que je n'avais pas le choix. Mais j'ai été très vite enthousiasmé par les possibilités offertes par mon home studio, pourtant très limité. En studio, les contraintes de temps et d'argent sont trop frustrantes. Et puis tu perds le contrôle de ce que tu fais, quelqu'un d'autre est aux commandes. Pour tout te dire, j'ai fait une session à Abbey Road. Comme tu peux le deviner, j'étais super enthousiaste. J'ai même parlé à une dame qui avait rencontré Paul McCartney : « Il était assis ici ! ». Mais tout était beaucoup trop policé : il y avait vingt-cinq microphones rien que sur la batterie quand mes amis et moi en utilisions trois pour tout le groupe. Mais pour le prochain album d'Hollow Hand, je crois que j'ai envie d'embrasser tout cela.

Cette fois-ci, tu as des invités sur le disque...

J'ai eu la chance d'avoir Spencer Cullum qui joue sur Jealous King. Holly Macve chante aussi sur plusieurs chansons et partage le lead avec moi sur I Am Going To Let You Break My Heart. Avoir ces personnes avec moi sur l'album, c'était nouveau. Je t'avoue que j'appréhendais une peu début parce que tu perds un peu le contrôle de ta musique. Mais pour les chansons de mon prochain album, qui sont déjà écrites, je réfléchis déjà à impliquer d'autres personnes et voir dans quelle direction cela irait, peut-être vers un son avec plus de claviers.

Tim Smith aussi fait une très rare apparition sur la sublime Before Tomorow. Tu avais enregistré des titres inédits avec lui auparavant. Comment s'est faite votre collaboration ?

J'ai échangé avec Tim pendant toute la préparation de l'album. C'est vraiment devenu un très bon ami depuis qu'il est venu à Brighton enregistrer quelques-unes de ses chansons. Son approche, ses mélodies, ses paroles sont une énorme inspiration pour moi. Avoir un musicien et compositeur que tu admires autant avec qui tu peux échanger des idées, c'est tellement précieux. D'être capable de travailler avec lui, d'échanger avec lui, ça a été magnifique, une chance exceptionnelle pour moi.

Quel regard portes-tu sur Your Own Adventure ?

Cela a été très long avant de pourvoir le sortir ! J'ai commencé à enregistrer pendant le lockdonwn mais j'ai dû m'interrompre pour coproduire en parallèle l'album Not The Girl d'Holly Macve. Puis j'ai dû attendre que les usines soient disponibles pour produire les vinyles... J'avais tellement de demos que je pensais que j'allais enregistrer un double album. Je voulais faire mon All Things Must Pass, plein d'auto-complaisance ! Mais quand j'ai commencé à enregistrer, mon entourage m'a dit de ne pas le faire. Au final, j'aime beaucoup Heaven Just Watched qui est une chanson un peu à part avec un vidéo que j'adore réalisée par mon ami James Sharp. J'aime beaucoup aussi Before Tomorrow, c'était incroyable d'entendre ce que Tim a fait avec le morceau. Les paroles de Childhood Room signifient beaucoup pour moi. Jealous King est spéciale aussi : je l'ai écrite au piano alors que je n'en joue pas très bien. Nous l'avons enregistrée live, avec Holly à la batterie dans mon salon. J'aime aussi quand ma façon de jouer de la guitare devient plus abstraite, inspirée par mes influences noise et ambient comme sur Baby You're So Rock'n'Roll. Avant, pour mon jeu de guitare, j'étais vraiment très centré sur Richard Thompson, qui est l'un de mes guitaristes préférés. Mais j'ai aussi grandi en écoutant Sonic Youth !