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Lloyd Cole

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 3 décembre 2023

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Rencontrer Lloyd Cole est toujours un petit bonheur. Cet artiste qu'on aime et qu'on suit depuis les Commotions peut donner l'impression d'être peu commode, mais lorsqu'on discute avec lui, on réalise combien c'est une personne très agréable et passionnante. Si l'interview n'a pu se faire lors de son passage à Paris au Trabendo pour des raison d'agenda, l'Anglais exilé dans le Massachusetts nous a très gentiment accordé un entretien en visio depuis son studio. Retour sur cet échange fleuve où nous avons notamment discuté de la genèse de On Pain, de sommeil et de golf.

On Pain est le second album que tu as sorti avec cette tendance plus électronique. Pourquoi t'es-tu engagé sur cette voie ? Tu trouves les guitares ennuyeuses ?

(Rires) Oui, je pense que je m'ennuie un peu avec la musique rock. Il y a des guitares sur mes disques, mais je pense que je suis davantage excité à l'idée de travailler avec des synthétiseurs. Une grande partie de la musique que j'écoute est plus expérimentale, plus électronique, et j'ai l'impression que je voulais que les disques que je crée donnent l'impression d'être également des disques que j'aime écouter. En 1984, j'écoutais The Smiths, The Byrds, The Beatles, The Rolling Stones et Bob Dylan. Aujourd'hui, je n'écoute plus autant ces disques.

Qu'écoutes tu en ce moment ?

J'écoute Scott Walker, The Blue Niles. Beaucoup de musique électronique que j'ai d'ailleurs toujours écoutée, mais aussi Kali Malone. J'écoute ce que l'on pourrait appeler de la musique classique plus moderne, une musique qui se situe certainement à la frontière des genres. J'écoute beaucoup de choses que je trouve sur des forums où l'on discute de techniques électroniques. J'ai ainsi découvert Sylvan Esso, un groupe de pop vraiment fantastique, et je n'avais aucune idée qu'il était autant populaire jusqu'à ce que je m'y intéresse. L'une des raisons pour lesquelles je les mentionne c'est parce qu'ils réussissent à faire de la musique très minimaliste, avec très peu d'instruments, et je trouve cela très excitant. Je pense ensuite aller encore plus loin dans cette direction. L'idée pour On Pain était de devenir encore plus extrême dans les deux sens, du simpliste à encore plus simpliste, de complexe à encore plus complexe.

En fin de compte, vas-tu sortir une trilogie ?

Je ne sais pas. Je n'ai pas encore enregistré le prochain disque mais j'ai des esquisses, des idées qui n'ont pas trouvé leur place dans aucun des deux derniers albums et qui, selon moi, valent la peine d'être travaillées. J'aime travailler de cette manière. Donc, oui, je trouve intéressant cette idée d'une trilogie potentielle. J'aime aussi l'idée d'aller dans une direction complètement opposée et de faire un disque avec seulement des instruments acoustiques en studio. Mais si je devais faire ça, je perdrais beaucoup des choses que j'ai apprises en faisant ces derniers disques. Il y a eu un moment intéressant dans ma vie, à la fin des années 1990, lorsque j'ai commencé à travailler avec des loop stations et des synthétiseurs. C'est devenu un peu comme un passe-temps, et j'ai parlé à des réalisateurs de films de la possibilité de réaliser des bandes son. C'est ainsi qu'est né cet album, le premier disque électronique que j'ai sorti, Plastic Wood. Il a vu le jour parce que je travaillais avec beaucoup de producteurs de films et d'écrivains, et que j'avais des idées de musique de films. Et presque à chaque fois, lorsqu'il s'agissait de trouver un accord, une sorte de contrat, les gens du monde du cinéma semblaient penser que je serais vraiment heureux de ne pas être payé pour ce travail. J'imagine qu'il est assez courant que les gens soient prêts à ne pas accepter d'argent pour essayer d'avoir des chances de succès dans le futur. Mais je pensais qu'à ce moment-là mon nom était suffisamment connu et que c'était un peu une blague d'attendre de ma part que je n'accepte pas d'argent. J'avais donc toute cette musique et j'ai décidé d'envoyer ça à d'autres réalisateurs potentiels en leur disant : voici le genre de choses dont je suis capable faire. J'ai demandé leur avis à quelques-uns de mes amis, en particulier à Chris Hughes et à Matt Johnson, qui était mon voisin à l'époque, et tous deux sont revenus tout de suite en disant : "Tu devrais sortir ça sur un album ». Ce que je veux dire, c'est qu'à la même époque, quand je travaillais sur ces choses électroniques, je travaillais aussi sur de la musique purement acoustique, mais en utilisant le même type de techniques et je n'y suis jamais retourné. Quelques-uns de ces morceaux se sont retrouvés sur un album intitulé Etc., comme des petites vignettes entre les chansons. Mais ils utilisaient le même type de technique que celles que j'utilise aujourd'hui en faisant de la musique électronique alors que je travaille avec des instruments acoustiques. C'est quelque chose qui me passionne vraiment toujours car je n'ai pas l'impression d'en avoir fini avec.

La moitié des chansons de On Pain ont été écrites avec Blair Cowan et une par Neil Clark. En quoi votre travail est-il différent de celui de la période Lloyd Cole and The Commotions ?

Je ne pense pas que ce soit si différent. Je pense que nous sommes plus âgés et nous sommes forcément différents en termes de compétences ainsi que sur l'esthétique que nous apportons au processus. Mais sinon, c'est toujours la même chose. Blair et Neil me fournissent de la matière première, parfois des idées inachevées, parfois des idées très élaborées, et je les écoute. Celles qui m'enthousiasment, qui me donnent envie d'essayer de créer quelque chose avec elles, je vis parfois avec elles pendant des années, avant que quelque chose ne se produise. Blair a eu l'idée du morceau On Pain pour la première fois en 1983.

C'est incroyable !

Oui, c'est vrai. Il y est revenu il y a une dizaine d'années. Vers 2013 ou 2015, il a revisité l'idée originale. Et à ce moment-là, je me disais que même si j'adorais ça, je ne voyais pas comment je pourrais chanter sur ce morceau. Ce n'est qu'après avoir fait bon nombre de tentatives et être devenu plus confiant en travaillant avec les ordinateurs comme un instrument de musique que j'ai pensé que je pouvais enfin aller au bout de cette chanson. Mais je ne pourrai jamais monter sur scène et la chanter en live. Une grande partie de On Pain a été réalisée de cette manière. Très peu de choses ont été faites en s'asseyant devant un instrument et en jouant. J'ai beaucoup écouté les idées que les gens m'avaient livrée. J'ai également trouvé de la musique dans des choses qui, au départ, n'étaient que des sons ou des timbres de voix. C'est probablement ainsi qu'est née la chanson Wolves. J'avais cette boucle dans mon synthétiseur modulaire et celle-ci tournait sans arrêt. Je me suis dit que je pouvais en faire quelque chose mais pendant longtemps je ne savais pas quoi. Je l'ai donc importée dans l'ordinateur et j'ai commencé à essayer de chanter avec et à sentir ce qui pouvait fonctionner avec. Puis j'ai importé d'autres éléments du synthétiseur modulaire et j'ai commencé à les assembler pour finalement découvrir qu'elles pouvaient être dans la tonalité du fa. Ce qui finalement est une parfaite coïncidence. J'ai eu beaucoup de chance. Si cela s'était produit entre deux tonalités, j'aurais dû faire toutes sortes d'étirements sonores. Mais non, je pouvais jouer avec le fa et ça a fonctionné. De ce fait, lorsque je trouve des chansons dans les idées que Neil et Blair me donnent, il est très rare que la structure ressemble à ce qu'ils me procurent initialement. La seule exception est probablement You Are Here Now, que Neil m'a donnée et qui est presque exactement dans le format dans laquelle elle était, avec juste un peu de modifications parce qu'elle contenant une dynamique et un flux que j'aimais déjà. Je me suis dit, plutôt que d'écrire des couplets et des refrains et d'essayer de la découper, pourquoi ne pas accepter pour cette chanson qu'il n'y ait pas vraiment de couplets ou de refrains, qu'il y ait seulement des passages. Passage A, passage B, passage C, du début à la fin. Et ils semblent fonctionner assez bien tels quels. J'ai donc l'impression qu'à bien des égards, l'écriture de certaines chansons s'éloigne de la musique pop et de la musique folk et se rapproche peut-être de l'écriture de chansons de type Broadway.

Comment a été possible la contribution de Renée LoBou d'Elk City sur ton disque ?

Elle est également membre à temps partiel de Gramercy Arms, le groupe de mon ami Dave Derby. Dave était dans The Negatives avec moi. Je jouais du clavier dans son groupe, Brilliantine, lorsque je vivais à New York à la fin des années 1990. Nous sommes en quelque sorte les meilleurs amis du monde depuis longtemps. C'est l'une des rares personnes en qui j'ai suffisamment confiance pour lui demander des idées de textes. La plupart du temps, je n'ai personne à qui demander des idées lyriques, mais je fais vraiment confiance à Dave pour ça. Je lui ai demandé s'il pouvait me proposer des idées de chœurs et de voix pour quelques titres de l'album, ce qu'il avait déjà fait par le passé. Dans le passé. Il a travaillé avec Joan Wasser de Joan As Police Woman. Mais elle n'a été disponible que pendant une courte période pour cet album car elle est partie en tournée. Elle chante donc uniquement sur Wolves. Dave a donc fait venir Renée. C'était à l'époque du COVID-19 où ils étaient dans un studio à New York et où j'étais ici dans le Massachussetts. Ils m'avaient envoyé de nombreuses d'idées que je n'ai pas toutes utilisées.

Peux-tu nous en dire plus sur la chanson This Can't Be Happening ? Il y a cette boucle et les directions que prend ta voix avec ces paroles "You can't believe it, it can't be possible, but it's happening now". C'est vraiment inhabituel d'avoir une telle chanson de toi, comme celle-ci sans une histoire ou un long texte. Comment as-tu décidé d'écrire cette chanson et de l'inclure dans l'album ?

Dès que j'ai pensé à l'idée de ces paroles, j'ai été très enthousiaste. Il m'a semblé que c'était la bonne manière de procéder pour ce morceau de musique. Je n'avais pas besoin de plus. C'est la chanson pour laquelle nous avons probablement le plus adopté l'esthétique d'une musique concrète, parce que nous nous sommes dit qu'une voix allait devenir plusieurs voix avec des voix synthétiques. Les harmonies synthétiques sont quelque chose que j'ai toujours aimé entendre sur les disques des autres. Mais je ne l'avais jamais fait sur mes propres disques. J'ai donc passé beaucoup de temps, probablement plus d'un an, à faire des allers-retours sur cette chanson et, d'ailleurs, pas seulement sur cette chanson. Nous avons également mis un temps considérable avec Chris Hughes à essayer de trouver des moyens de concrétiser cette idée qui nous enthousiasmait tous les deux. A un moment je me suis dit que ça pourrait marcher. Mais on se demandait comment faire pour que ce soit parfait car nous n'avions pas de modèle et nous n'avions jamais rien fait de tel auparavant. Je n'avais pas l'impression de faire quelque chose de courageux ou de révolutionnaire mais lorsque je finis une chanson, lorsque je finis un texte, je sais généralement que c'est terminé. Et quand j'ai une idée de texte, je sais aussi quand c'est inachevé et qu'il faut continuer à travailler. Cependant lorsque j'ai écrit ces trois lignes dans mon carnet, je savais que c'était vraiment ça. L'une des choses qui m'ont attirées, c'est ce thème qui figure dans tout l'album. Ces impossibilités logiques qui se produisent réellement où des paroles parlent de quelque chose d'impossible, mais en parlent sérieusement. Je pense donc qu'à certains moments du disque, nous sommes à la limite de la science-fiction ou nous envisageons des choses qui pourraient s'avérer des idées futuristes. Sur I Can Hear Everything, le narrateur est fondamentalement torturé par le fait qu'il peut entendre toutes ces choses que la plupart des gens ne peuvent pas entendre. Mais est-ce parce que l'humanité n'en est pas encore là ou s'agit-il simplement d'un fantasme ? J'aime donc beaucoup l'idée de ne pas l'expliquer, de mettre les choses et de laisser l'auditeur trouver ce qu'il veut trouver, sans trop le guider. J'ai entendu beaucoup de gens dire qu'ils pensaient que ce n'était pas possible, que c'était vraiment horrible, que c'était dystopique, mais je ne sais pas s'il faut que ça le soit car ça pourrait être merveilleux. Vous n'arrivez pas à y croire, peut-être parce que vous venez de gagner à la loterie, peut-être parce que vous venez d'avoir un bébé et que c'est la chose la plus incroyable de votre vie. Alors oui, pourquoi ? C'est difficile à dire. Beaucoup des décisions qui sont prises quand il s'agit de mettre au point un album sont des sentiments instinctifs. Et donc il faut se faire confiance. C'est peut-être la chose la plus importante pour un artiste. Lorsque tu es particulièrement enthousiaste à propos de quelque chose, il y a de fortes chances que tu puisses faire quelque chose de très beau. Au départ, je ne voulais pas de section de cordes. Ce n'est qu'au moment de la production finale dans le studio de Chris que nous avons fini par les ajouter, ce qui a rendu la chanson un peu plus dynamique et nous a permis d'adhérer un peu plus à l'idée d'un mélange d'électronique et de gospel. C'est un peu plus flagrant dans le mixage final par rapport à la version originelle de la chanson.

Tu commences ton premier set avec Don't Look Back et à la fin tu répètes plusieurs fois "I used to wake up early, now it's hard, hard enough to sleep". Comment est ton sommeil en général ?

Ce n'est pas si mal. Je ne suis pas quelqu'un qui lutte contre l'insomnie. J'ai besoin de beaucoup de sommeil à mon âge, notamment lorsque je fais des tournées, en particulier en solo. Nous devons parfois nous coucher assez tard parce que les concerts ne se terminent pas tôt. Le temps de tout ranger et de rentrer à l'hôtel, il n'est pas facile de dormir tout de suite après parce qu'il y a trop d'adrénaline. Mais depuis que j'ai des enfants, je peux dormir à n'importe quel moment si je suis fatigué. Si je suis dans un avion, je ne dors pas forcément très bien, mais je peux dormir un peu. Si je fais un concert le soir, que je suis fatigué et que j'ai une heure de libre dans l'après-midi, j'irai me coucher pendant une heure, je dormirai, puis je me lèverai, je prendrai une douche et je donnerai le concert. Pour moi, dormir n'est donc pas une fatalité. Je ne suis pas encore devenu une de ces personnes âgées qui ne dort pas beaucoup. Je pense que je suis assez jaloux de ces personnes parce qu'elles ont beaucoup plus de temps à consacrer à leur travail. Mais moi, j'ai besoin de dormir (Rires).

Tu démarres ton premier concert avec Don't Look Back et le second avec No Blue Skies, ton premier single en solo, alors que Don't Look Back est le morceau d'ouverture de ton premier album solo. Est-ce que c'est quelque chose de prémédité ou est-ce venu naturellement ?

C'est venu naturellement. Je voulais que cette chanson soit jouée seul au début du concert, puis que le groupe intervienne à différents moments. À l'origine, j'avais l'idée d'ouvrir le spectacle avec une chanson intitulée If I Were A Song qui date de 2010 et que je trouve très forte, mais je ne pense pas que suffisamment de gens la connaissent pour ouvrir le spectacle, surtout au Royaume-Uni. C'était donc naturel pour le premier set, et j'aime l'idée que le second set commence avec ma guitare basse. C'est la seule chanson sur laquelle je débute à basse. Et c'est une chanson forte. L'une des préférées du public qui ne soit pas une chanson des Commotions. Je sais que beaucoup de gens veulent entendre davantage de chansons du back catalogue des Commotions, mais nous en jouons neuf ou dix et c'est déjà beaucoup quand on essaie de couvrir tout une carrière.

Était-il facile d'avoir Neil et Blair en tournée avec toi, et préfères-tu jouer en tant que groupe à quatre, ou préfères-tu jouer seul comme tu l'as souvent fait dans le passé, ou juste avec Neil ?

Je pense que j'aime jouer avec le groupe, mais c'est très épuisant parce que je suis le patron. Je ne m'occupe pas seulement de la musique, mais je dois aussi parfois veiller au bien-être émotionnel du groupe. Blair, Neil et moi avons tous la soixantaine et sommes tous assez grincheux et probablement pas les plus faciles à vivre. Heureusement, Singy, la batteuse, est une personne avec qui il est très facile de s'entendre. Mais Blair, Neil et moi, nous avons tous des façons très différentes de penser la musique. C'est la raison pour laquelle nous avons bien travaillé dans les commotions, parce que nous n'allions jamais être unidimensionnels. Blair écoutait Steely Dan, Neil écoutait du jazz et John Martyn, et moi j'écoutais les Buzcocks et The Byrds. Neil, quand il est de retour à Toronto, joue principalement de la musique jazz et apporte maintenant une esthétique d'improvisation basée sur le jazz, ce qui n'était pas quelque chose qu'il faisait beaucoup à l'époque de Commotions. Il ne joue donc pas de la même façon tous les soirs, alors que Blair travaille à l'opposé et veut savoir exactement ce qu'il va jouer tous les soirs. Je suis un peu entre les deux. J'aime un peu improviser et ne pas avoir l'impression de faire exactement la même performance tous les soirs, mais je n'ai pas la technique ou la façon de penser du jazz pour aller dans la même direction que Neil. Nous sommes donc tous les trois très différents et la plupart du temps, c'est merveilleux. De temps en temps, ce n'est pas facile c'est vrai et ça peut être assez fatigant. Au début de la tournée, après les quatre ou cinq premiers concerts, je me disais que c'était une terrible erreur, que je n'aurais jamais dû faire ça. C'était un spectacle trop difficile d'essayer de jouer tous ces types de chansons, tous ces types d'arrangements en un seul set avec un si petit budget parce que nous n'avons que deux techniciens, un ingénieur du son et une personne qui s'occupe des instruments sur scène. C'est tout. Nous ne sommes que sept en tournée, et même à sept, je ne savais pas si la tournée serait rentable ou pas, parce que j'ai tourné avec une, deux ou trois personnes au maximum pendant si longtemps. Pour cette tournée, cela signifie sept billets d'avion, sept chambres d'hôtel, deux véhicules, et non plus un seul. Ce n'était pas très amusant pendant un certain temps, mais heureusement, lorsque nous sommes arrivés à Paris, nous avions surmonté tous les problèmes et nous appréciions pratiquement tout, et nous avons prévu d'en faire d'autres. Je viens de recevoir les dernières factures de la tournée, ce qui me permet de faire les calculs et de savoir où on en est. Je sais que je n'ai pas perdu d'argent, ce qui est déjà une bonne chose. Mais lorsque nous répétions et que nous avons commencé la tournée, je ne savais vraiment pas comment cela allait se passer. C'était donc assez stressant parce que je ne peux pas me permettre de perdre de l'argent. Si j'en perds sur une tournée, ce qui représente en gros mon revenu principal au Royaume-Uni et en Europe, c'est tout mon mode de vie qui est foutu et tout devient très difficile. Je pars donc en solo, en Australie et en Nouvelle-Zélande en décembre. J'aime cette idée d'avoir tout ou rien et de passer de l'un à l'autre. Mais je ne suis pas très enthousiaste à l'idée de jouer de la guitare acoustique seul en ce moment, parce que j'aimais bien jouer avec un tel groupe. Mais je sais que lorsque je monte sur scène en tant que soliste, c'est un autre type de sentiment, c'est quelque chose d'inspirant et c'est peut-être un peu moins éprouvant pour moi musicalement. Cependant c'est plus difficile émotionnellement de maintenir le rythme d'un spectacle lorsque je suis le seul à recevoir toute l'attention de l'audience, car si je commence à perdre en intensité, à m'égarer ou à jouer des choses qui ne retiennent pas l'attention du public, cela pourrait être très gênant.

Ca te plait de jouer de la basse sur scène ?

Je me suis beaucoup entraîné. J'ai commencé en mars dernier, dès que nous avons décidé de faire ce projet de tournée. J'avais une basse que j'utilisais pour le travail en studio et j'ai commencé à m'entraîner ici, en jouant avec mes précédents albums, en essayant d'apprendre des parties et d'acquérir la technique. Il a fallu s'entraîner, s'entraîner et encore s'entraîner. C'est pareil pour tout. En ce moment je le fais avec la guitare acoustique mais j'ai plus de facilité à en jouer parce que je le fais depuis tant d'années. La basse, c'était un défi, mais c'était vraiment amusant. On a l'impression d'être au centre du son quand on joue de la basse. Dans un groupe idéal où nous serions six, je ne jouerais probablement d'aucun instrument. Pour des raisons économiques, j'ai décidé que nous ne serions que quatre et que nous avions besoin d'une vraie guitare basse pour le second set. Donc, dans le premier set, Blair joue des notes de la main gauche avec le clavier pour le son de la basse. Mais pour le deuxième set, je voulais qu'il sonne beaucoup plus fort que le premier Le premier est plus acoustique, doux, calme. Dans le deuxième set, j'espère qu'il y a eu parfois beaucoup de bruit.

Tu es très actif sur Patreon. Est-ce quelque chose que tu aimes ou est-ce que c'est un peu une corvée ? De devoir l'alimenter tous les deux jours, tous les cinq jours...

Ce n'est pas une corvée, mais c'est difficile. Cela représente beaucoup de travail. L'avantage c'est que je peux travailler très dur pendant deux semaines et publier plus tard. Pour tous les morceaux de Love Story et de On Pain qui sont sortis, j'ai fait tout ça avant de partir en tournée parce que je savais que je serais trop occupé ensuite. Alors oui, j'ai dû beaucoup travailler avant la tournée pour m'assurer qu'il y aurait des choses jusqu'à la fin de l'année. L'année prochaine, je vais aussi devoir y penser. Patreon a en quelque sorte sauvé ma maison lorsque nous étions bloqués avec le COVID-19. Sans Patreon, je ne suis pas sûr que je l'aurais encore. Pendant deux ans, nous n'avons tiré aucun revenu de quoi que ce soit d'autre. Quelques petits droits d'auteurs ont été perçus, mais très peu. Il n'y a eu aucun revenu direct car aucune tournée n'était possible. Patreon est quelque chose que j'ai découvert, alors que je devais trouver un moyen de gagner de l'argent au cours de cette période. Comme nous ne savions pas quand la fin arriverait, j'ai commencé à travailler dessus. J'ai toujours eu l'idée de créer une sorte d'histoire de l'écriture de mes chansons. À l'origine, je pensais que cela serait un livre. Mais je pense que la page Patreon, ou un site web, a beaucoup plus de sens de nos jours parce que j'aime l'idée de suivre l'histoire des chansons à partir de tous mes carnets, de toutes mes notes qui ont été prises pour créer les chansons, voire pour les écrire. Certaines d'entre elles ont été écrites très rapidement. Il a suffi de quelques notes. D'autres, comme Lost Weekend, représentent presque la moitié d'un carnet consacré à toutes ces idées nécessaires pour aboutir à cette chanson que tu connais. J'ai toujours pensé que ce serait une chose intéressante à partager avec les gens parce que je n'ai pas à faire de commentaires. Je dis simplement que c'est le document, que c'est comme ça que ça a été fait. La chose que j'ai été vraiment heureux de constater, en regardant la façon dont les chansons ont été développées au fil des ans, c'est que je n'ai presque jamais regretté de ne pas avoir gardé une idée. Je n'ai presque jamais rencontré ça. Tout ce que j'ai constaté, c'est plutôt, Dieu merci, je n'ai pas utilisé cette idée (Rires). Je pense donc que j'ai toujours été assez doué pour corriger mes propres idées. J'en ai beaucoup, mais elles ne sont pas toutes géniales. C'est à cela que servent les carnets, c'est à cela que sert l'écriture. Tu essaies, tu essaies et tu continues jusqu'à ce que ce soit assez bon. Ce projet est toujours en cours, je n'en suis qu'à la moitié. Parfois, je trouve une petite démo que j'avais faite avec une guitare et c'est de là que sont nés les violons de la chanson. Je pense donc que cela vaut la peine d'être diffusé. C'est un peu comme avoir des mémoires sans avoir à en écrire. Mais pour l'instant, la quantité de travail que j'y ai consacré l'année dernière, comparé à l'argent que j'en ai tiré, n'est pas suffisante. Il n'y avait plus d'argent qui rentrait pendant le COVID-19. Je pense que les gens ont su que j'avais vraiment besoin d'argent et ils se sont abonnés. Mais je pense que je vais devoir expliquer aux 600 personnes sur Patreon que je ne peux pas continuer à faire 300 posts par an. J'ai espéré à un moment donné que je pouvais atteindre 1 500 personnes, et qu'alors je n'aurais plus besoin de m'inquiéter pour gagner de l'argent avec les tournées et que je pourrai emmener un groupe de six musiciens. Mais les temps sont durs pour tout le monde en ce moment, donc je pense qu'il est difficile de demander aux gens de faire plus que ce qu'ils font déjà. J'essaierai de faire ce que je peux sur Patreon et si c'est suffisant, je continuerai à essayer de faire venir plus de gens, mais je ne sais pas comment cela va se passer et je ne sais pas si travailler avec des maisons de disques sera encore viable d'ici cinq ans.

Il devait y avoir une réédition de Music In A Foreign language. Finalement, elle sortira ou pas ?

Oui, le mastering est terminé. Nous n'avons pas encore eu le temps d'assembler les images et photos de la pochette, alors ce sera pour l'année prochaine.

Contiendra-t-elle des bonus ?

Il y aura neuf titres bonus que j'ai en quelque sorte mixés à ma façon. Avant, j'avais travaillé avec Mick Glossop, et le son est très différent. Mon idée originale pour l'album est qu'il y figure plus de basse, un son plus Massive Attack. Au départ, lorsque Mick a mixé l'album, il a tout rendu beaucoup plus propre que ce que je voulais, et je n'étais pas certain d'aimer l'idée. Il y a eu beaucoup d'aller-retours pour savoir quelle était la meilleure idée, de voir si ça prenait une bonne direction. En fin de compte, je suis très content de ce que Mick a fait, mais les mixages que j'ai faits moi-même constitueront un deuxième album à part entière. Ce sera comme si nous rééditions l'album tel qu'il était avec, je pense, onze chansons et un autre disque avec les neuf pistes que j'ai faites avant que Mick ne soit impliqué et avant que Dave Derby ne commence à faire des overdubs. Je ne pense pas qu'il y aura de guitare pedal steel sur cet album. C'est donc très différent et je pense que cela vaut la peine d'être écouté.

Pour finir, joues-tu toujours au golf ?

(Rires) Oui, je joue ici, dans mon studio. Lorsque je l'ai aménagé, j'ai fait faire un tapis vert pour que je puisse m'entraîner lorsqu'il fait froid, comme c'est le cas en hiver dans le Massachusetts. Mais je vais bientôt partir en Australie et je pourrai jouer au golf. Le golf a été assez cruel avec moi ces dernières années. Je n'ai jamais été un très grand golfeur, mais j'étais assez bon. Et puis, il y a quelques années, j'ai complètement perdu mon swing et ma confiance en moi. Je me bats toujours pour essayer de redevenir un meilleur joueur. Ces dernières années, j'ai fait plutôt du vélo que du golf. Comme je m'améliore au vélo, je me dégrade au golf.