logo SOV

Gruff Rhys

Interview publiée par Laetitia Mavrel le 22 janvier 2024

Bookmark and Share
Une matinée plutôt glaciale à Paris, nous apprécions alors de partager un bon thé avec Gruff Rhys, de retour avec sont huitième album solo Sadness Sets Me Free à paraître le 26 janvier. Un disque plus classique et personnel, qui le révèle un peu plus comme un musicien surdoué, tout en timidité et très attachant. Alors qu'une première date parisienne nous est annoncée cette même matinée (ndlr : le 5 mars 2024 au Solaris), nous évoquons avec lui l'atmosphère plus dépouillée de cet album et lui faisons part à sa plus grande joie de l'affection que lui portent ses fans parisiens.

Je me souviens avoir demandé au tour manager Dr Kiko, à la toute fin du concert au Hasard Ludique en mars 2022, si une interview était possible dans les jours qui suivaient, mais à ce moment là tu n'étais pas disponible car tu enregistrais Sadness Sets Me Free aux studios La Frette, à Paris. Quelle est la chronologie de la création de ce nouveau disque ?

Du plus loin que je me rappelle, j'ai commencé à amorcer les tous premiers morceaux il y a bien deux ans. Puis lorsque nous tournions pour Seeking New Gods nous avions en tout douze titres dont l'écriture était finalisée. A Paris nous avons joué en exclusivité Sadness Sets Me Free, ainsi qu'à Dunkerque le lendemain. Après ce dernier concert nous avons tout de suite pris la route pour revenir à Paris et nous nous sommes alors retrouvés à 3h du matin aux studios La Frette, avec les ingénieurs prêts à travailler malgré l'heure très matinale (rires). Il y avait encore avec nous Dr Kiko (ndlr : décédé précocement l'an passé), qui nous servait de porte-parole, il mettait l'ambiance dans la voiture...

Il est amusant de constater que tu as suivi la même méthode pour l'écriture de Seeking New Gods, alors composé en pleine tournée de Balbelsberg en 2019. C'est ta façon de créer, sans pause ?

C'est surtout très intéressant de pouvoir tester les chansons non abouties en live, tu peux les modeler grâce à des sensations que tu ne percevrais pas forcément dans un studio. C'est une vision toute nouvelle que tu as d'elles à ce moment-là. J'essaye aussi de garder de la spontanéité quand nous enregistrons en studio mais cette façon de faire enrichit le travail.

Les jouer en live doit t'apporter de l'inspiration, c'est bien plus dynamique ainsi...

Oui, nous avons commencé à les jouer dès la première date et comme ça elles ont évolué petit à petit. Aussi parce que nous écoutions beaucoup de musique durant les trajets entre les villes. Ça nous a inspiré, nous discutions énormément entre nous. Klipch Scurlock (ndlr : batteur américain accompagnant Gruff Rhys) adore la country et il en a apporté beaucoup dans le son de l'album. C'est la meilleure façon de progresser !

Sadness Sets Me Free est un album que je trouve réconfortant, presque serein musicalement parlant car nous y trouvons comme à l'accoutumé avec tes disques des paroles un peu douces-amères. Il sonne bien différemment de Pang! et Seeking New Gods, plus « exotiques ». Quel est le message que tu as voulu délivrer avec ce disque ?

Musicalement parlant c'est un album quasi acoustique, j'ai voulu découvrir ce que je pouvais faire avec ce type d'instruments, comme par exemple la double basse. S'agissant des paroles, le titre Sadness Sets Me Free me donne comme l'autorisation d'écrire à propos de la tristesse, sous forme de petites complaintes. Tu sais, c'est toujours plus facile d'écrire sur la gaité ou la joie ! Mais oui, je trouve aussi que c'est un album réconfortant, plutôt apaisant.

Tu es accompagné sur cet album par Osian Gwynedd au piano, Huw V. Williams à la double basse et toujours par Klipch à la batterie. Ils seront tous présents pour la tournée ?

Oui, tout à fait, mais il y aura aussi d'autres musiciens qui joueront du violon et du Melotron.

Les instruments sur ce disque sont plus classiques...

Oui, c'est vrai, nous avons enregistré les violons avec des musiciens à Cardiff, juste après les studios La Frette. C'était un quartet symphonique, ça a apporté une belle touche classique au tout, de vrais pros qui ont travaillé très vite en fait ! C'était une véritable exploration de chaque son, très acoustique donc.

Et la musique acoustique sonne toujours plus personnelle d'une certaine façon...

Oui, tout à fait. On a utilisé une pedal steel pour accentuer chaque son, ça donne de la profondeur je trouve.

Je me suis amusée lors du dernier concert à demander à quelques spectateurs ce qu'ils pensaient de toi et surtout comment ils étaient venus à suivre ta carrière solo. Il y avait beaucoup de fans de Super Furry Animals et d'autres qui t'ont découvert après. J'ai donc noté que certains aimaient le fait que tu sois imprévisible dans ta musique, ton sens de la poésie et surtout ton inventivité et ton originalité. Que penses-tu de ces commentaires ?

Je suis ravi d'entendre ça, c'est très sympa d'avoir demandé ! C'est en fait toujours ce que je me demande quand je rentre sur scène : pourquoi les gens sont là, d'où viennent-ils, comment ont-ils entendu parler de moi ? (rires) Ça serait génial de le savoir et ça doit être diffèrent selon les pays. En fait c'est secrètement ce que je me demande tous les soirs, je devrais poser la question à chaque concert !

Il y avait des parents et leurs enfants avec eux, comme s'ils leur transmettaient ta musique. C'était aussi un moment fort car nous retrouvions à peine les conditions normales pour assister à des concerts, début 2022...

Oui, c'est exact ! Je me souviens que nous avons annulé les dates en Allemagne, à cause de restrictions qui perduraient mais heureusement c'était plus facile en France et en Espagne. Ça nous a alors permis de continuer à tester les nouveaux morceaux, je me souviens qu'à Paris le public à particulièrement aimé Sadness Sets Me Free...

Pour revenir à l'album, mon impression est qu'il sonne très « Gruff Rhys ». Je m'explique : bien qu'il soit différent des deux derniers, on y retrouve une tonalité, un son qui t'identifie immédiatement. Comme une accroche liée à ta musique. Tu as expérimenté pas mal de styles depuis le début de ta carrière, en groupe et en solo. Quelle musique représenterait aujourd'hui un challenge à aborder ?

Je pense que ce qui représente un défi est de faire ressortir au mieux chaque instrument. Sur cet album, nous avons beaucoup demandé à Maxime, notre ingénieur, en fait il s'agissait de réussir à sonner simple malgré la difficulté de réunir tous les instruments acoustiques, en tirer le plus possible, en capturer toute la beauté mais toujours simplement, modestement. Tu sais j'ai grandi en écoutant les Beach Boys, entouré de toutes ces harmonies, toutes ces voix...

Alors le challenge c'est de faire une musique humble, simple ?

Oui, et ça sera un autre défi de sonner encore plus simple sur le prochain album ! (rires )

Et pourquoi ne pas sonner au contraire plus rock ?

Ah, je ne sais pas encore. J'ai déjà écrit quelques chansons, j'ai quand même une petite idée du son...

Nous sommes en décembre, c'est l'heure des classements dans tous les médias musicaux. Tu peux nous donner ton album préféré sorti en 2023 ?

J'aime beaucoup Pys Melyn, un groupe gallois qui a sorti l'album Bomynydd, ça sonne très 70s, pas mal funky et ils chantent en gallois.

Dans le même genre mais chantant en anglais, il y a CVC, tu les connais ?

Oui mais je ne les ai pas encore vus sur scène ! Ils sont comment ?

Fantastiques ! Et ton avis sur l'album de Das Koolies ? (ndlr : side-project des quatre autre membres de Super Furry Animals)

Évidemment, il est génial, j'aurais dû le citer en premier ! (rires)