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The Struts

Interview publiée par Maxime Canneva le 13 décembre 2013

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Mais qui sont donc les Struts ? Encore peu connu du grand public, ce quatuor originaire de Derby n'a à son actif que deux singles, mais est quand même parvenu à faire beaucoup parler de lui chez ceux qui ont eu la possibilité de les voir en live. Leur musique en elle-même est efficace, tantôt rock, tantôt pop, aux influences variées et assumées, portées par la voix à toute épreuve de leur leader excentrique, Luke Spiller.
Car c’est bien cette excentricité qui en avait fait tiqué quelques-uns lors de leur apparition aux Trans Musicales de Rennes en 2012 ou encore au festival Art Rock cette année. En effet, le look (assumé) de Mr. Spiller, make-up et paillettes à l’appui, associé à un engouement très appuyé pour son propre groupe avait à l'époque fait grincer quelques dents.
Néanmoins nous étions curieux d'en savoir un peu plus sur ce groupe et de passer outre les préjugés pour nous faire notre propre avis sur la question. Et nous avons bien fait ! Car c’est un groupe chaleureux, avenant et non avare sur son temps de parole que nous avons rencontré dans la salle de l'Ubu de Rennes, quelques heures avant sa montée sur scène.

On ne peut trouver que deux morceaux écrits par vous-mêmes sur Internet : I Just Know et Could Have Been Me. Les autres titres mis en lignes sont des reprises : comment expliquez-vous ce choix ?

Luke Spiller : Nous avons décidé de jouer des reprises car nous étions en train de décider quand nous allions publier nos propres compositions. Et pour passer le temps, d'une certaine manière, nous avons pensé que nous pourrions enregistrer des reprises et les interpréter à notre manière. Et comme les réactions ont été positives, nous nous sommes dit que nous pouvions continuer ainsi en attendant la suite.
Jed Elliott : C'était aussi une manière de familiariser le public à notre musique, avant que notre label nous autorise à publier nos propres titres. Nous savions que nous avions déjà nos compositions en stock, donc en attendant c'était l'occasion de publier d'autres choses.

Ces deux titres sont d'ailleurs assez différents : alors que I Just Know se révèle plutôt énervé, Could Have Been Me au contraire est beaucoup plus pop. Essayez-vous également d'expérimenter différents styles ?

Luke Spiller : Notre album est très varié en lui-même, et I Just Know est le titre le plus pêchu que nous ayons. Could Have Been Me est en quelque sorte une avancée. Le prochain single que tu pourras entendre, qui s'appelle Kiss This et qui sortira aux alentours de janvier, sera lui aussi une nouvelle avancée. En tout cas nous avons touché à pas mal de choses pour l'album, et à l'écoute il apparaît très dynamique, coloré, ce genre de choses... Très éclectique en tout cas, et avec beaucoup d'influences.
Jed Elliott : Tu entendras en effet beaucoup d'influences très variées sur l'album entier, donc c'est plutôt bien d'avoir découvert ces deux titres en premier. Le reste sera à mi-chemin entre ceux-ci, donc cela permet d'avoir une bonne vue d'ensemble.

En parlant de votre album justement, puisqu'il est prêt, quand sera-t-il disponible ?

Luke Spiller : Aux alentours du printemps prochain : entre mars et mai vraisemblablement, le temps de tout mettre en place. On espère qu'il sortira à ce moment-là, en tout cas c'est ce qui nous a été dit !

Et le fait de ne publier que deux titres en un an était donc un choix ?

Luke Spiller : Oui en fait nous avons réellement mis en route le processus de sortie de l'album il y a seulement trois mois. Lorsque I Just Know est sorti, il s'est passé deux ou trois trucs au sein du label qui ont ralenti et reporté les choses, mais maintenant, depuis trois ou quatre mois, nous avons poursuivi là où nous avions laissé les choses avec I Just Know. Comme je le disais, le prochain single sortira en janvier et ensuite nous devrions publier une sélection de quatre ou cinq titres sur notre Soundcloud, afin que les gens puissent se faire une idée un peu plus précise de ce qu'on fait. Mais donc, oui, plusieurs morceaux devraient être publiés bientôt.

Vous êtes par ailleurs signés chez Mercury Records...

Ensemble : Virgin EMI !
Luke Spiller : C'est une erreur récurrente, car ils se sont regroupés il n'y a pas très longtemps...
Jed Elliott : La division française aussi ? En France ça doit encore sûrement être Mercury !

Et comment s'est opérée la rencontre avec eux ?

Jed Elliott : Nous étions auparavant signés sur un label indépendant, et nous avons joué un concert au Barfly dans le quartier de Camden à Londres, où se trouvaient quelques personnes du label et qui se sont montrées intéressées. On a signé rapidement après cela, eu également quelques discussions avec des représentants du label en France qui ont apprécié ce qu'on faisait et c'est la raison pour laquelle nous sommes là maintenant !
Adam Slack : Nous avons également eu la possibilité de jouer aux Transmusicales l'an dernier, ainsi que dans deux autres festivals français cette année... Comment s'appelaient-ils déjà ? Ah oui, Au Pont Du Rock et Art Rock ! C'était vraiment super, nous aimons beaucoup la France !
Luke Spiller : Et la France nous le rend bien !

Reparlons un peu de vos reprises : elles montrent vraiment à quel point vos influences sont diversifiées. Pourriez-vous expliquez où celles-ci prennent plus précisément leur source ?

Luke Spiller : La plupart de nos influences proviennent des années soixante et soixante-dix. Nous nous inspirons également de choses plus récentes, qu'elles soient très grand public ou encore assez confidentielles. Notre style varie entre Queen, les Kinks et plus récemment s'inspire des Libertines, Vaccines, Arctic Monkeys, Rolling Stones... De manière plus générale, tout ce qui se fait de bien sur la scène britannique depuis quarante-cinq, cinquante ans !
Après, comme tu l'as dit, c'est vrai que nos influences sont très variées.

Nous avons décidé de prendre les choses en main, et de ne rien laisser nous atteindre où gâcher quoi que ce soit.

A propos du titre Could Have Been Me, j'ai l'impression que c'est un petit peu votre histoire, dans laquelle vous ne souhaitez avoir aucun regret par rapport à ce que vous faites. Est-ce le cas ?

Luke Spiller : Effectivement, quand nous l'avons écrit il y a environ deux ans, c'était une période assez difficile pour nous : les choses ne se passaient pas exactement comme nous l'avions souhaité et il y avait certaines personnes qui racontaient des choses pas très sympas à notre encontre. Les choses semblaient alors ralentir un peu, et quand on est dans un groupe il est important de sentir qu'à un certain moment la roue tourne.
Le titre en lui-même est vraiment l'expression d'une frustration, et à ce moment-là nous avons décidé de prendre les choses en main, et de ne rien laisser nous atteindre où gâcher quoi que ce soit. Et dans le même ordre idée de ce que tu disais, ne pas avoir de regret. Tu as bien saisi le message !
Jed Elliott : Ce titre est assez positif et beaucoup de fans l'apprécient car ils peuvent l'interpréter à leur manière, l'appliquer à leur propre vie, ce qui est intéressant.

En tant que groupe il faut apparaitre comme un marque, et non pas seulement comme une collection de titres.

Votre style sur scène est également assez excentrique. Considérez-vous que cela est nécessaire de faire la différence avec d'autres groupes comme vous le faites ?

Luke Spiller : Nous pensons que c'est vraiment important d'être nous-même sur scène, et même totalement nécessaire. En tant que groupe il faut apparaitre comme un marque, et non pas seulement comme une collection de titres. Donc oui, pour nous la performance, le style et tout ce qu'on peut faire sur scène sont des éléments vraiment importants. Et nous en sommes très fiers.

Plus spécifiquement, en ce qui te concerne Luke, tu as l'air d'avoir été spécialement influencé autant pour le look que pour l'attitude, par de nombreuses stars telles que Mick Jagger, David Bowie, Freddie Mercury... S'agit-il vraiment d'influences ou est-ce quelque chose de naturel chez toi ?

Luke Spiller : Effectivement, je respecte toutes ces personnes que tu as mentionnées, cependant il ne s'agit pas juste de voir ce qui se fait et de copier bêtement. Il se trouve que je partage, un peu par hasard, la même esthétique que ces personnes. Si tu regardes leur histoire, tu réalises qu'on est dans une approche très similaire, à vouloir provoquer des réactions identiques. Donc parfois il y aura des similarités entre eux et nous, alors qu'on ne cherchait pas particulièrement à les imiter.
Mais de toute façon, tout a déjà été fait. Et si une idée me vient à l'esprit et me paraît plutôt ingénieuse et originale, elle aura probablement déjà été réalisée auparavant par quelqu'un d'autre, principalement car on cherche à provoquer le même type de réaction.
Quoi qu'il en soit, j'observe beaucoup ces gens, et j'apprécie énormément ce qu'ils font, et si je pouvais avoir le même impact que le leur dans la sphère musicale, ce serait extraordinaire.

On vit dans une époque empreinte par les réseaux sociaux, et il est vraiment important pour les groupes d'aujourd'hui de montrer à leur public qu'ils sont accessibles.

Vous êtes également très actifs sur les réseaux sociaux. Considérez-vous que cela est aujourd'hui nécessaire pour les jeunes groupes ?

Luke Spiller : On vit dans une époque empreinte par les réseaux sociaux, et il est vraiment important pour les groupes d'aujourd'hui de montrer à leur public qu'ils sont accessibles. Les fans n'écrivent plus de mails, Twitter prend le dessus, ce qui est génial, car on peut interagir avec eux en un claquement de doigts ! C'est un outil génial si on s'en sert correctement.

Vous poussez la chose assez loin car vous allez même jusqu'à demander sur scène au public de liker votre page Facebook...

Luke Spiller : C'est vrai, ça m'est arrivé de le faire, mais j'ai arrêté désormais, car c'est un peu excessif. Mais effectivement on encourage les gens à aimer notre page, j'en profite d'ailleurs pour le dire ici : « Allez aimer notre page facebook, www.facebook.com/thestruts ! », mais je ne le dirai pas sur scène ce soir !

Effectivement j'avais vu que quelques personnes trouvaient que c'était un peu trop...

Luke Spiller : En effet, je trouve aussi que c'est clairement too much. Je le faisais avant mais maintenant nous commençons à être connus, nous n'en avons plus besoin (rires).

On en parlait un peu plus tôt, vous avez déjà tourné en France l'an dernier pour les Transmusicales et Art Rock entre autres. Était-ce une bonne expérience ?

Luke Spiller : Surement la meilleure expérience qu'on ait eue ! Notre concert aux Transmusicales est sûrement l'un des meilleurs concerts qu'on n'ait jamais donné. On a rarement été aussi enthousiasmés, c'était tout un ensemble : entre la taille de l'évènement et le fait qu'on ait fini ivre mort la veille du concert, mais qu'on ait quand même réussi à faire bonne figure sur scène le lendemain.
Au Pont Du Rock était également un excellent moment. A chaque fois qu'on vient en France on se dit : « Ça va être bien, on va vraiment passer un bon moment. ». Notre premier concert en France a eu lieu aux Transmusicales et après le show on s'est dit : « Ce ne sera jamais possible de faire à nouveau un concert aussi mémorable que celui-ci » ! Mais à chaque fois que nous sommes revenus, tout s'est super bien passé, et nous espérons que ce soir ne dérogera pas à la règle !

Concernant le concert de ce soir, le programmateur de la salle de l'Ubu est également celui des Transmusicales, à savoir Jean-Louis Brossard. Est-ce un hasard si vous revenez ici ce soir, ou avez-vous eu un contact privilégié avec lui ?

Luke Spiller : Effectivement c'est un bon ami ! La première fois où on l'a rencontré, on donnait un concert à Brighton, au sud de Londres, et il est venu nous voir, une énorme bouteille de champagne à la main, et on s'est dit : « Where the fuck did you come from ?! ». En fait il aime beaucoup ce qu'on fait, il est ce qu'on aime appeler un Struter, c'est-à-dire quelqu'un qui aime vraiment les Struts.

On sent que les gens ne sont pas méprisants ici [en France], à dire « ils sont trop comme-ci ou trop comme-ça », ils apprécient les choses que l'on fait pour ce qu'elles sont et c'est vraiment génial.

Et cette fois-ci encore vous donnez plusieurs concerts à travers la France : est-ce le pays qui vous attire particulièrement ou est-ce le public d'ici qui est particulièrement réactif ?

Luke Spiller : On aime beaucoup les françaises, elles nous donnent envie de revenir ! Dans l'absolu on aime beaucoup les français, leur vision de la musique. A l'inverse des anglais qui sortent de chez eux vers huit ou neuf heure du soir et qui rentrent chez eux vers minuit, en France les gens disent « Fuck That ! », et sortent à une heure du matin. On aime vraiment cet esprit.
De plus on sent que les gens ne sont pas méprisants ici, à dire « ils sont trop comme-ci ou trop comme-ça », ils apprécient les choses que l'on fait pour ce qu'elles sont et c'est vraiment génial.

Et avez-vous prévu des tournées dans d'autres pays ?

Luke Spiller : Non, pas dans l'immédiat ! La France a toujours représenté notre point d'attrait principal.
Jed Elliott : C'est en quelque sorte notre bébé !
Luke Spiller : Oui, la France, c'est l'équivalent de notre première fois (rires), et nous ne l'oublierons jamais. Tous les autres pays en Europe auront beaucoup à faire pour arriver au niveau de celui de la France.

Revenons-en un peu à vos influences : quel disques écoutez-vous en ce moment ?

Jed Elliott : The Vaccines.
Luke Spiller : Oui leur deuxième album, Come Of Age est très bon, on aime beaucoup ce qu'ils font.
Adam Slack : Le nouveau Arctic Monkeys, AM.
Luke Spiller : Tout ce qu'on peut écouter habituellement également, ou même des choses plus variées comme du reggae ou du Duke Ellington. Vraiment tout ce qui nous plait et qu'on trouve original.

Que pensez-vous par ailleurs du téléchargement illégal ?

Luke Spiller : Je pense que c'est compréhensible. Tout le monde coopère, moi-même j'ai téléchargé illégalement et je ne peux pas dire que ma bibliothèque de mp3 a été intégralement achetée sur iTunes... Par contre s'il y a un groupe que j'aime vraiment, j'irai acheter son album car j'aurai envie de le soutenir.
Après, c'est sûr que l'on vit dans une drôle d'époque et il faut envisager toutes les situations. Par exemple pour Spotify je trouve que ça a été génial de leur sortir les doigts du cul afin qu'ils crachent enfin quelques sous (ndlr : référence à l'affaire de cet été lors de laquelle Thom Yorke a dénoncé les rémunérations hasardeuses des artistes sur Spotify, et à la suite de quoi le site a promis de débloquer un milliard de dollars en faveur du développement artistique).
Concernant les artistes, peut-être faudrait-il créer un syndicat et se réunir avec les labels partout dans le monde pour expliquer qu'on ne produira plus rien tant que telle ou telle chose n'aura pas été faite. Ça pourrait être un bon moyen de faire avancer les choses. C'est ici que tu en auras entendu parler pour la première fois en tout cas ! Ce serait assez révolutionnaire...

Dernière question pour toi Luke : j'ai vu que tu allais participer à l'enregistrement du nouvel album de Mike Oldfield, pour la voix plus spécifiquement, peux-tu nous en dire plus ?

Luke Spiller : Lorsque nous avons signé chez Virgin EMI, j'ai reçu un appel des dirigeants du label me demandant si je voulais m'essayer à une démo. Stephen Lipson était à la production, il avait déjà travaillé avec Paul McCartney et les Rolling Stones. On a donc enregistré un titre et Mike a dit qu'il aimait beaucoup et était d'accord pour que j'enregistre l'ensemble des voix sur cet album.
Ça a été une expérience vraiment enrichissante d'interpréter les titres de quelqu'un d'autre, et Stephen a réussi à me faire utiliser toutes les ressources vocales dont je dispose. Sur certains titres je fais des variations de deux octaves alors que sur d'autres c'est beaucoup plus calme, et cela m'a permis d'apprendre beaucoup.
Pouvoir travailler avec quelqu'un comme Mike Oldfield était bien entendu un immense privilège et un véritable honneur. Et j'ai extrêmement hâte de pouvoir écouter l'album et que tout le monde puisse également l'écouter !

Si vous avez une dernière chose à dire, allez-y !

Gethin Davies : Un grand merci à tous ceux qui nous ont soutenus en France jusqu'à maintenant, on adore venir ici et on espère y revenir souvent !