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Jack Peñate

Interview publiée par Valy le 11 octobre 2007

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L'enhtousiasme communicatif du jeune lion ébouriffé qu'est Jack Peñate vient rafraîchir nos ondes avec ses mélodies dansantes comme "Torn on the Platform", "Second, Minute or Hour" et "Spit at stars", issues de l'album "Matinée". Rencontre détendue et passionnée avec l'homme qui ne se déplace pas sans son gros oreiller à rayures colorées, sa bonne humeur et son regard contemplatif sur le monde qui l'entoure.

J’ai lu que tu a été découvert en concert par XL, dans un club ?

Oui, j’ai joué tout seul, juste avec ma guitare, autour de Londres, pendant environ un an et demi. Les labels ont commencé à entendre parler de moi comme ça. Je jouais au-dessus d’un pub. J’ai été repéré par XL, le label de MIA, Dizzie Rascal, les White Stripes, etc, ils sont venus me voir à la fin d’un concert et m’ont proposé de les rencontrer, et peu de temps après j’étais signé. J’ai beaucoup de chance d’être signé par un label aussi excitant, qui a tant de musiciens géniaux de genres différents.

Faire de la musique professionnellement, avec un label, est-ce quelque chose que tu espérais, ou tu es heureux que ça te soit « tombé » dessus, pour ainsi dire par hasard ?

Je voulais être signé, je le cherchais. J’ai juste fait ce que je pouvais pour être entendu, reconnu, que les gens parlent de moi et que ça arrive aux oreilles de quelqu’un, en jouant beaucoup tout simplement, mais ça a quand même été une surprise, une chance. Mon nom a fini par se faire connaître dans Londres tellement je jouais, ça a fini par marcher, aussi simplement que ça. On pense que c’est difficile, mais dans le fond c’est plutôt facile de cette manière, à partir du moment où des gens commencent à écouter ce que tu fais.

Tu continuais tes études à côté, tu avais quand même envisagé que tu aurais pu faire autre chose de ta vie ?

Pas vraiment. Ce qui s’est passé, c’est qu’à un moment j’ai pris une année sabbatique et je suis parti aux Etats-Unis, j’ai voyagé, travaillé. J’ai passé une année à l’université, à essayer de faire semblant, pour les autres un peu, qu’on ne puisse pas dire que je n’ai pas essayé, au cas où…J’ai fait un an et fini. J’ai décidé que je me mettrai à fond à la musique, avec l’université c’était trop de pression, trop de travail. Et puis je ne voulais pas de quelque chose pour « retomber sur mes pattes ». En fait, je crois que quand on a quelque chose « pour retomber sur ses pattes, au cas où… », on finit forcément par tomber, tout simplement, parce qu’on n'aura pas vraiment essayé à fond. Si je n’ai rien d’autre que la musique, je n’ai pas le choix, je dois y aller.

Quand tu jouais dans les clubs, avant de signer chez XL, tu avais déjà enregistré des morceaux ?

Oui, j’ai commencé à enregistrer des morceaux dès l’âge de 16 ans, avec un enregistreur cassette, partout où je pouvais, dans des maisons chez d’autres gens. J’ai fait beaucoup de démos en fait. A l’université, on m’a offert un ordinateur parce que je suis dyslexique, et à ce moment là j’ai vraiment commencé à pouvoir m’enregistrer dessus et travailler sérieusement des chansons, bosser sur des mélodies, développer ma voix, apprendre à m’amuser avec, et apprendre davantage sur l’enregistrement . C’est vers l’âge de 20 ans que j’ai vraiment pu commencer à faire des chansons en obtenant le son que je voulais.

Le premier single sorti « Torn on the Platform » a été enregistré avant l’album en entier, ou une fois terminé ?

Oui je n’ai pas eu cette pression du single qui cartonne et de l’album qui doit suivre et ne pas décevoir. Je ne veux surtout pas faire comme ça, donc l’album était fait.

Tu as déjà une solide réputation sur scène, je crois que tu as joué à Glastonbury cet été, tu peux nous parler de cette expérience en tant que jeune musicien qui va sortir son premier album ?

Ouaaais ! C’était un de meilleurs week-ends de toute ma vie. On jouait le vendredi, le matin, et il y avait de la boue…tu ne le croirais pas…tu ne pouvais pas marcher sans faire de gros « splotch splotch » par terre. On a ouvert la scène, à 7 heures, c’était parfait, le bon plan, et je n’en savais rien mais c’était filmé, et diffusé en direct sur la BBC. Quand je suis arrivé, c’était le plus énorme public devant lequel j’ai jamais joué, un truc de dingue. Et quand j’ai terminé j’avais tous ces messages de mes potes sur mon répondeur genre : « on t’a regardé à la télé ! ». Comme je jouais le vendredi, j’avais le reste du week-end libre, et j’ai passé là-bas des moments incroyables avec tous mes amis, on devait être comme 50 en tout, et c’était énorme. On a vu Iggy Pop, Beirut, Arcade Fire, Artic Monkeys, Björk…mon Dieu, tellement de monde! Si tu peux, il faut absolument y aller, c’est le truc le plus dingue que j’ai vu. C’était la première fois que j’y allais, alors que j’essayais de choper des billets de puis l’âge de 15 ans, ma première fois, et en plus c’est pour être sur scène !Franchement, je peux mourir maintenant.

Tu as un modèle sur scène, quelqu’un qui représente le top pour toi en terme de spectacle ?

J’ai toujours eu envie d’être un performer excitant, et je n’ai pas de modèle, mais j’admire par exemple quelqu’un comme Prince. Les groupes punks également. J’aimerais pouvoir créer une combinaison entre Prince et les Clash. Vraiment agressif et excitant. Et j’adore danser, c’est un moment où je me laisse aller, où je ne laisse pas la pression du public m’arrêter. Avoir un sentiment de liberté totale, je veux être comme fou, je veux laisser sortir toutes mes émotions. Donc, quand je dis « agressif », je veux dire d’une façon positive, une agression joyeuse ! Je veux donner un vrai spectacle, je ne veux pas que qui que ce soit puisse s’y ennuyer. Il faut qu’il y ait quelque chose à regarder. Je ne vais pas regarder mes pieds et jouer de la guitare sans bouger. Je veux être différent à ma façon

Tu joues avec un groupe sur scène j’imagine…

Oui je suis avec un groupe depuis environ un an et demi. On est trois. Le batteur, le bassiste et moi. Le bassiste est mon meilleur ami, je le connais depuis que j’ai 11 ans. Et le batteur est l’ami d’un ami. Donc on est très proches.

Tu as déjà tourné pas mal de clips, quatre je crois. J’ai particulièrement adoré celui de « Second, Minute or Hour », un plan séquence tout du long pendant lequel tu cours à toute vitesse. Tu as eu un entrainement particulier pour faire un truc pareil ?!

Si seulement ! C’était horrible. Quel idiot, c’était mon idée en plus. Je me suis dit que ça pourrait être bien, une vidéo en un seul plan. Tous les clips qui passent sur MTV partent dans tous les sens pour garder l’attention du public, et j’aimais l’idée qu’on me voit souffrir dans la vraie vie, pendant quelques minutes. Et du début à la fin, c’est bien moi qui peine ! Je ne peux même pas le regarder ! Rien que l’idée j’en ai mal, je n’ai pas pu marcher pendant trois jours après ce tournage. Et donc non, je ne me suis pas entraîné pour ça, c’était complètement stupide. Je ne cours jamais, je ne suis pas tout à fait mince, alors crois moi ça fait mal.

Allez, tu peux nous le dire maintenant, que tu es l’esclave de ton label qui t’obliges à transpirer pour avoir un clip pas trop cher !

Tu rigoles, il a coûté cher en plus ce clip, justement ! C’est le pire !

Tu as presque tout fait sur cet album alors, je crois que c’est toi aussi qui a fait l’artwork, la pochette ?

Oui, j’ai tout fait. Je ne suis pas un artiste, je ne suis pas bon du tout en dessin, mais je voulais que ça reste le plus personnel possible. Si c’est possible alors je le fais. J’étais soucieux de refiler ça à quelqu’ un qui le temps de le faire va essayer de se mettre dans ta peau, un dessinateur qui va essayer de représenter ce qu’il croit que tu représentes. Moi je peux le faire, et plus facilement. Je voulais qu’en voyant la pochette on puisse deviner que c’est ma musique, parce que ça colle. Ma musique fait partie de moi, alors tout ce qui ressort de moi va lui ressembler, et quelque part la décrire.

Tu connais les journalistes, toujours besoin de coller des étiquettes sur le dos des musiciens, et les labels sont assez sympas pour nous inventer des mots dans les bios des artistes pour décrire la particularité de leur musique. Pour toi, le mot c’est « indie-rockabilly ». Qu’en penses-tu ?

Ca va. Moi je dirais « soul-indie ». Mais bon chacun met les mots qu’il veut sur la musique, ce n’est pas ce qui m’inquiète. Je ne vais pas m’énerver pour une poignée de mots, tant pis.

Du coup, dans la catégorie «indie-rockabilly-friendly », on va forcément te mettre dans la même case que certains de tes petits camarades. De mon côté, j’ai pensé à Vincent Vincent and the Villains, tu les connais ?

Ouais, absolument ! On a beaucoup joué ensemble. Oui on est assez similaires dans le genre. C’est un excellent groupe. Ils sont très rockabilly pour le coup, plus que moi. « Learning lines » ne l’est pas du tout par exemple, ça lorgne plus vers la soul.

Peut-être la seule chose finalement que tu n’as pas faite sur cet album, c’est la production, confiée à Jim Abbiss ?

Oui. Je parlais des albums dont j’aimais le son, et j’ai pensé qu’il conviendrait à ce que j’attendais. Il respecte le son du groupe, quand il produit aussi bien les Artic Monkeys que DJ Shadow. Ils ont leur propre son, ça ne peut être qu’eux, bien identifiables, et j’aime bien ça. Je l’ai rencontré et il a dit qu’il voulait bien faire mon album. Il m’a vraiment mis à l’aise, parce que j’étais plutôt nerveux au départ et il a facilité les choses, ne m’a jamais mis la pression sur la façon dont je devais sonner, c’est un grand producteur.

Vous avez enregistré « When we die » avec un gospel dans une église paraît-il ?

Oui, on a enregistré ce titre dans une église, c’était génial. On cherchait le meilleur son, et on est allés là-bas, c’était fou, une des meilleures soirées qu’on a passé. Oui, avec Glastonbury, ça fait plein de « meilleure soirée », c’est sûr, j’ai de la chance…

Tu avais déjà joué dans une église avant ?

Oui, j’ai déjà joué, mais c’était pour un enterrement et là c’était par contre le truc le plus dur que j’ai eu à faire de ma vie. Donc, ça n’a pas grand-chose à voir. Mais là, on était dans cette église la nuit, une énorme église. On s’est installés dans la chaire. Là à un moment je me suis retrouvé tout seul, avec deux cierges, dans le noir total, juste la lumière de la lune, c’était très beau.

Il y a de nombreuses B-sides sur tes différents EP, comment as-tu fais ton choix pour l’album ?

On a fait 15 ou 16 chansons, et je vais encore en enregistrer, ça me permet de continuer à écrire et enregistrer. Plus je vais en studio plus j’apprends sur comment mettre les chansons en boîte.

Tu as enregistré ton album moitié en Grande-Bretagne, moitié aux Etats-Unis je crois ?

Oui on a enregistré à Londres bien sûr et aussi par exemple « Torn on the Platform » à L.A. où je suis allé tout seul, on est allés à Philadelphie ensuite avec le groupe, pour enregistrer « Learning Lines » avec le producteur hip hop RJD2. C’était très intéressant de travailler avec plusieurs producteurs, ils sont très différents. C’était génial de voir comment les gens travaillent avec des points de vue différents. RJD2 avec son bagage hip hop travaille pas mal sur le beat, la batterie est pour lui le plus important et il base tout dessus, c’était très différent d’autres pour qui le son de la guitare est le point de départ. C’est super de travailler avec le plus de monde possible pour apprendre de chacun.

Je crois que tu as étudié les lettres classiques. Question d’étudiant en lettres classiques alors. As-tu une « muse » ?

Au sens classique ? Jeff Buckley est ma « muse ». Il représente en quelque sorte quelqu’un à qui j’aimerais ressembler en musique. Je ne prétends pas vouloir être lui, mais ce qu’il représentait.

Une muse d’inspiration musicale américaine alors ?

D’une certaine manière ils envisagent la musique différemment des britanniques. Ils ont un héritage musical vraiment très large. Evidemment on a de l’excellente musique chez nous, mais beaucoup est inspirée de la musique américaine. Les Rolling Stones et les Beatles ont basé toute leur musique sur la musique américaine au départ. Quand tu vas là-bas, il y a une vaste connaissance de musiques qu’on a moins compris chez nous, comme la soul, et c’est une grande inspiration pour moi.