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I Like Trains

Interview publiée par Fab le 18 novembre 2007

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Révélés en 2006 lors de la sortie de Progress, Reform, iLiKETRAiNS ont publié il y a quelques semaines leur premier album chez Beggars Banquet, Elegies To Lessons Learnt. De passage à Paris lors de leur tournée européenne, Dave Martin et Ashley Dean s'entretenaient avec nous sur leur univers musical incomparable...

On souligne souvent le fait que les textes de vos chansons sont écrits à partir de faits historiques plus ou moins anciens, comment cette idée est-elle née ?

Dave : La première chanson qu'on a écrite sur ce modèle est William's Last Breath. Elle m'avait été inspirée par l'histoire de William Huskisson, le premier passager à être décédé au Royaume-Uni suite à un accident ferroviaire. Je ne te cacherais pas qu'on avait à l'époque choisi ce personnage en raison du fait qu'il soit lié aux trains... On ne pensait pas répéter cette expérience mais on a ensuite réalisé qu'il existait beaucoup d'histoires de ce type très peu connues du grand public. On a donc décidé de les mettre en avant à travers des chansons afin que les personnes concernées ne restent pas oubliées. Tout est parti de là...

De quelle manière procédez-vous afin de choisir quelle histoire mérite d'être traitée ou non ?

Dave : Ce n'est jamais le fruit du hasard mais il n'y a pas d'explication particulière. J'aime à penser que les meilleures histoires viennent à nous et non l'inverse...
Ashley : Notre dernier single a été inspiré par une soirée très arrosée après un concert à Paris. Lorsque je me suis réveillé le lendemain matin je n'avais que très peu de souvenirs de ce qu'on avait fait mais j'ai découvert que tard durant la nuit je m'étais envoyé un message sur mon portable avec seulement deux mots : Donald Crowhurst. On n'a jamais su qui m'avait parlé de cette personne mais c'est ainsi que l'idée d'écrire The Deception nous est venue.
Dave : On cherche tout d'abord des histoires avec un certain intérêt et parfois des anecdotes un peu originales. Le point commun à beaucoup d'entre elles est peut-être la fin tragique qui attend le héros mais ce n'est pas un critère. C'est également une question de feeling car lorsqu'on se document sur un fait précis on réalise assez vite si on arrivera à en tirer une chanson ou non.

Quel est le personnage le plus intéressant que vous ayez traité selon vous ?

Ashley : James Hadfield, un homme qui avait tenté d'assassiner le roi d'Angleterre George III. Il faisait partir d'un groupe religieux dont l'un des membres avait été tué sur ordre du gouvernement de l'époque et il décida donc de se venger en tuant le roi. Il échoua, peut-être même volontairement, mais il parvint à trouver un avocat qui lui évita la peine de mort en le faisant passer pour fou et il resta enfermé en prison durant près de quarante années jusqu'à sa mort.
Dave : L'idée générale de nos chansons est de provoquer un regain d'intérêt pour l'histoire chez l'auditeur, même si au départ il n'était pas évident que cela puisse valoir le coup de s'y intéresser. D'un point de vue personnel je trouve le personnage de Donald Crowhurst très intéressant car sa mort est relativement récente mais personne ne semble savoir qui il peut bien être.

Peut-être écrirez-vous une histoire sur George W. Bush ou Britney Spears dans une vingtaine d'années ?

Dave : Je ne sais pas ! [rires]
Ashley : A première vue cela n'aurait aucun intérêt mais je suis certain que ces personnes cachent des histoires ou des anecdotes pourtant très intéressantes. Ce sont souvent ces mêmes histoires qui se révèlent les plus passionnantes à posteriori.
Dave : Il ne faut jamais dire jamais car on ne sait pas ce que le futur peut nous réserver. On en reparlera dans vingt ans !

Avez-vous déjà envisagé de recommencer à écrire des chansons sur votre vie et vos sentiments comme la majorité des groupes le font ?

Dave : Je ne vais pas dire que c'est une orientation à laquelle on pense mais on a vraiment conscience qu'il va falloir trouver une nouvelle voie pour notre prochain album, on ne peut pas continuer de la sorte indéfiniment. J'y pense de plus en plus ces derniers temps même si Elegies To Lessons Learnt n'est sorti que depuis quelques semaines... je ne sais pas dans quelle direction on s'orientera mais il est probable qu'on changera de méthode.

D'un point de vue purement instrumental, vous êtes souvent catalogués comme un groupe de post-rock. Comment le ressentez-vous ?

Dave : Ce n'est pas un motif d'inquiétude tant que les commentaires sur notre musique ne sont pas négatifs ! [rires] Ce n'est pas totalement vrai mais ce n'est pas faux non plus car cela donne une idée de la manière dont notre "son" est perçu par certaines personnes. Les dynamiques de la plupart de nos chansons sont effectivement post-rock et beaucoup de groupes de ce style musical nous ont influencés... mais la différence principale c'est qu'il y a des paroles !

L'aspect visuel du groupe est beaucoup plus développé que celui de la majorité des groupes, comment est née cette passion ?

Ashley : Tout cela est né d'une très lente évolution. Durant très longtemps j'ai travaillé avec des diapositives et de vieux vidéo projecteurs...
Dave : ... qui tombaient sans cesse en panne ! [rires]
Ashley : C'est vrai, c'est pour cela que lors de nos concerts je travaille avec du matériel numérique désormais. Les images sont créées pour accompagner la musique non l'inverse, c'est un complément afin de mettre en valeur l'esprit des chansons. La ligne directrice de mes vidéos a beaucoup évolué ces derniers mois et je tente désormais d'informer le public avec des informations supplémentaires qui se greffent tout autour de l'histoire centrale. Il n'y a jamais de texte, juste une succession d'images et de scènes qui accompagnent la musique. Dès que j'ai un peu de temps libre je travaille sur de nouveaux concepts. Avant cette tournée en Europe j'ai effectué de nombreuses recherches sur Internet afin d'obtenir des photographies de chacune des villes dans lesquelles il était prévu qu'on joue, je les aies imprimées puis brûlées à par endroit afin de les diffuser durant 25 Sins, une chanson dont le thème central est le grand incendie de Londres.

L'année passée vous avez souvent évoqué la possibilité de proposer un film en accompagnement d'Elegies To Lessons Learnt, pourquoi cette idée a-t-elle été abandonnée ?

Ashley : J'y travaille encore mais c'est un processus très long. Je ne peux pas m'y consacrer à plein temps donc je profite des pauses entre les tournées et les sessions d'enregistrement en studio afin de poursuivre ce projet. C'est vraiment très long mais j'avance pas à pas. Je me suis par exemple rendu dans la plupart des villes où les histoires de nos chansons se sont déroulées afin de pouvoir m'imprégner de certaines ambiances mais aussi rassembler un nombre suffisant de clichés et d'images. C'est très excitant...

De quelle manière envisagez-vous de le rendre disponible ?

Ashley : Ce sera très probablement un DVD mais rien n'est encore vraiment fixé. Cette idée est née en rapport avec la musique mais j'y investis tellement de temps et d'énergie que j'aimerais pouvoir la rendre disponible à un plus grand nombre de personnes, et pourquoi pas tenter de le faire diffuser dans certains festivals dédiés aux films et au cinéma. Si tout va bien, ce sera pour l'année prochaine.

Après avoir sorti votre premier mini-album chez Fierce Panda vous avez signé chez Beggars Banquet l'année passée. Pourquoi ce choix ?

Dave : Tout d'abord parce que la personne qui nous a contactée au départ nous suivait depuis très longtemps, on la connaissait bien et il n'y avait donc à priori pas de risque de faire un mauvais choix. C'était vraiment rassurant de pouvoir travailler avec une personne en laquelle on a confiance, d'autant plus qu'il se rend souvent à nos concerts au Royaume-Uni et même en Europe. Il n'y a pas eu de pression de la part de Beggars Banquet suite à la signature, personne n'a cherché à nous contrôler et on nous a même encouragé à sortir un single de dix minutes, Spencer Perceval ! On est réaliste et on sait parfaitement qu'on n'aurait pas tenu beaucoup plus longtemps qu'un album si on avait choisi une major, c'est pour cela qu'on a voulu trouver un label indépendant de qualité. C'est peut-être une petite structure mais je sais qu'elle saura nous pousser suffisamment loin.

Etait-ce une étape importante pour vous que de trouver une vraie maison de disque sur le long terme ?

Dave : C'était une nécessité dans le sens où cela nous a permis de quitter nos jobs pour pouvoir se consacrer à temps plein à la musique. On n'a plus besoin de se lever tôt le matin ! [rires]

Elegies To Lessons Learnt est paru en Europe il y a quelques semaines maintenant, que représente son titre pour vous ?

Dave : Le thème central du disque est que l'histoire se répète sans cesse... les être humains font des erreurs mais ils sont incapables d'en tirer des leçons pour progresser. Une élégie est une chanson ou un poème qui traite du temps qui passé et c'est en partie pour cela qu'on a voulu écrire un album composé de chansons sur le thème du souvenir.
Ashley : Pour être juste cet album est plutôt un disque composé de chansons sur les leçons non retenues ! [rires]
Dave : Ce sont donc des chansons funéraires pour célébrer les morts et ceux qui ont marqué le passé d'une manière ou d'une autre.

De quelle manière avez-vous cherché à différencier ce disque de Progress, Reform ?

Dave : Selon moi, Elegies To Lessons Learnt est notre véritable premier album car Progress, Reform n'était qu'une collection de singles ou de titres plus anciens. Il n'avait donc aucune cohérence dans sa globalité. Ce nouvel album a donc été écrit comme un "tout", pas comme une suite de chansons collectées sans logique. C'est véritablement un concept à lui seul.

Vous avez travaillé avec Ken Thomas sur disque, l'avez-vous choisi par rapport à son travail avec Sigur Ros ?

Dave : C'est la raison principale ! On aime beaucoup d'artistes avec lesquels il a travaillés et lorsqu'il a fallu choisir une personne pour mixer nos chansons on a immédiatement pensé à lui. Ce n'est qu'après l'enregistrement et la phase de production qu'on l'a contacté mais je soupçonne notre manager d'avoir anticipé notre choix et de lui avoir parlé de nous car il semblait déjà très bien connaître notre univers et notre musique lors de la première rencontre. Il ne travaille pas avec n'importe qui en général, il ne veut accorder son temps libre qu'à des artistes en lesquels il croit. On n'a donc pas laissé passer notre chance et ce fut une expérience très enrichissante.

Vous aimeriez renouveler cette collaboration avec lui dans le futur ?

Dave : Certainement oui ! Je pense que sa manière de travailler correspond vraiment à notre musique et j'aimerais qu'on puisse continuer à explorer nos idées avec lui. Ce n'est pas une affirmation, juste une possibilité, mais je crois qu'il a apprécié cette collaboration au moins autant que nous et il n'y a donc pas de raison pour qu'on change de voie.

Ce disque renferme une grande diversité d'instruments (piano, violon...), c'est une voie que vous souhaitiez explorer depuis longtemps ?

Dave : On avait déjà utilisé le violon sur Progress, Reform mais il nous a semblé logique de développer un peu plus ce type de sonorités. On réalise souvent cela lorsqu'on vient d'achever l'écriture d'une chanson et qu'on la joue en acoustique à la guitare... il manque parfois quelque chose et c'est à cet instant qu'on décide d'y ajouter ou non d'autres instruments. La base de notre musique est la guitare mais je pense qu'on est arrivés à un point où il est nécessaire de voir plus loin pour apporter de nouvelles choses à nos futurs disques.

Quel instrument vous procure le plus de plaisir ?

Dave : Je crois qu'il serait bon d'explorer un peu plus la non-utilisation des guitares dans le futur... On ne peut pas s'en passer bien évidemment car c'est notre instrument de prédilection mais il ne faut pas s'y cantonner de manière exclusive.

Et pourquoi ne pas vous essayer à l’électronique un jour ? Beaucoup de groupes expérimentent cette possibilité...

Dave : Je n'apprécie pas vraiment les sons électroniques, je préfère travailler avec des instruments plus naturels et organiques comme le piano. Une base acoustique avec une voix est le bon choix pour moi... c'est ce vers quoi j'aimerais que le groupe s'oriente.