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Mystery Jets

Interview publiée par Fab le 26 mars 2008

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Découverts lors de la sortie du single Zoo Time en début d'année 2005, Mystery Jets effectuent leur retour en ce mois de mars avec un nouvel album, Twenty One, marqué par le départ de leur guitariste, père et mentor Henry Harrison. De quoi engendrer une mutation musicale quelque peu inattendue...

Vous avez passé la majeure partie de l'année dernière à travailler sur votre second album, pourquoi avoir pris tant de temps pour le terminer ?

Kai : On a vraiment commencé à travailler dessus au mois de novembre 2006, et à ce moment on pensait qu'il ne nous faudrait pas plus de trois ou quatre mois pour enregistrer toutes les chansons. L'album devait sortir au printemps suivant mais on a vite déchanté et maintenant nous voilà en début d'année 2008 avec la sortie de l'album prévue au mois de mars ! J'espère qu'il n'y aura pas d'autre imprévu et qu'on ne vas pas le repousser au dernier moment en 2010 ! [rires]
Blaine : On n'a pas rencontré de problèmes particuliers qui pourraient expliquer cet important retard, mais on a senti plutôt naturellement que le délai ne pourrait pas être tenu parce qu'il y avait encore beaucoup de travail à fournir. Je crois qu'on a fait une erreur de jugement sur les premières chansons qu'on avait écrites, on pensait qu'elles étaient nos meilleures créations alors qu'avec le temps on a réussi à en composer des plus réussies. Plus on travaillait et plus on progressait, alors on a voulu continuer sur cette voie pour voir jusqu'où ça pouvait nous mener, et c'est ainsi que l'album a été terminé complètement au mois de décembre dernier.
Kai : Je crois que c'est notre manière de faire tout simplement parce qu'à l'époque de Making Dens on avait déjà enregistré Diamonds In The Dark à la dernière minute. C'est une tradition chez nous de finir les choses au dernier moment.

J'ai cru comprendre que Henry a pris du recul et ne fait désormais plus partie du groupe à temp complet. Est-ce que vous pouvez m'en expliquer les raisons ?

Blaine : La décision n'est pas venue directement de Henry mais de tous les membres du groupe. On a beaucoup discuté entre nous pour en arriver à ce changement. Il faut bien comprendre que Henry est à nos côté depuis la création du groupe en 1995, avec William et moi, et après dix années ensemble on a senti le besoin de prendre un peu distance pour grandir sans lui pour nous entourer et nous guider. Il a joué un rôle de mentor durant très longtemps mais en devenant des adultes on a senti qu'il nous fallait apprendre à voler de nos propres ailes. Il a été très compréhensif par rapport à notre état d'esprit, on n'avait aucune rancoeur envers lui mais on voulait en quelque sorte contrôler notre destinée. Durant les premières années il écrivait la totalité des textes des chansons car on était trop jeunes pour cela, mais en vieillissant on a voulu nous aussi exprimer nos idées à travers les chansons et prendre une place plus importante au sein de Mystery Jets. Il était temps d'affirmer nos personnalités tout en conservant un certain contact avec lui. On n'hésite pas à lui demander son opinion sur les nouvelles chansons quand cela nous semble nécessaire. L'image du groupe auprès du public va sans doute évoluer maintenant qu'il n'est plus présent pour faire la promotion de nos disques et qu'on donnera les concerts à quatre. On a grandi, c'est ce qu'il faut retenir.

Avez-vous eu besoin d'un temps d'adaptation pour apprendre à travailler à quatre ? Je pense par exemple à la manière de jouer les chansons de votre premier album ?

Kai : On a eu une période de doute lorsque la séparation a été décidée car on ne savait pas exactement comment jouer les anciennes chansons ni comment composer à partir de nouvelles idées. Avec un peu de pratique on a réussi à trouver un bon équilibre... Blaine interprète par exemples certaines des parties de guitare de Henry sur les vieux titres. On a réalisé que cette évolution qui nous semblait au premier abord un handicap est devenu un atout, notamment au niveau des chansons qu'on est parvenus à épurer et à rendre plus fluides.
Blaine : La même chose s'est produite lorsqu'on est allés en studio pour enregistrer les nouvelles chansons. Tous les arrangements ont été mis en place pour quatre personnes, on n'a pas cherché à utiliser trop d'instruments ou d'effets. L'album ne contient aucune orchestration alors que pour Making Dens on voulait systématiquement ajouter de nouvelles couches pour rendre le son plus chargé. On a appris à travailler dans la simplicité et on tente maintenant d'appliquer la même chose lors de nos concerts.

L'idée de chercher un musicien pour remplacer Henry ne vous a jamais effleurés ?

Blaine : Cette idée n'est pas totalement mise de côté mais cela n'interviendra pas dans un futur proche. Notre état d'esprit actuel nous conforte dans l'idée que le chiffre 4 est le bon.
Kai : Je ressens une vraie différence sur scène lorsqu'on joue à quatre plutôt que cinq. En comparaison j'ai l'impression qu'il y avait toujours trop de monde sur scène avant alors que maintenant le résultat est plus juste.
Blaine : Quatre c'est mieux que cinq... un cheval n'a besoin que de quatre pattes pour tenir debout non ? Une voiture roule sur quatre roues... c'est un bon nombre aussi pour un groupe ! [rires]
Kai : C'est ce qu'on ressent à l'heure actuelle mais peut-être que dans quelques mois notre approche sera radicalement différente ! On voudra peut-être écrire des chansons avec une base orchestrale et il nous faudra pour cela recruter d'autres personnes.

Ce changement s'est donc reflété sur l'album selon vous ?

Blaine : Le disque est vraiment plus direct que Making Dens, c'est une évidence. En parallèle on a cherché à écrire des chansons plus profondes et qui nous ressemblaient donc plus. On partait d'un canevas initial autour duquel on construisait la chanson de manière progressive. Le coeur de ces chansons est acoustique et notre approche nous a amenés à greffer dessus les autres instruments.

Quels autres groupes écoutiez-vous lors de l'enregistrement de cet album ?

Kai : C'est paradoxal mais on n'a vraiment écouté très peu de groupes acoustiques, ce qui aurait pu expliquer la voie suivie pour cet album... on s'est plus tournés vers des artistes contemporains ou modernes.
Blaine : Il y a quand même eu plusieurs phases. Au début on écoutait énormément de disques de Michael Jackson pour essayer de comprendre de quelle manière Quincy Jones travaillait en tant que producteur. Cela nous a amenés à travailler avec Erol Alkan sur ce disque... c'est peut-être surprenant car c'est quelqu'un qui est surtout reconnu pour son appartenance à la scène dance ou électronique anglaise mais cela nous a poussés à aller plus souvent dans les clubs pour découvrir plus en profondeur de nouveaux sons.
Kai : On a aussi compris qu'une chanson pouvait être forte et puissante tout en étant très simple dans sa construction. On a voulu reproduire la même chose sur cet album en conservant un nombre minimal d'idées sur chaque titre tout en obtenant un résultat très fort. On voulait obtenir le maximum en partant du minimum.
Blaine : On a écouté beaucoup d'artistes R'n B comme Justin Timberlake ou Nelly pour exploiter au mieux cette méthode de travail. Timbaland est en quelque sorte un exemple pour nous car avec du rythme, quelques éléments de mélodie, des bonnes basses et une voix il obtient toujours un résultat fantastique. Cela nous a aussi incités à comprendre un peu mieux les groupes qui officiaient dans les 80s. Je suis un vrai fan de Phil Collins et pourtant je sais que les gens ne me prennent pas au sérieux lorsque je le dis... en France, cela reviendrait à dire que je suis fan de Johnny Halliday ! Je ne dis pas que notre album sonne comme du Phil Collins mais on a appris en écoutant ses disques à ne pas étouffer nos idées avec trop d'effets.

Erol Alkan n'a encore que peu d'expérience dans le domaine de la production d'artistes rock, ça ne vous a jamais inquiétés ?

Kai : On ne l'a pas choisi par hasard, on le connaît depuis longtemps, comme un ami, et le remix qu'il avait créé pour nous il y a environ trois ans était très bon. Pour beaucoup de gens c'est un DJ parmi d'autres mais c'est une image erronée, il est vraiment très ouvert musicalement. C'est un vrai fan de Radiohead et Blur par exemple, il a été très marqué par les groupes pop d'il y a une dizaine d'années, plus que par Daft Punk même !
Blaine : Les circonstances nous ont aussi rapprochées. Il voulait produire des groupes de rock depuis un moment mais il n'en avait pas encore eu la possibilité, et de notre côté on souhaitait trouver un producteur qui puisse apporter une certaine fraîcheur à notre musique. Les personnes qui ont pris connaissance de notre choix ont d'abord pensé que Mystery Jets allait devenir un groupe de musique électronique mais ça ne nous a jamais effleuré l'esprit. En allant chez Erol Alkan on a découvert une collection de disques phénoménale. Il a tous les albums de Can ou des Sonics mais ce n'est qu'une partie infime de sa discothèque à laquelle il a consacré une pièce entière. Alors peut-être que c'est un DJ qui officie dans les clubs les plus connus du Royaume-Uni, mais il ne s'est jamais enfermé dans le style dance, c'est une personne très éclectique.

De quelle manière votre collaboration avec lui vous a-t-elle permis d'enregistrer un second album différent du premier ?

Kai : Comme on l'a expliqué tout à l'heure, l'idée de départ était de ne pas obtenir un Making Dens #2, et en ce sens le fait de travailler avec Erol Alkan ne pouvait que nous y encourager. Il nous a fait prendre conscience de nos possibilités, il nous a poussé à écrire les chansons nous-mêmes car Henry n'était plus là... tout cela a rendu notre nouvel album différent.
Blaine : J'éprouve une vraie peur de me répéter musicalement. Je ne voulais pas rester coincé dans mon monde avec un certain confort, il faut savoir casser la bulle dans laquelle on est enfermé pour progresser.
Kai : Les Strokes en sont l'exemple parfait. Ils ont fait des albums vraiment excellents que j'apprécie beaucoup, mais où peuvent-ils aller maintenant ? Ils ne peuvent pas continuer sur la même voie pendant des années.
Blaine : C'est pour cette raison que j'aime beaucoup un groupe comme les Talking Heads. Ils ont cotoyé Blondie ou les Ramones à leur époque tout en étant un groupe plutôt new wave, mais ils se sont ensuite tournés vers Brian Eno ou la musique électronique durant les 80s. C'est un modèle pour moi, il faut savoir se renouveler sur chaque album.

Cet album s'intitule Twenty One, que signifie cette expression ? Un âge ? Un chiffre ?

Kai : Sans doute les deux ! Ce disque symbolise nos personnalités à l'âge de vingt-et-un an, il représente nos textes, la transition vers le monde adulte...
Blaine : Le titre de l'album est venu naturellement, on n'a eu aucune réflexion particulière et on a donc choisi quelque chose de simple et symbolique. Avec du recul, je crois que toutes les chansons de l'album se rapportent à cet âge d'une manière ou d'une autre.

Quels sont les thèmes abordés sur ce disque au niveau des textes ?

Blaine : L'amour est au centre du disque, c'est un sujet qui compte à notre âge. Le fait de grandir également, de faire des erreurs, de réaliser de bonnes actions ou de découvrir qui on est vraiment. Ce sont des thèmes qui correspondent à notre état d'esprit actuel mais je pense que les choses seront différentes pour notre troisième album. L'important est de ne pas tomber dans l'ennui.

Après avoir offert le titre Flakes en téléchargement il y a quelques mois vous avez sorti Young Love comme premier single de cet album. Est-ce que ce sont deux titres représentatifs du disque selon vous ?

Blaine : Flakes est une des chansons les plus lentes et sensibles sur l'album, mais les textes sont très honnêtes et délicats, à l'image du disque dans sa globalité. Si je devais faire une comparaison je dirais que Flakes est un ourson en comparaison avec d'autres titres qui seraient de vrais monstres...

Young Love a été enregistrée avec la participation vocale de Laura Marling, qu'a-t-elle apporté à cette chanson et pourquoi l'avoir choisie ?

Kai : Je ne me souviens pas à quelle occasion on l'a rencontrée pour la première fois mais on a récemment eu l'occasion de donner un concert avec le groupe Noah And The Whale dont elle fait partie. Notre seul objectif pour Young Love était de trouver une voix féminine pour chanter le second couplet, c'était la première fois qu'on cherchait à travailler avec une personne extérieure au groupe et il ne fallait donc pas se tromper. C'est une chanson à deux facettes, une masculine et une féminine, et on a donc fait un test avec Laura pour la chanson. Après deux ou trois heures en studio avec elle tout était bouclé !

Cette expérience vous a-t-elle donné envie de travailler avec d'autres personnes dans le futur ?

Blaine : J'adore John Cale du Velvet Underground, notamment son album Paris 1919. Ce serait formidable de pouvoir faire une chanson avec lui...
Kai : Mon rêve serait d'enregistrer la Bande Originale d'un film avec Yann Tiersen. La musique qu'il crée avec son groupe ne me touche pas vraiment mais ses Bandes Originales de film, comme celle d'Amélie Poulain, sont parfaites.

Votre premier album a plutôt bien marché au Royaume-Uni mais n'est jamais sorti en Europe, c'est un regret pour vous ?

Kai : Warner n'a rien fait pour nous aider en Europe, ils n'avaient aucune intention de travailler avec nous...
Blaine : C'est un phénomène propre à beaucoup de majors malheureusement, il y a des priorités parfois un peu étranges et on ne pouvait pas changer cela. On adore pourtant l'Europe et je crois que le public pourrait aimer nos chansons, alors on a décidé de ne pas signer à nouveau avec Warner pour Twenty One et c'est Rough Trade qui va s'occuper de nous en dehors du Royaume-Uni. C'est un label parfait pour nous, leurs moyens financiers seront sans doute moins importants mais on a senti immédiatement qu'ils voulaient nous aider à grandir. Je ne veux pas en rajouter, mais Warner n'ont pas été corrects avec nous lors de la sortie de Making Dens.

Le public américain vous a réservé un accueil bien plus positif par la suite...

Blaine : Making Dens n'est pas sorti là-bas mais à la place on a proposé un disque un peu spécial qui contenant certains singles et quelques nouvelles chansons. On a voulu opérer de la même manière que certains groupes dans les 60s qui sortaient des disques alternatifs en fonction des pays ou même des continents, et comme notre label appréciait cette idée on n'a pas hésité très longtemps. L'idée n'était pas de vendre plus de disques mais de pouvoir présenter notre univers d'une manière différente. On a choisi le titre Zootime car c'est notre véritable première chanson, c'était une forme d'hommage pour nous.

Quelle est votre vision des mois à venir du point de vue du groupe ?

Kai : On veut jouer et partir en tournée le plus vite possible, on a perdu trop de temps en studio ces derniers mois. Etre sur la route, aller dans de nouvelles villes... on a beaucoup changé durant l'enregistrement de Twenty One et on veut montrer notre nouvelle personnalité au public. On va essayer de venir plus souvent en Europe aussi, c'est un de nos objectifs. A force de rester en retrait durant si longtemps on a presque oublié à quel point on aime voyager... mais on compte bien y remédier rapidement !