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I Am Kloot

Interview publiée par Fab le 22 avril 2008

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Près de trois années après la sortie de Gods And Monsters, c'est sur leur propre label, Skinny Dog, que les mancuniens de I Am Kloot nous reviennent avec un nouvel album enregistré aux studios Moolah Rouge. Des retrouvailles que John Bramwell évoquait à nos côtés lors du récent concert parisien de sa formation...

La France est un pays qui vous réussit plutôt bien mais vous n'y avez plus donné de concerts depuis un certain temps...

On ne nous propose pas très souvent de venir jouer, ce que je trouve parfois un peu étrange car le public nous soutient toujours beaucoup à chaque fois... La France représente beaucoup pour moi c'est à Paris que le groupe a joué pour la première fois en dehors du Royaume-Uni. Il nous a fallu du temps pour nous établir ici mais on a par la suite joué dans beaucoup de villes et à la Route du Rock, ce qui n'est pas rien. Je suppose que les producteurs de spectacles sont trop occupés pour organiser nos concerts !

L'an dernier tu as profité de la mise en pause de I Am Kloot pour te produire en solo dans différentes villes outre-Manche, comment en es-tu venu à vouloir tenter cette nouvelle expérience ?

Je crois que j'ai donné une quinzaine de concerts mais il faut se replacer dans le contexte pour comprendre ma démarche. On venait d'achever l'enregistrement de notre nouvel album et personne ne savait quand et comment il pourrait être commercialisé alors j'ai profité d'un peu de temps libre en studio pour écrire de nouvelles chansons pour moi-même. La conséquence logique a été de vouloir jouer ces chansons devant un public, ce que j'ai fait par pur plaisir. J'ai besoin de constamment être actif et je ne m'imaginais pas rester un mois ou deux chez moi sans donner de concerts. J'ai pris beaucoup de plaisir à chaque fois, je n'avais pas prévu de le faire un jour et tous ces concerts étaient donc très spontanés. Je branchais ma guitare et je jouais les chansons qui collaient à mon humeur ou que le public me demandait.

Est-ce que l'idée de poursuivre une carrière en solo t'a effleurée ?

Oh non, certainement pas ! J'aime beaucoup pouvoir m'exprimer seul face à un public mais je ne m'imagine pas en vivre un jour. Même si je prends un certain plaisir à être complètement libre de mes choix je souffre beaucoup du manque de mes amis et musiciens à mes côtés. J'ai besoin de sentir les vibrations de la batterie ou les rythmes de la basse pour être vraiment moi-même. La seule chose que je serais capable de faire serait d'enregistrer un disque avec un autre musicien mais certainement pas tout seul.

Avec qui par exemple ?

Natasha Khan, la chanteuse de Bat For Lashes. J'aime sa voix et son univers, je crois que notre rencontre serait vraiment très intéressante.

L'absence de I Am Kloot durant l'année 2007 a été soulignée à de nombreuses reprises, ressentiez-vous le besoin de prendre du recul ?

Notre disparition fut le résultat d'un concours de circonstances. L'existence du groupe n'a jamais été remise en cause mais durant plusieurs mois rien ne semblait pouvoir se passer, alors tout le monde a attendu que les choses se décantent. Je crois que cette pause est arrivée au bon moment car elle nous a permis de nous ressourcer tout en continuant à écrire des chansons pour repartir de plus belle cette année. Maintenant que tout semble en place, I Am Kloot Play Moolah Rouge va pouvoir sortir au Royaume-Uni puis il est prévu de retourner en studio très rapidement pour enregistrer un nouvel album qui est déjà écrit. J'ai le sentiment que le groupe est sur une nouvelle dynamique qui va l'amener à publier quelques albums durant les trois ou quatre prochaines années.

Ce nouvel album sort le 14 avril sur votre propre label, Skinny Dog Records. Avez-vous pris cette décision facilement ou a-t-elle été motivée par l'absence de propositions extérieures ?

Skinny Dog Records n'est qu'un intermédiaire car la distribution va être confiée à d'autres maisons de disques en fonction des pays. Après la dissolution du label Echo le groupe a été libre de ses choix, ce qui nous a amenés à faire un tri parmi les solutions possibles et à décider de ne travailler qu'avec des personnes de confiance. Cette liberté s'est répercutée sur ce disque qui a été enregistré en trois jours comme notre premier album. Personne n'était dans notre dos pour commenter notre travail ou nous dire quoi faire pour quelle chanson ! C'est très excitant pour nous de ressentir les mêmes choses qu'il y a quelques années, j'ai même le sentiment que tout cela commence à porter ses fruits en Allemagne et aux Pays-Bas ou les premiers retours sont vraiment encourageants. Paradoxalement, la presse britannique n'a peut-être jamais autant parlé de nous que depuis quelques semaines, même le Sunday Times a souhaité nous interviewer récemment. Ce n'est pas dingue de vivre toute cela alors que le groupe n'a même plus de maison de disques ? [rires]

Cette liberté nouvelle vous a-t-elle permis de travailler différemment sur ce disque ?

Avec ou sans argent, personne n'est aussi concerné par la musique de I Am Kloot... que I Am Kloot ! Le groupe est né à trois continue de vivre de cette manière, personne d'autre ne peut s'immiscer dans nos choix. La pression extérieure ne m'a jamais touché, j'ai même souvent pensé que celle-ci n'était pas suffisamment forte pour nous faire peur. La pression semble souvent négative mais je crois qu'elle nous permet aussi de toujours rester concentrés sur notre musique.

Votre passage au studio Moolah Rouge semble vous avoir marqué jusqu'au point de lui rendre hommage dans le titre de l'album...

Ce n'est pas le studio en lui-même qu'il faut retenir à travers ce titre mais réellement notre manière de travailler. On a beaucoup répété dans cet endroit avant de commencer à enregistrer le disque et tout a été organisé à la manière d'un concert pour capturer un son live. Je n'ai même pas eu l'impression de travailler sur un album durant ces trois jours mais plutôt de jouer des chansons à la suite... comme lors d'un concert. Voilà pourquoi ce disque a pour titre I Am Kloot Play Moolah Rouge. Le disque est plus la synthèse d'un événement ponctuel que d'une session d'enregistrement.

Avez-vous immédiatement été convaincus que ces trois jours étaient suffisants pour achever le disque ?

Seize ou dix-sept chansons ont été enregistrées durant ce laps de temps, et les quelques titres mis de côté au final ne sont pas abandonnés mais seulement mis en attente dans l'optique de notre prochain album. On n'a pas cherché à utiliser ce studio comme un outil de travail, juste un lieu pour développer notre créativité et enregistrer un album vraiment direct. En choisissant de restreindre tout le processus à une poignée de jours le but était aussi d'obtenir une certaine simplicité. Ce n'est pas notre premier album mais je ne crois pas avoir ressenti autant de plaisir à travailler sur les autres !

Musicalement, cet album est indéniablement différent de ses prédécesseurs. C'est peut-être même le plus « complexe et chargé » qu'il vous ait été donné d'enregistrer...

Cet album est véritablement le plus organique. Pour Natural History l'idée de base était d'utiliser les capacités acoustiques d'une église et donc de produire une atmospère particulière. Le résultat était donc très calme et acoustique alors que notre album éponyme et Gods And Monsters étaient de vrais albums studios, nos deux seuls selon moi. I Am Kloot Play Moolah Rouge est à mi-chemin entre ces deux époques, avec une évolution dans les arrangements tout en conservant un esprit lo-fi. Notre dynamique en tant que groupe a évolué au fil des années grâce aux nombreux concerts donnés et cela se ressent sur cet album.

A quel moment avez-vous ressenti le besoin de recruter deux musiciens supplémentaires pour ce disque ?

On ne l'a pas décidé, tout cela est arrivé par accident ! On a rencontré Norman et Colin Mcleod pour la première fois lors des répétitions en studio et on a souhaité enregistrer cet album avec eux car ils apportaient vraiment un plus aux claviers ou à la pedal steel guitar. La base du groupe est et restera la même que depuis nos débuts mais il n'a jamais été exclu de travailler avec d'autres personnes quand l'occasion se présente. Je ne sais pas si on continuera à collaborer avec eux, ce genre de décision dépendra avant tout de l'esprit des nouvelles chansons et de la manière dont on voudra les jouer.

Je suppose que le fait de vous produire à cinq sur scène entraîne de nombreux changements pour vous ?

Leur présence influe sur ce que le public peut entendre mais pas sur notre manière de jouer. Leur participation a principalement pour rôle de compléter une atmosphère qui existe déjà et non pas de réellement créer quelque chose de nouveau. Pete et Andy se comportent de la même manière aujourd'hui, tout comme moi, et seul notre son a évolué et grandi.

Tu as dédié cet album à ton ami Bryan Glancy qui est décédé il y a un peu plus de deux ans. De quelle manière crois-tu qu'il a pu t'influencer ?

Bryan et moi avons été les meilleurs amis du monde pendant plus de vingt ans et sa disparition a été un moment très difficile pour moi. C'était un songwriter de talent et son absence m'a beaucoup inspirée pour l'écriture de ces nouvelles chansons. Tout ce qui traversait mon esprit ou sortait de ma bouche était marqué de son sceau pendant une longue période... sur la plupart des titres de cet album je converse avec Bryan, notamment At The Sea qui revêt une importance toute particulière pour moi. Toutes ces chansons n'ont pas été écrites volontairement sous son influence, mais son absence m'a nécessairement marqué à vie de manière inconsciente. Ecrire m'a aidé à surmonter ma peine.

Dirais-tu que ce disque est sombre ?

Au contraire, je crois que c'est un album très optimiste ! Gods And Monsters était un disque à l'atmosphère paranoïaque alors que la disparition de Bryan m'a amené à écrire cet album différement, ce drame m'a en quelque sorte aidé à évoluer pour aller de l'avant. Je n'ai plus les mêmes priorités qu'avant désormais, j'ai compris que la vie est très courte et qu'il ne faut pas la gâcher car tout peut s'arrêter d'un jour à l'autre.

Quels sont les principaux thèmes dans tes textes ?

Sur chacune des chansons de ce disque je parle à une autre personne... à l'exception de Hey Little Bird sur laquelle je discute avec un oiseau ! C'est une expression imagée, l'oiseau représente un chanteur et je me parle donc en quelque sorte à moi-même. L'amour et le destin sont deux des principaux thèmes du disque, mais sur One Man Brawl par exemple je converse seul sur le fait de faire des rêves vraiment horribles et de se battre contre soi-même alors que At The Sea traite du fait de revoir une personne. Il y a aussi Down At The Front, une chanson que j'ai écrite en m'inspirant des rencontres que l'on peut faire lors des concerts... et des discussions sur les drogues que l'on peut avoir ! [rires]

La sortie officielle du disque intervient ce mois-ci mais vos fans peuvent se le procurer sur internet et à vos concerts depuis la fin d'année dernière. Etait-ce une manière de les remercier pour leur fidélité ?

C'est exactement le but ! J'aime l'idée de pouvoir tisser des liens forts avec les personnes qui écoutent notre musique, et c'est aussi pour cela qu'on a accepté qu'un DVD sur nos sessions en studio soit réalisé. C'est un des autres avantages du fait de n'être lié à aucune maison de disques, rien ne nous empêche d'agrémenter notre album avec les bonus que l'on veut tout en le vendant à un prix correct. Le fait qu'il ne puisse être classé dans les charts nous importe peu, notre but est d'être heureux dans notre manière de procéder.

Comment est née l'idée du DVD ?

Elle n'est pas de nous ! Une petite chaîne de télévision de Manchester, Channel M, nous avait contactés l'année passée pour nous parler de ce projet et nous offrir ses services. Ils ont tout organisé du début à la fin, ils ont amené quelques caméras, des éclairages et mêmes des ballons pour créer une certaine ambiance. On a joué nos chansons, ils ont filmé, puis ils nous ont vendu les droits du film à un prix très bon marché. Grâce à eux, toutes les personnes qui achèteront l'album pourront profiter de ce documentaire.

Comment imagines-tu les mois et années à venir maintenant ? Le groupe est reparti sur de bons rails selon toi ?

Je crois que ces trois ou quatre prochaines années vont être très importantes pour I Am Kloot. Le Royaume-Uni est inévitable pour nous mais je veux qu'on rattrape notre retard en Europe et notamment en France. Nos débuts étaient très prometteurs dans votre pays mais tout ne s'est pas déroulé comme prévu par la suite et il faut corriger cela. L'époque de Gods And Monsters est révolue, je ne renie pas ce disque car il était nécessaire qu'on l'enregistre mais cette phase n'a pas été facile pour nous. Je veux comprendre ce qu'il s'est passé et revenir plus souvent en tournée en Europe pour rencontrer notre public. J'ai conscience de ne pas faire partie d'un groupe populaire comme ceux dont la presse parle tous les jours mais je suis fier de pouvoir faire ce dont j'ai envie désormais. Ma musique est plus importante.