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The Subways

Interview publiée par Fab le 27 mai 2008

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Près de trois années après s'être fait connaître avec leur album Young For Eternity, The Subways sont de retour cet été avec un second opus, All Or Nothing, des plus attendus. Retour avec Billy Lunn et Charlotte Cooper sur ces douze derniers mois très agités pour le trio...

Vous avez beaucoup tourné à l'époque de votre premier album avant de faire une longue pause pour diverses raisons. Est-ce que la scène vous a manqué ?

Charlotte : Je hais le sentiment de ne pas être en tournée, c'est vraiment pour vivre ce genre de choses que le groupe existe...
Billy : C'est un sentiment mitigé car lorsque tu pars en tournée trop longtemps tu perds tes repères et tu attends avec impatience le moment de rentrer chez toi... mais lorsque tu n'es plus en tournée tu n'attends qu'une seule chose, c'est de pouvoir repartir sur la route ! Les concerts m'ont beaucoup manqué ces derniers mois, je crois même qu'on se force à aller en studio pour enregistrer des chansons afin d'avoir le droit de partir en tournée pour défendre nos disques... les concerts sont notre récompense ! [rires]

Le plaisir n'est pas le même en studio ?

Billy : Le processus est vraiment différent. En studio il faut savoir être créatif et productif, c'est pour ces raisons que tu t'y rends. L'atmosphère y est donc plus liée au travail, ce n'est qu'avec du recul que tu peux écouter les nouvelles chansons et réaliser ce que cela t'a apporté. En concert tu ne peux pas improviser les chansons, tu dois te contenter de montrer ce que tu as construit en studio. Un concert est comme un exposé ou une présentation pour moi. Je crois que notre passion pour les concerts découle aussi de la connexion qu'on créée avec notre public, c'est une chose que tu ne peux pas inventer. Que tu sois suffisamment cool pour être cité dans la presse ou non, le public vient avant tout pour écouter la musique. C'est très flatteur de voir à quel point des personnes peuvent être passionnées par la musique qu'on crée. Ils crient, ils dansent, ils montent sur scène... c'est très humain.

Le groupe a vécu un véritable coup d'arrêt l'année dernière pour diverses raisons personnelles, de quelle manière êtes-vous tous parvenus à aller de l'avant à nouveau ?

Charlotte : Tout s'est arrêté avec l'opération de Billy, mais déjà à cette époque de nombreuses nouvelles chansons étaient écrites et notre objectif était d'aller en studio pour les enregistrer. Cette volonté de reprendre les choses là où on les avait laissées nous a beaucoup aidés durant les moments difficiles. En dépit de tous les problèmes annexes, aucun de nous trois n'a douté de notre capacité à enregistré un deuxième album.
Billy : Le plus dur pour moi a bien évidemment été mon opération aux cordes vocales. Trois semaines après ma sortie de l'hôpital j'étais toujours incapable de parler, et durant trois mois je n'ai pas pu chanter alors que c'est ce pour quoi je vis depuis des années. Charlotte a raison de dire que ce sont nos chansons qui nous ont sauvées. Elles étaient écrites et n'attendaient plus que nous pour pouvoir prendre forme en studio, c'est ce pourquoi je me suis battu durant cette période. Ma thérapie a donc débuté uniquement avec la guitare puisque je ne pouvais pas utiliser ma voix... alors je jouais de mon mieux pour compenser mon handicap et trouver une nouvelle dynamique. J'ai appris à rester positif dans toutes les situations et je crois que cette expérience m'a permis de devenir un meilleur musicien.

L'éventualité que tu ne puisses peut-être plus jamais chanter t'a-t-elle effleuré l'esprit ?

Billy : J'en étais conscient mais c'était une possibilité que je ne voulais pas accepter. Les médecins m'avaient prévenu de ce risque si mon rétablissement n'était pas complet... je risquais donc de ne plus pouvoir chanter et même de ne plus pouvoir parler tout simplement. Cette idée m'a horrifié pendant un moment, j'avais vraiment très peur de ce cas de figure. J'ai donc appris à vivre avec tout cela dans ma tête jusqu'à ce que ma condition physique s'améliore. J'ai appris à rester positif en toute circonstance et à garder la foi même dans la difficulté.

Ne crois-tu pas que toute ta frustration a été transposée dans vos chansons ?

Billy : Exactement ! Lorsque j'étais avec le groupe en studio pour travailler sur de nouvelles chansons et que je n'étais pas encore autorisé à chanter, je consommais toute mon énergie en jouant de la guitare, plus que de raison parfois. Mon handicap a changé énormément de choses durant l'enregistrement du disque, car jusqu'à cette époque je dirigeais toujours Charlotte et Josh. Je leur expliquais ma vision des chansons, de quelle manière ils devaient utiliser leur instrument... mais comment aurais-je pu continuer ainsi sans pouvoir m'exprimer ? Je les ai donc laissés travailler comme ils le voulaient avec une liberté totale, je ne contrôlais plus rien. Ce nouveau fonctionnement a donné un ton plus dur à l'ensemble de l'album.

Cette nouvelle orientation plus heavy était-elle envisagée avant de rentrer en studio ?

Charlotte : Je pense qu'on avait entamé cette mutation bien avant d'enregistrer notre second album. Durant nos dernières tournées on a eu l'occasion de voir de grands groupes jouer devant des dizaines de milliers de personnes et c'est une chose qui nous faisait vraiment très envie. On appréciait tellement de voir des groupes jouant une musique plus lourde que la notre qu'on a eu envie nous aussi de pousser notre son un peu plus loin. Notre rencontre avec Butch Vig n'a fait qu'amplifier notre envie d'enregistrer un album plus heavy que le premier.
Billy : On avait pris le temps d'enregistrer quelques démos avant que je prenne la décision de me faire opérer, et lorsqu'on a décidé de travailler avec Butch Vig on lui a donc logiquement envoyé ces chansons pour qu'il comprenne quel était notre but. On avait eu l'occasion de jouer certaines d'entre elles durant nos concerts et l'orientation était déjà plus violente que tout ce qu'on avait pu proposer avant. Je crois que cette nouvelle orientation va de paire avec notre attitude sur scène, ce besoin de faire monter l'ambiance, de pousser le public à se dépasser...

La plupart des groupes ont tendance à enregistrer des albums plus calmes en vieillissant, vous semblez suivre le chemin inverse...

Billy : Peut-être que certaines personnes seront surprises mais je crois que nos fans s'attendent à une telle évolution depuis quelques mois déjà. Ceux qui nous ont vu en concert récemment tout du moins. Cela me semble presque normal d'être allé dans cette direction, un groupe comme le notre ne pouvait que vouloir transposer toute cette énergie sur disque également.
Charlotte : J'adore le son de certains nouveaux titres comme Girls & Boys, Shake! Shake! ou Kalifornia, c'est exactement ce que j'attendais de notre second album bien avant de débuter son enregistrement. Cette envie n'a fait que grandir après avoir assuré de nombreuses tournées ces deux dernières années, et c'est aussi pour cela que le choix de sortir Girls & Boys en tant que premier single nous a semblé logique. Il nous fallait faire comprendre aux personnes qui nous aiment que le groupe avait désormais choisi une voie plus tranchante.
Billy : Nos chansons sont devenues plus puissantes et rapides mais les mélodies ont aussi été beaucoup plus travaillées. Même les textes me semblent désormais plus aboutis et plus matures. Le fait de ne plus pouvoir m'exprimer durant quelques semaines m'a amené à beaucoup réfléchir intérieurement... j'ai aussi beaucoup écouté ce que mon entourage disait. Tous mes sentiments et mes observations ont donc été reportés dans nos paroles et je pense avoir acquis par ce processus une nouvelle forme d'honnêteté. Je dirais donc que le groupe a trouvé une nouvelle jeunesse musicalement tout en vieillissant et devenant plus adulte au niveau des textes.

Si Girls & Boy est très représentatif de l'album, votre prochain single, Alright, est lui une des chansons les plus pop du disque... n'est-ce pas un peu paradoxal ?

Charlotte : On prévoit de donner beaucoup de concerts durant l'été à venir, notamment dans des festivals britanniques ou en Europe, et il nous fallait donc choisir une chanson très accessible et entraînante afin de promouvoir l'album de la meilleure des manières. Je pense que c'est le choix idéal car à chaque fois que cette chanson est jouée le public se lâche complètement, ce qui est le but recherché. C'est ce genre d'atmosphère qu'on espère recréer en festival durant l'été.
Billy : Girls & Boys est pour moi la chanson la plus folle et ambitieuse de l'album, et je crois que c'était un signe envers nos fans que de la donner en téléchargement gratuit quelques semaines avant la sortie du disque. C'est un cadeau pour fêter notre retour. Alright est plus pop mais reste une excellente chanson, c'était un choix logique pour un single.

Les maisons de disques sont le plus souvent réfractaires à l'idée de donner des chansons gratuitement sur Internet, comment la votre a-t-elle réagi ?

Billy : Ca ne lui a vraiment pas plu, mais on a fait comprendre aux bonnes personnes que notre décision était prise ! Les personnes qui travaillent pour notre maison de disques sont très compétentes et certaines sont passionnées par la musique. On côtoie régulièrement la personne qui a fait signer Muse, Garbage et Ash et on réalise à quel point il essaye de faciliter la vie des groupes. Il ne pense pas qu'à l'argent, il essaye vraiment de faire les meilleurs choix pour les groupes dont il s'occupe. Il a vraiment une vision à long terme des artistes, il sait qu'il faut les mettre dans les meilleures conditions pour qu'ils s'expriment.

Revenons en à votre album... votre collaboration avec Butch Vig (Garbage) semble avoir été l'élément clef de votre travail ?

Billy : On a rencontré plusieurs producteurs mais aucun ne nous convenait, et on ne pensait même pas à ce moment là que Butch Vig accepterait de travailler avec nous. On ne l'a même pas contacté dans un premier temps. C'est un producteur de classe mondiale et les Subways ne sont selon moi qu'un petit groupe anglais pour le moment, quel intérêt aurait-il pu avoir à nous offrir son aide ? Puisque personne ne semblait nous convenir on a donc essayé d'entrer en contact avec lui le rencontrer, ce qu'il a accepté sans trop de difficultés... et l'entente a été immédiate ! Notre batteur Josh est quelqu'un de très particulier et renfermé, il n'accorde pas souvent sa confiance et il reste en retrait des gens, mais avec Butch Vig tout s'est déroulé merveilleusement bien, et ce dès leur première rencontre alors qu'il était resté très distant vis à vis des autres producteurs. Toutes ces personnes cherchaient à nous pousser dans une voie pop alors qu'on ne voulait pas en entendre parler, Butch est le premier à avoir cru en nous sur ce point. Il n'a pas cherché à changer notre nature, il a apporté son style américain à notre musique aux accents britanniques.
Charlotte : Il a vraiment cherché à enregistrer un album américain avec des musiciens britanniques, c'est ainsi que je l'ai perçu.
Billy : Il peut paraître froid au premier abord mais c'est une personne très drôle et détendue, il savait comment faire baisser la pression en nous faisant rire.
Charlotte : Il savait trouver les mots juste pour me mettre à l'aise. Il a compris que je n'aimais pas particulièrement le fait de chanter et il m'a donc aidé à me sentir mieux quand il le fallait. Il nous a beaucoup apporté musicalement mais aussi d'un point de vue humain.
Billy : Cette expérience avec Butch reste mon meilleur souvenir en studio. J'avais pris du plaisir lors de l'enregistrement de Young For Eternity mais rien de comparable avec celle vécue pour ce nouvel album.

Le fait qu'il ait travaillé précédemment avec Nirvana ou les Smashing Pumpkins a-t-il pesé dans la balance ?

Charlotte : Bien sûr, ça va de soi ! Nervermind est l'un des mes albums préférés... je crois que j'adore tout ce qu'il a produit !
Billy : C'est l'un des meilleurs producteurs au monde, il est très talentueux et c'est indéniablement la personne dont on avait besoin.

Ne pensez-vous pas que Butch Vig a presque fait de vous un groupe américain sur cet album ?

Billy : Sa production est très américaine, c'est une certitude. Peu après la sortie de Young For Eternity, lors d'une de nos tournées aux Etats-Unis, j'écoutais la radio dans notre bus et j'ai entendu un groupe dont je ne connaissais même pas le nom. Leur musique n'était pas vraiment violente mais j'ai immédiatement ressenti l'influence américaine dans leur son et je me suis dit à cet instant que j'aimerais obtenir ce résultat avec les Subways un jour. Notre premier album était très pop au niveau de sa production et je souhaitais déjà suivre une nouvelle orientation. Je voulais créer quelque chose de fort et monumental. Butch a eu besoin d'un temps d'adaptation pour assimiler notre son car c'était la première fois qu'il acceptait de produire un groupe britannique. Lorsque j'écris une mélodie je me base à la fois sur des structures simples et d'autres plus compliquées alors que les groupes américains cherchent souvent à étaler leur technique le plus possible, il a donc été nécessaire de trouver un juste équilibre entre mes capacités et les méthodes de travail de Butch. J'ai craint un moment que cet album soit trop américain mais avec un peu de recul j'ai réalisé que ce n'était juste pas possible pour un groupe aux origines britanniques.
Charlotte : Sans parler de ton accent qui n'a vraiment rien d'américain ! [rires]

J'ai cru comprendre que Refused, Mclusky ou The International Noise Conspiracy vous ont beaucoup influencés sur cet album, ce sont des groupes que vous écoutez depuis longtemps déjà ?

Billy : Cela dépend des groupes. Je connais Mclusky depuis des années et c'est l'un des premiers groupes que je suis allé voir en concert en 2001. Notre intérêt pour Refused est plus récent, ce n'est qu'en partant en tournée qu'on a eu l'occasion d'écouter leurs albums et de comprendre leur talent.
Charlotte : Lorsque tu pars en tournée pendant plusieurs semaines tu as la possibilité de rencontrer des nouvelles personnes avec qui partager tes goûts musicaux, c'est une vraie chance de pouvoir découvrir à cette occasion de nouveaux groupes. Ces rencontres nous ont permis de découvrir de nouvelles perspectives...
Billy : Je pense qu'à la base nos groupes favoris sont plus britanniques qu'américains ou européens... mais je suis un vrai fan de Biffy Clyro depuis leurs débuts, mais aussi de Tegan And Sara ou d'Against Me!. J'ai par exemple découvert Neil Young ces dernières années mais j'ai immédiatement senti pourquoi c'est un artiste tellement apprécié.
Charlotte : Les comparaisons avec les groupes sont parfois surprenantes. Je me souviens que lors de la sortie de Young For Eternity un journaliste m'avait avoué reconnaître l'influence de Sonic Youth dans notre musique... alors que je n'avais jamais écouté la moindre de leurs chansons ! Mais c'était une bonne chose car depuis j'ai acheté l'un de leurs disques et j'en suis folle ! [rires]
Billy : Je pense qu'il existe une vraie différence entre les groupes que j'aime écouter et ceux qui influencent mon style d'écriture. C'est selon moi le cas avec Refused par exemple. J'aime leur musique mais ils n'ont pas d'importance dans la notre. Biffy Clyro est le groupe qui m'a sans doute le plus influencé pour All Or Nothing... J'ai écrit Strawberry Blonde quelques jours après avoir entendu Living Is A Problem Because Everything Dies pour la première fois. J'ai immédiatement adoré cette chanson avec ses nombreux changements de rythme, son intermède central... je l'ai donc fait écouter à Butch en lui disant que moi aussi je voulais parvenir à écrire une chanson aussi marquante et puissante que celle-ci et il m'a encouragé dans cette voie immédiatement. Je suis retourné à notre appartement et j'ai commencé à composer une chanson sur ce même modèle. Charlotte a ensuite écrit une ligne de basse parfaite avant que je ne m'installe au piano pour compléter la mélodie. Le lendemain matin la chanson était terminée et prête à être enregistrée. Même en studio je n'ai jamais cessé d'écrire à partir de nouvelles idées, je cherchais constamment à être créatif.
Charlotte : On a aussi écouté d'autres groupes plus originaux comme Mew ou Nelly Furtado, mais je pense que leur influence est moins évidente ! [rires]

Votre évolution musicale est évidente mais qu'en est-il des textes de vos nouvelles chansons ?

Billy : Je pense que sur notre premier album notre jeunesse nous freinait dans notre volonté d'ouvrir nos coeurs. Je ne savais pas toujours exprimer mes pensées avec les bons mots car je craignais que les gens trouvent cela ridicule ou trop enfantin. Mon opération m'a aidé à dépasser ce genre de considération pour dire ce que je ressentais vraiment... après avoir été contraint au silence durant plusieurs semaines je ne devais plus avoir peur de dire tout haut ce que renfermait mon esprit. J'ai appris à être totalement honnête avec mon entourage et moi-même mais aussi à mieux articuler mes idées dans les chansons. J'ai aussi décidé d'écrire sur des thèmes plus adultes comme l'Amérique, mon point de vue sur la culture. J'ai véritablement exprimé mes opinions comme sur Girls & Boys qui traite de l'aliénation dont souffrent les gens. Always Tomorrow traite de l'expérience qu'a été mon opération tandis que sur I Won't Let You Down j'explique de quelle manière je pense être devenu une meilleure personne. Ce sont des sujets dont je n'aurais jamais pu parler à dix-huit ans.

Après avoir connu le succès et la pression à un jeune âge, je suppose qu'il est plus simple pour vous d'appréhender ce genre de phénomènes maintenant que vous avez vieilli ?

Charlotte : Lorsque tout a commencé à s'emballer pour nous j'étais très excitée par notre vie, tout allait très vite... c'était vraiment grisant. Avec du recul je suis plus mesurée par rapport à la célébrité et au succès, je sais comment l'appréhender et vivre avec tout en prenant les bonnes décisions.

Trois ans après Young For Eternity, pensez-vous encore pouvoir rester jeunes à jamais ?

Billy : Je me sens encore plus jeune dans ma tête maintenant ! Notre but en choisissant le titre Young For Eternity pour notre premier album était de montrer qu'à n'importe quel âge il est toujours possible d'apprendre de nouvelles choses et de grandir, et je réalise chaque jour un peu plus que cette idée est vraie. Je ne veux pas passer pour un sage ou un philosophe, j'ai encore beaucoup à apprendre, mais je me sens plus jeune jour après jour. Je ressens constamment ce besoin d'apprendre et de vivre de nouvelles expériences, et tant que cela sera le cas je pense que je serais sur la bonne voie. J'aime la vie, à la fois quand tout est simple ou dans la difficulté.