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Hot Chip

Interview publiée par Fab le 1er septembre 2008

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Figurant parmi les meilleures formations électroniques britanniques à l'heure actuelle, Hot Chip ont frappé un grand coup avec leur album Made In The Dark en début d'année. A quelques heures d'une prestation attendue lors du festival Rock en Seine, Felix Martin et Owen Clarke faisaient le point en notre compagnie sur leur évolution...

Vous ne donnez que peu de concerts en France, votre prestation dans le cadre du festival Rock en Seine doit donc avoir une certaine saveur ?

Owen : On est bien entendus très heureux de pouvoir jouer à Paris... On aimerait pouvoir venir plus souvent en France mais ce n'est pas toujours possible. Je ne connais pas les raisons précises pour l'expliquer malheureusement...
Felix : Notre popularité en France reste très modeste contrairement à d'autres pays d'Europe où l'accueil est très chaleureux. Lorsqu'on se rend en Allemagne on joue devant au moins un millier de personnes alors qu'en France on peine à remplir des salles de trois cent places... tout est dit !

C'est un constat pour le moins étonnant lorsque l'on sait à quel point les groupes électroniques sont appréciés ici...

Felix : C'est étrange et plutôt décevant, je ne me l'explique pas...

Jouer sur la scène principale du festival est donc une sorte de revanche personnelle ?

Owen : On joue sur la plus grande scène mais à une heure qui ne nous plaît pas vraiment, c'est beaucoup trop tôt. Avec seulement une demi-heure allouée, Il faudra vraiment aller droit au but pour convaincre le public. On apprend à gérer ce genre de situation avec le temps, notamment cet été car on a joué dans plus de vingt festivals depuis le mois de juin... mais je crois que le concert sera un vrai désastre ! [rires]
Felix : Aussi désastreux qu'un concert en plein milieu de l'après-midi ! Ce ne sera même pas un concert, juste une petite fête musicale à l'heure du thé ! [rires]

La sortie de Made In The Dark en début d'année semble avoir beaucoup joué dans votre popularité actuelle, vous y attendiez-vous ?

Owen : On n'a rien mis en place de spécial pour promouvoir cet album plus que les autres, je pense simplement que le bouche-à-oreille a été très positif pour nous ces derniers mois. Certaines personnes ont entendu nos nouvelles chansons et ont voulu en savoir un peu plus sur notre univers, c'est comme cela que tout s'est passé selon moi. C'est un disque très intéressant dans sa construction, nos idées ont été développées au maximum...
Felix : L'accueil du public et de la presse a été très positif mais pour passer un cap et être considéré comme un groupe important il faut publier des singles marquants, ce qui n'a pas toujours été le cas jusqu'à maintenant. Nos qualités sont souvent soulignées mais nos albums sont sans doute un peu trop bizarres pour faire de nous de gros vendeurs de disques. On ne rentre pas dans les formats recherchés par les radios par exemple, et même si une chanson comme One Pure Thought est très bonne cela n'est pas suffisant pour obtenir un nombre important de diffusions.
Owen : Un single peut être de qualité mais ne pas se vendre suffisamment pour diverses raisons comme le fait que la mélodie ne soit pas entêtante ou que les paroles soient faciles à retenir.
Felix : On ne veut pas rentrer dans ce genre de réflexion car on a sans doute plus à perdre qu'à gagner en voulant vendre des disques à tout prix. On pourrait bien entendu écrire des chansons calibrées pour le succès mais la plupart des groupes diffusés en rotation lourde à l'heure actuelle sont tellement mauvais qu'on préfère garder nos distances. Si tu franchis la ligne du bon goût juste pour gagner de l'argent, mieux vaut arrêter la musique immédiatement...

Ready For The Floor a malgré tout rencontré un succès évident durant quelques mois...

Felix : C'est une chanson pop commerciale très facile à retenir, il ne faut pas chercher plus loin l'explication.
Owen : Encore une fois, on n'a pas décidé d'enregistrer une chanson de ce type juste pour faire plaisir à notre maison de disques. Hot Chip est un groupe de musique électronique avec une grande sensibilité pop, ce n'est donc pas une surprise pour moi qu'un de ces deux aspects puisse prendre l'ascendant sur l'autre de temps à autres. C'est une chanson certes différente de ce que l'on a l'habitude de proposer mais elle n'en est pas moins intéressante pour autant.
Felix : Lorsque j'ai écouté la première démo de Ready For The Floor j'ai immédiatement été marqué par sa singularité et la qualité de sa mélodie. Il n'est pas nécessaire de mettre le disque en boucle pour qu'elle s'immisce dans ton esprit, elle est trop entêtante pour ça. C'est juste une bonne chanson.

Il existe selon moi une vraie différence entre vos deux premiers albums et Made In The Dark, notamment dans la manière de retranscrire votre son live en studio. Etait-ce un objectif ?

Owen : La différence entre cet album et les deux précédents n'a pas été immédiate, elle est apparue au fil des mois et des tournées. En comparant la manière dont nos anciennes chansons pouvaient être perçues sur disque et en concert on a compris qu'il était nécessaire d'insuffler une nouvelle dynamique à nos enregistrements en studio.
Felix : Pour Made In The Dark j'ai vraiment l'impression que tout le groupe a cherché à reproduire le son live en studio, c'est une évidence. Ce n'est pas encore parfait, mais il y a une progression. Lorsque j'écoute certains bootlegs ou des sessions radios enregistrées ces dernières années, je réalise à quel point certaines chansons peuvent être bonnes et souvent meilleures que les versions album. C'est aussi le cas pour nos anciennes démos qui étaient plus directes que les versions finales, comme pour Colours ou Boy From School par exemple. Peu de gens les ont entendues, mais avec du recul je les préfère très largement. Sur disque, notre son live a toujours été mal retranscrit selon moi...
Owen : De par le passé on avait pris l'habitude d'enregistrer certains titres en une seule prise mais parfois il faut expérimenter un peu plus et explorer de nouvelles idées pour obtenir le meilleur résultat. J'aimerais que l'on suive une approche plus décomplexée et libre désormais, comme lors d'un concert. Aller en studio, jouer avec les sons, faire des essais...
Felix : Il est nécessaire que les musiciens au sein d'un groupe trouvent la bonne dynamique pour travailler ensemble... d'autant plus dans le milieu de la musique électronique où il est nécessaire que tout le monde suive une direction commune. On n'essaye pas de jouer de la musique rock conventionnelle alors il serait dommage de ne pas profiter des libertés dont on pourrait légitimement jouir. On devrait potentiellement pouvoir composer des albums vraiment uniques.

Est-il selon vous plus facile de jouer en studio ou devant un public ?

Owen : Je ne me sens pas capable de faire un choix, ce sont deux mondes vraiment très différents. Sur scène le but principal est d'arriver à synchroniser toutes les personnes du groupe pour proposer de la bonne musique alors qu'en studio les possibilités sont vraiment illimitées. Quand tu n'es pas sur scène tu peux expérimenter à ta manière, jouer intuitivement pour essayer de parvenir à un bon résultat. Je ne crois pas qu'il soit plus simple de donner un concert ou d'enregistrer une chanson, ce sont deux choses trop différentes.

Le processus créatif au sein du groupe semble être plus ouvert à l'ensemble du groupe depuis Made In The Dark, j'ai notamment cru comprendre que sur vos deux premiers albums Alexis et Joe composaient la majorité des chansons seuls...

Owen : Alexis et Joe sont toujours les deux cerveaux du groupe mais notre participation est désormais plus étendue. Si tu compares les démos des chansons figurant sur nos trois albums, tu pourras réaliser à quel point celles de Made In The Dark sont différentes des versions finales. Notre apport est donc plus important désormais car je pense que nos personnalités se sont affirmées. Chacun a peut-être été plus confiant dans ses capacités et a pu apporter sa touche aux chansons.
Felix : Alexis et Joe sont vraiment doués pour construire des chansons intéressantes avec des progressions vraiment travaillées, c'est l'un de leurs nombreux talents. Ils jouent avec des sons originaux pour en faire quelque chose de concret. C'est à eux que l'on doit les bases de notre musique.

Après avoir obtenu une nomination au Mercury Music Prize pour The Warning, ressentiez-vous une pression ou une nécessité d'aller plus loin ?

Felix : On n'a pas ressenti de réelle pression, que celle-ci vienne de notre maison de disques ou de nous-mêmes. Chacun de nos albums est une représentation du groupe à un moment donné et il n'est donc pas possible de reproduire les idées deux fois. Si on avait ressenti du stress ou un mal-être en enregistrant Made In The Dark c'est probablement qu'on aurait tenté de plagier notre précédent album. Ce n'aurait pas été bon signe. Et pourtant en disant cela je n'occulte pas le fait que de nombreuses chansons de notre dernier album ont été écrites bien avant que The Warning soit reconnu par la presse spécialisée... peut-être que les choses seront différentes la prochaine fois.
Owen : L'enregistrement de Made In The Dark a été très bien préparé, on ne s'est pas enfermé en studio pendant trois semaines sans avoir une bonne idée de ce que l'on cherchait à créer. A partir de là, tout s'est déroulé assez naturellement...

Avez-vous déjà commencé à réfléchir à ce que sera votre prochain disque ?

Felix : On a quelques idées en tête mais rien de très clair...
Owen : On veut rendre ce disque intéressant pour nous dans un premier temps avant de penser à ce que les gens en diront en l'écoutant. Il y a beaucoup de paramètres auxquels on pense et avec lesquels on aimerait pouvoir jongler : le lieu d'enregistrement, les durées des sessions, les nouveaux instruments à découvrir... Pour Made In The Dark on avait trouvé le juste milieu entre les instruments classiques et les sons numériques, il faudra donc à nouveau passer par cette étape sur notre prochain album. On veut innover, peut-être qu'on décidera même de se passer de nos claviers ! [rires]
Felix : On va expérimenter encore et encore, on verra quel sera le résultat.

Je crois qu'il était notamment question d'incorporer un batteur à votre line-up ?

Felix : A une époque on a travaillé avec quelques batteurs mais ce n'était pas très convaincant, c'est pour cette raison qu'on a préféré utiliser des boîtes à rythmes depuis. On a aussi l'eu l'occasion de jouer avec Pat Mahoney de LCD Soundsystem aux Etats-Unis et je pense qu'on va explorer cette voie plus souvent désormais, au moins lors de nos concerts dans un premier temps. Le problème est le même que l'on soit en studio ou sur une scène, il faut juste que la formule fonctionne.

Le meilleur de Hot Chip est donc à venir ?

Felix : Je l'espère !
Owen : On devrait pouvoir sortir encore un ou deux albums mémorables ! [rires]