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Kasabian

Interview publiée par Anne-Line le 31 mai 2009

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Sound Of Violence est allé rencontrer Sergio Pizzorno pour tenter d'en savoir plus sur ce qui a inspiré le troisième album de Kasabian, au titre énigmatique West Rider Pauper Lunatic Asylum, qui sort le 8 juin. Autour d'une tasse de thé anglais et de biscuits belges, Sergio lève le voile sur la genèse d'un album ambitieux et très attendu, quelques heures avant un concert prévu au Trabendo.

Qu'avez-vous fait durant ces trois ans depuis Empire ?

On a terminé notre tournée fin 2007, au Nouvel-An en fait. Cela faisait un an et demi que nous étions en tournée. On a pris des petites vacances début 2008, et ensuite j'ai commencé à écrire l'album en mars. Ça nous a pris neuf mois pour l'écrire, l'enregistrer, le mixer, le masteriser. On l'a terminé, officiellement, en décembre. Donc on l'a laissé reposer pendant six mois, avant de le sortir, ce qui était très bizarre. On a eu un peu peur, on pensait qu'il allait être leaké. En fait ça n'a pas pris si longtemps que ça pour tout le processus d'écriture et d'enregistrement. C'est juste qu'on a dû attendre pour le sortir maintenant, alors ça paraît long.

Lorsque tu as commencé l'écriture, y a-t-il quelque chose en particulier qui t'a inspiré ? Ou bien avais-tu déjà des chansons toutes prêtes ?

J'avais déjà quelques chansons sous le coude, oui. Je voulais juste que cet album sonne comme aucun autre. J'avais envie que les gens soient soufflés. J'ai envie que les gens écoutent l'album et se disent « Wow ! Qu'est-ce que c'est que ça? C'est énorme ! ». Je voulais qu'il soit rempli de chansons incroyables, sans me soucier de passages en radio, ou de ce que les gens attendent de nous. Je pensais beaucoup à des films comme La Montagne Sacrée (d'Alexandro Jodorowsky), et Come And See (d'Elem Klimov). Et les films de Gaspar Noé. Ses films ont toujours un son incroyable ! En fait, je pensais principalement à des films.

Tu as déjà déclaré auparavant que tu voulais qu'il sonne comme « la bande originale d'un film imaginaire ». Quel genre de film ce serait ?

Oui, c'est complètement ça. Évidemment ce serait un road movie, j'avais en tête des images comme par exemple Las Vegas Parano. Conduire à travers le désert... ou n'importe où d'ailleurs, aller de ville en ville. C'est ce que font les personnages dans West Rider Silver Bullet, ce sont deux amants qui voyagent, qui font des hold-up, qui passent des nuits à se disputer.

Sur cette chanson, vous avez une invitée, Rosario Dawson...

Elle a été formidable. Je ne savais même pas qu'elle savait chanter. Je suis allé la rencontrer à Los Angeles, et dans l'avion j'ai commencé à paniquer « Et si elle ne sait pas chanter ? Ce serait la catastrophe ! ». Mais finalement elle a été incroyable. Et j'insiste, vraiment, vraiment incroyable.

Comment l'avez-vous contactée ?

Elle est venue à un de nos concerts. Elle a adoré notre groupe. J'ai trouvé ça démentiel au début, et ensuite quand j'ai eu l'idée de faire un duo, j'ai pensé à elle. Juste histoire d'amener quelque chose de complètement différent. Et puis je pense qu'elle est l'une des actrices les plus talentueuses de notre génération, elle va marquer l'histoire !

Au début de cette chanson il y a une citation, d'où vient-elle ?

C'est tiré d'un film qui s'appelle Sans Soleil. C'est un film démentiel. (il récite) « Les émeus dans la zone... »

Le titre de l'album est lui aussi assez... démentiel. D'où vient-il ?

J'ai regardé un documentaire à la télé sur un endroit de ce genre. Mais le titre n'est pas une référence à cet endroit, j'ai juste aimé la sonorité des mots. Je me suis dit, avec un titre comme ça, on peut faire ce qu'on veut. J'ai eu cette idée bien avant de commencer l'album. Avec un titre comme ça, on peut s'autoriser n'importe quoi, se déguiser sur la pochette...

La pochette, justement, a été réalisée par Andrew Whiston. A-t-elle une signification particulière ?

Oui, le complexe de supériorité. Les indigents (Paupers) sont confrontés aux princes, aux rois aveuglés par leur folie, le pouvoir qui leur monte à la tête. Chris est habillé comme un révolutionnaire, et moi comme un prêtre patibulaire, à qui on ne viendrait pas chercher des noises (rires)!

À propos de supériorité, vous semblez être le genre de groupe très sûr de lui, très arrogant...

Personne n'a envie d'aller voir le deuxième meilleur cirque en ville. Tout le monde veut aller voir le meilleur cirque. Donc si tu mets en vente des billets pour un concert, tu dois dire à tout le monde que c'est le meilleur spectacle, sinon personne n'aura envie de venir. Et lorsque les gens viennent nous voir en concert, ils se disent « Wow ! C'était vraiment bien ! » et ils réalisent que nous ne sommes pas que des idiots qui se vantent.

As-tu conscience que lorsque les groupes agissent ainsi (Oasis, Razorlight...), ils finissent par avoir une mauvaise image auprès du public ?

En réalité, on ne se prend pas autant au sérieux. On fait toujours cela avec humour, ce n'est que pour plaisanter ! Je conçois très bien que lorsqu'on lit un article dans la presse et qu'on n'a pas la personne en face de soi qui parle, on lit l'interview et on se dit « Mais quel crétin ! Il se prend pour qui ? » En vérité, si les gens nous voyaient, ils rigoleraient avec nous. Mais je ne me soucie pas de ce que les gens peuvent penser, ça ne m'intéresse pas. Ce qu'il faut c'est être capable de dépasser l'image du groupe. En tous cas, Noel et Liam sont sûrement les deux personnes les plus drôles que je connaisse. Ils sont à mourir de rire !

Comment est venue l'idée de travailler avec Dan The Automator sur cet album ?

Quand j'ai commencé l'album, j'avais une idée précise de la façon dont je voulais qu'il sonne. Je voulais qu'il soit très direct et qu'il ait un énorme impact. Je voulais que lorsque la partie de batterie arrive, que ce soit vraiment, comment dire, assommant ! J'ai pensé qu'avec son expérience de producteur de hip hop, il était capable de le faire, mais pour un groupe de rock'n'roll. À un niveau purement sonique, très technique. Lorsque la partie de batterie arrive, je voulais que ça fasse exploser les amplis !

Certaines chansons de l'album semblent avoir été écrites sur une base acoustique. Est-ce juste selon toi ? Comment écris-tu en général ?

Ça dépend en fait. Effectivement sur cet album des chansons comme Thick As Thieves ou Happiness ont commencé en acoustique. Mais Underdog est né d'un rythme lancinant. Donc ça peut être très différent, je n'ai pas de méthode systématique. J'aime me diversifier, je n'aime pas trop faire tout le temps la même chose, sinon je m'ennuie. Alors je varie. Mais en général, ce n'est pas moi qui décide, c'est la chanson elle-même, moi je n'ai pas trop le choix.

Les chansons de l'album s'enchaînent de manière très fluide, était-ce intentionnel ?

Oh oui, totalement. C'est un voyage complet. Le plus souvent, mes chansons préférées d'un groupe ne sont pas des singles. En général quand les gens font leur troisième album ils veulent aller dans la cour des grands, sortir des gros singles. Nous ne sommes pas aussi idiots. Les maisons de disques pensent que le public qui achète de la musique est idiot et ne veut acheter que la même soupe tout le temps. Je ne suis pas d'accord, je pense que les gens veulent quelque chose d'original, ils veulent de l'inspiration nouvelle. Fire passe beaucoup en radio, et c'est génial, il récolte des réactions assez incroyables, parce que ce n'est pas un single pop habituel, c'est de l'indie. C'est super. Je pense que c'est très positif. Je veux continuer à ne pas suivre le troupeau. Nous ne serons jamais un groupe comme les autres.

Vous n'avez donc pas subi de pression de la part de Columbia ?

Bien sûr que si! Ils s'attendront toujours à ce que j'écrive un bon gros single, mais je ne le ferai pas, ce n'est pas mon genre. J'écris juste pour épater les gens, je n'écris pas pour devenir U2. Ça ne m'intéresse pas. Ce n'est pas mon ambition.

Lorsqu'on écoute l'album, on a l'impression que les chansons les plus « heav y» sont au début, et les chansons plus calmes à la fin...

Oui, c'est comme le jour et la nuit. Ça nous a pris beaucoup de temps pour décider de l'ordre des chansons. Jusqu'à ce qu'on mette Underdog au tout début, on était un peu perdu. Je voulais que ce soit un album entier, pas juste des chansons mises bout à bout. Je voulais un album comme avant avec une Face A et une Face B. Plus personne ne fait de véritables albums de nos jours. En fait notre album comporte trois parties : au début il y a Underdog, Where Did All The Love Go, Swarfiga et Fast Fuse qui composent le Premier Acte. Ensuite on trouve Thick As Thieves, West Rider et Take Aim qui ont un feeling un peu Mexicain, un peu Latino. Et puis l'album se termine sur une touche très sereine. J'ai insisté pour que Fire soit vers la fin du disque, parce que tout le monde met les singles au début des albums, c'est banal. Donc on a pensé à tout en tant qu'un album entier.

Vos clips vidéos ont toujours l'air très travaillés. À quel point est-ce important pour vous ?

Encore une fois, c'est ce que je disais tout-à-l'heure, la plupart des groupes semblent se soumettre au bout d'un moment, et ils laissent d'autres gens décider à leur place de ce qu'il faut faire. Ils se mettent à penser « Oh, surtout il ne faut choquer personne ! » Moi, je suis très fier de tout ce que je fais : les pochettes de disques, les visuels du groupe, les clips vidéo, la musique, les concerts. Tout ça sort directement de mon cœur. Je veux que les gens soient toujours interpellés. Quand on fonctionne comme ça, il y a parfois des moments où ça ne plaît pas. Parfois même nos propres fans peuvent se demander « Mais que se passe-t-il ? » , mais au moins ça leur donne de quoi réfléchir.

Parle-moi du clip de Vlad The Impaler, qui met en vedette Noel Fielding de The Mighty Boosh...

C'est un ami à nous. Le personnage qu'il joue dans le clip est assez similaire à un des personnages de sa série, le Faucheur, celui qui est tout vert avec un œil en forme de bonbon Polo Mint. Mais dans notre clip, il joue un serial killer. C'était l'idée de Richard (Ayoade, le réalisateur), quand il a entendu la chanson, il a pensé à un de ces vieux films d'horreur de série B. On a pensé qu'on pouvait en faire une sorte de bande-annonce pour l'album, en deux minutes. On voulait vraiment faire un de ces vieux films qu'on peut trouver en VHS dans les vide-greniers.

Le morceau Underdog figure dans une publicité pour le Sony Bravia...

(Très excité) C'est Kaka ! Kaka le footballeur. Dès qu'on a su qu'il allait être dedans, on a dit oui !

Vous avez également plusieurs de vos chansons qui figurent dans des jeux vidéo. C'est volontaire de votre part ?

De nos jours, c'est très dur pour un groupe comme nous de se faire connaître. Et ce genre de support a un très large public. Il est distribué dans le monde entier. Les groupes comme nous ont rarement l'occasion de se faire entendre dans le monde entier.

Le groupe existe depuis plus de dix ans. Quel bilan tires-tu de cette décennie ?

Depuis 1996... Je me sens très bien où je suis! J'ai toujours eu de grandes ambitions pour le groupe. J'ai toujours su qu'on réussirait. Quand on a commencé tout était un peu triste, et on voulait secouer un peu tout ça. Il fallait que quelqu'un le fasse!

Où vois-tu le groupe dans dix ans ?

Je n'en ai aucune idée! Mais c'est ça qui est bien avec Kasabian. On peut faire n'importe quoi. J'aime à penser qu'on ne sera pas là où tout le monde nous attend, et au moins on essaiera de garder un élément de surprise. Je ne veux pas qu'on devienne prévisible.

C'est une de tes craintes, de devenir prévisible ? As-tu d'autres projets ?

Oh oui! Mais je ne pense pas que ça m'arrivera, de devenir prévisible, parce que je ne le suis pas dans ma personnalité. J'aimerais bien enregistrer une bande originale de film. On ne me l'a encore jamais proposé, mais j'adorerais le faire.

Et ce soir, vous jouez au Trabendo !

Paris a toujours été une très bonne ville pour nous. On a toujours fait des concerts mémorables. Alors ça va être énorme ce soir ! Les billets se sont vendus très vite, on aurait très bien pu jouer une salle plus grande. Mais nous reviendrons en septembre !