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The Cribs

Interview publiée par Anne-Line le 3 octobre 2009

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C'est dans les coulisses de l'Album de la Semaine que Sound Of Violence est allé rencontrer les Cribs, pour parler de la sortie de leur quatrième album Ignore The Ignorant, sur lequel ils se sont adjoints les services d'un invité de marque en la personne de Johnny Marr. Pendant une heure, les frères Jarman et le virtuose mancunien évoqueront leur rencontre, leur collaboration, leur vision du monde, et engloutiront des paquets entiers de carambars et de chips. Entretien à bâtons rompus et indice glycémique élevé.

Pour commencer, pourriez-vous nous expliquer d'où vient ce titre, Ignore The Ignorant, et ce qu'il évoque ?

Gary : Il est très second degré.
Ryan : C'est un slogan très fort. Je l'ai écrit sur le coin d'un cahier et la chanson s'est construite autour. C'est une phrase qui peut paraître violente, mais ça veut juste dire qu'il faut se tenir éloigné des choses que l'on n'aime pas.
Johnny : Ce qui est bien avec ce slogan, c'est qu'il est universel. La plupart des gens qui écrivent des paroles n'aiment pas trop les analyser ensuite, pour laisser libre court à l'imagination de l'auditeur. Je ne demande pas vraiment aux garçons [Ryan et Gary] la signification de leurs paroles, je me fais mes propres idées, on ne débat pas là-dessus. Moi je pense que Ignore The Ignorant, et ce n'est que mon interprétation personnelle, ça ne veut pas juste dire qu'il faut ignorer les gens différents de soi. On peut tous avoir de temps à autre des opinions inconsidérées. Alors il faut être conscient de sa propre ignorance avant de critiquer celle des autres.
Gary : En fait ce n'est pas censé être un slogan très profond. Comme tout bon slogan, on peut coller dessus ce que l'on veut.

Johnny, tu ne participes pas du tout à ce côté-là de l'écriture ?

Johnny : Non. Je laisse ça à Gary et Ryan. Quelque part ça rajoute à la beauté de notre collaboration, ça permet de garder une part de mystère. C'est comme ça que j'aime travailler. C'est vrai que quand on écrit tout seul, on a cet immense sentiment de fierté lorsqu'une chanson est terminée. Tandis que lorsqu'on écrit à plusieurs, on est toujours surpris. C'est une chose qui est très importante, je trouve. Quand je vois que de nos jours, tout le monde veut tout savoir des célébrités, leurs goûts musicaux, les lieux qu'ils fréquentent, leurs convictions intimes... ça me fait penser qu'il est important de garder un élément de mystère sur les gens. Donc pour cet album j'ai aimé le fait de ne pas savoir d'où venaient les paroles.
Ryan : On aime bien que les choses ne soient pas trop transparentes. S'il n'y a plus rien d'au moins un peu opaque, c'est dommage.
Johnny : Ce que j'apprécie chez eux, c'est que c'est toujours très poétique, avec un côté très urbain. C'est le genre de paroles que je préfère, ce côté un peu Ray Davies, voire un peu Richard Hell. Ryan et Gary ont une façon d'écrire des paroles qui, tout en étant ancrées dans le quotidien, restent très poétiques. Ça rend le monde un peu plus poétique et le poétique un peu plus familier.

 

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C'est une situation assez particulière quand même, de voir quelqu'un comme Johnny, avec une carrière significative, intégrer un groupe relativement novice comme les Cribs...

Johnny : On ne savait pas, au début, qu'on allait finir par travailler ensemble. Ma rencontre avec Gary a été très naturelle, d'un point de vue amical. Ç'a été une sorte de soulagement pour moi, je me trouvais à Portland et je n'avais pas beaucoup d'amis, alors quand je suis tombé sur Gary, on a accroché. On vient du même coin [le nord de l'Angleterre], on a beaucoup de choses en commun, et ensuite j'ai rencontré Ryan et Ross, l'amitié est née naturellement. À aucun moment on a pensé qu'on travaillerait ensemble, et puis tout est arrivé d'un coup, c'était presque absurde. La première fois qu'on a jammé ensemble on s'est retrouvé avec une chanson au bout de quinze minutes. Personne ne s'y attendait. Ross m'avait dit « Tu sais parfois quand on répète, il arrive que la sauce ne prenne pas et qu'on n'en tire rien du tout ». Ce n'était pas grave. On était juste parti pour jammer entre potes.
Ryan : Tout a été très simple. On ne s'était pas du tout dit qu'on allait jouer ensemble, et un jour c'est arrivé. On a continué parce que justement c'était plus simple et qu'on s'amusait ensemble.

On sent bien sur cet album que vous avez eu du plaisir à jouer ensemble, on a l'impression que vous ne vouliez jamais vous arrêter !

Gary : On a écrit énormément de chansons d'un coup. On n'a eu aucun complexe, on ne s'est pas fixé de règles. Ryan s'est mis à écrire comme un fou de peur que le moment ne passe et qu'on perde notre élan.

Mis à part le côté purement géographique, qu'est-ce qui vous a rapproché lors de votre rencontre ?

Johnny : Le punk. Le punk de la fin des années 70. Et toute l'idéologie derrière cette musique. C'est devenu en quelque sorte un sujet de spécialiste.
Gary : Et aussi l'excitation. L'excitation qu'on peut avoir quand on est un enfant et qu'on découvre les choses. On était aussi excités que la première fois qu'on a découvert la musique et les groupes. On a découvert qu'on avait eu les mêmes expériences. Être dans un groupe ça implique beaucoup plus que l'aspect purement musical.
Ryan : C'est ce que Johnny veut dire en parlant du punk, c'est un aspect culturel assez large.
Ross : Toutes ces petites choses qui font de toi qui tu es, qui peuvent paraître insignifiantes, on s'est rendu compte qu'on les avait en commun.
Ryan : Jusqu'à maintenant on était une petite entité assez fermée, et maintenant on est quatre. Mais on a tous le même genre de convictions. Si on n'avait pas ressenti ce genre de connexion, on aurait jamais pu faire un groupe ensemble.
Gary : Quand tu es dans un groupe avec tes frères tu sais très bien que tu es sur la même longueur d'ondes. Si tu prends quelqu'un d'autre, ce n'est pas par hasard.

À quel moment avez-vous su que vous alliez accueillir quelqu'un d'autre ?

Gary : On ne l'a pas vraiment su. On a rencontré Johnny au moment où on finissait la tournée de l'album précédent. Encore une fois quand on s'est mis à jouer ce n'était que pour le fun, et puis c'est devenu de plus en plus important. On ne l'avait pas du tout planifié, on n'était pas à la recherche d'un nouveau guitariste. On était bien dans la dynamique qu'on avait avant. Quand Johnny est arrivé, il n'a pas perturbé cet équilibre.

Que vous a-t-il apporté concrètement ?

Gary : De la texture. Dans un trio, on est obligé de tout miser sur la puissance. Avec un nouvel élément, surtout un joueur aussi doué que Johnny, on a la possibilité d'explorer d'autres aspects.
Ross : Rien que le fait d'avoir une autre personne dans la salle de répète, ça permet de faire rebondir les idées différemment.
Ryan : C'est toujours plus intéressant d'avoir quatre personnes pour échanger des idées que trois. C'est plus stimulant. On a fait trois albums en tant que trio alors c'était excitant d'avoir une autre personne. Non pas qu'on courait le risque de se répéter. Quand tu formes un groupe, tu cherches à être avec des gens qui te donnent sans cesse des idées qui vont te plaire et te stimuler. C'est ce qu'on a ressenti avec Johnny.

Et toi Johnny, que t'ont-ils apporté ?

Johnny : J'aimais beaucoup les Cribs avant. Je m'intéresse à beaucoup de groupes, mais j'aimais spécialement les Cribs. J'aimais leur musique, leurs paroles... De rencontrer d'autres musiciens qui te comprennent quand tu parles de par exemple Subway Sect ou des Buzzcocks... Ça faisait tellement longtemps que je n'avais pas eu ce genre de conversation avec un musicien. C'est vraiment le genre de choses auxquelles je pense la plupart du temps, alors de pouvoir partager ça avec Gary, et aussi Ryan et Ross, c'est important. Le défi c'était d'arriver à faire de la musique qui nous plaise autant que les soirées qu'on passait ensemble. Pour moi, les Cribs sont beaucoup plus que juste « Le groupe dans lequel il y a Johnny Marr » ! Ce que je fais de ma carrière de musicien, je le prends très au sérieux. Je me suis dit que si les Cribs avaient besoin d'un nouveau guitariste, je saurais exactement ce qu'il leur faudrait. J'étais l'homme de la situation, indépendamment de ce que j'ai pu faire dans ma carrière auparavant. Mais je n'ai pas non plus pris cette décision à la légère, je sais qu'être dans un groupe c'est un engagement à temps plein. J'ai d'ailleurs beaucoup de mal la plupart du temps à trouver des gens qui soient aussi sérieux que moi, par rapport à la musique. Les gens qui se croient en vacances tout le temps, très peu pour moi. Je tiens à être signé sur un label pour travailler. D'ailleurs quand je suis arrivé à Wichita pour signer avec les Cribs, je me suis dit que c'était le meilleur label du monde. Je connaissais certaines signatures de ce label et c'est un honneur d'en faire partie maintenant. Il n'y a que des choses positives à être dans ce groupe.

En quel sens être en Amérique a-t-il influencé votre travail ?

Johnny : Récemment l'Amérique, et spécialement Portland, en Oregon, sont devenus une partie intégrante de ma vie. Ça fait partie des choses que j'ai en commun avec les Cribs.
Gary : Quand on y pense, c'est assez drôle que nous ayons grandi à environ une demi-heure de route de chez Johnny en Angleterre, et puis qu'on finisse par se rencontrer à l'autre bout de la Terre. C'est un très étrange concours de circonstances. On a eu beaucoup de chance.
Johnny : Comme j’ai mon propre passé et que les Cribs ont le leur, ça nous a permis de partir de zéro. Ça nous a permis de nous libérer de l’attention constante qui existe envers moi par rapport aux disques que j’ai pu faire auparavant. On a pu débuter comme un véritable groupe.
Gary : Ça nous a fait du bien de nous éloigner de l’Angleterre pendant un moment. Tout était devenu tellement pénible. Tous ces groupes… et tous en train de rechercher quelque chose de complètement différent de nous. La scène est vraiment gangrenée, par tous ces gens qui recherchent le succès commercial…

Certains de ces groupes, comme par exemple Kaiser Chiefs, sont pourtant vos amis… Vous avez débuté ensemble, vous faisiez des tournées ensemble, et maintenant ils font les stades…

Gary : Oui… mais je veux parler de groupes qui ont pu venir après eux, qui ont voulu les imiter. Je déteste cet état d’esprit. Maintenant tout est pourri. Ça nous a fait énormément de bien de nous éloigner de tout ça, nous n’avons jamais cherché à en faire partie.
Ryan : C’était vraiment un bon bol d’air.
Johnny : Moi ce n’est pas vraiment ça qui m’a dérangé… J’aurais très bien pu rester en Angleterre… Mais les Cribs ça les touche parce que c’est le milieu dont fait partie Ryan.
Gary : On dirait vraiment l’époque de la Britpop, tous ces gens qui courent après la gloire. Plus personne n’a cette fierté d’être punk et de se suffire à soi-même. Tout le monde veut faire partie du système. Ça me fait de la peine de voir des gamins de dix-huit ans qui débutent et tout ce qu’ils veulent, c’est gagner des gros sous, tout de suite. On s’est retrouvé au milieu de tout ça, sans le vouloir, mais ça ne nous représente pas du tout. Ça nous a fait du bien de nous isoler de tout ça, et de pouvoir respirer.
Johnny : C’est vrai, c’est très similaire à l’époque de la Britpop, quand tous ces groupes se revendiquaient des Smiths, et que moi je ne le reconnaissais pas du tout… J’aime toujours l’Angleterre, mais il y a quelque chose dans la scène du North-West qui est tellement rafraîchissant. Quand j’ai découvert des groupes comme Quasi, ou Modest Mouse… Je me suis dit qu’il y avait des possibilités ailleurs qu’en Angleterre.
Gary : Là-bas [à Portland] personne ne se soucie de qui est le nouveau groupe anglais qui crée la hype. Et ça tombe bien, parce que nous non plus.
Johnny : C’est une question d’idéologie. Nous avons trouvé qu’avec les Cribs nous avions ça en commun.

Ça semble être un sujet qui vous tient vraiment à cœur, l’idéologie indie… Dans tous les articles que j’ai lus sur vous, vous ne parlez que de ça...

Gary : En quelque sorte, oui. Parce que je ne vois pas pourquoi on nous associerait à ce monde-là [le showbiz], juste parce qu’on a vendu quelques disques. C'est de la faute aux médias anglais, ils nous présentent comme des petits cons moralisateurs, alors qu'en fait, on ne déteste personne. Tout ce qu'on dit, c'est qu'on ne fait pas partie du même monde que par exemple Madonna, même si on est dans les charts. C'est sans doute le contraste avec d'autres groupes qui ont toujours voulu être connus. C'est assez frustrant qu'on nous résume à ça, c'est presque une caricature. Je ne suis pas un boutonneux asthmatique qui porte une parka avec des badges et qui n'achète que du vinyle. La seule différence c'est qu'on n'a jamais voulu être connus, on voulait juste être un bon groupe. On n'est pas des révolutionnaires, on ne se bat contre personne. En ce moment on est dans le Top 10 en Angleterre, mais on n'en a pas honte. La seule différence c'est qu'on est arrivé là par d'autres moyens.
Johnny: Avoir du succès ça ne veut pas dire forcément être mauvais. Il y a beaucoup de groupes géniaux qui ont beaucoup de succès.
Gary : Regarde Oasis. Depuis la Britpop les gens s'imaginent qu'ils peuvent être un groupe de rock et gagner plein d'argent.
Johnny : Les gens veulent être le prochain meilleur groupe du monde.
Gary : En général ils finissent par être le groupe le plus ennuyeux du monde. Pour moi le meilleur groupe du monde ne peut pas avoir du succès. Avoir du succès, c'est plaire à la masse, et la masse ne s'y connaît pas tant que ça.
Ryan : On ne verra jamais Thom Yorke dire « Nous sommes le meilleur groupe du monde ».
Johnny : De plus la plupart du temps quand la presse parle des Cribs ça donne l'impression qu'ils ont envie de dominer tous les autres...
Gary : ...alors qu'en fait, c'est le contraire ! Nous, on ne cherche à dominer personne. Justement on est le contraire de tous ces groupes à l'ego surdimensionné. On n'est pas aussi arrogants. On n'attaque personne. On est juste différents.
Ryan : J'espère que ce n'est pas l'image que les gens vont garder de nous.
Gary : Quand on y pense, la génération d'aujourd'hui a grandi à l'époque de la Britpop. Et dans les sept ou huit dernières années il y a eu une sorte de Renaissance dans le rock anglais. Alors les mecs se mettent à agir comme ils ont vu les « Britpopeux » agir à l'époque, avec toute cette idolâtrie de l'Union Jack et compagnie.

Vous devez vous sentir mal dans les cérémonies de remises de prix…

Gary : Ce n’est pas notre environnement naturel, non.
Johnny : C’est tellement factice. Je n’y assiste pas beaucoup en général. Quand on va aux Grammy Awards ou aux Oscars, on sait à quoi s’attendre. Mais quand on va dans des cérémonies soi-disant « alternatives » et qu’on se retrouve avec un tapis rouge, des tables avec des noms de starlettes dessus… [Johnny fait allusion aux NME Awards, cérémonie où Ryan a eu un grave accident l’année dernière, en s’ouvrant l’abdomen sur des flûtes à champagne.] On pense assister à quelque chose de la contre-culture, et en fait tout est aseptisé.

 

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Johnny, dans tes différents projets, il t’arrive rarement d’être le leader. Comment l’expliques-tu ?

Johnny : Honnêtement, à la fin des Smiths, je savais que je n’arriverais jamais à reformer un autre groupe. Quand on est le chanteur, et qu’on démarre un autre projet, même si on arrive à sortir le meilleur album qu’on ait jamais fait, on sera toujours comparé au groupe qu’on avait avant. J’ai toujours eu énormément de chance dans ma carrière, dernièrement avec deux groupes fantastiques, Modest Mouse et les Cribs, qui m’ont invité à les rejoindre. J’ai appris à me faire à cette situation quand j’ai atteint la trentaine. Quand les Smiths se sont séparés, j’ai pensé à me reconvertir dans des choses complètement différentes, par exemple des musiques de film. J’y ai sérieusement pensé parce que je ne voulais pas que les Smiths me pèsent et que je finisse par regretter ou par renier le souvenir du groupe. Il m’est arrivé de refuser des ponts d’or pour rentrer dans certains groupes. Je ne citerais pas de noms, ce serait mal poli. Je fais juste de mon mieux pour éviter d’être une parodie de moi-même.
Gary : Le pire que Johnny aurait pu faire c’est d’essayer de recréer ce qu’il faisait dans les Smiths, pour donner aux gens leur dose de satisfaction. Au lieu de ça, il a fait plein de choses différentes, tout en maintenant une certaine qualité. Johnny : Quelque part j'ai toujours su que lorsque j'arrêterai ça [être dans des groupes], j'arrêterai vraiment tout. Je ne vais pas me reconvertir en producteur, je ne vais pas monter un label, ni rien. Je vais disparaître.
Gary : Ce que Johnny veut dire, c'est que la plupart des gens du milieu de la musique sont obsédés uniquement par ça. Ils veulent « être dans le milieu » coûte que coûte. Peu importe le moyen. Ils ne réalisent pas qu'il y a une vie en dehors de ça.
Ryan : Être dans un groupe, ça demande beaucoup d'efforts, mentalement et émotionnellement. Ça peut être épuisant. C'est comme quand on est un sportif de haut niveau, au bout d'un moment on ne peut plus continuer. Après il faut penser à se reconvertir, sans pour autant rester dans le même milieu. Cependant même si je sais que je pourrais très bien vivre une vie en dehors du milieu, je pense que je continuerais à écrire des chansons. Et puis comme ça je me retrouverais avec un tas de chansons que j'aurais envie de sortir, et paf, je me retrouverais replongé là-dedans.
Johnny : Il faut que les gens réalisent qu'il est possible de faire de la musique sans tout ça, les interviews, les médias et tout le reste. Moi je suis juste là pour jouer de la guitare. Je me vois très bien sortir de l'industrie de la musique, mais je ne m'imagine pas arrêter de jouer de la guitare. La guitare, c'est la seule chose qui m'occupe l'esprit. Tout le côté, promotion, interviews, couvertures de magazines, ça ne m'intéresse pas.
Gary : Tandis qu'il y a certaines personnes qui commencent à jouer de la guitare uniquement pour entrer dans ce jeu. Ils ont déjà tout ce côté-là en tête. C'est pour ça qu'il y a toutes ces émissions de téléréalité maintenant. Les gens veulent être célèbre juste pour être célèbre. Il n'y a rien d'autre derrière. C'est du vent. Et puis ils ne contrôlent rien, ils sont manipulés. Ils veulent être connus, alors ils sont prêts à tout. Moi tout ce que je veux, c'est jouer ma musique pour les gens et avoir cette communion avec eux. Ça ne me plairait pas d'être juste connu parce que j'ai eu ma tête à la télé. Parce qu'à ce moment-là, on a tous les inconvénients de la gloire sans les avantages. Je ne comprendrais jamais ça.
Johnny: À partir du moment où on devient connu en tant qu'artiste, il y a toujours le risque d'être perverti. Quand aujourd'hui je vois des chansons de Joy Division à la télé, ça me fait de la peine. Comme quand les Buzzcocks ont commencé à être dans les charts, ou les Smiths même. On perd toujours quelque chose. Bon, encore une fois, on n'a pas honte d'être dans les charts nous-mêmes. C'est juste qu'on ne se laisse pas contrôler par le système.
Gary : Je trouve que rechercher la célébrité, c'est juste de la mégalomanie et c'est très moche. Si tu deviens connu grâce à ton travail, c'est de la chance, et c'est très bien.
Johnny : En plus de nos jours, avec internet, n'importe qui peut ouvrir un blog et devenir une célébrité de la toile. Au début je pensais que les blogs, c'était quelque chose de positif, parce que ça permet à tout le monde de s'exprimer. Mais en fait, le revers de la médaille c'est que justement, ça met tout le monde au même niveau.
Ryan : On est dans une société hyperactive. Ce n'est plus comme avant quand on devait dénicher des disques et les découvrir au fur et à mesure. Aujourd'hui les gamins téléchargent un truc et quand ils en ont marre, ils l'effacent.
Gary : Plus personne n'a de respect pour le travail de l'artiste. Plus personne ne s'intéresse à l'artwork, à ce qui fait de l'artiste qui il est. Ce n'est pas juste de la nostalgie du vinyle de dire ça. Le travail de l'artiste prend une importance secondaire par rapport à d'autres aspects. Et c'est ça qui est dommage, plus que la disparition effective du format physique, c'est la valeur du travail artistique qui disparaît. On va vers une disparition du format album. On ne passera plus de temps à se demander quel morceau doit aller après quel morceau sur le disque. Il n'y aura plus la notion d'œuvre d'art. La musique est de plus en plus dévaluée, et on entre dans une logique d'accumulation. Plus on a de chansons sur son ordinateur, plus on est content. Chouette, j'ai un million de morceaux. Ça n'a aucun intérêt, parce que si tu as un million de chansons, tu ne les connais pas toutes. Normalement, tous les quinze à vingt ans, il y a un groupe qui apparaît et qui devient le fer de lance d'une génération. Et là ce qu'on voit, c'est que dans quinze ans l'industrie de la musique va disparaître. C'est dingue.
Johnny : Pour en revenir à l'album, quand on l'a écrit, on ne s'est pas arrêté avant de sentir que la collection de chansons était complète et cohérente. On y pensait vraiment en tant qu'album, et pas en tant que singles potentiels. On n'est pas dans l'opposition entre morceaux-singles et morceaux non-singles. Les morceaux qui ne sortent pas en single ont autant de valeur que les singles. Quand on est jeune, on a envie d'écouter que les chansons accrocheuses. Moi ça m'a passé, je m'intéresse à tout. Ma chanson préférée sur cet album est sans doute Stick To Yr Guns, la chanson lente tout à la fin. Les gens ne vont sans doute télécharger que les singles, c'est comme ça.
Gary : Les gens agissent comme ça par commodité, parce que c'est une manière plus facile de consommer la musique, mais les côtés négatifs de la perte de la valeur artistique sont plus importants que les avantages.
Johnny : Je suis un idéaliste et je pense quand même qu'il y aura toujours au moins un petit groupe de gens qui penseront comme moi.

[Sur ce nous sommes interrompus par des impératifs d'emploi du temps]

Pour finir Johnny, je peux te demander ce que tu penses de la situation d'Oasis dernièrement ?

Johnny : Le fait qu'ils se soient séparés ? Ce n'est pas la première fois que j'entends ça. Ils font tout le temps ça. Ça doit être dur d'être dans un groupe avec une personne que tu as du mal à supporter. Mais ils sont frères, ils vont s'en sortir. Tu vas voir, dans deux ans, ils vont refaire un album!