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Delphic

Interview publiée par Fab le 5 janvier 2010

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Après une année de gestation, Delphic. publient en ce mois de janvier leur premier album, Acolyte, sur le label électronique Kitsuné. Au croisement des genres, les trois mancuniens nous expliquent leur approche artistique et reviennent sur un parcours ascendant...

Après plusieurs singles, vous voici en plein milieu de la campagne promotionnelle pour votre premier album. Comment le vivez-vous ?

Richard : Nous sommes plutôt occupés ces temps-ci. Des journées de promotion, quelques concerts, filmer des vidéo clips... et très peu de sommeil, trop peu même ! Ces jours-ci James a la tête de quelqu'un qui n'aurait plus passé une nuit normale depuis deux mois (rires) !
Matt : Notre album, dont l'enregistrement a pendant très longtemps été notre seul et unique objectif, est terminé depuis le mois d'octobre. Nous avons sorti quelques singles et donné beaucoup de concerts depuis nos débuts mais c'est maintenant que les choses sérieuses commencent.

Vos premiers pas ensemble remontent à quelques années auparavant au sein de Snowfight In The City Centre. A quel moment la transition vers Delphic. s'est-elle opérée ?

Richard : James n'était pas un membre à part entière de ce groupe, il jouait seulement de la guitare avec nous lors des concerts. A un moment donné, alors que le groupe commençait à se faire un nom, nous avons dû prendre une décision quant à la suite des opérations. Un soir, après avoir joué en première partie des Kings Of Leon pour la sortie de leur troisième album, nous avons compris que la voie que nous avions alors choisie n'était pas la bonne pour nous. Lorsque tu as la chance d'approcher un groupe aussi bon dans son domaine, tu peux d'une certaine manière ressentir en quoi il est meilleur que beaucoup d'autres. Il est devenu évident à cet instant que la musique que nous jouions avec Snowfight In The City Centre ne nous correspondait sans doute pas autant que nous voulions bien le croire. A quoi bon tenter d'obtenir un contrat avec une maison de disques si tu n'es pas pleinement convaincu que ton groupe est bon pour toi ?
Matt : Nous avons alors cessé l'aventure avec Snowfight In The City Centre pour proposer un autre type de musique. C'est ainsi que nous avons proposé à James de se joindre à Richard moi et que Delphic. est né.

Le line-up vous est immédiatement apparu comme une évidence ?

Richard : Nous constitutions tous les trois la base du groupe, mais Dan Theman est toujours à nos côtés à la batterie lors des concerts.
James : Nous ne lui avons pas encore donné toutes les autorisations nécessaires... ni son pass de membre officiel du groupe (rires) ! Pour être juste, il faut préciser que sans lui jamais notre son en live ou en studio ne se serait développé de cette manière. Il apporte une sensibilité très organique à nos chansons, une touche d'humanité permettant de contrebalancer l'utilisation de tous nos outils numériques.
Richard : Avant même de recruter Dan nous avions besoin d'une batterie pour écrire nos chansons. L'un de nous trois jouait donc de cet instrument quand cela était nécessaire. Il aurait bien sûr été possible d'utiliser un ordinateur pour pour remplacer les percussions mais notre vision de Delphic. nécessitait impérativement un être humain derrière cet instrument. Beaucoup de groupes jouant de la musique électronique préfère utiliser les machines mais ce n'était pas une option pour nous.

Pouvez-vous m'en dire plus sur votre nom ? Le terme Delphic. reste assez mystérieux...

James : C'est une bonne chose alors, c'est l'effet voulu (rires) !
Matt : Nous voulions effectivement un nom avec une part de mystère. C'est un mot court et facile à prononcer, tout le monde peut le retenir après l'avoir entendu la première fois. D'un autre côté, je pense aussi que ce nom s'accorde plutôt bien avec notre musique.

Après avoir sorti une poignée de singles, vous avez rejoint Kitsuné de manière durable pour votre album. C'est un choix assez logique pour un groupe tourné vers l'électronique...

Matt : Notre collaboration avec eux s'était très bien passée pour notre précédent single... mais peut-être que nous les avons aussi choisis parce qu'ils nous ont donné de l'argent (rires) ! Pour répondre sérieusement, Kitsuné est un label reconnu pour la qualité de ses groupes, qui plus est en faisant preuve d'une certaine intégrité. Pour un groupe de musique électronique, le seul fait d'être signé chez Kitsuné apporte une vraie plus-value, mais il ne faut pas s'arrêter à ce nom. Les personnes travaillant pour ce label sont passionnées et très investies dans leur travail. Leur vision artistique ne s'arrête pas uniquement à la musique mais englobe tous les domaines proches au groupe.

Vous êtes originaires de Manchester et la presse vous présente depuis près d'un an comme l'une des nouvelles formations les plus prometteuses de la ville. Comment cette étiquette a-t-elle influencé votre évolution ?

Matt : C'est un fait que l'on nous répète sans cesse mais nous lisons tellement peu la presse que nous n'en avons pas vraiment conscience. Ce genre de choses est plutôt flatteur mais n'a jamais eu le moindre impact sur nous jusque là et je ne pense pas que cela sera le cas dans le futur. L'album a été écrit et enregistré il y a quelques mois, et quoiqu'il arrive maintenant, que la presse nous encense ou non, cela ne changera pas les chansons.

L'attente est malgré tout amplifiée lorsque les compliments se multiplient, n'avez-vous pas ressenti de pression supplémentaire liée à cela ?

Matt : Non, aucune pression n'a découlé de ce que la presse ou l'industrie de la musique a pu dire sur nous... mais je sais que la pression va venir de nous-mêmes dans les prochains mois. Cet album était une première étape mais il nous reste encore beaucoup à faire. Les tournées vont s'enchaîner désormais, nous allons devoir continuer à écrire de nouvelles chansons pour nos prochains disques tout en faisant évoluer le groupe dans la bonne direction. Il nous faudra relever ces défis, c'est de là que viendra la pression.

L'évolution de votre musique durant les douze derniers mois, notamment depuis votre premier concert en France avec Bloc Party, est déjà très marquée. En avez-vous conscience ?

Richard : Cette tournée en Europe avec Bloc Party était la première pour nous, et beaucoup de nos chansons n'étaient pas encore rodées à cette époque. Nous cherchions tous les soirs à faire évoluer notre set et à apporter des retouches pour améliorer nos concerts, en augmentant l'importance de certains instruments ou en utilisant de nouvelles sonorités. L'enregistrement d'un album est un processus égoïste mais les concerts doivent avant tout donner du plaisir du public, il faut donc les utiliser pour améliorer ce qui peut l'être et observer les réactions.
Matt : Il faut sans cesse trouver l'équilibre entre l'expérience et la performance. Certains groupes comme Sonic Youth ou My Bloody Valentine misent beaucoup sur la technique alors que d'autres comme Take That ou Lady Gaga proposent de vrais spectacles... et notre rôle est de trouver le juste milieu.

La manière de jouer vos chansons en live a-t-elle eu un impact sur l'écriture même des chansons ?

Matt : Absolument pas, et je pense que cela aurait été une erreur. Certaines chansons peuvent être achevées en studio alors que d'autres évoluent au gré des concerts...
Richard : La plupart du temps nos chansons en sont encore au stade hybride lorsque nous commençons à les jouer lors des concerts. Il n'est pas rare qu'au bout d'un an une nouvelle composition en soit encore à l'état de démo.

L'enregistrement de l'album vous a amenés à Berlin afin de travailler avec Ewan Paerson. Pouvez-vous m'en dire plus sur cette expérience ?

Matt : La ville de Berlin, ou du moins l'image que nous avions d'elle, nous semblait en accord avec ce que nous voulions parvenir à créer sur ce disque. Avant de rencontrer Ewan Paerson nous avons enregistré quelques chansons avec deux autres producteurs mais il manquait toujours quelque chose pour que le résultat nous plaise vraiment. Avec lui, ces quelques détails ne posaient aucun problème. Certains producteurs reconnus comme Flood cherchent systématiquement à marquer les disques de leur empreinte, ce à quoi nous nous refusions. Le résultat aurait été le même avec Timbaland par exemple.
Richard : Nous voulions travailler avec un producteur capable de nous apporter son aide pour atteindre nos objectifs. Une fois qu'Ewan Paerson a pu assimiler notre vision de la musique, il a fait le nécessaire.
Matt : Il était très protecteur avec nous et il n'hésitait pas à nous rassurer dans les moments de doute. Nous lui avons fait confiance immédiatement.
Richard : Sa première mission lors de notre rencontre a été de produire un nouveau mix de Counterpoint, sans que nous l'enregistrions à nouveau. Je ne saurais pas dire de quelle manière il a travaillé mais le résultat était juste parfait. Il n'avait rien ajouté ou supprimé, juste organisé tous les éléments comme il le fallait. Il est entré dans nos têtes pour façonner la chanson selon notre volonté.

La ville de Berlin en elle-même a-t-elle influencé l'album ?

Richard : C'est une certitude. Nous avons vite trouvé nos marques là-bas, et la transition a été d'autant plus marquante en venant d'une ville comme Manchester. Je pense que l'ambiance que nous avons découvert nous a poussés à affiner notre musique en donnant une plus grande place aux sonorités électroniques. Nous avons mis en avant certaines subtilités.

Delphic. est considéré comme un groupe évoluant à la fois dans les domaines de la pop et de la musique électronique, où pensez-vous vous situer réellement ?

Matt : Cela dépend réellement des chansons... parfois la sensibilité pop l'emporte mais d'autres fois nos expérimentations électroniques prennent le dessus. Il est important de réussir à nous situer au milieu de tout cela car nous sommes au croisement de plusieurs domaines. On nous parle de pop ou d'electronica mais nous préférons l'expression post-dance pour définir notre musique.
Richard : Ou aussi testronica (rires) !
Matt : Nous ne tenons pas réellement compte de ces paramètres de manière générale. Lorsque nous écrivons une chanson, nous suivons notre instinct et nous voyons au final où cela nous a mené.

La plupart de vos chansons à dominante électronique restent malgré tout plus subtiles que celles de beaucoup d'autres artistes. Aucun titre de votre album ne pourrait sans doute devenir un tube en discothèque...

Matt : Nous n'écrivons pas nos chansons en nous fixant de limite en ce sens, mais notre processus créatif demande une longue phase de réflexion et de discussions. Comme beaucoup d'artistes que nous aimons, nous voulons créer une empreinte reconnaissable. Il serait certainement plus simple pour nous d'essayer de composer des chansons destinées à animer les dancefloors, en utilisant des boucles répétitives et des beats puissants, mais notre approche de la musique nous a toujours poussés à préparer un album cohérent et non une série de singles !
Le public a tendance à recherche l'inverse avec le développement d'Internet. Tu écoutes un extrait d'une trentaine de secondes sur iTunes et tu décides si oui ou non le groupe te plaît. Pour notre premier album, nous avons considéré le disque comme un ensemble censé être bon depuis la première note jusqu'à la dernière. Faire les bons choix pour arriver à ce résultat.
Richard : L'importance des singles n'a pourtant jamais été négligée. Nous sommes conscients du rôle de ces chansons et certaines sont clairement destinées à être publiées de cette manière. Notre volonté de construire un album ne devait pas nous pousser à n'enregistrer que des morceaux expérimentaux de dix minutes, il était aussi question de trouver une équilibre. Il faut atteindre une harmonie.
Matt : Notre musique a toujours laissé une grande place aux mélodies, peu importe le format des chansons. Il peut être très intéressant de partir d'un morceau pop et de le faire évoluer vers quelque chose de différent.
Richard : Nos artistes préférés, comme David Bowie ou Kraftwerk, ont toujours su incorporer une dimension pop à leurs chansons. Toujours dans l'intérêt du disque.

Vous citez David Bowie et Kraftwerk, mais le nom de New Order revient le plus souvent à votre propos...

Matt : Qui ça (rires) ?
Richard : Nous avons appris à vivre avec cette comparaison. Durant des mois les journalistes nous en ont parlé, mais maintenant que certaines personnes ont pu écouter notre album, cela ne leur semble plus aussi évident qu'auparavant. New Order est un groupe majeur, et je préfère que l'on nous rapproche d'eux plutôt que d'Embrace par exemple (rires) !
Matt : Ou Nickelback...
Richard : Peu importe les comparaisons, l'important est de toujours parvenir à faire ses propres choix sans être influencé. Notre premier album n'est pas encore sorti mais nous avons déjà une idée assez précise de ce que sera son successeur.
Matt : Pour un groupe de Manchester, être comparé à New Order est presque trop facile. Peut-être serions nous présentés comme les successeurs de The Human League si nous habitions Sheffield !
Richard : J'aurais aimé habiter Glasgow, nous serions les nouveaux Primal Scream (rires) !